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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/2140/2020

ACJC/1210/2022 du 19.09.2022 sur JTBL/1020/2021 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs

rŽpublique et

canton de genve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2140/2020                                                                                    ACJC/1210/2022

ARRæT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 19 SEPTEMBRE 2022

 

Entre

A______ FONDATION DE PLACEMENTS, p.a. B______, ______, recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 7 dŽcembre 2021, comparant par Me David BENSIMON, avocat, rue du Rh™ne 100, 1204 Genve, en l'Žtude duquel elle fait Žlection de domicile,

et

Madame C______ et Madame D______, domiciliŽes ______, intimŽes, reprŽsentŽes par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genve 6, en les bureaux de laquelle elles font Žlection de domicile.

 

 

 

 

 


EN FAIT

A.      Par jugement JTBL/1020/2021 du 7 dŽcembre 2021, le Tribunal des baux et loyers a rŽduit de 80% le loyer du studio au 3me Žtage de l'immeuble sis 1______ ˆ Genve, pour les mois de septembre ˆ novembre 2019 (ch. 1 du dispositif), a donnŽ acte ˆ A______ FONDATION DE PLACEMENTS de son engagement ˆ verser ˆ D______ et C______, prises conjointement et solidairement, la somme de 1'000 fr. (ch. 2), l'y a condamnŽe en tant que de besoin (ch. 3), a condamnŽ A______ FONDATION DE PLACEMENTS ˆ verser ˆ D______ et C______, prises conjointement et solidairement, la somme de 2'545 fr. 10 (ch. 3, recte : 4), a dŽboutŽ les parties de toutes autres conclusions (ch. 4, recte : 5) et a dit que la procŽdure Žtait gratuite (ch. 5, recte : 6).

B.      a. Par acte dŽposŽ au greffe universel du Pouvoir judiciaire le 28 janvier 2022 et parvenu le mme jour ˆ la Cour de justice, A______ FONDATION DE PLACEMENTS forme appel contre ce jugement. Elle en sollicite l'annulation et conclut, principalement, ˆ ce que la Cour annule toute rŽduction ou suppression de loyer, subsidiairement, limite une telle rŽduction ˆ la somme de 1'000 fr.

          b. Dans leur rŽponse du 2 mars 2022, D______ et C______ concluent ˆ la confirmation du jugement entrepris.

          c. Le 29 mars 2022, A______ FONDATION DE PLACEMENTS a rŽpliquŽ. Elle a formulŽ un nouvel allŽguŽ, produit de nouvelles pices et persistŽ dans ses conclusions.

d. D______ et C______ ont rŽpliquŽ le 25 avril 2022, persistant dans leurs conclusions.

e. Les parties ont ŽtŽ avisŽes le 26 avril 2022 par le greffe de la Cour de ce que la cause Žtait gardŽe ˆ juger.

C.      Les faits pertinents suivants rŽsultent de la procŽdure :

          a. D______ et C______ sont locataires, depuis le 1er dŽcembre 2018, d'un studio situŽ au 3me Žtage de l'immeuble sis 1______ ˆ Genve.

          Le loyer mensuel s'Žlve ˆ 1'290 fr., hors charges.

Le logement est occupŽ par D______ et son fils de quatre ans, lequel souffre d'autisme.

          b. A______ FONDATION DE PLACEMENTS (ci-aprs : A______) est propriŽtaire de l'immeuble prŽcitŽ depuis le 1er fŽvrier 2019, la gŽrance en Žtant confiŽe ˆ B______ (ci-aprs : la rŽgie).

          c. Suite ˆ un appel tŽlŽphonique de D______ du 30 aožt 2019, la rŽgie a expŽdiŽ le mme jour un bon ˆ E______ SA pour intervenir dans le cadre de la suspicion de punaises de lit, cas ŽchŽant pour procŽder ˆ un traitement biologique aux fins d'Žradiquer ces nuisibles.

d. La prŽsence de punaises de lit a ŽtŽ rŽvŽlŽe sur le canapŽ du salon/chambre par dŽtection canine du 4 septembre 2019. Le rapport de E______ SA y relatif a ŽtŽ envoyŽ ˆ la rŽgie par courriel du mme jour.

L'entreprise a indiquŽ ˆ D______ que le canapŽ devait tre dŽbarrassŽ ou ŽtuvŽ, ce pour un cožt de 200 fr. ˆ 300 fr., sans compter les frais de trajet d'environ 120 fr. par unitŽ.

e. D______ a fait dŽbarrasser le canapŽ le lendemain par les services de la Ville de Genve.

f. E______ SA a procŽdŽ ˆ un traitement biologique le 11 septembre 2019. Celui-ci s'est dŽroulŽ dans de bonnes conditions.

F______, directeur de E______ SA, entendu comme tŽmoin, a dŽclarŽ que le traitement biologique effectuŽ en l'occurrence impliquait le dŽpart des locataires durant une heure aprs la dispersion du produit, puis une bonne aŽration. Selon ce tŽmoin, le dŽlai entre la premire dŽtection et le premier traitement Žtait Ç frappant È, ledit traitement Žtant gŽnŽralement effectuŽ dans les 48 heures aprs l'information par le locataire du dŽbarras du mobilier touchŽ.

La reprŽsentante de A______ n'a pas fourni d'explication sur les raisons pour lesquelles la dŽsinfection n'a ŽtŽ rŽalisŽe que sept jours aprs la dŽtection des nuisibles. Elle a prŽcisŽ que la rŽgie n'avait pas de Ç suivi actif È de ces demandes.

g. Une nouvelle dŽtection canine effectuŽe le 27 septembre 2019 a rŽvŽlŽ la prŽsence de punaises de lit sur les plinthes et les tuyaux de chauffage dans le salon/chambre.

Ce rŽsultat a ŽtŽ transmis ˆ la rŽgie par courriel du mme jour de E______ SA.

h. Le 4 octobre 2019, D______ a informŽ la rŽgie de ce qu'elle restait dans l'attente d'un nouveau traitement.

i. L'entreprise G______ a dŽposŽ les plinthes le 8 octobre 2019.

j. Par courrier de l'ASLOCA du 10 octobre 2019, D______ et C______ ont mis la rŽgie en demeure de procŽder au traitement d'Žradication des nuisibles.

k. E______ SA a procŽdŽ ˆ un nouveau traitement le 17 octobre 2019.

l. Des punaises de lit ont ˆ nouveau ŽtŽ dŽtectŽes le 31 octobre 2019 dans les plinthes du salon/chambre.

m. La rŽgie a alors mandatŽ ˆ nouveau E______ SA par courriel du vendredi 1er novembre 2019. L'entreprise a rŽpondu le lundi 4 novembre 2019 ˆ 11h24 qu'elle avait essayŽ de joindre la locataire le mme jour pour fixer un troisime rendez-vous, sans succs.

n. Par courriel du 8 novembre 2019, D______ a sollicitŽ de la rŽgie des informations relativement ˆ la date de la prochaine Žtape de traitement. Elle a relevŽ qu'il Žtait spŽcialement important pour son fils, souffrant d'autisme, de pouvoir rŽintŽgrer l'appartement.

o. La rŽgie a relancŽ E______ SA le mme jour et un troisime traitement biologique a ŽtŽ fixŽ au 13 novembre 2019.

p. Diverses interventions de E______ SA les 18 octobre et 15 novembre 2019 n'ont pas permis de dŽtecter de prŽsence de nuisibles dans trois autres appartements de l'immeuble.

q. Un rapport de dŽtection canine du 28 novembre 2019 fait Žtat de l'absence de punaises de lit dans l'appartement.

r. Durant les mois de septembre ˆ novembre 2019, D______ s'est installŽe avec son fils chez sa belle-sÏur, H______. Elle a allŽguŽ s'tre engagŽe ˆ lui verser un montant de 500 fr. par mois Ç pour les charges È, ce que I______, entendue comme tŽmoin, a Žgalement indiquŽ. A teneur du dossier, D______ ne s'Žtait pas acquittŽe ˆ la date du jugement du Tribunal. D______ a allŽguŽ que d'entente avec sa belle-sÏur, ledit versement Žtait prŽvu lorsque la situation financire de D______ le lui permettrait.

s. Par requte dŽposŽe le 3 fŽvrier 2020 par-devant la Commission de conciliation en matire de baux et loyers, D______ et C______ ont assignŽ A______ en suppression de loyer durant trois mois, ainsi qu'en paiement des montants de 3'870 fr. ˆ titre de restitution de loyer et de 3'128 fr. 65 ˆ titre de dommages subis.

D______ et C______ ont allŽguŽ que lorsque celle-lˆ avait fait part du soupon de prŽsence de punaises de lit ˆ J______, collaboratrice de la rŽgie, celle-ci avait indiquŽ que des problmes avec ces nuisibles s'Žtaient dŽjˆ posŽs dans l'immeuble.

En substance, D______ et C______ se sont plaintes d'une rŽactivitŽ insuffisante de la rŽgie dans le traitement de l'infestation. A______ n'avait en outre, selon elles, pas pris des mesures suite aux prŽcŽdentes infestations survenues dans l'immeuble.

t. Non conciliŽe le 19 mai 2020, l'affaire a ŽtŽ portŽe devant le Tribunal le 22 mai 2020.

u. Dans sa rŽponse du 26 juin 2020, A______ a versŽ au dossier un rapport de E______ SA, allŽguant que ledit rapport dŽmontrait que trois dŽtections canines effectuŽes dans les appartements contigus ˆ celui de D______ durant les mois d'octobre et novembre 2019 avaient permis de constater l'absence de punaises de lit.

A______ a soutenu que D______ n'avait par ailleurs pas Žtabli que sa franchise d'assurance pour l'annŽe en cours n'avait pas ŽtŽ atteinte. La police d'assurance produite n'Žtait en outre pas relative ˆ l'annŽe concernŽe.

v. Lors de l'audience de dŽbats d'instruction du 29 septembre 2020, A______ a conclu au dŽboutement des locataires des fins de leurs conclusions, sous rŽserve d'une rŽduction de loyer ˆ hauteur de 1'000 fr., qu'elle Žtait disposŽe ˆ consentir. Elle a soutenu que D______ aurait pu rester dans l'appartement pendant les interventions. Par ailleurs, seul le canapŽ - et non pas le lit - devait tre traitŽ ou dŽbarrassŽ.

w. A l'audience de dŽbats principaux du 10 dŽcembre 2020, D______ a encore allŽguŽ avoir eu des rougeurs sur le corps ds le printemps 2019. Le dermatologue l'avait soumise ˆ une analyse de sang afin de dŽtecter une Žventuelle maladie. Ces frais mŽdicaux Žtaient restŽs ˆ sa charge, car sa police d'assurance-maladie comportait une franchise de 2'500 fr. La solution consistant ˆ rester dans l'appartement et dormir sur un matelas gonflable n'Žtait pas envisageable pour elle au vu des problmes d'autisme dont souffrait son fils, ainsi que du fait qu'elle avait subi une opŽration du dos peu auparavant.

Elle a par ailleurs confirmŽ que la rŽgie lui avait indiquŽ que des punaises de lit avaient dŽjˆ ŽtŽ dŽtectŽes au 6me Žtage de l'immeuble.

x. Par ordonnance de preuve complŽmentaire du 27 janvier 2021, le Tribunal a sollicitŽ du tŽmoin F______ ainsi que de A______ la production de pices relatives ˆ des interventions de E______ SA dans l'immeuble sis 1______. Le tŽmoin a produit des documents figurant dŽjˆ au dossier. A______ n'a pas dŽfŽrŽ ˆ l'ordonnance prŽcitŽe.

y. Le 21 septembre 2021, les parties ont plaidŽ, persistant dans leurs prŽcŽdentes conclusions. Le Tribunal a gardŽ la cause ˆ juger ˆ l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.       1.1 L'appel est recevable contre les dŽcisions finales et les dŽcisions incidentes de premire instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier Žtat des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Le recours est recevable contre les dŽcisions finales de premire instance qui ne peuvent faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fŽdŽral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louŽe sont de nature pŽcuniaire (arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

En l'espce, la valeur restant litigieuse des conclusions devant la Cour s'Žlve ˆ 3'545 fr. 10, de sorte que la valeur litigieuse est infŽrieure ˆ 10'000 fr.

C'est donc la voie du recours qui est ouverte contre la dŽcision du Tribunal.

1.2 Le recours, Žcrit et motivŽ, doit tre dŽposŽ auprs de l'instance de recours dans un dŽlai de 30 jours ˆ compter de la notification de la dŽcision motivŽe ou de la notification postŽrieure de la motivation (art. 321 al. 1 et 239 CPC).

En l'espce, le recours, interjetŽ dans le dŽlai prescrit, est recevable.

1.3 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autoritŽ de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limitŽ ˆ l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulŽs et motivŽs par la partie recourante (Hohl, ProcŽdure civile, Tome II, 2me Žd. 2010, n. 2307).

1.4 Les allŽguŽs nouveaux et les pices nouvelles sont irrecevables (art. 326 CPC).

Ds lors, les faits nouvellement allŽguŽs par la recourante ˆ l'appui de son recours sont irrecevables.

1.5 Selon l'art. 243 al. 2 let. c CPC, la procŽdure simplifiŽe s'applique aux litiges portant sur des baux ˆ loyer d'habitations et de locaux commerciaux en ce qui concerne la consignation du loyer, la protection contre les loyers abusifs, la protection contre les congŽs ou la prolongation du bail. La maxime inquisitoire sociale rŽgit la procŽdure (art. 247 al. 2 let. a CPC).

2.       Dans un premier grief, A______ reproche au Tribunal d'avoir Žtabli les faits de manire manifestement inexacte et apprŽciŽ les preuves de manire insoutenable en retenant qu'elle n'avait pas apportŽ la contre-preuve que le dŽfaut entachant le studio avait ŽtŽ causŽ par les intimŽes. Ce faisant, le Tribunal aurait Žgalement abusŽ de son pouvoir d'apprŽciation.

2.1 ConformŽment aux art. 259a et 259d CO, lorsqu'apparaissent des dŽfauts qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il ne doit pas remŽdier ˆ ses frais, ou lorsque le locataire est empchŽ d'user de la chose conformŽment au contrat, il peut exiger du bailleur, notamment, la remise en Žtat de la chose et une rŽduction proportionnelle du loyer, pour autant que le bailleur ait eu connaissance du dŽfaut (ACJC/236/2022 du 21 fŽvrier 2022 consid. 2.1).

Lorsque l'origine du dŽfaut est difficile ˆ dŽterminer et litigieuse, on admet que pour se libŽrer, le bailleur puisse toujours amener la preuve que le dŽfaut a ŽtŽ causŽ en raison de la responsabilitŽ du locataire, selon les mmes rgles que l'art. 267 CO. S'il n'apporte pas la contre-preuve d'une responsabilitŽ du locataire, son Žchec implique que la rŽduction de loyer est due, mme si l'origine exacte du dŽfaut ne peut tre Žtablie, et cela sans faute du bailleur (Aubert, in Droit du bail ˆ loyer, Bohnet/Montini, Žd., 2010, n. 53 ad art. 259d CO).

2.2 En l'espce, la preuve de l'existence d'un dŽfaut, ˆ savoir la prŽsence de nuisibles a ŽtŽ apportŽe par les intimŽes et n'est pas remise en question. Aucun ŽlŽment ˆ la procŽdure ne permet de dŽterminer la cause de la prŽsence des punaises de lit dans le studio. Certes, il n'est pas possible de constater la prŽsence de punaises de lit dans l'immeuble avant leur apparition dans l'appartement des intimŽes. La recourante n'a toutefois pas contestŽ qu'il avait ŽtŽ indiquŽ par la rŽgie aux intimŽes que des punaises de lit avaient prŽcŽdemment infestŽ une partie de l'immeuble. L'absence de preuve d'une prŽsence antŽrieure de punaises de lit au sein de l'immeuble ne suffit pas ˆ retenir que les intimŽes seraient responsables de la prŽsence des punaises dans le studio.

L'allŽguŽe proximitŽ temporelle entre l'apparition des nuisibles et un Žventuel retour de vacances des intimŽes avant la rentrŽe scolaire, qui ne repose sur aucun fait dŽmontrŽ, ne remet pas en cause ce qui prŽcde.

En l'absence de tout ŽlŽment propre ˆ dŽmontrer la responsabilitŽ des intimŽes relativement ˆ la prŽsence de punaises de lit dans le studio, le Tribunal ne pouvait estimer que la recourante s'Žtait libŽrŽe de sa responsabilitŽ quant ˆ la prŽsence du dŽfaut. Si l'origine exacte du dŽfaut ne peut tre Žtablie, comme en l'espce, le bailleur assume la responsabilitŽ du dŽfaut, mme en l'absence de faute.

Le Tribunal a donc correctement Žtabli les faits, respectivement apprŽciŽ les preuves. Le grief est ainsi infondŽ.

3.       Subsidiairement, dans la mesure o la Cour devait ne pas retenir que le dŽfaut est imputable aux intimŽes, la recourante se plaint d'une violation du droit en lien avec l'importance du dŽfaut et la rŽduction de loyer. Elle soutient que les intimŽes Žtaient de mesure de rester dans le logement, le traitement biologique qui a ŽtŽ rŽalisŽ le permettant.

3.1 Le bailleur est tenu de dŽlivrer la chose dans un Žtat appropriŽ ˆ l'usage pour lequel elle a ŽtŽ louŽe, puis de l'entretenir dans cet Žtat (art. 256 al. 1 CO). Il y a dŽfaut lorsque l'Žtat de la chose diverge de ce qu'il devrait tre selon l'art. 256 CO, c'est-ˆ-dire lorsque la chose ne prŽsente pas une qualitŽ que le bailleur avait promise, ou sur laquelle le locataire pouvait lŽgitimement compter en se rŽfŽrant ˆ l'Žtat appropriŽ ˆ l'usage convenu (ATF 136 III 186 consid. 3.1.1; 135 III 345 consid. 3.2; arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2).

Des dŽfauts de moyenne importance et des dŽfauts graves ouvrent au locataire les droits prŽvus ˆ l'art. 259a CO, en particulier la rŽduction du loyer (al. 1 let. b). Elle est due ˆ partir du moment o le bailleur a eu connaissance du dŽfaut et jusqu'ˆ l'Žlimination de ce dernier (art. 259d CO; arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2).

Le dŽfaut de moyenne importance restreint l'usage convenu de la chose louŽe sans l'entraver considŽrablement (art. 258 al. 3 let. a, art. 259b let. b et art. 259d CO). Le dŽfaut grave (art. 258 al. 1 et art. 259b let. a CO) exclut l'usage de la chose louŽe tel qu'il a ŽtŽ convenu par les parties ou le restreint de telle sorte qu'on ne peut objectivement exiger du locataire qu'il use de l'objet du bail. Tel est notamment le cas du dŽfaut qui met en danger la santŽ du preneur et de sa famille ou du dŽfaut qui empche totalement le locataire d'habiter, pendant un certain temps, le logement louŽ ou une part importante de celui-ci (arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2).

En principe, il convient de procŽder selon la mŽthode dite relative ou proportionnelle, telle qu'elle est pratiquŽe dans le contrat de vente : la valeur objective de la chose avec dŽfaut est rapportŽe ˆ sa valeur objective sans dŽfaut, le loyer Žtant ensuite rŽduit dans la mme proportion. Cependant, le calcul proportionnel n'est pas toujours aisŽ. Il est alors admis qu'une apprŽciation en ŽquitŽ, par rŽfŽrence ˆ l'expŽrience gŽnŽrale de la vie, au bon sens et ˆ la casuistique, n'est pas contraire au droit fŽdŽral (ATF 130 III 504 consid. 4.1; arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2).

Lorsque le dŽfaut est grave, et bien que la loi ne le prŽvoie pas expressŽment, le locataire peut demander ˆ tre exonŽrŽ du paiement de tout loyer. Il faut cependant que la perturbation atteigne une grande intensitŽ pour que le loyer puisse tre supprimŽ. Tel peut tre le cas lorsque l'usage des locaux crŽe un danger sŽrieux pour la santŽ du locataire et de sa famille (Lachat/Grobet Thorens/Rubli/Stastny, Le bail ˆ loyer, Lausanne 2019, p. 315, ¤ 3.6 et les rŽfŽrences).

Dans l'arrt 4A_395/2017 mentionnŽ ci-dessus, le Tribunal fŽdŽral a confirmŽ une rŽduction de loyer de 100% en raison de la prŽsence de punaises de lit, ladite rŽduction s'appliquant pendant tout le processus de dŽsinfestation en raison de l'impossibilitŽ d'habiter dans le logement durant cette pŽriode. Le Tribunal fŽdŽral a considŽrŽ que vu le degrŽ d'infestation de l'appartement, dont toutes les pices, ainsi que la salle de bains et le WC sŽparŽ, avaient ŽtŽ contaminŽes, on ne pouvait attendre des occupants qu'ils habitent dans celui-ci car ils auraient en effet subi de nombreuses piqžres, ce qui constituait une atteinte indŽniable ˆ l'intŽgritŽ physique, voire psychique. Les produits chimiques destinŽs ˆ Žradiquer les parasites constituaient en outre un risque pour la santŽ des enfants qui, ˆ l'‰ge de trois ans, Žtaient encore susceptibles de porter frŽquemment mains et objets ˆ leur bouche et donc d'ingŽrer les substances nocives.

Dans un arrt du 7 septembre 2015 (ACJC/1009/2015), la prŽsence de punaises de lit a ŽtŽ considŽrŽe par la Cour comme constitutive d'un dŽfaut grave, les punaises de lit entra”nant de nombreux dŽsagrŽments, tant physiques, causant des lŽsions cutanŽes, que psychologiques, qui empchaient l'occupant du logement concernŽ de jouir de son appartement, en particulier la nuit, et entravaient ainsi considŽrablement l'usage de la chose louŽe. Une rŽduction de loyer de 50% due sur toute la pŽriode entre la prise de connaissance du dŽfaut par le bailleur et l'intervention de l'entreprise attestant de la suppression du dŽfaut a ŽtŽ allouŽe.

Plus rŽcemment, la Cour a estimŽ qu'une rŽduction de loyer de 80% en raison de la prŽsence de punaises de lit Žtait justifiŽe, dans la mesure o plusieurs pices de l'appartement ont ŽtŽ touchŽes lors des deux infestations et que la prŽsence de punaises engendre des atteintes sur le plan physique et sur le plan psychique, et ce mme si l'appartement est restŽ habitable pendant la dŽsinsectisation. A cela s'est ajoutŽ que l'Žtendue de l'infestation Žtait attestŽe par les rŽactions cutanŽes importantes aux piqžres d'insectes dont ont souffert les enfants de la locataire (ACJC/1355/2020 du 28 septembre 2020 consid. 5.2.4).

3.2 En l'occurrence, le Tribunal a retenu que le traitement biologique permettait que les locataires restent dans le logement et ne constituait pas une atteinte ˆ leur santŽ. Les arguments de la recourante portant sur ce point ont ainsi ŽtŽ pris en considŽration; elle n'expose pas en quoi le Tribunal aurait errŽ quant ˆ ces faits. Il convient de retenir, avec le Tribunal, que le logement est de taille rŽduite, quoi qu'en dise la recourante, et que le fait que la pice ˆ vivre unique ait ŽtŽ infestŽe de nuisibles permettait de considŽrer que les conditions de vie n'Žtaient pas conformes ˆ l'usage pour lequel la chose avait ŽtŽ louŽe. Le fait de dormir sur un matelas gonflable avec un risque de piqžres pour la locataire et son fils, de surcro”t particulirement sensible ˆ son environnement, ne peut tre considŽrŽ comme compatible avec un usage normal de l'appartement. La recourante ne le prŽtend d'ailleurs pas.

Compte tenu de la sŽrieuse entrave ˆ la jouissance de l'appartement et conformŽment ˆ la jurisprudence, le raisonnement du Tribunal et la quotitŽ de la rŽduction de loyer accordŽe aux intimŽes sont conformes aux principes dŽveloppŽs ci-dessus.

4.       Dans un troisime grief, la recourante reproche au Tribunal d'avoir retenu de manire arbitraire qu'elle n'avait pas apportŽ de preuve libŽratoire de son absence de faute relativement aux dommages subsŽquents subis par les intimŽes.

4.1 L'art. 259e CO permet au locataire de rŽclamer au bailleur des dommages-intŽrts lorsque le premier subit un dommage en raison d'un dŽfaut de la chose louŽe dont le second rŽpond. Cette disposition est un cas d'application de l'art. 97 CO. La responsabilitŽ (contractuelle) du bailleur sera engagŽe si le dommage se trouve en relation de causalitŽ adŽquate avec le dŽfaut de la chose louŽe, ˆ moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable. L'art. 259e CO prŽsume donc la faute du bailleur, lequel peut se libŽrer s'il prouve avoir pris toutes les prŽcautions pour Žviter le dommage ou y remŽdier (arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 6.2 et les rŽfŽrences citŽes).  

4.2 En l'occurrence, le dommage est limitŽ au canapŽ dont les intimŽes ont dž se dŽbarrasser le 5 septembre 2019, soit le lendemain de la dŽtection des punaises de lit par l'entreprise E______ SA.

Le Tribunal a considŽrŽ que la recourante n'avait pas apportŽ la preuve qu'elle avait pris toutes les mesures imposŽes par les circonstances afin que l'apparition de punaises de lit dans le logement ne se reproduise pas, dans la mesure o un tel problme s'Žtait dŽjˆ posŽ par le passŽ, ce que la recourante n'avait pas niŽ. La recourante n'ayant pas donnŽ suite ˆ l'ordonnance lui demandant d'apporter ladite preuve, le Tribunal a retenu que la recourante n'avait pas pris toutes les prŽcautions pour Žviter la prŽsence de punaises de lit. Par ailleurs, le Tribunal a retenu que les mesures de dŽsinfestation s'Žtaient dŽroulŽes avec retard ˆ la suite de la rŽception par la rŽgie des rapports de dŽtection positifs, ce que le tŽmoin spŽcialiste en la matire avait soulignŽ, sans qu'aucune explication n'ait ŽtŽ fournie par la rŽgie, si ce n'est que cette dernire ne pratiquait pas de suivi actif des dossiers.

La recourante n'a pas contestŽ l'existence prŽalable de punaises de lit dans l'immeuble. Cette dernire n'a pas dŽmontrŽ avoir assurŽ un suivi rapide de la situation ˆ compter du signalement de la prŽsence de nuisibles et de l'Žmission d'un premier bon de travail en faveur de l'entreprise E______ SA, puisqu'une dizaine de jours s'est ŽcoulŽe sans que la rŽgie ne s'enquire de la situation. L'apprŽciation de ces ŽlŽments opŽrŽe par le Tribunal n'est ainsi pas critiquable. Ainsi, il ne peut tre considŽrŽ, sur la base du dossier ˆ la procŽdure que la recourant aurait pris toutes les prŽcautions permettant d'Žviter la survenance du dŽfaut ou, ˆ tout le moins, d'y remŽdier.

5.       Le recours sera ds lors rejetŽ, au vu de ce qui prŽcde.

6.       A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prŽlevŽ de frais dans les causes soumises ˆ la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

DŽclare recevable le recours interjetŽ le 28 janvier 2022 par A______ FONDATION DE PLACEMENTS contre le jugement JTBL/1020/2021 rendu le 7 dŽcembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/2140/2020-4-OSD.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procŽdure est gratuite.

DŽboute les parties de toutes autres conclusions.

SiŽgeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, prŽsidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN et Madame
ZoŽ SEILER, juges assesseurs; Madame Ma•tŽ VALENTE, greffire.

 

La prŽsidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffire :

Ma•tŽ VALENTE

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fŽdŽral conna”t des recours constitutionnels subsidiaires; la qualitŽ et les autres conditions pour interjeter recours sont dŽterminŽes par les art. 113 ˆ 119 et 90 ss LTF. Le recours motivŽ doit tre formŽ dans les trente jours qui suivent la notification de l'expŽdition complte de l'arrt attaquŽ. L'art. 119 al. 1 LTF prŽvoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit dŽposer les deux recours dans un seul mŽmoire.

Le recours doit tre adressŽ au Tribunal fŽdŽral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pŽcuniaires au sens de la LTF infŽrieure ˆ 15'000 fr.