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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/4628/2022

ACJC/76/2023 du 23.01.2023 sur JTBL/414/2022 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4628/2022 ACJC/76/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 23 JANVIER 2023

 

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______,
2) B______ SA, sise ______,
3) C______ SA, sise ______, appelants et recourants contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 12 avril 2022, comparant tous trois par
Me Pierre BANNA, avocat, rue Verdaine 15, case postale 3015, 1211 Genève 3, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

et

D______ SA, sise ______, intimée, comparant par Me Daniel ZAPPELLI, avocat, rue François-Bellot 4, 1206 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/414/2022 du 12 avril 2022, reçu le 2 juin 2022 par les parties, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______, B______ SA et C______ SA à évacuer immédiatement de leurs personnes, de tout tiers dont ils étaient responsables et de leurs biens, les surfaces industrielles et administratives d'environ 110 m2 au 1er étage, 864 m2 au rez-de-chaussée et 91 m2 au sous-sol de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______ à G______ [GE], ainsi que les six places de parking extérieurs n° 1, 2, 3, 4, 23 et 24 (chiffre 1 du dispositif), autorisé D______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de A______, B______ SA et C______ SA dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), condamné ces derniers, solidairement entre eux, à verser à D______ SA 67'795 fr. 70, avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2022 (ch. 3), déclaré pour le surplus irrecevable la requête formée par celle-ci le 10 mars 2022 (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a. Par acte déposé le 13 juin 2022 au greffe de la Cour de justice, A______, B______ SA et C______ SA ont formé appel et recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Cela fait, ils ont conclu, préalablement, à la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement entrepris et, principalement, à l'irrecevabilité de la requête formée le 10 mars 2022 par D______ SA.

Ils ont notamment allégué que le montant du loyer était incertain et que le prélèvement effectué par D______ SA sur leur versement de 107'094 fr. n'était pas clair.

b. Par décision du 21 juin 2022, la Cour a constaté la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement entrepris et dit que la requête d'effet suspensif était sans objet.

c. Dans sa réponse, D______ SA a conclu au déboutement de A______, B______ SA et C______ SA de toutes leurs conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

d. Les parties ont été informées le 13 juillet 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. D______ SA, en tant que bailleresse, et A______, B______ SA et C______ SA, en tant que locataires, ont conclu le 12 janvier 2021 un contrat de bail à loyer, pour une durée de dix ans du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2030, portant sur la location de surfaces industrielles et administratives d'environ 110 m2 au 1er étage, 864 m2 au rez-de-chaussée et 91 m2 au sous-sol, de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______ à G______, ainsi que six places de parking extérieurs n° 1, 2, 3, 4, 23 et 24.

Le loyer a été fixé à 19'249 fr. HT par mois, charges comprises, auquel s'ajoutait 7.7% de TVA, payable et exigible par trimestre d'avance.

La bailleresse a accordé aux locataires une exonération de loyer jusqu'au 15 février 2021.

Les locataires se sont engagés à fournir à la bailleresse une garantie de loyer de six mois d'un montant de 107'094 fr.

b. Par courriers recommandés du 27 octobre 2021, la bailleresse, soit pour elle la régie E______ (ci-après : la régie), a mis les locataires en demeure de lui régler sous trente jours le montant de 60'830 fr. 10 TTC, à titre d'arriéré de loyer et charges pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2021, et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le contrat de bail conformément à l'art. 257d CO.

c. Par courrier du 5 novembre 2021, B______ SA a indiqué à la régie qu'un avenant oral au contrat de bail avait été conclu avec la bailleresse, à teneur duquel celle-ci accordait une exonération de loyer pour la période de février et mars 2021. Il convenait ainsi de compenser les montants réclamés dans l'avis comminatoire du 27 octobre 2021 avec ceux versés pour les mois de février et mars 2021 avant la conclusion dudit accord.

d. Par courrier du 16 novembre 2021, la régie a répondu à B______ SA que la bailleresse contestait tout accord oral sur la gratuité du loyer du 15 février au 31 mars 2021. Il n'existait pas d'avenant au contrat de bail en ce sens, de sorte que la mise en demeure du 27 octobre 2021 restait en vigueur.

e. Considérant que la somme réclamée n'avait pas été réglée dans le délai imparti, la bailleresse a, par avis officiels du 16 décembre 2021, résilié le bail pour le 31 janvier 2022.

f. Par courrier du 4 février 2022, la bailleresse a mis les locataires en demeure de lui régler au 28 février 2022 la somme de 72'411 fr. 20 à titre d'arriérés de loyer au 31 janvier 2022 et d'indemnités pour occupation illicite pour les mois de février et mars 2022.

Un décompte des montants dus par les locataires depuis la conclusion du contrat de bail, établi par la régie, était annexé à ce courrier.

g. Le 10 mars 2022, la bailleresse a saisi le Tribunal d'une requête en protection de cas clair, assortie de mesures d'exécution directe, concluant à l'évacuation des locataires des locaux litigieux, à leur condamnation à lui verser 11'581 fr. 10 TTC, avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2021, à titre d'arriéré de loyer d'octobre à décembre 2021, 20'276 fr. 70 TTC, avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2022, à titre d'arriéré de loyer de janvier 2022, et 20'276 fr. 70 TTC par mois, du 1er février 2022 jusqu'à la restitution des locaux, avec intérêts à 5% dès chaque échéance mensuelle, à titre d'indemnités pour occupation illicite. Elle a également conclu à la libération en sa faveur de la garantie de loyer.

A l'appui de ses conclusions, elle a notamment produit le décompte des montants dus par les locataires, dont il ressort que le loyer mensuel, charges comprises, s'élevait à 10'138 fr. 35 pour la moitié du mois de février 2021 et à 20'276 fr. 70 pour les autres mois et que les "frais de dossier" se montaient à 1'615 fr. 50. Les locataires s'étaient acquittés de 63'809 fr. le 11 janvier 2021, 107'094 fr. le 28 mai 2021, 24'699 fr. le 17 septembre 2021, 11'588 fr. 25 le 6 octobre 2021, 30'000 fr. le 20 décembre 2021 et 19'249 fr. le 23 décembre 2021. Le 10 juin 2021, la bailleresse avait prélevé la somme de 53'500 fr. sur les versements précités et versé celle-ci à F______ [organisme de cautionnement].

h. Lors de l'audience du Tribunal du 12 avril 2022, la bailleresse a produit un décompte actualisé des montants dus par les locataires, ces derniers ayant versé la somme de 20'276 fr. 70 le 11 mars 2022. Elle a déclaré que l'arriéré s'élevait dorénavant à 69'411 fr. 20 et qu'elle amplifiait ses conclusions en paiement à hauteur de ce montant, sous déduction de 1'615 fr. 50 dus à titre de "frais de dossier" (soit 67'795 fr. 70). Le versement de 53'500 fr., qu'elle avait effectué en mains de F______, correspondait à la garantie de loyer et avait été prélevé sur les montants versés par les locataires pour les loyers.

A______ s'est opposé à la requête de la bailleresse. Selon lui, il n'y avait que deux mois de retard dans le paiement du loyer, soit mars et avril 2022. Il ne pouvait pas expliquer la différence entre le montant dû selon la bailleresse et celui qu'il reconnaissait devoir, précisant que tous les versements apparaissaient sur le décompte produit. Il proposait de s'acquitter des deux mois d'arriéré au plus tard à la fin avril 2022, proposition jugée insuffisante par la bailleresse. A______ a déclaré qu'il avait investi dans les locaux litigieux et que son activité de fabrication de gaines de ventilation avait mis du temps à démarrer. La bailleresse lui avait donc accordé trois mois d'exonération de loyer, précisant ne pas avoir de document établissant cet allégué.

La bailleresse a contesté l'allégué susvisé, précisant avoir offert un mois et demi de gratuité de loyer, soit du 1er janvier au 14 février 2021, ce qui ressortait du décompte produit.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que les conditions d'une résiliation selon l'art. 257d al. 1 CO étaient réunies, les locataires n'ayant pas établi que l'une ou l'autre d'entre elles ferait défaut. En effet, ils ne contestaient pas le montant réclamé, sous réserve de l'exonération de loyer alléguée pour la période du 15 février au 31 mars 2021, non rendue vraisemblable, et ils n'avaient effectué aucun versement durant le délai comminatoire. Depuis l'expiration du terme fixé, les locataires ne disposaient donc plus d'un titre juridique les autorisant à rester dans les locaux, de sorte que leur évacuation devait être prononcée. Les mesures d'exécution forcée requises devaient également être prononcées dès l'entrée en force du jugement, compte tenu de l'importance de l'arriéré et de l'absence de proposition concrète de rattrapage. A teneur des pièces produites, les locataires restaient devoir à la bailleresse 67'795 fr. 70 à titre d'arriérés et d'indemnités pour occupation illicite au 12 avril 2022.

En revanche, les conclusions en paiement d'une indemnité pour occupation illicite des locaux jusqu'à leur restitution étaient irrecevables, une telle condamnation équivalant à un jugement conditionnel inexécutable. La conclusion visant à la libération de la garantie de loyer était également irrecevable, la situation n'était pas suffisamment claire pour statuer sur ce point (date de constitution, numéro de compte ou autre référence).

EN DROIT

1. La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

La procédure sommaire s'applique à la procédure de cas clair (art. 248 let. b CPC).

1.1.
1.1.1
Si les conditions pour ordonner une expulsion selon la procédure sommaire en protection des cas clairs sont contestées, la valeur litigieuse correspond à la valeur du loyer pour la chose louée pour six mois (ATF
144 III 346 consid. 1.2.1).

En l'espèce, les locataires remettent en cause le prononcé de leur évacuation, ainsi que leur condamnation au paiement d'arriérés de loyer et d'indemnités pour occupation illicite, au motif que le cas ne serait pas clair selon l'art. 257 CPC. Compte tenu du montant du loyer et de celui-ci auquel ils ont été condamnés, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte contre le prononcé de l'évacuation et ladite condamnation en paiement.

Interjeté dans le délai et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 3, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.2
1.2.1
Interjeté dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 3 et 321 al. 1 et 2 CPC), le recours formé est également recevable contre l'exécution de l'évacuation.

1.2.2 Dans le cadre d'un recours, la cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.3 L'appel et le recours, formés contre la même décision, seront traités ensemble dans le présent arrêt (art. 125 CPC). Par souci de simplification, les locataires seront désignés ci-après en qualité d'appelants.

2. Les appelants ont fait valoir de nouvelles contestations devant la Cour.

2.1
2.1.1
Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Les exigences posées par l'art. 257 al. 1 CPC doivent être satisfaites en première instance déjà et le juge d'appel ne saurait contrôler l'appréciation du tribunal sur la base de pièces différentes, fussent-elles recevables au regard de l'art. 317 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_312/2013 du 17 octobre 2013 consid. 3.2 et 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5). Il en va de même des faits nouveaux, étant souligné que, dans la mesure où la maxime des débats est applicable à la procédure de protection dans les cas clairs, tout fait non contesté est un fait prouvé (ATF 144 III 462 consid. 3.3.2).

Ainsi, ne sont pas recevables les contestations et objections que le locataire soulève pour la première fois en instance de recours, comme le fait qu'il a payé l'arriéré de loyer dans le délai de sommation de 30 jours (art. 257d al. 1 CO) ou qu'il a obtenu du bailleur un sursis au paiement. Le locataire doit invoquer ces moyens de défense en temps utile, conformément au principe de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense (maxime éventuelle ou maxime de concentration), qui vaut aussi en procédure sommaire de protection dans les cas clairs, soumise à la maxime des débats (ATF 142 III 462 consid. 4.3).

2.1.2 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

2.2 Les appelants allèguent, pour la première fois devant la Cour, que le montant du loyer serait incertain et non établi par les pièces produites et que le prélèvement effectué par l'intimée sur leur versement de 107'094 fr. serait sujet à plusieurs interprétations, de sorte que le cas ne serait pas clair au sens de l'art. 257 CPC.

Ces objections étant nouvelles, elles sont irrecevables. En effet, les appelants ont uniquement fait valoir, en première instance, que l'intimée leur aurait accordé une exonération de loyer jusqu'au 31 mars 2021, étant rappelé que les exigences de l'art. 257 al. 1 CPC doivent être satisfaites à ce stade de la procédure.

3. Les appelants font valoir que le cas ne serait pas clair.

3.1
3.1.1
Aux termes de l'art. 257 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3). La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée: le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2).

La situation juridique est claire, par exemple en matière d'expulsion, lorsqu'un congé est donné pour cause de demeure avérée du locataire et que les règles formelles de résiliation ont été respectées (Bohnet, Commentaire romand CPC, 2019, n° 13 ad art. 257 CPC).

3.1.2 Aux termes de l'art. 257d al. 1 et 2 CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail (avis comminatoire). Le délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

L'avis comminatoire écrit doit expressément et clairement indiquer les loyers (et frais accessoires) impayés et préciser qu'à défaut de paiement dans le délai imparti le bail sera résilié. L'avis est dépourvu d'effet et le congé (CO 257d II) qui le suit est nul (inefficace), notamment si le locataire ne peut pas en comprendre la portée (Lachat/Bohnet, Commentaire romand CO I, 2021, n° 4 et 5 ad art 257d CO).

Si l'avis comminatoire mentionne des dettes incontestées, le caractère douteux de certains montants mentionnés ne change rien au fait que le locataire doit payer les arriérés non contestés. L'invocation d'un vice formel peut également se révéler abusive (Lachat/Bohnet, op. cit., n° 9a ad art 257d CO).

3.1.3 Aux termes de l'art. 267 al. 1 CO, à la fin du bail, le locataire doit restituer la chose dans l'état qui résulte d'un usage conforme au contrat.

Si le locataire reste dans les lieux loués nonobstant l'expiration du bail, il commet une violation contractuelle (ATF 121 III 408 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_27/2017 du 30 août 2017 consid. 4.1.4). Le bailleur peut alors intenter la procédure d'expulsion, soit une action personnelle en restitution de la chose louée (art. 267 CO).

3.2 En l'espèce, les appelants font valoir que l'état de fait ne serait pas clair, dès lors qu'ils l'ont contesté lors de l'audience du 12 avril 2022. Or, lors de cette audience, l'appelant A______ s'est opposé à la requête de l'intimée, au motif qu'il n'y avait que deux mois de retard dans le paiement du loyer, soit mars et avril 2022. A cet égard, il a déclaré ne pas pouvoir expliquer la différence avec le montant requis par l'intimée, précisant que tous les versements effectués par les appelants figuraient dans le décompte produit par celle-ci. Il s'ensuit que la thèse soutenue par le précité n'est pas convaincante et que l'état de fait est susceptible d'être immédiatement prouvé par ledit décompte.

Les appelants ne remettent d'ailleurs pas en cause le fait qu'ils n'ont pas établi qu'une exonération de loyer aurait été convenue avec l'intimée pour la période du 15 février au 31 mars 2021.

Les appelants soutiennent, pour la première fois, que le montant mensuel du loyer de 20'276 fr. 70 TTC, charges comprises, allégué par l'intimée, ne correspondrait pas à celui fixé dans le contrat de bail, soit 20'731 fr. 17 TTC (19'249 fr. HT + 7.7% de TVA), de sorte que le cas ne serait pas clair. Comme relevé sous consid. 2.2 supra, cette objection est nouvelle et partant irrecevable. Les appelants n'ayant pas remis en cause le montant de 20'276 fr. 70 TTC, qui ressort des décomptes produits, celui-ci doit être considéré comme établi. Les appelants n'allèguent d'ailleurs pas que le loyer s'élèverait en réalité au montant supérieur de 20'731 fr. 17 TTC par mois. Ils ont, en outre, versé en mains de l'intimée la somme de 20'276 fr. 70 le 11 mars 2022, reconnaissant ainsi devoir ce montant à titre de loyer.

Les appelants font également valoir, pour la première fois, que l'affectation par l'intimée du montant versé par eux de 107'094 fr. n'était pas claire et sujette à plusieurs interprétations ayant une influence sur les montants dus. A nouveau, cette objection est nouvelle et partant irrecevable. En tous les cas, il ressort clairement des décomptes produits qu'une partie dudit montant a été employée à la constitution d'une garantie de loyer à hauteur de 53'500 fr. auprès de F______ et que les 53'594 fr. restants ont été comptabilisés à titre de paiement de loyer, étant rappelé que celui-ci était payable par trimestre d'avance. Le fait que le contrat de bail prévoyait un versement de 107'094 fr. à titre de garantie de loyer, et non de 53'500 fr., n'est pas déterminant, les montants dus par les appelants ressortant sans équivoque des décomptes produits, non contestés par les appelants.

L'état de fait pertinent pour la solution du litige n'est donc pas litigieux, respectivement est susceptible d'être immédiatement prouvé.

Enfin, les appelants soutiennent que la situation juridique ne serait pas claire, dès lors que la mise en demeure du 27 octobre 2021 mentionne un montant de 60'830 fr. 10 TTC qui ne correspond pas à l'arriéré dû à cette date, soit 59'214 fr. 60 selon le décompte produit. Les appelants n'ont toutefois pas remis en cause la validité de la résiliation du contrat de bail. En effet, ils ne contestent pas ne pas avoir payé le loyer et les charges des mois d'octobre à décembre 2021 dans le délai comminatoire fixé par l'intimée, raison pour laquelle celle-ci a résilié le bail pour le 31 janvier 2022, conformément à l'art. 257d CO. Aucune procédure en contestation de ce congé n'a d'ailleurs été intentée. La situation juridique est donc claire. Dans ces circonstances, les appelants ne sont pas fondés à se prévaloir du fait que l'avis comminatoire ne serait pas compréhensible pour contester l'application de l'art. 257 CPC. Par ailleurs, la différence de 1'615 fr. 50 (60'830 fr. 10 - 59'214 fr. 60) correspond aux frais de dossier inclus dans les décomptes produits, puis expressément déduits par l'intimée lors de l'audience du 12 avril 2022.

Compte tenu de ce qui précède, les premiers juges ont, à bon droit, retenu que les conditions d'application de l'art. 257 CPC étaient réunies. Ils étaient ainsi fondés à prononcer l'évacuation des appelants, avec mesures d'exécution directe, ceux-ci ne disposant plus d'un titre les autorisant à demeurer dans les locaux loués.

Partant, le jugement entrepris sera confirmé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 13 juin 2022 par A______, B______ SA et C______ SA contre le jugement JTBL/414/2022 rendu le 12 avril 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/4628/2022-22-SE.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Monsieur Serge PATEK et Madame
Laurence MIZRAHI, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.