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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/6907/2017

ACJC/117/2023 du 30.01.2023 sur JTBL/321/2022 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6907/2017 ACJC/117/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 30 JANVIER 2023

Entre

 

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______ (Allemagne), appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 3 mai 2022, représentés tous deux par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile.

 

et

 

1) C______ SARL, sise ______ (Genève), intimée, comparant par
Me Blaise GROSJEAN, avocat, rue de Candolle 24, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

2) CHEMINS DE FER FEDERAUX SUISSES CFF SA, sise Hochschulstrasse 6, 3012 Berne, autre intimée, comparant par Me Julien BLANC, avocat, rue des Alpes 15, case postale 1592, 1211 Genève 1, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

3) VILLE DE GENEVE, sise rue de l'Hôtel-de-Ville 4, 1204 Genève, autre intimée, représentée par Madame D______, secrétaire-juriste au sein de l'unité juridique de la direction du Département des constructions et de l'aménagement, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/321/2022 du 3 mai 2022, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des baux et loyers a donné acte aux CHEMINS DE FER FEDERAUX SUISSES et à la VILLE DE GENEVE de ce qu'ils avaient accepté les dénonciations d'instance (chiffre 1 du dispositif) et a dit que le jugement leur était opposable (ch. 2). Sur demande principale le Tribunal a réduit de 10% le loyer de l'appartement de cinq pièces situé au 6ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ du 17 septembre 2018 au 30 juin 2019 (ch. 3), et a condamné C______ SARL à verser à A______ et B______ le trop-perçu qui en découle, soit 3'787 fr., avec intérêt à 5% dès le 1er février 2019 (ch. 4). Sur demande reconventionnelle, le Tribunal a condamné A______ et B______, conjointement et solidairement, à payer à C______ SARL la somme de 25'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 novembre 2019 (ch. 5). Enfin, sur les deux demandes, le Tribunal a autorisé les parties à compenser les créances (ch. 6), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 8).

B. a. Par acte reçu par la greffe de la Cour de justice le 3 juin 2022, A______ et B______ ont formé appel contre ce jugement, dont ils ont sollicité l'annulation. Ils ont conclu à ce que le loyer de l'appartement de 5 pièces au 6ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ soit réduit de 30% du 16 février 2014 au 30 juin 2019 et à ce que C______ SARL soit condamnée à leur verser le trop-perçu en découlant, soit 39'500 fr. avec intérêts à 5% dès la date moyenne.

b. Dans sa réponse du 8 juillet 2022, C______ SARL a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

c. Dans leurs réponses respectives du 11 juillet 2022, la VILLE DE GENEVE et les CHEMINS DE FER FEDERAUX SUISSES ont conclu à la confirmation du jugement entrepris.

d. A______ et B______ n'ont pas fait usage de leur droit de répliquer.

e. Les parties ont été avisées le 21 septembre 2022 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent de la procédure :

a. C______ SARL est propriétaire de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, à Genève.

La gérance de l'immeuble a été confiée à [la régie immobilière] E______.

b. Les travaux de construction du CEVA, infrastructure ferroviaire reliant la gare de Cornavin à celle d'Annemasse, en passant notamment par Carouge, Champel et les Eaux-Vives, ont commencé en novembre 2011.

Les travaux de la gare de Champel-Hôpital en particulier, ont débuté en février 2012 par la déviation du réseau, puis, dans le courant de l'année 2013, des parois moulées en béton ont été construites de haut en bas dans le périmètre d'un trou de 26 mètres de profondeur (travaux d'excavation et de bétonnage).

De manière générale, les travaux réalisés par les CHEMINS DE FER FEDERAUX SUISSES CFF SA (ci-après : les CFF) dans le cadre du chantier de CEVA avaient lieu de 8h00 à 17h00, avec une pause d'une heure à midi et se déroulaient par secteurs.

L'immeuble était accessible à pied pendant toute la durée des travaux, une palissade étant posée à 50 centimètres de la bordure du trottoir.

c. Par contrat du 31 janvier 2014, A______ et B______ ont pris à bail un appartement de 5 pièces au 6ème étage de l'immeuble.

Les locaux étaient destinés à l'usage d'habitation exclusivement.

Le bail a été conclu pour une durée de cinq ans et 13 jours, du 16 février 2014 au 28 février 2019. Il se renouvelait ensuite tacitement d'année en année, sauf préavis de résiliation donné trois mois avant l'échéance.

Le loyer annuel, indexable au 1er janvier 2017, a été fixé en dernier lieu à 48'000 fr., soit 4'000 fr. par mois, charges de 2'400 fr. par année non comprises.

L'article 1 des clauses particulières du contrat de bail prévoit qu'en raison des nuisances engendrées par les travaux du CEVA, la bailleresse accordait une réduction provisoire de 15% sur le loyer annuel (soit un loyer annuel de 40'800 fr.) pour une durée de 22 mois, du 16 février 2014 au 31 décembre 2015. Les locataires ne pouvaient prétendre à aucune réduction ou indemnité supplémentaire à ce sujet.

d. Entre les mois de février et juin 2014, une dalle d'un mètre d'épaisseur a été posée à la surface du trou, de sorte que les travaux, notamment d'excavation, avaient désormais eu lieu « en taupe », dans le but de réduire les nuisances pour l'extérieur.

Les travaux de construction de cette dalle (soit en particulier ceux visant à la raccrocher aux parois moulées) ont été particulièrement bruyants dans la mesure où il fallait casser ces parois avec un marteau-piqueur.

e. En juin 2014 s'est tenu un « café de chantier » destiné à répondre à toute question des habitants du quartier concernant le chantier, en présence de la direction locale des travaux et des représentants du maître d'ouvrage.

Par avis de travaux exceptionnels du 10 juin 2015, les CFF ont indiqué que, pour des raisons de planification, les travaux préparatoires visant la construction de quais et de banquettes (carottages et pré-sciages) auraient lieu le samedi 13 juin 2015 de 7h00 à 18h00.

f. La centrale à béton - qui faisait du bruit lorsqu'elle produisait du béton, étant précisé qu'il s'écoulait parfois une ou deux semaines sans qu'elle ne fonctionne - a été démontée le 2 juillet 2015.

g. Le 17 septembre 2015, les locataires ont requis de la régie le maintien du loyer à un montant de 40'800 fr. en raison de la poursuite des travaux du CEVA, ayant lieu devant leur immeuble, jusqu'au terme de ceux-ci en 2019.

Le 7 octobre 2015, la régie a indiqué aux locataires qu'en raison de l'avancement de ces travaux, la bailleresse acceptait de repousser d'une année l'échelon fixé au 1er janvier 2016. Le loyer demeurerait donc inchangé jusqu'au 31 décembre 2016.

Le même jour, les parties ont signé un avenant n° 1 au contrat de bail dans ce sens.

h. Par avis de travaux exceptionnels du 10 décembre 2015, les CFF ont communiqué que, les travaux de gros-œuvre de la gare de Champel-Hôpital se terminant, la grue serait démontée au moyen d'un camion-grue installé pour une durée de deux jours à l'angle des avenues Dumas et Alfred-Bertrand. Les containers de chantier seraient également démontés.

Les travaux de gros-œuvre se sont ainsi achevés en janvier 2016.

i. Le samedi 5 mars 2016, entre 9h00 et 17h00, les CFF ont effectué des mesurages de vibrations et de bruit solidien en utilisant comme source d'excitation un camion vibreur se déplaçant sur 300 mètres à l'intérieur de la gare de Champel-Hôpital. Les tests consistaient en une trentaine de brèves périodes (30 secondes) pouvant provoquer de légères vibrations et immissions sonores.

En juin 2016 ont débuté les travaux visant à construire le bâtiment de la gare en structure métallique.

Par avis de travaux exceptionnels du 10 juin 2016, les CFF ont indiqué que, pour des raisons d'organisation de chantier et de sécurité, les travaux de montage des poutres de la toiture de la halte auraient lieu les samedis 18 et 25 juin, 2, 9 et 16 juillet 2016 de 7h00 à 19h00. Ils s'excusaient par avance pour tout désagrément que les travaux pouvaient occasionner.

j. Par courrier du 29 septembre 2016, les locataires ont à nouveau requis de la régie le maintien du loyer à un montant de 40'800 fr. en raison de la poursuite des travaux du CEVA, et ce jusqu'au terme de ceux-ci en 2019.

Le 20 octobre 2016, la régie a communiqué que la bailleresse acceptait de reporter l'entrée en vigueur de l'échelon du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018. Elle précisait que, selon le site Internet du CEVA, les travaux de gros-œuvre, provoquant les nuisances sonores, seraient terminés d'ici la fin de l'année 2017, de sorte que la bailleresse n'accepterait pas de nouveau report de l'échelon.

Le même jour, les parties ont signé un avenant n° 2 au contrat de bail dans ce sens.

k. Selon l'avis de travaux exceptionnels du 4 novembre 2016, pour des raisons de sécurité et de coordination entre chantiers, le montage des briques de verre de la gare aurait lieu les samedis 12 et 19 novembre 2016 de 7h00 à 19h00.

Le 7 mars 2017, les CFF ont informé que les travaux de construction du tunnel arrivaient désormais dans la zone de Champel-Hôpital. Ces travaux, réalisés par trois équipes de huit heures, pouvaient occasionner des bruits voire des vibrations dont l'intensité variait sensiblement en fonction des différentes phases. Dans la mesure où le chantier progressait géographiquement, leur perception était estimée à une durée d'environ trois mois.

l. Par requête en conciliation du 23 mars 2017, complétée le 13 avril 2017, les locataires ont conclu à l'octroi d'une réduction de loyer de 30% dès le 16 février 2014 en raison des travaux du CEVA et des nuisances importantes subies en permanence.

Ils estimaient avoir été trompés par la régie au sujet du montant du loyer, en particulier avoir été mal informés concernant les travaux de construction de CEVA, dans la mesure où ils avaient été amenés à croire, au moment de la signature du contrat de bail, que les travaux seraient terminés à la fin de l'année 2016.

m. Les samedi 1er et dimanche 2 avril 2017, entre 9h00 et 17h00, les CFF ont à nouveau effectué des mesurages de vibrations et de bruit solidien au moyen d'un camion vibreur.

Le creusement du tunnel de Champel s'est achevé le 8 juin 2017. Bien que, selon la fiche d'information des CFF, les opérations les plus bruyantes aient été désormais achevées, il restait à réaliser les travaux relatifs au revêtement intérieur du tunnel, soit le bétonnage de la voûte, du radier (sol de l'ouvrage) et des banquettes, prévus jusqu'en mai 2018, aux dalles flottantes, et à l'installation des équipements ferroviaires.

La construction du bâtiment de la gare s'est terminée en juillet 2017.

n. Par avis de confirmation d'échelon du 29 septembre 2017, la bailleresse a fixé le nouveau loyer annuel à 48'000 fr. dès le 1er janvier 2018.

o. Le 4 octobre 2017, les locataires ont dénoncé la bailleresse au Département du territoire au motif qu'elle aurait omis de déposer une autorisation de construire pour des travaux effectués en 2013, 2014 et 2015 dans leur appartement, en violation de la LDTR. Par jugement JTAPI/288/2022 du 22 mars 2022 rendu dans la cause A/3212/2021, le recours interjeté par les locataires le 8 septembre 2021 contre la décision du Département du territoire du 9 juillet 2021 - retenant que les travaux effectués par la bailleresse dans l'appartement n'étaient pas soumis à autorisation dans la mesure où ils relevaient de l'entretien - a été rejeté. Ce jugement a été rendu après que la Chambre administrative de la Cour de justice avait partiellement admis un recours formé à l'encontre d'un premier jugement rendu par le Tribunal administratif de première instance en date du 19 mai 2020 dans la cause A/3______/2019 et renvoyé le dossier au Département du territoire pour instruction.

p. Les samedi 10 et dimanche 11 mars 2018, ainsi que les vendredi 16, samedi 17 et dimanche 18 mars 2018, entre 9h00 et 17h00, les CFF ont à nouveau effectué des mesurages de vibrations et de bruit solidien au moyen d'un camion vibreur.

q. Le 17 septembre 2018, conformément à l'autorisation de construire du 23 novembre 2017, la VILLE DE GENEVE a entamé des travaux de réaménagement des espaces publics sur le Plateau de Champel, autour de la gare.

Les travaux réalisés ont été les suivants :

- Abattage de neuf arbres sur trois jours - ces travaux n'ayant pas eu lieu à proximité directe de l'immeuble des locataires;

- Terrassement et remblayage (soit mise à niveau du terrain) avec apport de terre par camion;

- Réalisation de réseaux souterrains;

- Réalisation de canalisations pour récolte des eaux de pluie, étant précisé que des tranchées de 3 ou 4 mètres de profondeur ont été creusées à cet effet;

- Réalisation des différents réseaux d'arrosage pour les futurs arbres;

- Mise en place de mélange terre-pierre pour la croissance des arbres;

- Réalisation des réseaux pour l'éclairage public;

- Réalisation d'îlots végétalisés, avec bordures;

- Mise en place d'enrobés bitumineux;

- Pose de mobilier urbain et d'éclairage.

Les travaux effectués par la VILLE DE GENEVE ont eu lieu de 7h00, voire 8h00, à 17h00, avec une pause d'une heure à midi. A l'instar des travaux réalisés par les CFF, ils se déroulaient par secteurs. L'accès à l'immeuble était garanti, notamment au moyen de plans élaborés par l'Office cantonal du transport.

r. Simultanément, les travaux réalisés par les CFF se déroulaient en sous-sol. Les travaux d'architecture et équipements de la halte (chauffage, ventilation, sanitaires et électricité) se poursuivaient également.

s. Par avis de travaux exceptionnels du 9 novembre 2018, les CFF ont indiqué que les équipements de ventilation de la gare seraient testés les 14, 29 et 30 novembre 2018 à l'intérieur de la gare.

t. Par courrier du 23 novembre 2018, les locataires ont sollicité de la régie une baisse de loyer de 5,66% pour la prochaine échéance de leur contrat au 28 février 2019, en invoquant la baisse du taux hypothécaire, et réservé la validité du loyer initial potentiellement fixé en violation de la LDTR.

La régie ayant refusé cette demande au motif qu'aucun critère de fixation du loyer ne permettait une telle réduction, les locataires ont, le 7 janvier 2019, déposé une requête en baisse de loyer de 30% dès le 1er mars 2019, en invoquant le rendement excessif de la chose louée et, subsidiairement, une baisse de 5,66% en raison de la baisse du taux hypothécaire (procédure C/2______/2019).

u. En janvier, février et avril 2019, la VILLE DE GENEVE a informé le public de ce que des travaux, nécessitant la fermeture de certains tronçons, auraient lieu sur l'avenue Alfred-Bertrand. L'accès à pied aux bâtiments et commerces était garanti en tout temps.

Par avis de travaux exceptionnels du 11 avril 2019, les CFF ont communiqué qu'afin de tester les dispositifs de désenfumage de la halte, nécessaires en cas d'incendie, des tests de fumée froide, susceptibles d'occasionner des dégagements de fumée depuis la halte, seraient menés dans l'après-midi du mardi 16 avril 2019, au niveau des quais.

Pendant les nuits du 10 au 14 juin 2019 ont eu lieu des travaux d'entretien des lignes aériennes des Transports publics genevois (ci-après : TPG).

v. En vertu de l'autorisation de procéder délivrée le 12 juin 2019, par requête en diminution de loyer du 12 juillet 2019, les locataires ont conclu, préalablement, à ce que leur soient réservés, premièrement, le droit de chiffrer leur demande une fois le loyer fixé dans le cadre de la procédure administrative A/3______/2019, de la procédure en fixation judiciaire du loyer et de la demande de réduction de loyer formée pour l'échéance du 28 février 2019 (C/2______/2019), leur requête étant une action non chiffrée au sens de l'article 85 CPC et, deuxièmement, le droit de demander une diminution de loyer pour la période postérieure au 30 juin 2019.

Principalement, ils ont conclu à ce que le loyer soit réduit de 30% dès le 16 février 2014 jusqu'au 30 juin 2019, à ce que la bailleresse soit condamnée à rembourser le trop-perçu de loyer en découlant, et à ce qu'elle soit déboutée de toutes autres conclusions.

Ils ont allégué avoir subi, pendant les travaux du CEVA, les nuisances suivantes : bruit, trépidations, poussière, difficultés à accéder à l'immeuble (déviation de la circulation et impossibilité de charger et décharger devant l'immeuble), difficultés à se parquer (emplacements de parking à proximité directe de l'immeuble supprimés), vue sur le chantier au lieu d'un parc, entrepôt de matériel de chantier à proximité de l'immeuble, et passage quotidien de machines de chantier bruyantes et polluantes. En particulier, les percements souterrains et mesurages avaient entraîné un grand nombre de vibrations. Les tests de fumée et de ventilation avaient également provoqué des nuisances. Les équipes travaillaient deux fois huit heures, soit de 6h00 à 22h00. Les travaux avaient même lieu les samedis et dimanches, entre 7h00 et 19h00, et pendant la nuit.

Ils ont notamment produit une série de photographies - plusieurs non datées - faisant état du chantier et de ses abords depuis l'année 2014 et jusqu'au mois de juillet 2019.

Ils ont estimé la valeur litigieuse à 28'728 fr., calculée sur la base d'un loyer de 18'000 fr.

w. En parallèle, les locataires ont déposé une requête en réduction de loyer de 30% fondée sur le rendement excessif de la chose louée et, subsidiairement, de 5,66% au vu de la baisse du taux hypothécaire. Cette procédure (C/2______/2019) a été suspendue jusqu'à droit jugé dans la procédure A/3______/2019.

x. Par un avis non daté, les locataires ont informé les autres habitants de l'immeuble de ce qu'ils pouvaient solliciter une réduction de loyer pour les travaux de construction du CEVA, en indiquant les coordonnées de leur conseil.

y. Par déclaration de dénonciation d'instance du 18 septembre 2019, la bailleresse a conclu à ce que le Tribunal notifie la requête du 12 juillet 2019 aux CFF afin qu'ils soient à même d'exercer les options prévues à l'article 79 CPC.

z. A partir du mois de septembre 2019, les locataires ont cessé de payer leur loyer, de sorte que le solde dû à la bailleresse au mois de février 2020 s'élevait à 25'200 fr.

aa. Les travaux relatifs aux aménagements extérieurs réalisés par la VILLE DE GENEVE se sont achevés le 12 décembre 2019.

bb. Par déterminations sur la dénonciation d'instance du 15 janvier 2020, les CFF ont conclu, préalablement, à ce que le Tribunal leur donne acte de ce qu'ils agissaient en faveur de la bailleresse, sans procéder à sa place, réserve leurs droits dans les rapports avec ou contre la bailleresse, et leur donne acte de ce qu'ils dénonçaient à leur tour l'instance à la VILLE DE GENEVE. Principalement, ils ont conclu au déboutement des demandeurs.

Après avoir présenté l'historique du projet CEVA, les CFF ont soutenu que la Directive sur le bruit des chantiers de l'Office fédéral de l'environnement avait été respectée. L'immeuble était, selon l'Ordonnance sur la protection contre le bruit, déjà exposé au bruit de façon importante. Les nuisances produites par les travaux de gros-œuvre avaient cessé en mai 2014, les travaux se déroulant depuis lors « en taupe ». Les locataires n'avaient ainsi subi des nuisances sonores que durant quatre mois. La réduction de loyer octroyée était généreuse et les locataires avaient valablement renoncé à solliciter une réduction supplémentaire.

cc. Par courrier du 20 février 2020, la VILLE DE GENEVE a informé le Tribunal de ce qu'elle entendait intervenir dans la procédure en faveur de la bailleresse et non procéder à sa place.

dd. L'état des lieux de sortie de l'appartement a eu lieu le 28 février 2020.

ee. Le 5 mars 2020, la régie a prié F______ SA de bloquer la garantie de loyer jusqu'à nouvel avis, les locataires étant redevables d'un montant de 25'200 fr. correspondant à l'impayé de loyers, sous réserve des travaux mis à leur charge à la suite de l'état des lieux de sortie et de la procédure pendante concernant la réduction de loyer sollicitée par les locataires.

ff. Par réponse et demande reconventionnelle du 25 mai 2020, la bailleresse a conclu, sur demande principale, à ce que les locataires soient déboutés de leur demande de réduction de loyer et, sur demande reconventionnelle, à ce que les locataires soient condamnés à lui payer, solidairement, la somme de 25'200 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er septembre 2019 sur 4'200 fr., dès le 1er octobre 2019 sur 4'200 fr., dès le 1er novembre 2019 sur 4'200 fr., dès le 1er décembre 2019 sur 4'200 fr., dès le 1er janvier 2020 sur 4'200 fr., et dès le 1er février 2020 sur 4'200 fr., et à ce que les demandeurs soient condamnés en tous les frais de la procédure.

La bailleresse a allégué que les locataires avaient visité l'appartement avant de le louer et avaient dès lors pu constater l'existence du chantier du CEVA, qui avait commencé en décembre 2011. De plus, le contrat de bail faisait clairement référence au chantier - de notoriété publique - et aux nuisances engendrées. Les locataires n'avaient produit aucune pièce susceptible de mesurer l'intensité des travaux et les désagréments prétendument subis.

gg. Par écritures du 25 mai 2020, la VILLE DE GENEVE a conclu au déboutement des locataires et à leur condamnation aux dépens.

Les aménagements extérieurs garantissaient la sécurité et le confort des utilisateurs et contribuaient à la cohésion sociale du quartier. Les principales sources de nuisances (marteaux-piqueurs) n'avaient été utilisées que très ponctuellement, les travaux étant essentiellement réalisés au moyen de pelles-mécaniques, chargeuses et plaques vibrantes. Ces travaux avaient toujours été effectués pendant les jours ouvrables, à l'exception de la pose d'enrobés le samedi 9 novembre 2019 et de ceux concernant les escaliers du 23 novembre 2019.

hh. Par déterminations sur demande reconventionnelle du 18 septembre 2020, les locataires ont conclu, principalement, à ce que cette demande soit déclarée irrecevable et à ce que la bailleresse soit déboutée de toutes autres conclusions; subsidiairement, à ce que la demande reconventionnelle soit admise dans la cause C/2______/2019, puis suspendue avec celle-ci. En tous les cas, ils ont conclu au déboutement de la bailleresse.

ii. Par écriture spontanée du 2 octobre 2020, la bailleresse a soutenu que sa demande reconventionnelle remplissait les conditions de l'article 224 CPC.

jj. Lors de l'audience de débats principaux du 3 novembre 2020, les parties ont persisté dans leurs conclusions, les CFF sollicitant une expertise acoustique.

G______, administrateur de la bailleresse, a déclaré que la réduction de loyer de 15% pour la période du 16 février 2014 au 31 décembre 2015, qui lui avait été suggérée par la régie, avait été proposée d'office aux locataires, afin d'éviter une demande ultérieure. Il n'y avait pas eu de discussions particulières à ce sujet. Les travaux avaient d'ores et déjà commencé au moment de la signature du contrat de bail. Tandis que le séjour de l'appartement donnait sur le Plateau de Champel, les chambres étaient situées à l'arrière du bâtiment. Les locataires étaient en retard dans le paiement de leur loyer. De mémoire, aucune réduction de plus de 15% n'avait été octroyée à d'autres locataires de l'immeuble.

H______, acquisiteur foncier auprès des CFF ayant suivi le projet CEVA dans son intégralité, a exposé que depuis le mois de février 2014, les nuisances avaient plutôt diminué qu'augmenté. De manière générale, les travaux se déroulaient de manière sous-terraine et étaient donc peu audibles de l'extérieur.

Me D______ a déclaré que la VILLE DE GENEVE n'avait reçu aucune plainte de la part de locataires de baux d'habitation concernant les travaux d'aménagement extérieur.

kk. Par écriture du 4 novembre 2020, les locataires se sont déterminés sur les allégués de la bailleresse, des CFF et de la VILLE DE GENEVE.

ll. Par ordonnance du 19 novembre 2020, le Tribunal a ordonné l'audition de quinze témoins, dont les témoignages ont été dans la mesure utile intégré dans la partie en fait ci-dessus, et réservé l'admission éventuelle d'autres moyens de preuve à un stade ultérieur de la procédure.

mm. Les 15 décembre 2020, 23 février, 13 avril, 15 juin et 9 novembre 2021, le Tribunal a notamment procédé à l'audition de témoins :

I______, gérant auprès de la régie, a confirmé que les locataires avaient requis, en septembre 2016, que le loyer s'élève à 40'800 fr. jusqu'à la fin des travaux, et que la régie y avait répondu favorablement ; à son souvenir, il n'y avait eu aucune autre discussion autre que la prolongation de la réduction déjà octroyée. Il demeurait effectivement un impayé de loyer dont il ignorait le montant.

J______, habitante de l'immeuble depuis le mois de novembre 2018, a déclaré qu'à son arrivée, des travaux sur les plantations étaient en cours sur le Plateau de Champel. Cela ne l'avait pas dérangée et elle appréciait habiter dans cet appartement.

K______, chef du projet CEVA jusqu'en juillet 2016, a précisé que les machines utilisées, soit notamment la centrale à béton, étaient insonorisées. La pose de la structure métallique du bâtiment n'avait pas causé de nuisances sonores car les mesures avaient été effectuées au centimètre près. De manière générale, le chantier n'excédait pas le bruit ambiant de la ville.

L______, ingénieur civil auprès de la VILLE DE GENEVE, a déclaré que les travaux de démolition étaient susceptibles d'avoir provoqué du bruit, mais les nuisances sonores étaient limitées par le fait que les travaux étaient réalisés sur un terrain vague d'ores et déjà en chantier. C'était également le cas des travaux sur le réseau, effectués à la pelle-mécanique. L'utilisation de plaques vibrantes générait en effet de la poussière, du bruit et des vibrations mais ces nuisances étaient limitées dans le temps - il s'agissait de jours et non de semaines - et par le fait que les surfaces étaient, au préalable, arrosées en cas de temps sec. Le matériel de chantier était toujours stocké dans l'enceinte du chantier, le long de l'avenue de Champel.

M______, conducteur de travaux dans le cadre des travaux réalisés par la VILLE DE GENEVE, a exposé que l'utilisation d'un brise-roche pour le piquage des parois berlinoises ou d'ouvrages en béton, durant 1h30 par jour au maximum, était susceptible d'avoir provoqué des nuisances, toutefois ponctuelles et localisées. Les amenées de terre pouvaient générer de la poussière. Des plaques vibrantes - ne provoquant pas de vibrations dans les immeubles, et très fréquemment utilisées sur les chantiers, par une seule personne ne disposant pas nécessairement de protection auditive - avaient été utilisées quotidiennement jusqu'en novembre 2019. Les engins utilisés étaient récents et disposaient de filtres à particules. Un gros rouleau vibrant avait été utilisé sur l'avenue Alfred-Bertrand tandis que sur le Plateau de Champel, seul un petit cylindre avait été employé. Les travaux effectués le soir correspondaient à la pose d'un revêtement sur l'avenue de Champel en novembre 2019.

N______, retraité habitant au 3ème étage de l'immeuble, a déclaré que les travaux avaient provoqué des nuisances (bruit et poussière) dans tout le quartier. La phase la plus dérangeante correspondait à la pose de la dalle sur le périmètre du trou. Les aménagements extérieurs avaient également généré une période de nuisances sonores intenses, notamment lorsque le béton avait été scié pour y disposer les îlots de verdure (20 ou 30), pendant plusieurs mois voire une année, entre 2018 et 2019, tous les jours. Le bruit durait de 7h30-8h00 à 16h00 avec une pause à midi, mais il n'y en avait ni la nuit ni le week-end. Il n'avait pas ressenti de vibrations ou de trépidations. Il n'avait pas sollicité de réduction de son loyer.

O______, habitant du 4ème étage de l'immeuble depuis décembre 2017, a déclaré que les travaux extérieurs, notamment l'utilisation d'une grue et de machines (camion apportant de la terre) du printemps 2019 au printemps 2020, étaient ceux qui avaient généré le plus de bruit. Il y avait également de la poussière et l'immeuble était difficilement accessible. Il gardait les fenêtres fermées, sauf le week-end et le soir, périodes durant lesquelles il n'y avait pas de travaux. Il avait des enfants. Il avait également déposé une requête en réduction de loyer.

P______, habitante du 3ème étage de l'immeuble, a exposé que les travaux ne la dérangeaient pas vraiment. Il y avait eu du bruit, de la poussière et des tremblements, en particulier lorsque le tunnel avait été creusé, mais pas constamment. Ensuite, diverses machines avaient été utilisées mais les nuisances y relatives ne l'avaient pas non plus dérangée. Elle n'était pas en litige avec la bailleresse.

Q______, locataire de locaux commerciaux au 1er étage de l'immeuble, a déclaré que les travaux étaient déjà en cours à son arrivée en novembre 2016; il avait formellement repris le bail quelques mois plus tard en connaissance de cause et n'était donc pas en litige avec la bailleresse. Il avait été dérangé par les travaux, notamment lorsqu'il conversait avec ses patients, mais pas constamment. Les nuisances (bruits, qui nécessitaient l'interruption des conversations, pannes de l'interphone et des moyens de communication) étaient en général stables - il n'avait en particulier pas ressenti d'intensification en 2018 -, et il n'y avait eu d'amélioration qu'à la fin des travaux. Il n'avait pas ressenti de vibrations. Il fermait la fenêtre de son bureau mais laissait celle du secrétariat, n'étant pas située du côté des travaux, ouverte. Les travaux d'aménagement extérieurs avaient causé des nuisances sonores, mais pas en permanence.

R______, épouse de O______, a confirmé s'être plainte du bruit et des nuisances en lien avec les matériaux utilisés, en particulier car elle avait deux enfants en bas âge et était enceinte du troisième en 2017. Il y avait des forages, du bruit et de la poussière (son mari y étant allergique) toute la journée. Les travaux avaient parfois lieu le week-end ainsi que la nuit (soit à minuit pour réparer une lumière) et l'accès à l'immeuble, en particulier avec une poussette, était rendu difficile, mais pas impossible. Elle n'avait pas ressenti de tremblements. Il y avait eu une période paisible depuis la fin de l'année 2017 jusqu'au début de l'année 2018. En 2018, les nuisances avaient augmenté graduellement avec la mise en place des aménagements extérieurs. Elles s'étaient terminées au début de l'année 2020.

B______ a déclaré que son épouse et lui-même étaient au courant des travaux sur le Plateau de Champel au moment de leur emménagement. C'était la raison pour laquelle une réduction de loyer leur avait été octroyée pendant une durée de deux ans, correspondant à celle de la construction. Il s'imaginait que les travaux pouvaient faire du bruit. Il avait consulté un avocat avant la signature du bail. Ils n'avaient pas d'enfants et travaillaient depuis la maison, ce qu'ils n'avaient pas signalé à la bailleresse.

A______ ne s'est pas présentée à l'audience.

nn. Par ordonnance du 22 septembre 2021, le Tribunal a reconvoqué une ultime fois les locataires aux fins de leur audition, ces derniers, bien que dûment convoqués, ne s'étant pas présentés à l'audience du 15 juin 2021, ni fait valoir de motif à leur absence.

oo. Le 30 septembre 2021, A______ a sollicité sa dispense à comparaître à l'audience du 9 novembre 2021, exposant qu'elle n'était pas vaccinée contre le COVID et qu'il lui était difficile de se rendre à Genève pour des raisons professionnelles.

pp. Par ordonnance du 20 octobre 2021, le Tribunal a confirmé les termes de ses ordonnances des 19 novembre 2020 et 22 septembre 2021, dans la mesure où il n'y avait pas lieu de dispenser l'intéressée de comparaître, laquelle n'avait pas produit de pièces justificatives à l'appui de sa demande de dispense, et la partie défenderesse étant légitimée à l'entendre.

qq. Par écritures des 14 et 18 janvier 2022, la bailleresse, les CFF et la VILLE DE GENEVE ont persisté dans leurs conclusions.

rr. Par écritures du 8 février 2022, les locataires ont également persisté dans leurs conclusions, en précisant que le trop-perçu de loyer réclamé s'élevait à 73'350 fr. avec intérêts à 5% dès la date moyenne.

ss. Par écritures spontanées du 25 février 2022, les CFF se sont brièvement déterminés sur les plaidoiries finales des locataires.

tt. La cause a été gardée à juger en date du 26 février 2022.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; JEANDIN, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.2 En l'espèce, les parties ont conclu, dans leurs dernières conclusions de première instance, au paiement de sommes supérieures à 10'000 fr., soit 73'350 fr. pour les appelants et 25'200 fr. pour l'intimée.

La voie de l'appel est donc ouverte.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.4 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est dès lors recevable.

2. Les appelants font en premier lieu grief aux premiers juges d'avoir refusé de leur accorder une réduction de loyer supplémentaire pour la période du 16 février 2014, date de début du bail, au 31 décembre 2017, au motif qu'une réduction de loyer de 15% leur avait d'office été octroyée par l'intimée.

2.1 En vertu de l'art. 259d CO, si le défaut entrave ou restreint l'usage pour lequel la chose a été louée, le locataire peut exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination de ce dernier.

La doctrine prévoit que le locataire peut valablement renoncer à une réduction de loyer pour des travaux à venir ou en cours, annoncés lors de la conclusion du contrat et à la condition qu'il ait été correctement et concrètement informé au moment de sa décision des nuisances auxquelles il va être exposé (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 262).

Il convient de déterminer dans ce cas si le locataire a été suffisamment renseigné au moment de la conclusion du bail concernant les atteintes concrètes qui ont finalement justifié la réduction de loyer. Sauf modification considérable des circonstances, une demande de réduction de loyer doit donc être refusée, au risque de constituer un abus de droit (Bohnet/montini, Droit du bail à loyer, Bâle 2017, n° 32 ad. art. 259 d CO).

2.2 En l'espèce, les premiers juges ont relevé que le chantier du CEVA était déjà en cours lors de la conclusion du contrat de bail, raison pour laquelle une réduction de loyer de 15% avait été octroyée aux appelants durant 22 mois, soit jusqu'au 31 décembre 2015. Il était également convenu entre les parties que cette réduction de loyer excluait toute autre réduction ou indemnité du fait du chantier du CEVA.

En outre, au moment de la conclusion dudit contrat, les travaux de gros-œuvre étaient en cours et le chantier consistait en un trou béant. De leur propre aveu, les appelants avaient consulté un avocat au sujet de ce contrat de bail et B______ a admis avoir envisagé que les travaux puissent générer des nuisances sonores. De plus, le chantier du CEVA ayant fait l'objet de nombreuses publications dans la presse et étant largement décrit par les maîtres d'œuvre sur Internet, il était aisé pour les appelants de se renseigner plus avant sur la teneur des travaux avant de conclure le contrat.

Par ailleurs, la réduction de loyer initiale de 15% avait été ensuite prolongée deux fois, jusqu'au 31 décembre 2017, par deux avenants d'octobre 2015 et 2016, la bailleresse ayant accepté par deux fois la demande de report de l'échelon formulée par les appelants eux-mêmes.

C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont retenu que c'est en toute connaissance de cause et de manière concrète, en particulier des nuisances provoquées par le chantier entre le mois de février 2014 et le mois d'octobre 2016, que les appelants ont signé le contrat de bail prévoyant la réduction de 15% sur 22 mois et excluant une réduction supplémentaire, puis, accepté, du surcroît en la proposant eux-mêmes, que cette réduction perdure jusqu'en décembre 2017, sans autre possibilité de réduction.

Les premiers juges ont encore ajouté à ce propos que, durant cet intervalle, les travaux les plus bruyants s'étaient déroulés, à savoir ceux du gros-œuvre et que ces travaux se sont terminés courant 2015 avec le démontage de la grue et de la centrale à béton, ainsi que plusieurs campagnes de mesure de vibrations, le montage du toit de la gare et de ses briques de verres et, enfin, le creusement du tunnel.

2.3 Au vu de tout ce qui précède, le rejet par le Tribunal des conclusions en une réduction de loyer supplémentaire pour la période du 16 février 2014 au 31 décembre 2017 ne prête pas le flanc à la critique.

3. Les appelants font ensuite grief au Tribunal d'avoir considéré qu'il n'y avait pas eu de nuisances de chantier entre le 1er janvier et le 16 septembre 2018 et de leur avoir ainsi refusé toute réduction de loyer pour cette période.

3.1 En vertu de l'art. 259d CO, si le défaut entrave ou restreint l'usage pour lequel la chose a été louée, le locataire peut exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination de ce dernier.

Le défaut de la chose louée est une notion relative et son existence dépend des circonstances du cas concret. Il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet loué, l'âge et le type de la construction, ainsi que le montant du loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4A_582/2012 du 28 juin 2013). En l'absence de précision dans le bail, l'usage est apprécié objectivement selon toutes les circonstances du cas d'espèce, soit notamment le montant du loyer, la destination de l'objet loué, l'environnement des locaux, l'âge de l'immeuble et son état apparent, les normes usuelles de qualité et les règles de droit public applicables, ainsi que les usages courants (Lachat, op. cit., p. 256 ss; Wessner, Le bail à loyer et les nuisances causées par des tiers en droit privé, in 12ème Séminaire sur le droit du bail, 2002, p. 23 ss; Higi, Zürcher Kommentar, no 28 ad art. 258 CO).

Le locataire doit compter, selon le cours ordinaire des choses, avec la possibilité de certaines entraves mineures inhérentes à l'usage de la chose qui ne constituent pas un défaut. En revanche, si l'entrave est plus importante et sort du cadre raisonnable des prévisions, elle devient un défaut (SJ 1985, p. 575).

Le défaut peut consister notamment dans les nuisances provenant d'un chantier, dans la privation de l'usage d'un ascenseur ou encore d'infiltrations d'eau (Lachat, op. cit., p. 266 à 268).

Un chantier peut ainsi engendrer un défaut dès lors que les nuisances qu'il provoque excèdent les inconvénients mineurs inhérents à la vie en milieu urbain (ACJC/234/2003 du 10 mars 2003; Lachat, op. cit., p. 268).

Peu importe que les immissions de ce chantier (bruit, poussière, vibrations) échappent ou non à la sphère d'influence du bailleur (ACJC/1016/2017 du 28 août 2017 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4C_219/2005 du 24 octobre 2005, consid. 2.2; SJ 1997, p. 661).

Un défaut est grave lorsqu'il exclut ou entrave considérablement l'usage pour lequel la chose a été louée (art. 258 al. 1 et 259b let. a CO). Tel est notamment le cas lorsque le locataire ne peut pas habiter le logement ou ne peut pas faire usage des pièces importantes (cuisine, salon, chambre à coucher, salle de bains) pendant un certain temps (Lachat, op. cit., p. 272).

3.2 Le locataire qui entend se prévaloir des art. 258ss CO doit donc prouver l'existence du défaut (Lachat, op. cit., p. 303).

Dans le cadre d'une demande de réduction du loyer pour nuisances dues à un chantier voisin, c'est en règle générale par les plaintes des locataires que le bailleur est informé du caractère excessif des nuisances. A défaut de plaintes, le bailleur, même s'il connaît l'existence du chantier, ne peut en déduire qu'il s'agit d'un défaut. Il appartient au locataire qui entend se prévaloir dudit défaut de prouver la date à laquelle le propriétaire a eu connaissance des inconvénients fondant sa demande de réduction (art. 8 CC; ACJC/578/2009 du 11 mai 2009 consid. 5.2).

3.3 En l'espèce, s'agissant de la période du 1er janvier au 16 septembre 2018, soit entre la date à laquelle la réduction de loyer accordée par l'intimée a pris fin et le début des travaux d'aménagements extérieurs le 17 septembre 2018, les premiers juges ont constaté qu'ont été réalisées des mesures par camions-vibreur (à cinq reprises en mars 2018), des travaux en souterrain, ainsi que des travaux d'architecture et d'équipement de la gare, essentiellement à l'intérieur de celle-ci.

Ils ont ainsi jugé que les appelants n'avaient pas établi à satisfaction de droit avoir subi des nuisances d'une ampleur suffisante durant cette période et ne leur a, par conséquent, accordé aucune réduction de loyer.

La Cour fait sien le raisonnement des premiers juges. Les témoignages sur lesquels les appelants fondent leur argumentation sont vagues et imprécis, tant quant à la date de reprise des nuisances que quant à leur ampleur, de sorte qu'ils ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation du Tribunal.

Au contraire, les déclarations des témoins H______, L______ et M______ confirment la date du début des travaux d'aménagements extérieurs à mi ou fin septembre 2018.

3.4 Le grief est ainsi sans fondement.

4. Les appelants font enfin grief aux premiers juges d'avoir erré en octroyant une réduction de loyer de 10% du 17 septembre 2018 au 30 juin 2019, en contradiction selon eux avec les faits et les jurisprudences topiques.

4.1 En vertu de l'art. 259d CO, si le défaut entrave ou restreint l'usage pour lequel la chose a été louée, le locataire peut exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination de ce dernier.

4.2 La réduction du loyer se calcule sur le loyer net, sans les frais accessoires (Lachat, op. cit., p. 316). Pour le calcul de la réduction du loyer, on procède en principe selon la méthode dite "proportionnelle". On compare l'usage de la chose louée, affectée de défauts, avec son usage conforme au contrat, exempt de défauts. En d'autres termes, il s'agit de réduire le loyer dans un pourcentage identique à la réduction effective de l'usage des locaux, de rétablir l'équilibre de prestations des parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c; Lachat, op. cit. p. 315).

Lorsqu'un calcul concret de la diminution de valeur de l'objet entaché du défaut n'est pas possible, notamment lorsque l'intensité des nuisances est variable et se prolonge sur une longue période, de sorte que les preuves de l'intensité des nuisances et de l'entrave à l'usage ne peuvent être fournies au jour le jour, le tribunal procède à une appréciation en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique (ATF 130 III 504 consid. 4.1; ACJC/1016/2017 du 28 août 2017 consid. 3.1; Burkhalter/Martinez-Favre, Le droit suisse du bail à loyer, 2011, p. 244; arrêt du Tribunal fédéral 4C.219/2005 du 24 octobre 2005 consid. 2.3 et 2.4).

A cet égard, le juge doit apprécier objectivement la mesure dans laquelle l'usage convenu se trouve limité, en tenant compte des particularités de chaque espèce, au nombre desquelles la destination des locaux prévus dans le contrat joue un rôle important (arrêt du Tribunal fédéral 4A_582/2012 du 28 juin 2013 consid. 3.2 et 3.3).

4.3 En matière de défauts liés à des nuisances provenant d'un chantier, les taux de réduction de loyer sont en général compris selon la casuistique entre 10% et 25%. Les cas où les nuisances sonores ont conduit à des réductions de loyer de 5% à 10% sont plutôt des situations de bruits intermittents qui, bien que gênants, n'empiètent généralement pas sur la période nocturne. Une réduction de 15% a également été retenue dans le cadre d'un chantier relatif à la construction d'un complexe de quatre immeubles à proximité de l'objet loué, en raison du bruit, de la poussière, des trépidations engendrées par de type de travaux, ce qui représentait une moyenne entre les périodes objectivement les plus pénibles et celles plus calmes (ACJC/550/2015 du 11 mai 2015 consid. 4.1; ACJC/202/2013 du 18 février 2013 consid. 6.1).

Le Tribunal fédéral a approuvé une réduction de 37% du loyer de locaux destinés à un cabinet d'ophtalmologie, en raison du bruit causé par deux chantiers proches, qui se sont déroulés successivement et, pour partie, cumulativement. Dans le cadre de son appréciation du montant de la réduction de loyer octroyée par l'instance cantonale, le Tribunal fédéral a notamment tenu compte du fait que les immissions de bruit et les secousses massives avaient engendré une forte diminution d'usage pour l'ophtalmologue, lequel devait, dans le cadre de son activité professionnelle, faire montre de concentration ainsi que de précision et employer des instruments précis (arrêt du Tribunal fédéral 4C_377/2004 du 2 décembre 2004 consid. 3.3).

Le Tribunal fédéral a également confirmé une réduction de 60% du loyer pour des locaux loués à une agence de placement qui avait été empêchée de travailler normalement (arrêt du Tribunal fédéral 4C.219/2005 du 24 octobre 2005).

En matière de baux d'habitation, la Cour a confirmé une diminution de loyer à hauteur de 20%, pris en tant que taux moyen, pendant une année et demie à l'occasion d'importants travaux entrepris sur des voies et ses quais situés à 30 mètres du logement de la locataire et effectués momentanément 24 heures sur 24 ou le week-end. S'y étaient ajouté le chantier du CEVA et la construction d'une nouvelle ligne de tramway également à proximité de l'immeuble. La Cour a notamment retenu que le bruit généré par les chantiers était sensiblement plus gênant que celui de la circulation routière et ferroviaire auquel l'appartement était exposé. Durant la période concernée, le repos des habitants du quartier avait été particulièrement affecté par des travaux effectués pendant la nuit ou le week-end (ACJC/578/2009 du 11 mai 2009 consid. 4.2).

Dans un arrêt du 2 avril 2007 (ACJC/377/2007), la Cour a accordé une réduction du loyer de 15% durant 18 mois, en lien avec la construction de la troisième voie de chemin de fer entre Genève et Coppet, à des locataires occupant une villa située en bordure de cette voie de chemin de fer. Elle a retenu l'importance du chantier, comportant des travaux de nuit, ainsi qu'un loyer relativement élevé, mais aussi les nuisances préexistantes inhérentes à une habitation en bordure d'une voie ferrée très fréquentée.

Dans un arrêt du 14 décembre 2020 concernant les travaux du CEVA (ACJC/1778/2020), la Cour a jugé qu'il se justifiait d'octroyer, du 24 juillet 2013 jusqu'au 31 octobre 2014, une réduction de loyer de 25% en raison des nuisances du chantier. Cette quotité tenait compte du fait que les locaux n'étaient pas affectés au logement et que l'usage convenu impliquait une tranquillité accrue que l'intimée n'a pas pu garantir. Pour ce qui est de la période du 1er novembre 2014 au 10 octobre 2015, il se justifiait d'allouer 5% de réduction de loyer car les nuisances découlant des vas et viens d'engins et camions se rapprochent davantage de bruits intermittents mais gênants, vu l'activité déployée par l'appelante en l'espèce.

Enfin, dans un arrêt du 3 octobre 2022 (ACJC/1277/2022), également relatif au chantier du CEVA et qui fait l'objet d'un recours pendant au Tribunal fédéral, la Cour a considéré que ne violait pas le droit la fixation de la réduction de loyer faite par le Tribunal des baux et loyers fixée en équité à 15%, face à l'impossibilité de déterminer précisément l'ampleur de chaque nuisance et la temporalité de celles-ci et en particulier s'agissant de locaux dans lesquels était exercée une activité professionnelle.

4.4 En l'espèce, le Tribunal a retenu qu'à partir du 17 septembre 2018 et jusqu'en juin 2019, les travaux d'aménagements extérieurs de la gare avaient provoqué des nuisances, soit des bruits excédant ceux habituels en milieu urbain, notamment du sciage de béton, l'utilisation de marteaux-piqueurs ou d'autres engins en chantier, notamment un rouleau vibrant.

Les témoins entendus avaient également confirmé que ces travaux ont généré de la poussière. De plus, ces travaux se déroulaient à proximité immédiate de l'immeuble habité par les appelants, avec la présence de machines, d'engins de chantier et de barrières, étant toutefois précisé que seul le salon de l'appartement donnait sur le plateau de Champel.

S'agissant des moments de réalisation de ces travaux, les premiers juges ont retenu qu'ils avaient eu lieu à deux reprises durant le week-end (les samedi 9 et 23 novembre 2019) et une fois un soir de novembre 2019 pour la pose du revêtement de l'avenue de Champel. Les appelants n'ont pas prouvé que d'autres travaux auraient eu lieu la nuit et plusieurs témoins ont déclaré que tel n'avait pas été le cas et que les travaux se terminaient tous les jours à 17h00.

Il ressort en outre des témoignages recueillis que les nuisances provoquées par le chantier n'étaient toutefois pas constantes et que les travaux n'avaient pas tous lieu eu même endroit. Les travaux bruyants, tels que le piquage d'ouvrages en béton, étaient ponctuels.

Le Tribunal a également retenu que les mesures avaient été prises pour atténuer les nuisances dans la mesure du possible.

Plusieurs témoins entendus par le Tribunal (P______, J______ et Q______) ont exposé ne pas avoir été particulièrement dérangés par les travaux d'aménagements extérieurs. Deux des trois témoins qui ont déclaré le contraire sont en litige avec l'intimée concernant les nuisances du chantier.

Enfin, le Tribunal a relevé que les appelants ne pouvaient pas raisonnablement se plaindre de ce que le plateau de Champel comportait autrefois un parc, dans la mesure où ce n'était déjà plus le cas lorsqu'ils avaient conclu le contrat de bail.

4.5 Les premiers juges ont retenu qu'au vu de son envergure et des nuisances en découlant, le chantier litigieux constituait un défaut de la chose louée. Compte tenu de l'impossibilité de déterminer précisément l'ampleur des nuisances du 17 septembre 2018 au 30 juin 2019, ils ont jugé adéquate une réduction de loyer moyenne de 10%.

Au vu des jurisprudences précitées et en particulier des deux dernières jurisprudences de la Cour relatives au chantier du CEVA, la fixation de la réduction de loyer opérée par le Tribunal est conforme au droit.

En effet, les nuisances ont eu lieu à des horaires usuels et ont été limitées autant que possible, étant ajouté que seul le salon de l'appartement loué donnait sur le chantier. Ainsi, les premiers juges n'ont pas mésusé de leur pouvoir d'appréciation en jugeant, en équité, qu'une réduction de loyer moyenne de 10% pouvait être appliquée et la Cour ne voit rien à redire à cette appréciation.

4.6 Infondés, les griefs des appelants seront rejetés. Le jugement entrepris sera confirmé.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme
 :

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 juin 2022 par B______ et A______ contre le jugement JTBL/321/2022 rendu le 3 mai 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/6907/2017-1-OSD.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 73'350 fr. (consid. 1.2).