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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/2322/2020

ACJC/47/2023 du 16.01.2023 sur JTBL/272/2022 ( OBL ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2322/2020 ACJC/47/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 16 JANVIER 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 11 avril 2022, représentée par l'ASLOCA, route du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

et

1) CAISSE DE PREVOYANCE B______, sise ______ [GE], intimée, représentée par C______ SA, ______ [GE], en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

2) Monsieur D______ et Monsieur E______, domiciliés ______ [GE], autres intimés, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/272/2022 du 11 avril 2022, communiqué aux parties par pli du même jour, le Tribunal des baux et loyers a déclaré recevables les conclusions visant la réduction du parking (ch. 1 du dispositif), a réduit de 10% le loyer de l'appartement de trois pièces au 5ème étage de l'immeuble sis chemin 1______ [n°] 25 du 1er novembre 2018 au 20 mars 2020 et du 27 avril 2020 au 16 septembre 2020 (ch. 2), a condamné la CAISSE DE PREVOYANCE B______ (ci-après également : la B______) à verser à A______ la somme de 2'970 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 26 février 2020 (ch. 3), a donné acte à E______ et D______ de ce qu'ils ont accepté la dénonciation d'instance (ch. 4), a dit que le jugement était opposable à ces deux derniers (ch. 5), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 7).

B. a. Par acte expédié le 24 mai 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ (ci-après également : la locataire) forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation des chiffres 2 et 3 de son dispositif.

Elle conclut à l'octroi en sa faveur d'une réduction de 25% sur les loyers de son appartement et de son emplacement de parking du 1er décembre 2016 au 30 septembre 2020 et à ce qu'il soit ordonné à la B______ de lui rembourser le trop-perçu de loyer en résultant, soit 18'957 fr. 50 plus intérêts à 5% l'an dès le 6 février 2020.

b. Dans sa réponse du 27 juin 2022, la B______ conclut à la confirmation du jugement.

c. Dans leur réponse du 24 juin 2022, E______ et D______ concluent à la confirmation du jugement.

d. Par réplique du 22 juillet 2022, A______ a persisté dans ses conclusions.

e. La B______, E______ et D______ n'ayant pas dupliqué, les parties ont été avisées le 21 septembre 2022 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Il résulte du dossier les faits pertinents suivants :

a. La CAISSE DE PREVOYANCE B______, propriétaire, et A______, locataire, ont conclu le 26 juin 2014 un contrat de bail à loyer portant sur un appartement de trois pièces n° 51 situé au 5ème étage de l'immeuble sis chemin 1______ [n°] 25 au F______ à Genève, ainsi que sur une place de stationnement intérieure n° 29 au 1er sous-sol dudit immeuble.

b. Le bail de l'appartement a été conclu pour une durée de cinq ans, du 1er juillet 2014 au 30 juin 2019, renouvelable tacitement d'année en année.

Le bail de la place de stationnement a été conclu pour une année jusqu'au 30 juin 2015, renouvelable tacitement d'année en année.

Le loyer initial de l'appartement, sans les charges annuelles de 1'500 fr., a été fixé à 18'600 fr. par an, puis à 15'600 fr. dès le 1er juillet 2019.

Le loyer annuel du parking a été fixé à 2'160 fr.

c. L'article 72 des clauses particulières du contrat de bail de l'appartement précise : « L'immeuble se trouvant en zone de développement, la construction d'immeubles dans le périmètre est prévue. Le locataire, informé de ce qui précède, ne saurait prétendre au maintien de la situation existant à son entrée dans les locaux (tranquillité, vue, accès, passages) et prétendre à des dommages-intérêts ».

d. Par courrier du 22 décembre 2016, la régie a informé les locataires du fait qu'un immeuble allait être construit sur la parcelle en face de l'immeuble.

e. Un premier immeuble a été construit au chemin 1______ [n°] 10, lequel se situe derrière les immeubles sis aux 8 et 8a chemin 1______, à environ 90 mètres du no 25. Les travaux ont débuté en décembre 2016 pour s'achever à l'été 2018.

f. Des travaux de construction simultanés de deux autres immeubles ont débuté aux nos 12 et 14 du chemin 1______ (anciennement n° 10a et 10b), quatre mois après l'achèvement du no 10. E______ et D______ sont les copropriétaires de l'immeuble sis au no 14; ils ont été chargés de la construction des trois immeubles.

g. Les travaux des nos 12 et 14 ont débuté avec le défrichage de la parcelle, suivi de la démolition des habitations existantes et du terrassement. Le gros-œuvre a commencé en novembre 2018 pour se terminer le 21 octobre 2019. Le second œuvre, comprenant l'aménagement intérieur et les façades, a duré jusqu'en juillet 2020, avec une interruption en raison de la pandémie du 20 mars au 27 avril 2020. Les locataires du no 12 ont pu emménager entre fin juin et l'été 2020 et les copropriétaires du no 14 entre la fin de l'été et septembre 2020, les travaux d'aménagements extérieurs s'étant terminés à la mi-septembre 2020.

Les travaux de chantier débutaient vers 7h00 du matin en été et 8h00 en hiver et se terminaient vers 16h30 – 17h00, avec une pause à midi. Les ouvriers arrivaient sur le chantier dès 6h00 – 6h30, de même que les camions qui avaient pour instruction de ne déverser la marchandise qu'après 07h00. A une occasion, une entreprise a travaillé jusqu'à 19h00.

h. Par courrier du 28 février 2019, la locataire s'est plainte à la bailleresse des nuisances subies en lien avec la construction des trois immeubles au chemin 1______ depuis décembre 2016 et a sollicité une réduction de loyer. Elle a fait état de nuisances sonores très tôt le matin (dès 06h50) et jusqu'à tard le soir (19h30 pour certains soirs), ainsi que de la poussière.

i. Par courrier du 4 mars 2019, la régie a relevé que l'immeuble au chemin 1______ [n°] 10 était terminé et qu'il n'avait pas été géré par elle, de sorte qu'elle ne pouvait pas entrer en matière sur la requête de la locataire.

j. Le 25 mars 2019, le conseil de la locataire a rappelé que deux chantiers étaient en cours et que des nuisances étaient perceptibles à des horaires indus, avant 07h00 du matin et au-delà de 17h00, bien qu'en général la pause de midi soit respectée par les ouvriers.

k. Par requête déposée le 5 février 2020 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, dont il est admis qu'une copie a été adressée le même jour par courrier recommandé à la bailleresse, la locataire a assigné cette dernière en réduction de loyer de l'appartement et du parking à raison de 25% du 1er décembre 2016 au 30 septembre 2020 et en remboursement du trop-perçu de loyer avec intérêts à 5% l'an dès le 6 février 2020.

A l'appui de sa requête, elle a produit des vidéos et des photographies du chantier.

Les numéros de procédure C/2322/2020 et C/2323/2020 ont été attribués pour la réduction de loyer de l'appartement, respectivement du parking.

Le 25 février 2020, le Tribunal a adressé copie de la demande à la bailleresse.

l. Non conciliées à l'audience du 23 septembre 2020, les affaires ont été portées devant le Tribunal le 23 octobre 2020.

m. Par ordonnance du 6 novembre 2020, le Tribunal a ordonné la jonction des causes C/2322/2020 et C/2323/2020 sous numéro C/2322/2020 et a fixé un délai à la bailleresse pour répondre.

n. Par réponse du 29 janvier 2021, la B______ a conclu à l'irrecevabilité des conclusions en réduction de loyer pour le parking et au déboutement de la locataire pour le surplus. Elle a dénoncé le litige à la FONDATION COMMUNALE F______ [GE], E______ et D______, G______ et H______ et I______, en leur qualité de propriétaires des immeubles voisins concernés.

o. Par courrier du 22 mars 2021, E______ et D______ ont accepté la dénonciation du litige en soutenant les conclusions de la B______. Les autres parties dénoncées ne se sont pas déterminées.

p. A l'audience de débats principaux du 29 juin 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

La locataire a déclaré ne pas avoir lu toutes les clauses du contrat de bail avant de le signer. Les nuisances en lien avec la construction du no 10 était de moindre importance que celles en lien avec le chantier des nos 12 et 14, du fait que l'immeuble est plus loin et situé derrière les immeubles nos 8 et 8a. Le bruit passait tout de même. Le chantier des nos 12 et 14, qui avait débuté en été 2018, avait duré beaucoup plus longtemps s'agissant de deux immeubles construits simultanément. La période la plus dérangeante jusqu'à début 2019, était celle des fondations et du parking sous-terrain. Ensuite, les nuisances avaient perduré avec la présence de la grue, de camions et par l'utilisation d'une scie circulaire toute la journée, en particulier au moment des travaux sur les façades à partir du printemps 2019 et pour les aménagements extérieurs devant les immeubles jusqu'à mi-septembre 2020. En plus des nuisances sonores, audibles dans tout l'appartement, le chantier provoquait de la poussière sur le balcon et à l'intérieur avec les fenêtres ouvertes. Les immeubles construits aux nos 12 et 14 font face à son appartement à l'est, côté balcon principal et salon, le chemin 1______ séparant les bâtiments. Il était possible de se parler d'un immeuble à l'autre et que l'on pouvait entendre les ouvriers discuter. S'agissant des horaires de chantier, les ouvriers arrivaient à 6h30 et débutaient à 7h00. Il était arrivé que les travaux durent jusqu'à 19h00. Ils avaient eu lieu une fois le samedi et le week-end pour le nettoyage du chantier, à l'occasion duquel les ouvriers hurlaient. La locataire était sujette à des migraines et avait parfois besoin de calme le matin. Il lui était impossible de se reposer. Elle avait réduit son activité à 80% durant 5 semaines et avait été dérangée par les pelles mécaniques durant cette période.

E______ a déclaré être conscient du fait que le chantier des nos 12 et 14 avait provoqué des nuisances. Aucune mesure particulière n'avait été prises sur le chantier pour limiter les nuisances en dehors des mesures habituelles, comme le nettoyage de la route ou la protection des échafaudages.

Le représentant de la bailleresse a précisé qu'aucun autre locataire des nos 8, 8a, 10 et 25 chemin 1______ ne s'était plaint auprès des régies de nuisances en lien avec la construction des nos 12 et 14.

q. Le Tribunal a ordonné des enquêtes et auditionné quatre témoins.

J______ et K______, qui habitent l'immeuble de la locataire, ont déclaré que le chantier du no 10 n'avait pas fait spécialement de bruit, l'immeuble étant plus loin et décalé par rapport à leur immeuble. Elles ont confirmé avoir subi des nuisances sonores et de poussière, bien que leur appartement ne soit pas situé en face du chantier des nos 12 et 14. Le bruit débutait vers 6h20, parfois plus tôt, à l'arrivée des ouvriers avec leurs camionnettes et de la musique. L'OCIRT avait été sollicité fin 2018 pour faire respecter les horaires, ce qui avait permis de réduire les bruits tôt le matin. A deux ou trois reprises, des travaux avaient eu lieu le soir jusqu'à 22h, avec des spots. Les balcons étaient inutilisables en raison de la poussière.

L______, compagnon de la locataire depuis avril 2019, a déclaré que le bruit commençait tôt le matin, parfois vers 6h30 mais le plus souvent vers 7h00 – 7h20. Le chantier était au stade des finitions et le bruit d'une scie à métaux l'empêchait de télé-travailler depuis l'appartement. Il n'habitait pas dans ce logement et n'y était pas habituellement la journée. A son souvenir, du bruit et de la poussière étaient encore présents durant le printemps et l'été 2019, de sorte qu'il n'était pas possible de travailler sur le balcon.

M______, contremaître du chantier pour le gros œuvre, a déclaré avoir été sur le chantier tous les jours, en dehors d'une période d'absence de 6 semaines, et ne pas avoir reçu de plaintes de la part du voisinage. Des spots pouvaient être utilisés le matin sur le chantier en hiver. Il n'y avait jamais eu de travaux le soir.

N______, gérante administrative auprès de la régie gérant l'immeuble de la locataire, a déclaré que deux autres locataires des nos 25a et 25b s'étaient plaints des nuisances en lien avec les constructions du chemin 1______, en octobre 2017 et novembre 2018. La bailleresse ayant émis une fin de non-recevoir, les locataires en étaient restés là. Aucun des habitants des nos 8 et 8a ne s'était plaint auprès de la régie concernant les trois constructions.

r. Par écritures des 28 février et 1er mars 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions, étant précisé que les parties dénoncées n'en ont pas adressé. La cause a été gardée à juger à l'issue d'un délai de 15 jours à dater de la notification des écritures.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.2 En l'espèce, la valeur litigieuse s'élève à 18'957 fr. 50, montant réclamé en réduction de loyer par la locataire à la bailleresse. Elle est donc supérieure à 10'000 fr.

La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.3 Selon l'art. 311 al. 1 et 2 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier.

L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 2314 et 2416; Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

2. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir constaté inexactement les faits et d'avoir violé les art. 256 al. 1, 259a et 259d CO, en refusant d'octroyer une réduction de loyer en lien avec le premier chantier relatif à l'immeuble no 10. Selon elle, le bruit de chantier n'était pas un bruit normal d'un environnement dédié à l'habitation.

Elle soutient également que, s'agissant du second chantier, les premiers juges ont réduit le loyer à partir du mois de novembre 2018 en lieu et place du mois d'août 2018, date du début du chantier par l'élagage des arbres, causant des nuisances sonores. La bailleresse ayant eu connaissance des nuisances, une plainte formelle de sa part n'était pas nécessaire.

Enfin, le défaut de la chose louée devait également être admis en ce qui concerne sa place de parking en raison de la présence constante de camions sur le chemin 1______, rendant la circulation difficile.

2.1 L'art. 256 al. 1 CO dispose que le bailleur est tenu de délivrer la chose à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée.

Conformément aux art. 259a et 259d CO, lorsqu'apparaissent des défauts qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il ne doit pas remédier à ses frais, ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur, notamment, la remise en état de la chose et une réduction proportionnelle du loyer, pour autant que le bailleur ait eu connaissance du défaut.

Le locataire qui entend se prévaloir des art. 258 ss CO doit prouver l'existence du défaut (LACHAT, Le bail à loyer, Lausanne 2008, p. 248).

Le défaut de la chose louée est une notion relative; son existence dépendra des circonstances du cas particulier; il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet loué, l'âge et le type de la construction, ainsi que le montant du loyer (WESSNER, Le bail à loyer et les nuisances causées par des tiers en droit privé, in 12ème Séminaire sur le droit du bail, 2002, p. 23 s.; HIGI, Zürcher Kommentar, n. 28 ad art. 258 CO; ACJC/181/2010 du 15 février 2010 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2).

D'autres facteurs tels que le lieu de situation de l'immeuble, l'âge du bâtiment, les normes usuelles de qualité, les règles de droit public ainsi que les usages courants doivent être pris en considération, de même que le critère du mode d'utilisation habituel des choses du même genre, à l'époque de la conclusion du contrat (LACHAT, op. cit., p. 217-218).

Selon la jurisprudence, tant les nuisances provenant d'un chantier voisin que celles provenant de la réfection de l'immeuble dans lequel se trouve l'objet loué constituent des défauts de la chose louée (LACHAT, op. cit., p. 222; arrêt du Tribunal fédéral 4C.219/2005 du 24 octobre 2005 consid. 2.1 et 2.2). Toute nuisance sonore ne constitue pas nécessairement un défaut de la chose louée. Encore faut-il que les désagréments excèdent les limites de la tolérance (arrêt du Tribunal fédéral 4C.164/1999 du 22 juillet 1999 consid. 2c et les références citées). Les immissions provenant d'un chantier voisin (bruit, poussière, vibrations) peuvent constituer un défaut justifiant une réduction de loyer. Peu importe qu'elles échappent ou non à la sphère d'influence du bailleur (SJ 1997 p. 661).

Cependant, des désagréments causés par un chantier voisin de moyenne importance ne représentant que des entraves mineures inhérentes à la vie quotidienne en milieu urbain, ne justifient pas une réduction de loyer (CdB 2/2003 p. 54).

L'existence d'un chantier voisin ne peut pas être considérée comme un défaut si aucun des locataires de l'immeuble ne s'en est plaint. A défaut de plainte, le bailleur, même s'il connaît l'existence du chantier, ne peut pas en déduire qu'il s'agit d'un défaut (ACJC/862/2001).

La responsabilité du bailleur n'est pas engagée pour les défauts que le preneur connaissait lors de la conclusion du contrat ou qu'il aurait dû connaître en déployant l'attention commandée par les circonstances existant à l'époque de la conclusion initiale du contrat (SJ 1986 p. 195).

Selon l'art. 259d CO, la réduction de loyer peut être exigée à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination complète de ce dernier. C'est au locataire qui entend se prévaloir des articles 258 et ss CO de prouver la date à laquelle le propriétaire a eu connaissance du défaut et le fait que ce dernier réduit l'usage de la chose louée (art. 8 CC). L'essentiel est que le bailleur ait connaissance du défaut, peu importe qu'il l'ait appris personnellement, ou qu'il en ait été informé par l'un de ses auxiliaires, ou par le locataire lui-même.

2.2 Conformément à la jurisprudence précitée, tout chantier voisin ne constitue pas nécessairement un défaut de la chose louée et ce, même dans un environnement dédié à l'habitation, comme le soutient à tort l'appelante.

En l'espèce, les premiers juges ont considéré à raison qu'à teneur des témoignages recueillis, des photos et des vidéos produites, ainsi que des déclarations de l'appelante, il n'apparaissait pas que la construction de l'immeuble au no 10 du chemin 1______ ait généré des nuisances pouvant justifier une réduction de loyer.

Les trois photos datées de 2015 et 2016 produites par l'appelante confirment que le bâtiment est situé à une certaine distance du logement de celle-ci et construit au-delà des immeubles sis aux nos 8 et 8A.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la lettre de la régie du 22 décembre 2016 n'était qu'une lettre d'information, et il ne peut être déduit de celle du 4 mars 2019 que les nuisances alléguées étaient de nature à permettre l'obtention d'une réduction de loyer, dans la mesure où il s'agit d'une non entrée en matière sur les prétentions élevées faute de gérance des immeubles concernés.

Concernant le second chantier, il n'est pas contesté par les parties que la construction de deux immeubles situés à quelques mètres en face de l'appartement de l'appelante, a généré du bruit et de la poussière, constitutifs d'un défaut de la chose louée.

Comme retenu par le Tribunal, ce défaut ne porte toutefois que sur l'appartement, à l'exclusion de la place de parking, la procédure n'ayant pas permis d'établir une circulation difficile constitutive à un défaut sur le chemin 1______ en raison des travaux. De plus, des mesures, comme le nettoyage de la route, avaient été prises durant le chantier, selon le témoin M______.

Les premiers juges ont retenu à juste titre que le dies a quo ne saurait débuter avant que la bailleresse n'ait été saisie d'une plainte, quand bien-même l'existence du chantier lui était connue.

Ce chantier a certes débuté au plus tôt en août 2018, mais la première plainte a été émise par un autre locataire de l'immeuble en novembre 2018 au moment du gros-œuvre, alors que l'appelante a fait part de ses doléances pour la première fois le 28 février 2019.

A l'instar des premiers juges, la Cour retiendra que le dies a quo se situe en novembre 2018, l'appelante ayant échoué à établir avant cette date des nuisances excédant les limites de la tolérance constituant un défaut, en particulier en lien avec le défrichage de la parcelle.

Au vu de ce qui précède, les griefs de l'appelante seront rejetés et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

3. L'appelante fait griefs au Tribunal d'avoir mal établi les faits, mésusé de son pouvoir d'appréciation et violé l'art. 259d CO, en lui accordant une réduction du loyer de 10% en lieu et place de 25%.

Elle soutient que le Tribunal n'avait pas retenu l'intensité réelle des nuisances et de la poussière pendant une longue période à quelques mètres de son logement, le non-respect des horaires du chantier, ses troubles neurologiques, ainsi que la circulation difficile sur le chemin 1______.

3.1 Pour le calcul de la réduction du loyer, on procède en principe selon la méthode dite «proportionnelle». On compare l'usage de la chose louée, affectée de défauts, avec son usage conforme au contrat, exempt de défauts. En d'autres termes, il s'agit de réduire le loyer dans un pourcentage identique à la réduction effective de l'usage des locaux, de rétablir l'équilibre des prestations des parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c; LACHAT, op. cit., p. 257).

Pour mesurer la réduction, il faut toujours partir des circonstances de l'espèce et déduire, d'après des critères objectifs, la « moins-value » causée par le défaut (SVIT, Le droit suisse du bail à loyer, Schulthess 2011, p. 244 N° 19 ad 259d).

Comme ce calcul proportionnel n'est pas toujours aisé, il est admis qu'une appréciation en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique, n'est pas contraire au droit fédéral (ATF 130 III 504 consid. 4.1).

Dans le cadre de nuisances liées à des travaux sur un immeuble voisin, la jurisprudence a retenu une réduction de 25% pour un chantier voisin pendant deux ans (ACJC/467/1996) et 10% pour la construction d'un immeuble sur la parcelle voisine (ACJC/1135/2001; ACJC/283/2015).

3.2 En l'espèce, les premiers juges ont à juste titre accordé en équité une réduction de loyer de 10% s'agissant de l'appartement, en considérant la proximité du chantier et son ampleur, établies par la procédure.

La réduction de 25% requise par l'appelante serait excessive. En effet, contrairement à ce que celle-ci soutient et à l'instar des premiers juges, la Cour retiendra que les travaux débutaient en règle générale à 7h00 du matin pour se terminer entre 17h00 et 18h00, avec une pause pour le déjeuner, étant précisé que les ouvriers arrivaient sur le chantier vers 6h-6h30. Les déclarations J______ et K______ ont permis d'établir que les dépassements d'horaires n'ont eu lieu qu'à deux ou trois reprises.

Les troubles neurologiques de l'appelante ne sauraient entrer en ligne de compte dans la quotité de la réduction, seuls les critères objectifs étant pertinents. L'appelante a pour le surplus échoué à démontrer une circulation difficile sur le chemin 1______ pendant le chantier.

Enfin, l'attention de l'appelante avait été attirée dans le contrat de bail sur le fait que son logement se trouvait en zone de développement, de sorte que la construction d'immeubles était prévue dans le périmètre de son immeuble.

En définitive, au vu de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé.

4. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir inexactement établi les faits et violé l'art. 102 CO, en ne retenant pas que son courrier recommandé du 5 février 2020 à la bailleresse valait interpellation au sens dudit article, faisant partir les intérêts dus en sa faveur.

4.1 Les intérêts moratoires supposent la demeure du débiteur, et donc une mise en demeure au sens de l'art. 102 al. 1 CO.

Si le locataire n'a pas formellement mis en demeure le bailleur dans le cadre de son avis des défauts, les intérêts moratoires, pour peu qu'il y soit conclu dans le mémoire, ne courent que dès la date à laquelle le bailleur se voit notifier celui-ci. Est donc déterminante la date de notification de cette écriture au défendeur, ou la date de réception de la copie que le demandeur lui a éventuellement adressée (art. 105 al. 1 CO; arrêt du Tribunal fédéral 4A_11/2013 du 16 mai 2013 consid. 5).

4.2 En l'espèce, c'est à tort que les premiers juges ont retenu le 26 février 2020, comme date de la réception des écritures par la bailleresse.

En effet, une copie de la demande en réduction de loyer a été adressée par la locataire à la bailleresse par courrier recommandé du 5 février 2020, ce que cette dernière a admis.

Dès lors, des intérêts sont dus dès le 6 février 2020, date de la réception de la copie de la demande par la bailleresse, valant mise en demeure, en lieu et place du 26 février 2020.

Partant, le jugement querellé sera modifié en ce sens.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 mai 2022 par A______ contre le jugement JTBL/272/2022 rendu le 11 avril 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/2322/2020-1-OSD.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif de ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau sur ce point :

Condamne la CAISSE DE PREVOYANCE B______ à verser à A______ la somme de 2'970 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 6 février 2020.

Confirme ce jugement pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.