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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/21505/2021

ACJC/294/2022 du 02.03.2022 sur JTBL/29/2022 ( SBL ) , ADMIS

Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21505/2021 ACJC/294/2022

ORDONNANCE

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 2 MARS 2022

 

Entre

A______ SÀRL, sise ______[GE], appelante et recourante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 20 janvier 2022, comparant en personne,

et

FONDATION B______, sise ______[GE], intimée, comparant en personne.

 


Vu le contrat de bail conclu par les parties, portant sur la surface (terrain nu) de 869 m2 située sur la parcelle n° 1______ de C______;

Vu la requête en protection du cas clair, reçue le 10 novembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers, formée FONDATION B______, à l'encontre de A______ SÀRL, concluant à l'évacuation de cette dernière avec mesure d'exécution directe du jugement d'évacuation;

Vu le jugement non motivé JTBL/1053/2021 du 16 décembre 2021 aux termes duquel le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné A______ SÀRL à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de toute personne dont elle serait responsable la surface (terrain nu) de 869 m2 située sur la parcelle n° 1______ de C______ (ch. 1 du dispositif) et a autorisé FONDATION B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ SÀRL dès l'entrée en force du jugement (ch. 2);

Que ce jugement a été expédié pour notification aux parties le 21 décembre 2021; que le 22 décembre 2021, un avis de retrait du pli recommandé a été déposé par la Poste dans la boîte aux lettres de A______ SÀRL;

Que cette dernière a requis la prolongation du délai pour retirer le courrier, qu'elle a retiré le 10 janvier 2022;

Vu la demande de motivation du jugement formée le 10 janvier 2022 au Tribunal par A______ SÀRL;

Vu le jugement JTBL/29/2022 rendu le 20 janvier 2022 par le Tribunal, déclarant irrecevable la demande de motivation formée par A______ SÀRL; que les premiers juges ont considéré qu'en tenant compte du dépôt, le 22 décembre 2021, de l'avis de retrait, A______ SÀRL avait disposé d'un délai échéant au 2 janvier 2022 pour former sa requête de motivation, la suspension de délai ne s'appliquant pas à la procédure sommaire; que dès lors que la demande formée le 10 janvier 2022 l'avait été tardivement; qu'en tout état, si la précitée avait formé une requête de restitution de délai, celle-ci aurait dû être rejetée;

Que le 24 février 2022, D______, huissier judiciaire, a adressé à A______ SÀRL un avis judiciaire, requérant que cette dernière prenne toutes dispositions nécessaires pour libérer le terrain en cause très rapidement, faute de quoi la force publique serait requise, sans autre avis;

Vu l'appel et le recours déposés par A______ SÀRL le 28 février 2022 à la Cour de justice contre ce jugement;

Attendu, EN FAIT, qu'elle a conclu à titre superprovisionnel et provisionnel à ce que la Cour constate et dise que le jugement du 16 décembre 2021 et la décision rendue le 20 janvier 2022 ne sont pas définitifs et fasse "interdiction absolue à la partie adverse et/ou à tout tiers de [l]'évacuer des locaux litigieux";

Considérant, EN DROIT, qu'en cas d'urgence particulière, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse (art. 265
al. 1 CPC);

Que le prononcé de telles mesures suppose un danger particulièrement imminent ou que le fait de donner connaissance de la requête à la partie requise risquerait de prétériter l'exécution des mesures (Bohnet, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 2 ad art. 265 CPC);

Que les conditions de la mesure provisionnelle n'ont pas à être prouvées de manière absolue; que le requérant doit les rendre vraisemblables ou plausibles; qu'il n'est pas nécessaire que le juge soit persuadé de l'existence des faits; qu'il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, il acquière l'impression d'une certaine vraisemblance de l'existence des faits pertinents, sans pour autant qu'il doive exclure la possibilité que les faits aient pu se dérouler autrement (ATF 130 III 321 = JdT 2005 I 618);

Que l'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961; Bohnet, op. cit., 2019, n. 3 ss ad art. 261 CPC; Hohl, op. cit., n. 1774, p. 325);

Que le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause; qu'en d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets; qu'est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2011 consid. 4); qu'en d'autres termes, la condition de l'urgence doit être considérée comme remplie lorsque sans mesures provisionnelles, le requérant risquerait de subir un dommage difficile à réparer au point que l'efficacité du jugement rendu à l'issue de la procédure ordinaire au fond en serait compromise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_629/2009 du 25 février 2010 consid. 4.2); qu'il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1);

Que la mesure ordonnée doit respecter le principe de proportionnalité, ce qui signifie qu'elle doit être à la fois apte à atteindre le but visé, nécessaire, en ce sens que toute autre mesure se révèlerait inapte à sauvegarder les intérêts de la partie requérante, et proportionnée, en ce sens qu'il ne doit pas exister d'alternatives moins incisives (Hohl, op. cit., p. 323 s.);

Que le délai pour requérir une motivation écrite d'un jugement non motivé est de dix jours; que si la motivation n’est pas demandée, les parties sont considérées avoir renoncé à l’appel ou au recours (art. 239 al. 1 let. b CPC);

Que les délais déclenchés par la communication ou la survenance d'un événement courent dès le lendemain de celles-ci (art. 142 al. 1 CPC);

Que si le dernier jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié reconnu par le droit fédéral ou le droit cantonal du siège du tribunal, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit (art. 142 al. 3 CPC);

Que la solution de l’art.142 al.3 CPC entraîne le report de tous les délais de procédure; que cette disposition s'applique en procédure sommaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_368/2019 du 31 octobre 2019 consid. 6; Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 25 ad art. 142 CPC);

Que, selon la jurisprudence constante, un envoi recommandé est réputé notifié à la date à laquelle son destinataire le reçoit effectivement; que lorsque ce dernier ne peut pas être atteint et qu'une invitation à retirer l'envoi est déposée dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, la date du retrait de l'envoi est déterminante; que si le pli n'est pas retiré, l'acte est réputé notifié à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification (ATF 138 III 225 consid. 3.1, in JdT 2012 II p. 457; 134 V 49 consid. 4 et les références citées);

Que celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins (ATF 141 II 429 consid. 3.1 et les références citées);

Que ces principes sont ancrés à l'art. 138 al. 3 let. a CPC;

Que la fiction de la notification à l'échéance du délai de garde suppose que l'avis de retrait a été déposé dans la boîte aux lettres du destinataire et qu'il soit arrivé par conséquent dans sa sphère privée (ATF 116 III 59 consid. 1b et les références citées, in JdT 1992 II p. 148);

Qu'en l'espèce, l'appelante a été valablement convoquée à l'audience du Tribunal du 16 décembre 2021, ce qu'elle ne remet au demeurant pas en cause;

Que le jugement d'évacuation non motivé a été expédié par le Tribunal le 21 décembre 2021 et un avis de retrait dudit pli a été déposé le 22 décembre 2021 dans la boîte aux lettre de l'appelante; que le délai de garde de 7 jours est venu a priori à échéance le 29 décembre 2021; que conformément aux principes rappelés ci-avant, la présomption de la fiction de notification au terme dudit délai trouve application;

Que selon toute vraisemblance, le délai pour solliciter du Tribunal la motivation du jugement est arrivé à échéance le samedi 8 janvier 2022, reporté au lundi 10 janvier 2022;

Que les chances de succès de l'appel ont été ainsi rendues vraisemblables, à ce stade;

Qu'il apparaît ainsi, prima facie, que le Tribunal devait faire droit à la demande de motivation du jugement formée par l'appelante;

Que l'absence de demande de motivation d'un jugement a pour conséquence que les parties sont réputées avoir renoncer à recourir; que le jugement en cause devient en conséquence définitif;

Que l'exécution, par la force publique, de l'évacuation de l'appelante est de nature à lui causer un préjudice irréparable;

Que l'appelante a rendu vraisemblable l'urgence à statuer, sans entendre la partie intimée, l'huissier judiciaire mandaté par cette dernière l'ayant avisée de ce qu'elle devait quitter les lieux au plus vite, à défaut de quoi la force publique interviendrait sans autre avis;

Que l'appelante a dès lors rendu vraisemblable les conditions du prononcé de mesures superprovisionnelles;

Que la Cour suspendra le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement JTBL/1053/2021 rendu le 16 décembre 2021 par le Tribunal ainsi que le caractère exécutoire du jugement JTBL/29/2022 du 20 janvier 2022;

Que la requête sera transmise à l'intimée et un délai de 10 jours lui sera imparti pour répondre à la demande de mesures provisionnelles;

Que la suite de la procédure est réservée;

Que la procédure est gratuite (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

Statuant sur mesures superprovisionnelles :

Suspend le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement JTBL/1053/2021 rendu le 16 décembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21505/2021, ainsi que le caractère exécutoire du jugement JTBL/29/2022 rendu le 20 janvier 2022 par le Tribunal dans la même cause.

Cela fait et statuant préparatoirement :

Transmet la requête de mesures provisionnelles formée le 28 février 2022 et impartit à FONDATION B______ un délai de 10 jours dès réception de la présente ordonnance pour répondre par écrit et produire ses pièces.

Réserve la suite de la procédure.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au Tribunal fédéral (ATF 137 III 417 consid. 1.3).