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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/1711/2022

ACJC/1661/2022 du 19.12.2022 sur JCBL/11/2022 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1711/2022 ACJC/1661/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 19 DECEMBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'une décision rendue par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 12 avril 2022, comparant en personne,

et

B______ SA, sise ______, intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. a. C______ SA, bailleresse, et "D______–A______", locataire, ont conclu en novembre 2009 un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un bureau 1______ d'environ 24 m2, d'un dépôt 2______, d'environ 16 m2, d'une place de stationnement dans l'immeuble sis rue 3______ no. ______ à E______ [GE], ainsi que d'une place de bateau.

Le montant du loyer mensuel a été fixé (hors la place du bateau) à 484 fr. 65, TVA comprise.

A______ est titulaire de l'entreprise individuelle "D______–A______", inscrite au Registre du commerce genevois, avec signature individuelle.

b. A une date qui ne résulte pas de la procédure, B______ SA est devenue propriétaire de l'immeuble en cause.

c. Par avis comminatoire du 4 novembre 2021, B______ SA a mis en demeure A______ de lui régler dans les 30 jours le montant de 969 fr. 30 à titre d'arriérés de loyers et de charges pour la période du 1er juin au 31 juillet 2021, ainsi que 323 fr. 10 à titre de frais de réparation, et l'a informé de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

d. Considérant que la somme susmentionnée n'avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, B______ SA a, par avis officiel, du 17 décembre 2021, résilié le bail pour le 31 janvier 2022.

e. Le 21 janvier 2022, "D______–A______" a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après : la Commission) d'une requête en contestation du congé. La résiliation était considérée comme "injustifiée", signifiée qui plus est "en veille de féries de Noël".

f. Le 9 février 2022, la Commission a cité les parties à comparaître à une audience fixée le 18 mars 2022.

Le pli recommandé contenant la citation précitée a été retiré à la Poste le 11 février 2022 par "D______–A______".

g. A l'audience du 18 mars 2022, la Commission a rayé la cause du rôle, vu le défaut de "D______–A______".

h. Par pli daté du 28 mars, expédié en recommandé le 29 mars 2022 à la Commission, "D______–A______" a formé une demande de restitution, sollicitant la tenue d'une nouvelle audience. Il a soutenu que A______ n'avait pas pu se présenter personnellement à l'audience, étant psychologiquement affaibli et "médicalement-cliniquement très malade". Un certificat médical, établi le 21 mars 2022, a été joint à cette requête. Il fait état de ce que le médecin en charge de A______ avait effectué le jour en cause un examen clinique général mettant en évidence la présence d'une maladie chronique, ayant pour conséquence l'inaptitude du précité à gérer les tâches de la vie "pour le moment".

i. Dans ses déterminations du 4 avril 2022, B______ SA s'est opposée à la tenue d'une nouvelle audience.

B. Par décision JCBL/11/2022 du 12 avril 2022, la Commission a rejeté la demande de restitution et rappelé que la procédure était gratuite. Elle a retenu, d'une part, que la requête de restitution avait été formée plus de dix jours après la tenue de l'audience, de sorte qu'elle était tardive, et, d'autre part, que le certificat médical versé à la procédure n'indiquait pas que A______ aurait été empêché de se rendre à l'audience du 18 mars 2022.

C. a. Par acte expédié le 19 mai 2022 à la Cour de justice, "D______–A______", comparant en personne, a formé "recours" contre cette décision, sollicitant implicitement son annulation et concluant à l'admission de sa requête de restitution.

b. La requête de suspension du caractère exécutoire de la décision entreprise a été rejetée par arrêt présidentiel du 25 mai 2022 (ACJC/713/2022).

c. Dans sa réponse du 9 juin 2022, B______ SA a conclu à l'irrecevabilité du recours, respectivement à son rejet.

d. Par réplique et duplique des 30 août et 15 septembre 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

e. Elles ont été avisées par plis du greffe du 18 octobre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 A teneur de l'art. 122 let. b LOJ, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice connaît des recours dirigés contre les décisions au fond de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers.

1.2
1.2.1
L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon l'art. 149 CPC, lorsque le tribunal est saisi d'une demande de restitution, il donne à la partie adverse l'occasion de s'exprimer et statue définitivement sur la restitution.

Le Tribunal fédéral a jugé que, contrairement au texte de l'art. 149 CPC, l'exclusion de toute voie de droit n'était pas opposable à la partie requérante, dans le contexte particulier où le refus de restitution entraîne la perte définitive des moyens d'annulation du congé. De plus, dans ce cas, ledit refus constitue une décision finale, contre laquelle la voie de l'appel ou de recours est ouverte, devant la seconde instance cantonale (arrêt du Tribunal fédéral 4A_137/2013 du 7 novembre 2013 consid. 6.3 et 7.3).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1).

1.2.2 En l'espèce, la décision de refus de restitution constitue une décision finale. En prenant en compte la période de trois ans, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr.

La voie de l'appel est ainsi en principe ouverte.

Il n'est toutefois pas nécessaire de trancher la question de savoir si le refus de restitution a entraîné la perte définitive de droits, ouvrant la voie de l'appel. En effet, même si tel était le cas, l'appel contre le refus de restitution devrait être rejeté pour les motifs qui suivent.

1.3 La désignation incomplète ou inexacte d'une partie peut être rectifiée et n'a pas pour conséquence l'irrecevabilité de l'acte, pourvu qu'il n'existe dans l'esprit du tribunal et des parties aucun doute raisonnable quant à l'identité de cette partie. Il en va ainsi, notamment, lorsque l'identité résulte de l'objet du litige (ATF 114 II 335 consid. 3a, JdT 1989 I 337; arrêt du Tribunal fédéral 4C_447/2006 du 27 août 2007 consid. 1.2).

Une rectification de la désignation des parties est ainsi admissible si tout risque de confusion peut être exclu. Toutefois, si le vice dans la désignation des parties est grave au point que l'identité des parties demeure entièrement indéterminée, ou si l'action est introduite par une partie qui n'existe pas, la demande doit être déclarée irrecevable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_116/2015 et 4A_118/2015 du 9 novembre 2015 consid. 3.5.1-3.5.3).

En l'espèce, "D______–A______" est une entreprise individuelle, dont A______ est le titulaire. C'est par erreur que le précité a indiqué son enseigne comme partie requérante, en lieu et place de lui-même. Il ne fait dès lors aucun doute que c'est A______ qui a saisi la Commission, et non "D______–A______", entité sans existence juridique. Dès lors qu'il n'existe pas de risque de confusion, la qualité de partie "D______–A______" sera rectifiée en A______.

2. L'appelant reproche à la Commission de ne pas avoir fait droit à sa demande de restitution et de ne pas avoir convoqué une nouvelle audience de conciliation.

2.1 La partie est défaillante lorsqu'elle omet d'accomplir un acte de procédure dans le délai prescrit ou ne se présente pas lorsqu'elle est citée à comparaître (art. 147 al. 1 CPC).

Selon l'art. 148 CPC, le tribunal peut accorder un délai supplémentaire ou citer les parties à une nouvelle audience lorsque la partie défaillante en fait la requête et rend vraisemblable que le défaut ne lui est pas imputable ou n'est imputable qu'à une faute légère (al. 1). La requête est présentée dans les dix jours qui suivent celui où la cause du défaut a disparu (al. 2).

Le défaut doit découler d'une absence de faute ou d'une faute légère. La faute légère vise tout comportement ou manquement qui, sans être acceptable ou excusable, n'est pas particulièrement répréhensible, tandis que la faute grave suppose la violation de règles de prudence vraiment élémentaires qui s'imposent impérieusement à toute personne raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 5A_414/2016 du 5 juillet 2016 consid. 4.1; 5A_927/2015 du 22 décembre 2015 consid. 5.1 et les références; 4A_163/2015 du 12 octobre 2015 consid. 4.1).

Par exemple, une maladie subite d'une certaine gravité qui empêche la partie de se présenter ou de prendre à temps les dispositions nécessaires peut constituer un empêchement non fautif (arrêt du Tribunal fédéral 4A_163/2015 du 12 octobre 2015 consid. 4.1).

Il suffit que les conditions (matérielles) d'application de l'art. 148 CPC soient rendues vraisemblables par le requérant, qui supporte le fardeau de la preuve. La requête de restitution doit ainsi être motivée, c'est-à-dire indiquer l'empêchement et accompagnée des moyens de preuve disponibles (arrêt du Tribunal fédéral 5A_927/2015 précité consid. 5.1 et les références). Il est généralement admis que les empêchements doivent non seulement être allégués, mais établis par pièces (arrêt du Tribunal fédéral 4A_9/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.3).

L'art. 148 CPC laisse une grande marge d'appréciation au tribunal, la disposition étant formulée comme une «Kann-Vorschrift». L'autorité ne saurait agir arbitrairement, mais elle peut prendre sa décision en tenant compte des circonstances, telles le type de procédure, la nature du délai ou de l'audience dont la restitution est sollicitée (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 20 ad art. 148 CPC). Elle pourra tenir compte de nombreux facteurs pour décider si une restitution se justifie, en particulier de l'enjeu pour le requérant (une restitution pouvant apparaître moins justifiée et être plus facilement refusée si le défaut n'a entraîné que des conséquences peu graves), de la complication qu'un retour en arrière entraînerait, mais aussi subjectivement de la situation personnelle de l'intéressé : la même faute pourra ainsi être qualifiée différemment selon qu'elle émane d'une partie inexpérimentée plutôt que d'un plaideur chevronné, voire d'un avocat (Tappy, op. cit., n. 19, ad art. 148 CPC).

2.2 Dans le présent cas, l'appelant ne s'est pas présenté à l'audience de la Commission du 18 mars 2022. Pour fonder sa demande de restitution formée le 29 mars 2022, il a transmis un certificat médical établi le 21 mars 2022, lequel fait état d'une maladie chronique engendrant une inaptitude à gérer les tâches de la vie, sans autre précision. Ledit certificat ne mentionne aucune incapacité de travail, ni d'empêchement de se rendre à une audience. Il s'ensuit que l'appelant n'a pas établi que son défaut à l'audience ne lui était pas imputable à faute ou dû à une faute légère. Par conséquent, la décision de refus de restitution prononcée par la Commission était justifiée et doit être confirmée.

2.3 L'appel se révèle en conséquence infondé, de sorte que la décision entreprise sera confirmée.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Préalablement :

Rectifie la qualité de "D______–A______" en A______.

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 19 mai 2022 par A______ contre la décision JCBL/11/2022 rendue le 12 avril 2022 par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers dans la cause C/1711/2022.

Au fond :

Confirme cette décision.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur
Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.