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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/15203/2021

ACJC/1213/2022 du 19.09.2022 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15203/2021 ACJC/1213/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 19 SEPTEMBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______, ______[VS], recourant contre une ordonnance rendue par le Tribunal des baux et loyers le 23 mars 2022 comparant par Me Pierre-Bernard PETITAT, avocat, rue Patru 2, case postale 110, 1211 Genève 4, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

VILLE DE GENEVE, intimée, p.a. et représentée par la GERANCE IMMOBILIERE MUNICIPALE, rue de l'Hôtel-de-Ville 5, case postale 3983, 1211 Genève 3, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance du 23 mars 2022, expédiée pour notification le lendemain, le Tribunal des baux et loyers a clos les débats principaux et cité les parties à des plaidoiries orales.

La décision vise en particulier l'offre de preuves formulée par les parties, rappelle les principes en matière de droit à la preuve et d'appréciation anticipée des preuves, et retient qu'en l'espèce il s'agit de mettre un terme à l'instruction, les preuves proposées n'étant pas de nature à amener une modification de l'opinion du Tribunal.

B.            a. Par acte du 4 avril 2022, A______ a formé recours contre cette ordonnance. Il a conclu à l'annulation de celle-ci, cela fait à ce que l'audition en qualité de témoin de C______ soit ordonnée, sur tous les allégués formulés par lui.

b. La VILLE DE GENEVE a conclu au rejet du recours.

c. Par avis du 20 mai 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :

a. Le 6 août 2021, la VILLE DE GENEVE a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une demande en paiement de 27'740 fr. dirigée contre A______, avec requête de mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, notifié au précité par l'Office des poursuites du district de G______[VS].

Au bénéfice d'une autorisation de procéder délivrée par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 7 octobre 2021, la VILLE DE GENEVE a porté sa demande au Tribunal le même jour.

Elle a allégué qu'elle avait, le 25 janvier 2016, remis à bail à D______ Sàrl, A______, E______ et C______, agissant conjointement et solidairement entre eux, une partie des parcelles plain-pied n° 2______ et 3______ feuillet 5_____ de F______, sises 4______ à Genève, moyennant un loyer de 5'040 fr. par mois, charges comprises. Le bail à loyer, initialement conclu pour une durée de deux ans dès le 1er mars 2016, s'était ensuite renouvelé automatiquement conformément au contrat, avant qu'elle ne le résilie le 13 décembre 2019 pour le 31 janvier 2020, au moyen d'avis officiels adressés séparément à chacun des précités pour défaut de paiement, le montant des loyers impayés étant alors de 30'230 fr., les loyers demeurant dus jusqu'à l'échéance de même qu'une indemnité pour occupation illicite jusqu'à restitution de l'objet du bail.

Elle a encore allégué que D______ Sàrl avait été radiée du Registre du commerce, par suite de sa faillite, le ______ 2020; elle avait produit dans la faillite, et obtenu 29'707 fr. 66 correspondant au solde de la garantie bancaire, après déduction de frais prélevés par l'Office des faillites. Par jugement du 20 novembre 2020 du Tribunal, D______ Sàrl, A______, C______ et E______ avaient été condamnés à évacuer immédiatement les parcelles susmentionnées de leurs personnes et de leurs biens, le recours formé à la Cour ayant été déclaré irrecevable par arrêt du 9 décembre 2020. Les montant dus (27'740 fr.) entre le 1er juin 2020 et le 31 janvier 2021 (date à laquelle les locaux n'avaient pas été restitués) n'ayant pas été acquittés par A______, C______ et E______, elle avait fait notifier au premier d'entre eux un commandement de payer, poursuite n° 1______ portant sur le montant de 27'740 fr., lequel avait été frappé d'opposition.

b. Par réponse, A______ a conclu au déboutement de la VILLE DE GENEVE des fins de ses conclusions. Il a contesté l'entier des allégués formés dans la demande, à l'exclusion de ceux portant sur les décisions de justice; il a formé des allégués propres.

c. A l'audience du Tribunal du 1er mars 2022, A______ a déposé une liste portant le nom d'un seul témoin, soit C______, portant sur certains de ses allégués. La VILLE DE GENEVE a fait valoir que le témoignage requis portait sur des faits non pertinents, respectivement n'était pas utile.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger sur ordonnance de preuve.

d. Le dossier en mains de la Cour comporte encore le procès-verbal de l'audience du Tribunal du 10 mai 2022 dans la présente cause, au cours de laquelle la VILLE DE GENEVE a plaidé et persisté dans ses conclusions, tandis que le conseil de A______ a renoncé à plaider et persisté dans ses conclusions.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Le recours est recevable contre les décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Par définition, les décisions visées à l'art. 319 let. b CPC ne sont ni finales, ni partielles, ni incidentes, ni provisionnelles. Il s'agit de décisions d'ordre procédural par lesquelles le tribunal détermine le déroulement formel et l'organisation matérielle de l'instance (JEANDIN, in CR CPC, 2ème éd. 2019, n. 11 ad
art. 319 CPC).

Les ordonnances d'instruction se rapportent à la préparation et à la conduite des débats. Elles statuent en particulier sur l'opportunité et les modalités de l'administration des preuves, ne déploient ni autorité ni force de chose jugée et peuvent en conséquence être modifiées ou complétées en tout temps (JEANDIN, op. cit., n. 14 ad art. 319 CPC).

En l'espèce, l'ordonnance entreprise est une ordonnance d'instruction, relevant de l'administration des preuves, au sens de l'art. 319 let. b CPC.

1.2 Cette ordonnance peut faire l'objet d'un recours dans les dix jours à compter de sa notification (art. 321 al. 1 et 2 CPC), délai qui a été respecté en l'espèce.

1.3 Il reste à déterminer si la décision querellée est susceptible de causer au recourant un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC, les autres hypothèses visées par l'art. 319 let. b ch. 1 CPC n'étant pas réalisées (cf. JEANDIN, op. cit., n. 18 ad art. 319 CPC).

2. 2.1 Constitue un "préjudice difficilement réparable" au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure.

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci ne constitue pas un préjudice difficilement réparable (SPÜHLER, BSK ZPO, n. 7 ad art. 319 CPC). De même, le seul fait que la partie ne puisse se plaindre d'une violation des dispositions en matière de preuve qu'à l'occasion d'un appel sur le fond ne constitue pas en soi un préjudice difficilement réparable (ACJC/351/2014 du 14 mars 2014 consid. 2.3.1; Message du Conseil fédéral,op. cit., FF 2006 6841, p. 6884; JEANDIN, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC). Retenir le contraire équivaudrait à permettre à un plaideur de contester immédiatement toute ordonnance d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a justement voulu éviter (ACJC/35/2014 du 10 janvier 2014 consid. 1.2.1; ACJC/943/2015 du 28 août 2015 consid. 2.2).

Le préjudice sera considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (REICH, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2010, n. 8 ad art. 319 CPC; ATF 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2), ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée, ou encore, lorsqu'une ordonnance de preuve ordonne une expertise ADN présentant un risque pour la santé ce qui a pour corollaire une atteinte à la personnalité au sens de l'art. 28 CC (JEANDIN, op. cit., ad art. 319 CPC n. 22a et les références citées). De même, le rejet d'une réquisition de preuve par le juge de première instance n'est en principe pas susceptible de générer un préjudice difficilement réparable, sauf dans des cas exceptionnels à l'instar du refus d'entendre un témoin mourant ou du risque que les pièces dont la production est requise soient finalement détruites (JEANDIN, op. cit., ad art. 319 CPC n. 22b).

L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre l'accomplissement de cette dernière condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu : il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (parmi d'autres : ACJC/1294/2018 du 25 septembre 2018 consid.2.2.1; ACJC/1311/2015 du 30 octobre 2015 consid. .1; ACJC/351/2014 du 14 mars 2014 consid. 2.3.1).

En résumé, la notion de préjudice difficilement réparable doit être interprétée restrictivement puisque la personne touchée disposera le moment venu de la faculté de remettre en cause la décision ou ordonnance en même temps que la décision au fond : il incombe au recourant d'établir que sa situation procédurale serait rendue notablement plus difficile et péjorée si la décision querellée était mise en œuvre, étant souligné qu'une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne suffisent pas. On retiendra l'existence d'un préjudice difficilement réparable lorsque ledit préjudice ne pourra plus être réparé par un jugement au fond favorable au recourant, ce qui surviendra par exemple lorsque des secrets d'affaires sont révélés ou qu'il y a atteinte à des droits absolus à l'instar de la réputation, de la propriété et du droit à la sphère privée (JEANDIN, op. cit., n. 22 et 22a ad art. 319 CPC). En principe, le rejet d'une réquisition de preuve par le juge de première instance n'est pas susceptible de générer un préjudice difficilement réparable, sauf dans des cas exceptionnels à l'instar du refus d'entendre un témoin mourant ou du risque que les pièces dont la production est requise soient finalement détruites (JEANDIN, op. cit., n. 22b ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision attaquée lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1).

Si la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, le recours est irrecevable et la partie doit attaquer la décision incidente avec la décision finale sur le fond (BRUNNER, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2016, n. 13 ad art. 319 CPC).

2.2 En l'espèce, le recourant se limite à affirmer que l'audition du témoin qu'il a fait citer serait indispensable, et qu'à défaut il subirait un préjudice difficilement réparable. Cette motivation squelettique n'est manifestement pas propre à établir les circonstances exceptionnelles nécessaires pour s'écarter du principe selon lequel le rejet d'une réquisition de preuve par le juge de première instance n'est pas susceptible de générer un préjudice difficilement réparable.

Il s'ensuit que le recours n'est pas recevable.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 4 avril 2022 par A______ contre l'ordonnance de preuves rendue le 23 mars 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/15203/2021-4-OSD.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.