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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/4341/2020

ACJC/1331/2022 du 10.10.2022 sur JTBL/1063/2021 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 10.11.2022, rendu le 22.06.2023, IRRECEVABLE, 4A_506/2022
Normes : CO.259d; CPC.70
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4341/2020 ACJC/1331/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 10 OCTOBRE 2022

 

Entre

CAISSE DE PREVOYANCE A______ (A______), sise ______, Genève, appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 22 décembre 2021, comparant par Me Boris LACHAT, avocat, rue Saint-Ours 5, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SARL, sise ______[GE], intimée et appelante sur appel joint, comparant par Me Nassima LAGROUNI, avocate, route du Grand-Lancy 20-22, 1212 Grand-Lancy, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1063/2021 du 22 décembre 2021, reçu par les parties le 23 décembre 2021, le Tribunal des baux et loyers a déclaré recevable la requête de B______ SARL du 19 avril 2021 (ch. 1 du dispositif), a constaté que B______ SARL disposait de la légitimation active pour les conclusions 1, 2, 3, 5 et 6 de sa requête du 19 avril 2021 (ch. 2), a dit qu'elle ne disposait pas de la légitimation active pour la conclusion 4 et la conclusion subsidiaire 7 de sa requête du 19 avril 2021, l'a déboutée de ses conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 1er février 2022 à la Cour de justice, la CAISSE DE PREVOYANCE A______ (ci-après : la bailleresse) forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation du ch. 2 de son dispositif et conclut à ce que la Cour dise que B______ SARL ne dispose pas de la légitimation active pour les conclusions 1, 2, 3, 5 et 6 de sa demande du 19 avril 2021 et la déboute desdites conclusions. Préalablement, elle conclut à ce qu'une copie de l'ACJC/150/2008 lui soit notifiée et un délai lui soit imparti pour modifier et compléter son appel.

b. Dans sa réponse du 4 mars 2022, B______ SARL (ci-après : la locataire) conclut, préalablement, à ce que la Cour confirme que la procédure simplifiée est applicable et, principalement, confirme le jugement querellé. Sur appel joint, elle conclut, principalement, à ce que la Cour annule le jugement querellé, déclare sa requête recevable, constate que B______ SARL est représentée par C______ qui participe de facto à la procédure en qualité de partie, que toute décision prise dans la procédure sera opposable à ce dernier et constate que B______ SARL, représentée par C______, dispose de la légitimation active pour toutes les conclusions de la requête du 19 avril 2021, avec suite de frais et dépens. Elle produit une pièce nouvelle.

c. La CAISSE DE PREVOYANCE A______ a répliqué et répondu sur appel joint concluant préalablement à ce que les allégués n° 3 et 4 de la réponse et appel joint du 4 mars 2022 soient déclarés irrecevables et, sur appel joint, au déboutement de B______ SARL de toutes ses conclusions.

d. Les parties ont encore répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Les parties ont été avisées le 7 juin 2022 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Par contrat de bail à loyer du 11 août 2017, la CAISSE DE PREVOYANCE A______ (A______), propriétaire, a remis à bail un atelier de 312m2 environ au rez-supérieur de l'immeuble sis 1______, à B______ SARL et C______, locataires engagés conjointement et solidairement entre eux.

Le bail a été conclu pour une durée de cinq ans et un mois, du 1er septembre 2017 au 30 septembre 2022, avec renouvellement ultérieur tacite de cinq ans en cinq ans.

Le loyer annuel a été fixé à 78'000 fr., hors charges.

b. Le 27 février 2020, B______ SARL a déposé auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers une requête en validation de la consignation du loyer, en réduction de loyer de 15% dès le 4 mars 2019 et en remboursement du trop-perçu de loyer.

c. L'autorisation de procéder a été délivrée à B______ SARL le 19 mars 2021, suite à l'échec de la tentative de conciliation.

d. B______ SARL a porté sa requête par devant le Tribunal le 19 avril 2021. Elle a conclu à la validation de la consignation de loyer (conclusion n° 1), à l'octroi d'une réduction de loyer de 15% par mois du 4 mars 2019 au 30 septembre 2020 soit 975 fr. par mois (conclusion n° 2), à ce que la bailleresse soit par conséquent condamnée à lui verser 18'525 fr. (conclusion n° 3) ainsi qu'à ce que le Tribunal constate la validité de la résiliation anticipée du bail au 30 septembre 2020 (conclusion n° 4), subsidiairement la validité de la restitution anticipée au 3 novembre 2020 (conclusion n° 5).

e. Dans sa réponse du 2 juillet 2021, la bailleresse a conclu à l'irrecevabilité des conclusions portant sur la validité de la résiliation et de la restitution anticipée du bail et au rejet, au surplus, de la demande. Elle s'est prévalue du fait que la requête ne pouvait réunir des prétentions en consignation de loyer et réduction de loyer avec des prétentions portant sur la validité d'un congé anticipé donné par la partie locataire du fait que le type de procédure n'était pas le même dans les deux cas. Elle a également relevé que B______ SARL n'était pas seule titulaire du bail et ne disposait ainsi pas de la légitimation active.

f. Lors de l'audience de débats du Tribunal du 25 novembre 2021, B______ SARL a déposé des déterminations écrites par lesquelles elle a persisté dans ses conclusions.

g. Lors de ladite audience, le Tribunal a limité la procédure à la question de la recevabilité de la demande, respectivement du défaut de légitimation active de B______ SARL, question sur laquelle les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91
al. 2 CPC). La détermination de la valeur litigieuse suit les mêmes règles que pour la procédure devant le Tribunal fédéral (Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 363; Spühler, Basler Kommentar, Schweizeriche Zivilprozessordnung, 3ème édition, 2017, n. 9 ad art. 308 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

En cas de consignation de loyer, la valeur litigieuse correspond au montant des loyers consignés au jour du dépôt de la requête (Dietschy-Martenet, Bail à loyer et procédure civile, Bâle, 2018, n. 111).

1.2 En l'espèce, compte tenu du montant de la réduction de loyer sollicitée en première instance, à laquelle s'ajoutent les montants des loyers consignés au jour du dépôt de la requête, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 Formé dans la réponse à l'appel (art. 313 al. 1 CPC), elle-même déposée dans un délai de trente jours suivant la notification de l'appel (art. 312 al. 1 CPC), l'appel joint est également recevable.

1.5 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'intimée a produit une nouvelle pièce dans la procédure d'appel, soit le formulaire d'exonération de loyer qu'elle avait rempli le 11 décembre 2021 dans le cadre des mesures prises par le canton de Genève pour lutter contre la crise du coronavirus.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

2.2 En l'espèce, le formulaire de demande d'exonération de loyer rempli le 11 décembre 2020 (pièce 1 du mémoire de réponse de l'intimée) est irrecevable puisqu'il s'agit d'un moyen de preuve antérieur à la clôture de la procédure de première instance qui pouvait être produit devant le Tribunal. Par contre, l'allégué auquel se rattache ce moyen de preuve n'est en lui-même pas nouveau, s'agissant d'un élément de fait que l'appelante avait précédemment fait valoir dans sa réponse du 2 juillet 2021 et qui avait été admis par l'intimée. De plus, contrairement à ce que soutient l'appelante, le courrier de la régie du 11 janvier 2021 en réponse à la demande d'exonération de loyer et l'allégué y relatif n'ont pas à être déclarés irrecevables, ceux-ci ayant déjà été produits et allégués dans le cadre de la procédure de première instance.

3. L'appelante sollicite préalablement que la Cour lui notifie une copie de l'arrêt ACJC/150/2008 et lui impartisse un délai pour compléter son appel et, sur le fond, fait grief au Tribunal d'avoir admis à tort que l'intimée disposait de la légitimation active pour les conclusions afférentes à la consignation des loyers, à la réduction de loyer et au remboursement du trop-perçu. Quant à l'intimée, elle reproche au Tribunal de l'avoir déboutée de ses conclusions portant sur la validité de la résiliation anticipée de bail, respectivement de la restitution anticipée, pour cause de défaut de légitimation active.

3.1 Dans la mesure où l'appelante ne cite aucune base légale à l'appui de sa demande de notification d'un arrêt rendu par la Cour de justice ni ne décrit précisément pour quelle raison elle n'a pas pu y avoir accès par le biais d'une demande ordinaire auprès du Pouvoir judiciaire, se bornant à affirmer qu'elle n'a pu en obtenir une copie papier au vu de la situation en vigueur en février 2022 qu'elle ne décrit pas, sa demande doit être rejetée. A cela s'ajoute que le délai d'appel est un délai légal qui ne peut pas être prolongé.

3.2 Aux termes de l'art. 253 CO, le bail à loyer est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder l'usage d'une chose au locataire moyennant un loyer.

On parle de bail commun lorsqu'un bail est conclu entre plusieurs locataires et un bailleur. Entre les colocataires, la société simple est la règle (Lachat, Le Bail à loyer, Lausanne, 2019, p. 85 et 96).

Le bailleur est tenu de délivrer la chose à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée, et de l'entretenir en cet état (art. 256
al. 1 CO). Les droits du locataire en cas de défaut de la chose louée sont listés à l'art. 259a et ss CO et lui permettent notamment de requérir une réduction de loyer (art. 259d CO) ainsi que de consigner son loyer (art. 259g CO).

Selon l'art. 70 al. 1 CPC, les parties à un rapport de droit qui n'est susceptible que d'une décision unique doivent agir ou être actionnées conjointement. Il y a consorité nécessaire lorsque le droit matériel impose aux parties d'agir ou de défendre ensemble; il s'agit là d'une question de droit matériel, et non de procédure. Si l'action n'est pas introduite par tous les consorts nécessaires, il y a défaut de légitimation active, ce qui va entraîner le rejet de la demande, et non son irrecevabilité (ATF 137 III 455 consid. 3.5).

Les créances de la société simple (art. 530 et ss CO, en particulier 544 CO) appartiennent en commun aux associés, de sorte qu'ils ne peuvent en disposer qu'en commun (ATF 137 III 455 consid. 3.4; ATF 142 III 782 consid. 3.1.1).

Aux termes de l'art. 70 al. 1 CO toutefois, lorsque l'obligation est indivisible et qu'il y a plusieurs créanciers, chacun d'eux peut en exiger l'exécution intégrale et le débiteur est tenu de se libérer envers tous. Chaque créancier a ainsi la qualité pour agir seul en justice, en son propre nom, comme partie (Hohl, Commentaire Romand, Code des obligations, 3ème éd., 2021, n. 4 ad. art. 70).

Une prestation est indivisible par nature lorsqu'elle ne peut être fournie en plusieurs prestations partielles de même objet sans changer de nature ou subir une perte de valeur; la réparation d'une chose est une prestation indivisible (Hohl, op. cit., n. 3 ad. art. 70).

La doctrine s'est posée la question de savoir si l'art. 70 al. 1 CO devait primer ou non sur le régime légal de la propriété en mains communes instauré à
l'art. 544 CO et y apporte des réponses différentes.

Selon Hohl, l'art. 70 CO est de droit supplétif, en sorte qu'il ne s'applique pas lorsque le contrat ou des dispositions légales spéciales prévoient autre chose, en particulier lorsque les créanciers ou débiteurs forment une solidarité. Cette auteure ne se prononce cependant pas spécifiquement sur le domaine du bail à loyer (Hohl, op. cit., n. 2 ad. art. 70).

Quant à Lachat, il relève qu'il existe une controverse à ce sujet, en sorte qu'il conseille aux colocataires de faire valoir ensemble les droits liés aux défauts de la chose louée, bien qu'il estime que chaque colocataire devrait pouvoir les exiger individuellement du bailleur, au profit de tous (Lachat, op. cit., p. 99 et les références citées).

A titre d'auteur de doctrine qui partage l'avis inverse, Lachat cite notamment Higi.

En effet, ce dernier soutient que l'indivisibilité des prétentions en entretien de la chose louée au sens de l'art. 70 al. 1 CO ne permet à l'un des colocataires d'agir seul que pour autant que des règles contraires régissant les rapports internes entre locataires ne priment pas. Cet auteur ne débat cela étant pas plus avant de la relation entre l'art. 70 al. 1 CO et l'art. 544 CO (Higi/Bühlmann, Commentaire Zurichois, Code des obligations, 5ème éd., 2019, n. 122 ad. art. 253-273c CO).

Quant à Dietschy-Martenet, elle indique, dans sa contribution spécifique, qu'elle est favorable à la solution selon laquelle l'art. 70 al. 1 CO trouve application et n'est pas subsidiaire à l'art. 544 CO, relevant que le Tribunal fédéral admet d'ailleurs cette solution en cas de pluralité de débiteurs en matière de restitution de la chose louée par des colocataires et d'obligation d'utiliser la chose louée de manière conforme à l'usage convenu (cf. arrêts du Tribunal fédéral 4C.103/2006 du 3 juillet 2006 consid. 4.1 (résumé in DB 2007 N 3) et 4A_429/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.2). Cela signifie ainsi qu'en cas de défaut de la chose louée, chaque colocataire peut en exiger réparation, consigner le loyer ou prétendre à une réduction de loyer (Dietschy-Martenet, Les colocataires de baux d'habitations ou de locaux commerciaux, 19ème séminaire sur le droit du bail, 2016, p. 195-196). La même opinion est soutenue par l'auteure précitée et Bohnet (Bohnet/Dietschy-Martenet, Droit du bail à loyer et à ferme, 2ème éd., 2017, n. 31 ad. art. 253 CO; Bohnet, Actions civiles, Volume II, 2ème éd., 2019, n. 24 ad § 15).

Le Tribunal fédéral n'a jamais tranché cette question controversée.

Quant à la Cour, elle a jugé, en référence à l'avis de Bohnet et Dietschy, que lors de défauts de la chose louée, chaque colocataire peut agir seul en justice pour faire valoir ses droits concernant la remise en état, la consignation du loyer et la réduction proportionnelle du loyer (ACJC/1545/2018 du 12 novembre 2018 consid. 2.2).

Les arguments soulevés par l'appelante ne permettent pas à la Cour de céans de modifier sa jurisprudence.

Contrairement à ce que l'appelante plaide, Lachat ne soutient pas que l'art. 544 al. 1 CO l'emporterait sur l'art. 70 al. 1 CO, mais cite un certain nombre d'auteurs qui partageraient cette opinion, sans que ceux-ci ne se prononcent toujours expressément et de manière détaillée sur la problématique des droits du locataire en cas de défaut de la chose louée. Lachat recommande donc aux locataires la prudence compte tenu de la nature controversée de cette question.

Par ailleurs, dans la mesure où le Tribunal fédéral n'a jamais tranché la question de savoir si l'action en réduction de loyer au sens de l'art. 259d CO est une action formatrice ou une diminution légale de loyer (cf. ATF 142 III 557 = JdT 2017 II 367; arrêt du Tribunal fédéral 4C.65/2003 du 23 septembre 2003 consid. 3.3), il ne peut être affirmé que sa jurisprudence rendue en matière d'actions formatrices, impliquant que toutes les personnes parties au rapport de droit concerné doivent être parties à la procédure d'un côté ou de l'autre de la barre, devrait trouver application pour les actions du locataire résultant des art. 259a ss CO.

En outre, les ATF 136 III 431 et 146 III 346 cités par l'appelante ne sont pas non plus transposables à la présente cause. En effet, il s'agissait, dans le premier cas, d'un litige relatif à une contestation de hausse de loyer (art. 270b CO) et, dans le second cas, d'un litige relatif à une baisse de loyer (art. 270a CO), soit de procédures portant sur des actions formatrices dont il n'est pas controversé qu'elles doivent être exercées conjointement par tous les colocataires. Par ailleurs, dans l'ATF 146 III 346, le Tribunal fédéral s'est référé aux notions de loyer abusif et protection contre les congés ressortant des chapitres II et III du titre 8ème du Code des obligations. Ainsi, lorsque la Haute Cour parle de « fixation du loyer », elle se réfère aux art. 269 ss CO, et non à la réduction de loyer à laquelle le locataire peut prétendre aux termes de l'art. 259d CO.

Les actions formatrices que sont les contestations de hausse de loyer ou les demandes de baisse de loyer selon les art. 270ss CO diffèrent des actions découlant des droits du locataire en cas de défaut de la chose louée, singulièrement la réduction de loyer, qui ne visent qu'à rétablir temporairement l'équilibre des prestations entre les parties (Lachat/Rubli, Le Bail à loyer, Lausanne, 2019, p. 311 et les références citées).

Au vu de ce qui précède et en l'absence d'éléments qui indiqueraient que le Tribunal fédéral pencherait pour la solution inverse, la Cour n'a pas de motif en l'état de revenir sur sa jurisprudence. L'intimée disposait donc de la légitimation active pour déposer seule des conclusions ayant trait à la consignation, à la réduction de loyer et au remboursement du trop-perçu.

Partant, l'appel doit être rejeté.

3.3 L'intimée, dans son appel joint, ne conteste à juste titre pas que les conclusions qu'elle a prises afférentes à la résiliation et à la restitution anticipée de la chose louée relèvent d'actions formatrices qui devaient en principe être formées par tous les consorts matériels, à savoir les deux colocataires ou, à tout le moins, que toutes les parties au procès devaient être réparties d'un côté et de l'autre de la barre. Elle estime néanmoins que le rejet de ses prétentions pour cause de défaut de légitimation active constitue un cas de formalisme excessif et consacre un abus de droit de l'appelante.

3.4 Selon la jurisprudence relative à l'art. 29 al. 1 Cst., une application stricte des règles de procédure constitue un formalisme excessif lorsqu'elle ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et empêche ou complique de manière insoutenable l'application du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (arrêt du Tribunal fédéral 4C.236/2003 du 30 janvier 2004 consid. 3.3 et les références citées). L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (arrêt du Tribunal fédéral 4P.180/2005 du 24 octobre 2005 consid.3.2).

En procédure civile, les parties demanderesse et défenderesse doivent être désignées de manière exacte dans la requête de conciliation lorsque la conciliation est obligatoire, respectivement dans la demande lorsque la conciliation est exclue. La requête et la demande doivent donc être déposées par tous les associés simples, qui doivent être nommément désignés. Il n'est pas possible de rectifier une erreur touchant à la qualité pour agir ou à la qualité pour défendre (pour la partie demanderesse, cf. ATF 142 III 782 consid. 3.2.2; pour la partie défenderesse, cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_560/2015 du 20 mai 2016 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_622/2016 du 7 décembre 2016 consid. 3.1).

Au vu de ce qui précède, il ne peut être reproché au Tribunal d'avoir fait preuve de formalisme excessif en déboutant l'intimée de ses conclusions 4 et 7 de sa requête du 19 avril 2021, l'omission d'un consort matériel nécessaire à titre de partie ne pouvant être rectifiée.

En outre, le fait que C______ a participé aux audiences de conciliation ne permet pas non plus de remédier au défaut de légitimation active, dans la mesure où, en tant qu'associé gérant de B______ SARL, il représentait la société, seule entité ayant introduit la requête et ayant signé la procuration en faveur de son Conseil.

3.5 Aux termes de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Sont considérés comme des comportements typiquement constitutifs d'abus de droit l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement, ou encore l'attitude contradictoire. Les circonstances concrètes sont déterminantes. L'abus de droit n'est retenu que restrictivement, la loi exigeant un abus "manifeste" (art. 2 al. 2 CC) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_12772022 du 28 juin 2022 consid. 3.4 et les références citées).

3.6 Un abus de droit de l'appelante ne peut en l'occurrence être retenu.

En effet, à l'inverse de ce que l'intimée soutient, les documents contractuels font état de ce que B______ SARL et C______ sont deux cotitulaires distincts du bail, le contrat mentionnant expressément qu'ils sont engagés conjointement et solidairement entre eux. Partant, il ne peut être reproché à l'appelante d'avoir laissé croire qu'il y avait identité de personne entre les deux locataires et d'avoir adopté une attitude contradictoire.

De plus, la Cour ne discerne aucun abus de droit dans le fait que l'appelante se serait prévalue pour la première fois du défaut de légitimation active dans le cadre de son mémoire de réponse devant le Tribunal puisqu'elle a soulevé ce moyen dès qu'elle le pouvait formellement. Que l'appelante se soit ou non prévalue de cet élément devant l'autorité de conciliation - ce sur quoi les parties divergent - n'est dès lors pas déterminant, un éventuel silence de sa part à ce propos ne pouvant être compris comme un comportement contradictoire qui aurait pu induire en erreur l'intimée.

3.7 Au vu de ce qui précède, l'appel joint doit être rejeté et le jugement confirmé, ce qui rend sans objet la discussion entre les parties concernant l'éventuelle irrecevabilité des conclusions de l'intimée en raison du fait qu'elles seraient soumises à la procédure ordinaire tandis que celles afférentes à la consignation du loyer et à la réduction de loyer seraient soumises à la procédure simplifiée, excluant ainsi un cumul d'actions (art. 90 let. b CPC).

3.8 L'intimée conclut encore sur appel joint à ce que l'appelante soit condamnée à lui verser une indemnité valant participation aux honoraires de son Conseil compte tenu de l'acharnement procédural dont elle s'estime victime.

Pour autant que cette conclusion non motivée au sens de l'art. 311 al. 1 CPC soit recevable, elle devrait être rejetée, car contraire au principe de la gratuité des procédures devant la juridiction des baux et loyers selon l'art. 22 al. 1 LaCC. L'intimée ne développe en outre aucun moyen permettant de retenir que l'attitude de l'appelante serait téméraire ou abusive au sens de l'art. 128 al. 3 CPC et pourrait l'exposer à une amende disciplinaire. Comme relevé ci-dessus, aucun abus de droit de l'appelante ne peut au contraire être retenu.

L'appel joint sera par conséquent rejeté.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté le 1er février 2022 par CAISSE DE PREVOYANCE A______ et l'appel joint interjeté le 4 mars 2022 par B______ SARL contre le jugement JTBL/1063/2021 rendu le 22 décembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/4341/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Serge PATEK et Madame Elodie SKOULIKAS, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.