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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/17044/2018

ACJC/387/2023 du 20.03.2023 sur JTBL/670/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.334.al1; CPC.128.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17044/2018 ACJC/387/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 20 MARS 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 15 septembre 2022, comparant en personne,

et

Monsieur B______ et Monsieur C______, domiciliés ______ [VD], intimés, comparant tous deux par Me Philippe GRUMBACH, avocat, rue Saint-Léger 6, case postale 181, 1211 Genève 4, en l'étude duquel ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/670/2022 du 15 septembre 2022, le Tribunal des baux et loyers a rejeté la demande en rectification expédiée le 24 mars 2022 par A______ à l'encontre du jugement JTBL/945/2020 (ch. 1 du dispositif), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 3).

Le Tribunal a considéré que le précité s'était plaint du mode de calcul appliqué par le Tribunal et la Cour dans leurs décisions respectives des 15 décembre 2020 et 14 février 2022, et non d'une erreur dans ledit calcul. La rectification sollicitée pouvant mener à une modification du contenu du jugement, elle devait être requise par la voie de l'appel, et non par une demande de rectification.

B. a. Par acte expédié le 3 octobre 2022 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Il a conclu à ce que la Cour procède à la rectification demandée.

b. Dans leur réponse du 9 novembre 2022, B______ et C______ ont conclu au rejet du recours et à la condamnation de A______ à une amende pour téméraire plaideur.

c. Par réplique du 23 novembre 2022, A______ a persisté dans ses conclusions. Il a produit de nouvelles pièces.

d. Par duplique du 10 janvier 2023, B______ et C______ ont persisté dans leurs conclusions.

Ils ont versé une pièce nouvelle.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 7 février 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Le 15 septembre 2016, A______, bailleur, et B______ et C______, locataires agissant conjointement et solidairement entre eux, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'une villa située chemin 1______ no. ______ à D______ [GE].

b. Par jugement JTBL/945/2020 du 15 décembre 2020, le Tribunal des baux et loyers a réduit de 20% du 3 janvier 2018 au 30 septembre 2019 le loyer de la villa en cause (ch. 1 du dispositif), a condamné A______ à reverser à B______ et C______ la somme de 38'160 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 20 août 2018 (ch. 2), a ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire la libération des loyers consignés en faveur de A______ (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

Dans ses considérants, le Tribunal a retenu qu'en raison de la présence de plusieurs défauts dans la villa, une réduction de 20% était justifiée, du 3 janvier 2018 au 30 septembre 2019, représentant 636 jours, soit un montant de 38'160 fr. (636 jours + 20% de 300 fr. (9'000 fr. : 30 jours)).

c. Le 28 janvier 2021, A______ a formé appel de ce jugement. Il a conclu à l'annulation des chiffres 1, 2 et 4 de son dispositif et à ce que la Cour déclare irrecevables les conclusions de B______ et C______, subsidiairement qu'elle les déboute de leurs conclusions, et plus subsidiairement encore qu'elle administre les preuves requises par ses soins et déboute B______ et C______ de toutes leurs conclusions.

d. Par arrêt ACJC/207/2022 du 14 février 2022, la Cour a confirmé le jugement entrepris.

Aucun recours n'a été formé au Tribunal fédéral contre cet arrêt.

e. Par acte expédié le 24 mars 2022, A______ a saisi le Tribunal d'une requête en rectification. Il a allégué que le jugement susmentionné comportait une erreur de calcul. Le chiffre 1 de son dispositif réduisait le loyer de 20% du 3 janvier 2018 au 30 septembre 2019 et son chiffre 2 le condamnait par erreur à verser à ses locataires 38'160 fr., en lieu et place de 37'684 fr., soit 20% du loyer de 9'000 fr. par mois sur une période de 21 mois moins deux jours.

f. Dans leur détermination du 13 mai 2022, B______ et C______ ont implicitement conclu au rejet de cette requête.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté contre une décision rejetant une requête en rectification ou interprétation d'un jugement (art. 334 al. 3 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, art. 321 al. 1 CPC), le recours (ATF 143 III 520 consid. 6.3) est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en droit et avec un pouvoir d'examen restreint à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (arrêts du Tribunal fédéral 5D_190/2014 du 12 mai 2015 consid. 2; 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).

2. Les allégués nouveaux et les pièces nouvelles sont irrecevables (art. 326 CPC).

Dès lors, les pièces nouvelles versées par les parties sont irrecevables. Elles ne sont en tout état pas déterminantes pour l'issue du litige.

3. Le recourant reproche au Tribunal de ne pas avoir fait droit à sa demande de rectification.

3.1 Aux termes de l'art. 334 al. 1 CPC, si le dispositif de la décision est peu clair, contradictoire ou incomplet, ou s'il ne correspond pas à la motivation, le Tribunal procède, sur requête, ou d'office, à l'interprétation ou à la rectification de la décision.

En revanche, la correction d'erreurs qui procèdent d'une mauvaise application du droit ou d'une constatation inexacte des faits doit être effectuée par la voie d'un recours (Herzog, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2017, n. 8 ad art. 334 CPC). L'interprétation et la rectification ne tendent pas à modifier le jugement rendu (Jeandin, Commentaire romand CPC, 2019, n. 20 ad Intro art. 308-334 CPC), à la manière d'un appel déguisé. Le juge saisi d'une demande d'interprétation ou de rectification ne doit donc pas changer le fond du jugement (Spühler/Dolge/Gehri, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2010, n. 101 p. 389).

En effet, en vertu du principe de dessaisissement, le juge ne peut corriger sa décision une fois celle-ci prononcée, même s'il a le sentiment de s'être trompé. Une erreur de fait ou de droit ne peut être corrigée que par les voies de recours. La voie de l'interprétation ou de la rectification permet toutefois, exceptionnellement, au juge de corriger une décision déjà communiquée. En principe, l'interprétation ou la rectification a uniquement pour objet la formulation du dispositif de l'arrêt qui serait peu claire, incomplète, équivoque ou contradictoire en elle-même ou avec les motifs. Un dispositif est peu clair, et doit être interprété, lorsque les parties ou les autorités qui doivent exécuter la décision risquent subjectivement de comprendre celle-ci autrement que ce que voulait le juge lorsqu'il s'est prononcé. Une requête d'interprétation ou de rectification n'a ainsi pour but que de clarifier ou rendre une décision conforme avec le contenu réellement voulu par le juge. Son objet est de permettre la correction des erreurs de rédaction ou de pures fautes de calcul dans le dispositif qui résultent à l'évidence du texte de la décision, soit des inadvertances ou omissions qui peuvent être corrigées sans hésitation sur la base de ce qui a déjà été décidé. Une requête en rectification ou en interprétation ne peut jamais tendre à une modification matérielle de la décision concernée. Pour cela, seules les voies de l'appel ou du recours sont ouvertes (ATF 143 III 520 consid. 6.1; 143 III 420 consid. 2.1 et 2.3; 139 III 379 consid. 2.1 et 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_776/2019 du 27 octobre 2020 consid. 3.1; 5A_79/2019 du 21 novembre 19 consid. 4.4.2 et 5D_192/2017 du 17 mai 2018 consid. 3.2).

3.2 En l'espèce, il est constant que le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le Tribunal, confirmé par arrêt de la Cour le 14 février 2022, est définitif et exécutoire. Le recourant a eu l'occasion, dans l'acte d'appel qu'il a formé contre ledit jugement, de faire valoir l'ensemble de ses moyens. Il a dans ce cadre fait grief au Tribunal de n'avoir pas déclaré irrecevables les conclusions en paiement formulées par les intimés, subsidiairement de leur avoir accordé une réduction de loyer, et plus subsidiairement de ne pas avoir donné suite à ses offres de preuves. Le recourant ne peut dès lors, par la présente procédure de rectification, contester le calcul du trop-perçu de loyer opéré par le Tribunal, ce qu'il aurait dû faire dans le cadre de l'appel qu'il avait formé. Contrairement à ce que soutient le recourant, il ne s'agit pas d'une erreur "facilement constatable". En effet, le Tribunal a considéré que la réduction de loyer de 20% était due pendant 636 jours (soit 20% d'un loyer par jour de 300 fr.). Admettre la demande de rectification reviendrait à modifier matériellement le jugement, ce que la rectification n'a pas pour but de faire. Il n'existe pour le surplus aucune erreur dans le dispositif de la décision rendue par le Tribunal.

3.3 Infondé, le recours sera dès lors rejeté.

4. Les intimés ont conclu à la condamnation du recourant à une amende pour téméraire plaideur.

4.1 Aux termes de l'art. 128 al. 3 CPC, la partie ou son représentant qui usent de mauvaise foi ou de procédés téméraires sont punis d'une amende disciplinaire de 2'000 fr. au plus; l'amende est de 5'000 fr. au plus en cas de récidive.

A titre de procédé téméraire, l'on peut citer le fait de bloquer une procédure en multipliant les recours abusifs ou de déposer un recours manifestement dénué de toutes chances de succès dont s'abstiendrait tout plaideur raisonnable et de bonne foi (Haldy, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 9 ad art. 128 CPC et les références citées).

Au sujet de l'art. 33 al. 2 LTF qui a un contenu similaire à l'art. 128 al. 3 CPC, le Tribunal fédéral a déclaré que cette disposition devait être appliquée de façon restrictive, à l'encontre de comportements abusifs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_314/2014 du 24 novembre 2014 consid. 4.2).

4.2 En l'espèce, il n'y a pas lieu d'infliger d'amende au recourant. L'on ne saurait considérer qu'il multiplie les recours abusifs. Le présent recours n'était pas manifestement dénué de toute chance de succès.

Les intimés seront dès lors déboutés de leur conclusion tendant au prononcé d'une amende de procédure.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2022 par A______ contre le jugement JTBL/670/2022 rendu le 15 septembre 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/17044/2018.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119
et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.