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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/17279/2019

ACJC/428/2023 du 24.03.2023 ( SBL )

Recours TF déposé le 28.04.2023, rendu le 19.06.2023, DROIT CIVIL, 4A_224/2023
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17279/2019 ACJC/428/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 24 MARS 2023

 

Entre

A______ SARL, sise ______ [GE], recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le 3 mars 2023, comparant par Me C______, avocat, ______, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, sise ______ [ZH], intimée, comparant par Me Emmanuelle GUIGUET-BERTHOUZOZ, avocate, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


Vu, EN FAIT, que le 28 septembre 2020 A______ SARL a saisi le Tribunal d'une demande en paiement de 225'240 fr. avec suite d'intérêts moratoires dirigée contre B______, que cette dernière a conclu au déboutement de A______ SARL des fins de ses conclusions et formé une demande reconventionnelle en paiement, que A______ SARL a conclu au déboutement de B______ des fins de ses conclusions reconventionnelles;

Qu'à l'issue de l'audience du 25 mai 2021, le Tribunal a gardé la cause à juger sur les actes d'instruction requis par les parties;

Que, par ordonnance du 27 septembre 2021, il a ordonné la production de pièces puis un second échange d'écritures;

Qu'à la requête de A______ SARL, il a prolongé le délai fixé pour la réplique, puis, à celle de B______, celui fixé pour la duplique;

Que le 9 février 2022, A______ SARL s'est adressée au Tribunal pour requérir la suspension de la procédure, subsidiairement une prolongation à quatre mois du délai pour répliquer fixé au 15 février suivant, motif pris de ce que son conseil (soit l'un de ses associés gérants) était hospitalisé et dans l'ignorance de la date de la fin de son incapacité de travailler, qui courait en l'état jusqu'au 4 mars 2022;

Que B______ s'est opposée à ces requêtes;

Que par ordonnance rendue le 15 février 2022, le Tribunal des baux et loyers a annulé des délais qu'il avait fixés précédemment et fixé à A______ SARL un ultime délai non prolongeable pour répliquer au 25 mars 2022, dit qu'en cas d'absence d'écritures dans ce délai, la précitée serait considérée comme ayant renoncé à répliquer et fixé un délai à B______ pour dupliquer;

Que par arrêt ACJC/1276/2022 du 3 octobre 2022, la Cour a déclaré irrecevable le recours formé par A______ SARL contre l'ordonnance précitée; que la Cour a notamment retenu "que l'écoulement du temps dans la présente procédure de recours a eu pour effet que les délais fixés dans l'ordonnance entreprise sont également déjà échus";

Vu l'ordonnance rendue le 3 mars 2023 par le Tribunal des baux et loyers, rejetant la demande de suspension de la procédure formée par A______ SARL (ch. 1 du dispositif) et impartissant un délai au 31 mars 2023 à la précitée pour se déterminer exclusivement sur les allégués et conclusions amplifiées de B______ du 5 mai 2022 (ch. 2), la suite de la procédure étant réservée (ch. 3);

Vu le recours formé le 17 mars 2023 à la Cour de justice par A______ SARL contre cette ordonnance, sollicitant son annulation;

Que A______ SARL a conclu au renvoi de la cause en première instance, pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l'arrêt à rendre par la Cour et, subsidiairement, à ce que la Cour ordonne un second échange d'écritures, tel que fixé par ordonnance du Tribunal du 15 février 2022;

Vu la requête tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché à l'ordonnance querellée dont le recours est assorti, A______ SARL faisant en substance valoir subir un préjudice difficilement réparable, motif pris de ce que l'ordonnance querellée lui dénie "le droit de produire sa réplique dans le cadre du second échange d'écritures ordonné par le Tribunal"; que, par ailleurs, en rejetant sa demande de suspension de la procédure, le Tribunal lui refuse "le droit d'introduire des faits et moyens de preuve nouveaux en lien avec la procédure qui est actuellement pendante devant le Tribunal fédéral";

Qu'invitée à se déterminer, B______ a conclu, par écritures du 24 mars 2023, au rejet de la demande de suspension du caractère exécutoire de la décision attaquée;

Considérant, EN DROIT, que la décision entreprise est une ordonnance de suspension au sens de l'art. 126 al. 1 CPC;

Que la décision ordonnant la suspension de la cause est une mesure d'instruction qui peut, conformément à l'art. 126 al. 2 CPC, faire l'objet du recours de l'art. 319 let. b ch. 1 CPC;

Qu'en revanche, la décision de refus de suspension ne peut faire l'objet que du recours de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, le recourant devant démontrer le préjudice difficilement réparable résultant du refus de suspendre (arrêt du Tribunal fédéral 5D_182/2015 du 2 février 2016 consid. 1.3 et la doctrine citée), la cognition de la Cour étant limitée à l'appréciation manifestement inexacte des faits et à la violation de la loi (art. 321 al. 2 CPC);

Considérant que la décision entreprise est une ordonnance d'instruction, en tant qu'elle imparti un délai à la partie recourante pour déposer une détermination écritures sur les allégués et conclusions amplifiées de la partie intimée, et constitue une décision d'ordre procédural, qui entre dans la catégorie des autres décisions et ordonnances d'instruction de première instance (art. 319 let. b CPC) et qui est, par nature, exclue du champ de l'appel (Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 10, 14 et 15 ad art. 319 CPC; Tappy, in CPC commenté, n. 15 ad art. 229 CPC);

Qu'elle est susceptible d'un recours immédiat stricto sensu dans les dix jours à compter de sa notification (art. 321 al. 2 CPC), pour autant que le recourant soit menacé d'un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC;

Que la Cour examine d'office si les conditions de recevabilité d'un tel recours sont réunies (art. 60 CPC; Jeandin, op. cit., n. 9 ad art. 312 CPC; Tappy, Les voies de droit du nouveau Code de procédure civile in JdT 2010 III 115 ss, p. 141; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2225 p. 408; Chaix, Introduction au recours de la nouvelle procédure civile fédérale in SJ 2009 II p. 257 ss, p. 259);

Qu'en l'espèce, le recours a été formé dans le délai et selon la forme prévus par la loi (art. 130, 131 et 321 CPC);

Qu'il reste à examiner si la décision attaquée cause à la partie recourante un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie, en lien avec la notion de "préjudice irréparable" de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF : ATF 141 III 80 consid. 1.2; 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; Bastons Bulletti, Petit commentaire CPC, 2020, n. 10 ad art. 319 CPC);

Que la notion de «préjudice difficilement réparable», est plus large que celle de «préjudice irréparable» au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 137 III 380 consid. 2 = SJ 2012 I 73; arrêt du Tribunal fédéral 5D_211/2011 du 30 mars 2012 consid. 6.3; ACJC/327/2012 du 9 mars 2012 consid. 2.4);

Qu'ainsi, l'art. 319 let. b ch. 2 CPC ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable (y compris financière ou temporelle), pourvu qu'elle soit difficilement réparable; que l'instance supérieure devra toutefois se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement du procès (ATF 137 III 380 consid. 2, SJ 2012 I 73; 134 I 83 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5D_64/2014 du 17 juin 2014 consid. 1);

Que le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (Reich, Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], Baker & McKenzie [éd.], 2010, n. 8 ad art. 319 CPC);

Qu'une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue en principe pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, in Basler Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2ème éd. 2013, n. 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC);

Qu'il appartient d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1);

Que le recours ne suspend pas la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision entreprise, l'autorité de recours (soit la Cour de céans) pouvant suspendre le caractère exécutoire en ordonnant au besoin des mesures conservatoires ou le dépôt de sûretés (art. 325 CPC);

Que, saisie d'une demande de suspension de l'effet exécutoire, l'autorité de recours doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; qu'elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137 III 475 consid. 4. 1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_403/2015 du 28 août 2015 consid. 5; 5A_419/2014 du 9 octobre 2014 consid. 7.1.2; Jeandin, op. cit., n. 6 ad art. 325 CPC);

Que selon les principes généraux applicables en matière d'effet suspensif, le juge procèdera à une pesée des intérêts en présence et se demandera en particulier si sa décision est de nature à provoquer une situation irréversible;

Qu'elle prendra également en considération les chances de succès du recours (ATF 115 Ib 157 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_30/2010 du 25 mars 2010 consid. 2.3);

Que la requête d'effet suspensif concernant le recours contre une décision négative qui écarte une demande doit être considérée comme irrecevable, la requête étant dépourvue d'intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC; Colombini, Code de procédure civile, Condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n. 1.2 ad art. 325 CPC; cf. également Stucki/Pahud, Le régime des décisions superprovisionnelles et provisionnelles du code de procédure civile, in SJ 2015 II 1, p. 24; ACJC/786/2020 du 9 juin 2020, ACJC/393/2017 du 4 avril 2017);

Qu'en l'espèce, en tant que le recours porte sur le refus du Tribunal de suspendre la procédure (ch. 1 du dispositif), ce point contesté ne contenant aucun élément dont l'exécution devrait être suspendue, l'octroi de l'effet suspensif ne permettrait pas à la partie recourante d'obtenir ce qui lui a précisément été nié par le Tribunal;

Qu'en définitive, la requête de la partie recourante, dirigée contre une décision négative, sera déclarée irrecevable sur ce point;

Que l'existence d'un préjudice difficilement réparable est prima facie et sans préjudice de l'examen au fond, douteuse en tant que le recours porte sur le délai fixé par le Tribunal à la partie recourante pour se déterminer sur les conclusions amplifiées de la partie intimée;

Qu'en effet, la partie recourante soutient que le Tribunal, par ordonnances des 27 septembre et 5 novembre 2021, a ordonné un second échange d'écritures; que dites ordonnances lui confère un droit inconditionnel d'introduire des faits et moyens de nouveaux à ce stade de la procédure; que si un double échange d'écritures a été ordonné, les parties ne peuvent ensuite plus introduire sans restrictions des faits et moyens de preuve nouveaux;

Que le Tribunal a toutefois, par ordonnance du 15 février 2022, annulé les délais qu'il avait fixés précédemment et a fixé à la partie recourante un ultime délai non prolongeable pour répliquer au 25 mars 2022, dit qu'en cas d'absence d'écritures dans ce délai, la précitée serait considérée comme ayant renoncé à répliquer et fixé un délai à la partie intimée pour dupliquer;

Que le recours formé par la partie recourante contre cette ordonnance a été déclaré irrecevable, par arrêt de la Cour du 3 octobre 2022;

Qu'ainsi, il appartenait à la partie recourante de déposer sa réplique dans le délai fixé par l'ordonnance susmentionnée du 15 février 2022;

Que la jurisprudence (ACJC/1217/2022 du 1er septembre 2020) dont fait état la partie recourante ne lui est d'aucun secours; qu'en effet, il était question dans l'affaire qui a donné lieu à cet arrêt, d'une écriture de réponse déclarée irrecevable, sans qu'un délai supplémentaire ne soit imparti à la partie défenderesse, conformément à l'art. 223 al. 1 CPC; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors qu'il s'agit d'un second échange d'écritures;

Qu'ainsi, a priori, au vu des faibles chances de succès du recours, il se justifie dès lors de rejeter la requête de suspension de l'effet exécutoire attaché à la décision attaquée, s'agissant du chiffre 2 de son dispositif.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Présidente de la Chambre des baux et loyers :

Statuant sur la suspension de l'effet exécutoire :

Rejette la requête formée par A______ SARL tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché à l'ordonnance rendue le 3 mars 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/17279/2019.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE










 

 

 

 

 

 

 

 

 


Indications des voies de recours
:

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (137 III 475 consid. 1) est susceptible d'un recours en matière civile, les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 à 119 et 90 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.