Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/718/2025 du 26.09.2025 ( AI ) , ADMIS
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
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| A/3074/2024 ATAS/718/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 24 septembre 2025 Chambre 4 | ||
En la cause
| A______ représenté par Me Yves MABILLARD, avocat | recourant |
contre
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OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né en 1960, travaillait en tant qu'indépendant sur un chantier naval et à l'entretien de bâtiments depuis 1992.
b. Depuis le 15 octobre 2012, l'assuré est en incapacité de travail.
B. a. Par demande du 24 août 2014, il a sollicité des prestations de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI).
b. Des pièces rassemblées par l’OAI, il ressort notamment que l'assuré souffre, depuis 2009 au moins, d’une rhizarthrose trapézométacarpienne bilatérale de stade II des deux côtés, opérée, et d’une arthrose débutante bilatérale des doigts longs. En 2010, un syndrome du tunnel carpien bilatéral s’y est ajouté (cf. expertise établie le 29 juin 2011 par le docteur B______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur).
En octobre 2012, l’assuré a souffert d’un adénocarcinome de l'œsophage. Un status après traitement de l’adénocarcinome, avec dumping syndrome (malaises succédant à chaque repas avec lente récupération), asthénie de grade II et inconfort digestif chronique a par la suite été retenu (rapport établi en septembre 2014 par la docteure C______, spécialiste en oncologie médicale ; expertise du 16 juin 2015 du docteur D______, spécialiste en gastroentérologie).
Enfin, en juin 2015, un syndrome post-thrombotique du membre supérieur droit consécutif à une thrombose veineuse profonde du membre supérieur droit dans un contexte de pose d’un port à cath a été diagnostiqué (cf. rapport du docteur E______, spécialiste en maladies vasculaires).
En raison des atteintes précitées, les médecins traitants ont estimé l'incapacité de travail de l’assuré dans son activité habituelle entre 50 et 100% selon les périodes, sans se prononcer sur la capacité de travail dans une activité adaptée.
c. Parallèlement à l’instruction médicale, l’OAI a cherché à comprendre la nature de l’activité professionnelle de l’assuré.
Selon un courriel du 3 juillet 2016 de l’assuré, celui-ci s'occupait de la restauration, de l'entreposage, de l'entretien de bateaux ainsi que de l'entretien et de la restauration de bâtiments. Il n'avait pas d'employés mais avait à son service un réseau de professionnels et de « tâcherons » qu'il payait pour accomplir certaines activités lors desquelles il ne pouvait pas être seul, par sécurité, ou par lourdeur du mandat octroyé. Il pouvait encore effectuer tous les travaux qui ne demandaient pas d'efforts démesurés et de délais trop précis. Les travaux qu'il ne pouvait plus effectuer étaient la prise en charge de gros travaux, les gros bateaux qui demandaient trop de concentration ou trop d'efforts physiques, les travaux dans des conditions météorologiques autres que normales, les travaux demandant une attention et un stress trop constants, les travaux non accompagnés (risques d'inattention et de surcharge), les activités demandant des horaires et des remises de mandats trop précis ainsi que des travaux demandant un outillage ou un environnement non adapté à sa condition physique actuelle. Son taux de présence effectif dans l'entreprise était de 30%.
d. Le 14 juillet 2017, l'OAI a établi un rapport d'enquête pour indépendant. Il en résulte notamment que l’assuré avait opéré une restructuration de son entreprise en l’orientant vers la location de bateaux et en faisant appel à des sous-traitants pour les travaux de construction et d’entretien. Depuis 2017, il donnait des cours de bateau. La partie administrative avait augmenté de 20% à 50% car il formait et encadrait des personnes. Les convoyages demandaient de la préparation et de la planification. Il gérait les imprévus et les cours de navigation nécessitaient une gestion administrative. Il effectuait encore certaines tâches physiques, à son rythme. L’assuré faisait appel à de la sous-traitance et n’avait pas d’autres charges salariales que les siennes. Il ne payait pas les bénévoles et les stagiaires.
e. Par avis du 31 août 2017, le docteur F______, médecin auprès du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR), a considéré que l'enquête d'indépendant démontrait que l'assuré avait aménagé son travail et qu'il avait augmenté la partie administrative. Compte tenu des limitations fonctionnelles, de la fatigabilité, de l'impossibilité d'effectuer des efforts physiques et des résultats de l'enquête, sa capacité de travail dans l'ancienne activité était de 40% et dans une activité adaptée de 60%.
f. Par projet de décision du 25 octobre 2017, confirmé par décision du 7 décembre 2017, l'OAI a nié le droit de l'assuré à une rente d'invalidité. En effet, selon le SMR, il avait une capacité de travail de 40% dans son activité habituelle dès le 15 octobre 2012 et de 60% dans une activité adaptée dès cette date. Selon les résultats de l'enquête économique du 12 juillet 2017, l'assuré avait aménagé son travail et augmenté la partie administrative. Partant, le préjudice économique était de 12%, ce qui n'ouvrait le droit ni à une rente d'invalidité, ni à une mesure de reclassement.
C. a. Le 26 janvier 2018, l'assuré, par l'intermédiaire de son conseil, a interjeté recours contre la décision du 7 décembre 2017, contestant notamment l’estimation du SMR du 31 août 2017, qu’il a qualifiée d’arbitraire, laquelle ne correspondait pas aux appréciations de ses médecins traitants. En outre, l’assuré a critiqué l’enquête économique de l’OAI, laquelle contenait plusieurs erreurs. Enfin, il a contesté les salaires avec et sans invalidité retenus par l’office.
b. Le 27 août 2018, se référant à des rapports qu’il a joints à son écriture, l’assuré a encore expliqué souffrir d’un état dépressif et d’une asthénie avec des douleurs diffuses depuis décembre 2017, voire septembre 2017, mais ce trouble n’avait été diagnostiqué qu’en février 2018. Par ailleurs, une polyneuropathie sensitivo-motrice des quatre membres avait été confirmée en juin 2018. Elle était présente depuis sa chimiothérapie, soit depuis 2013. Elle affectait son travail vu qu'elle provoquait des troubles sensitifs au bout des doigts, un manque de dextérité, des douleurs et un manque de force. Il n'était absolument pas en mesure d'exercer une activité à 60% au vu du dumping syndrome, mais également de son état dépressif sévère et de sa polyneuropathie. Les médecins avaient encore abaissé sa capacité de travail résiduelle de 20% à 10% à compter du 19 mars 2018, suite aux nouveaux syndromes. En outre, il avait été en arrêt de travail total du 1er février au 18 mars 2018. Sa perte de gain allait être encore plus importante en 2018 que les années précédentes.
c. Par arrêt du 6 mars 2019 (ATAS/183/2019), la chambre de céans a partiellement admis le recours de l’assuré, considérant en substance que les rapports au dossier ne permettaient pas de confirmer l'appréciation, par l’OAI, de sa capacité de travail. Par ailleurs, le calcul de l'invalidité, tel qu'effectué par l’office, en se fondant sur les résultats de l’entreprise avant et après invalidité, n’était pas de nature à permettre une évaluation conforme au droit des effets des atteintes à la santé sur la capacité de gain de l’assuré pour plusieurs raisons qui ont été détaillées dans l’arrêt.
La chambre de céans a donc annulé la décision du 7 décembre 2017 et renvoyé la cause à l’office pour mise en œuvre d’un complément d'instruction sous la forme d'une expertise médicale pluridisciplinaire auprès de médecins spécialisés en gastroentérologie, médecine interne, neurologie, et psychiatrie. En cas de nécessité, un stage d'observation professionnelle visant à clarifier le rendement exigible et les activités demeurant à la portée de l'intéressé devait également être organisé.
D. a. Le 9 mai 2020, l’OAI a informé l’assuré que l’expertise pluridisciplinaire évoquée par la chambre de céans avait été attribuée de manière aléatoire au centre CEMEDEX à Fribourg et que les examens allaient être effectués par les docteurs G______ (médecine interne), H______ (gastroentérologie), I______ (neurologie) et J______(psychiatre).
b. Dans leur rapport du 2 septembre 2020, les experts ont retenu les diagnostics suivants : polyneuropathie sensitivomotrice longueur de fibres dépendante, prédominant cliniquement sur le versant sensitif, polyneuropathie développée au décours d'une chimiothérapie en 2013 (G97) pour un cancer du cardia et à la faveur d'une ancienne consommation d'alcool excessive, jusque dans les années 2010, (G621) ; adénocarcinome œsophagien initialement uT3NIM0, C. 15 avec chimiothérapie, radiothérapie et œsophagectomie en 2013 ; syndrome de dumping postprandial précoce depuis 2013 (K911) ; asthénie majeure depuis 2014, (R53) ; trouble affectif bipolaire, épisode actuel mixte (F31.6) ; troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool, syndrome de dépendance actuellement abstinent secondaire (F 10.20).
Les experts ont abouti consensuellement à une capacité de travail nulle de juin 2012 à mai 2014, puis, dès juin 2014, de 100% avec une diminution de rendement de 50%, tant dans l’activité habituelle que dans une activité adaptée. À noter que de l’avis de l’expert en gastroentérologie, repris dans la partie consensuelle de l’expertise, il n’existait pas d’activité plus adaptée que celle exercée habituellement, vu la flexibilité dont l’assuré disposait dans son organisation.
c. Le 9 septembre 2020, le SMR a fait siennes les conclusions de l’expertise du CEMEDEX.
d. En mai 2021, l’assuré a adressé à l’OAI ses bilans et comptes de pertes et profits relatifs aux années 2015 à 2020.
e. Le 4 janvier 2021, l’OAI a estimé qu’au vu des limitations fonctionnelles retenues et de la nature de l’activité exercée, l’activité résiduelle s’apparentait à une niche et aucun changement de poste n’était exigible. Comme l’expertise CEMEDEX l’avait souligné, il était difficile d’imaginer une activité professionnelle mieux adaptée pour l’assuré. Un stage d’observation professionnelle n’était ainsi pas indiqué, dès lors que si l’activité habituelle ne pouvait plus être réalisée, il convenait de retenir une incapacité de gain totale. Au regard des conclusions de la chambre de céans dans son ATAS/183/2019 du 6 mars 2019 concernant les modalités de calcul de la perte de gain, l’OAI proposait de déterminer la perte de gain sur la base de l’activité résiduelle réalisée par l’assuré.
f. Une nouvelle enquête économique a donc été mise en œuvre le 22 septembre 2021. Vu que les revenus de l’assuré étaient affectés par de nombreux facteurs étrangers à l’invalidité, il a été procédé à l’évaluation sur la base de la méthode extraordinaire, en recourant aux données statistiques résultant de l’Enquête Suisse sur la Structure des Salaires (ci-après : l’ESS) éditées par l'Office fédéral de la statistique correspondant à chaque champ d’activité. L’enquête a ainsi abouti à un préjudice économique de 55% dès juin 2014, échéance du délai de carence.
g. Par projet de décision du 8 octobre 2021, confirmé par décision du 31 mai 2022, l’OAI a mis l’assuré au bénéfice d’une demi-rente dès février 2015, soit six mois après le dépôt de sa demande de prestations, fondée sur la perte de gain de 55% résultant de l’enquête économique.
E. a. L’assuré a recouru contre cette décision le 4 juillet 2022, concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente d’au moins 69.7%.
En substance, il a contesté, pour les motifs qu’il a explicités dans son recours, la valeur probante de l’expertise du CEMEDEX, considérant que l’évaluation de sa capacité de travail était arbitraire et qu’elle ne convainquait pas. Il était en revanche d’avis qu’il fallait se baser sur les différents rapports de ses médecins traitants pour évaluer sa capacité de travail.
L’assuré a enfin contesté les résultats de l’enquête économique. Outre que l’enquêtrice s’était fondée sur l’appréciation (erronée selon l’assuré) de la capacité de travail résultant de l’expertise CEMEDEX, elle avait mal évalué, au vu notamment de ses différentes limitations fonctionnelles, les taux d’activité et de rendement réels dans plusieurs des champs d’activités.
Selon son propre calcul, l’assuré aboutissait à une incapacité de travail de 69.7%, au minimum, dans l’activité habituelle.
b. Par arrêt du 22 mars 2023 (ATAS/203/2023), la chambre de céans a partiellement admis le recours et annulé la décision querellée. Elle a en effet considéré que compte tenu des diverses contradictions et incohérences internes à l’expertise et au vu des nombreuses limitations retenues par les experts eux-mêmes, il n’était pas convaincant de retenir une capacité de travail de 100% avec une diminution de rendement de 50%, tant dans l’activité habituelle que dans une activité adaptée. Cela était encore moins le cas à partir de l’aggravation de septembre 2017. Toutefois, les rapports, pour la plupart peu détaillés, des différents médecins traitants ne suffisaient pas non plus à trancher la cause. En outre, faute d’une approche pluridisciplinaire commune entre les différents spécialistes traitants, il n’était guère possible d’en déduire des taux d’incapacité de travail et de rendement globalement cohérents et concordants.
La chambre de céans a également considéré que l’enquête économique de l’office du 29 septembre 2021 était critiquable. Si son principe et le recours à la méthode extraordinaire étaient conformes à ce qui avait été ordonné dans l’ATAS/183/2019 du 6 mars 2019, les résultats auxquels l’enquête aboutissait en termes de capacité de travail et de rendement avec handicap dans les différentes activités ne convainquaient pas pour les motifs qu’elle a détaillés dans son arrêt.
Pour toutes ces raisons, la chambre de céans a renvoyé la cause à l’OAI pour mise en œuvre d’une nouvelle expertise pluridisciplinaire en médecine interne, neurologie, gastroentérologie et psychiatrie, nouvelle enquête pour activité professionnelle indépendante et nouvelle décision.
F. a. Suite au renvoi de la cause, l’OAI a ordonné une nouvelle expertise, laquelle a, à nouveau, été attribuée de manière aléatoire au centre CEMEDEX à Fribourg, les examens étant effectués par les docteurs G______ (médecine interne), H______ (gastroentérologie), I______ (neurologie) et K______(psychiatre).
b. Par courrier du 12 janvier 2024, l’assuré a informé l’OAI qu’il n’avait pas de motifs de récusation à faire valoir à l’encontre des experts précités mais qu’il souhaitait que trois questions supplémentaires fussent intégrées au mandat d’expertise.
c. Dans leur rapport d’expertise du 3 avril 2024, les experts ont en substance repris les diagnostics posés dans leur rapport du 2 septembre 2020 et les ont complétés avec ceux de surcharge pondérale et athéromatose aorto-coronarienne et carotidienne non sténosante.
Les experts ont abouti consensuellement à une capacité de travail nulle depuis octobre 2012 dans l’activité habituelle. Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles qu’ils ont décrites, la capacité de travail était nulle d’octobre 2012 à mai 2014, de 40% de juin 2014 à août 2020 et de 35% dès septembre 2020.
d. Par projet de décision du 19 avril 2024, confirmé par décisions du 15 août 2024, l’OAI a accordé à l’assuré, au vu des conclusions de l’expertise précitée, trois quarts de rente (invalidité de 66%) du 1er février 2015 au 30 novembre 2020 et une rente entière (71%) dès le 1er décembre 2020.
À noter que le 15 août 2024, l’OAI a statué sur le droit aux prestations de l’assuré par quatre décisions différentes, chacune portant sur une période différente, soit :
- du 1er février 2015 au 28 février 2019 (trois quarts de rente) ;
- du 1er mars 2019 au 30 novembre 2020 (trois quarts de rente) ;
- du 1er décembre 2020 au 31 août 2022 (rente entière) ;
- du 1er septembre 2022 au 31 août 2024 et à compter de septembre 2024 (rente entière).
G. a. Le 18 septembre 2024, sous la plume de son conseil, l’assuré a interjeté recours contre les deux premières décisions, concluant à leur annulation et, cela fait, à la constatation de son droit à une rente entière également pour la période du 1er février 2015 au 30 novembre 2020, avec intérêts moratoires de 5%. À l’appui de ses conclusions, il a notamment critiqué les conclusions des experts du CEMEDEX, constatant que celles-ci s’écartaient, sans fournir la moindre explication, des conclusions de ses médecins traitants, à teneur desquelles sa capacité de travail était de 30% en 2014, 20% en 2015 et 2016 et 10% dès 2020. Sur la base des taux précités, la comparaison des revenus conduisait à une invalidité de 70% au moins. Enfin, le recourant concluait au paiement d’intérêts moratoires de 5% sur les prestations rétroactives.
b. Le n° de cause A/3074/2024 a été attribué au recours dirigé contre la décision du 18 septembre 2024 relative à la période courant du 1er février 2015 au 28 février 2019.
Le n° de cause A/3075/2024 a été attribué au recours dirigé contre la décision du 18 septembre 2024 concernant la période du 1er mars 2019 au 30 novembre 2020.
c. Le 17 octobre 2024, l’OAI a répondu dans les deux causes, considérant que l’expertise du CEMEDEX du 3 avril 2024 répondait aux réquisits jurisprudentiels, de sorte qu’une pleine valeur probante devait lui être reconnue. S’agissant ensuite du calcul du degré d’invalidité, c’était à juste titre qu’il avait appliqué la méthode extraordinaire, laquelle laissait apparaître un préjudice économique de 64% entre 2014 et 2018, de 67% entre 2019 et août 2020 et depuis septembre 2020 de 80%, ce qui donnait droit à trois quarts de rente, respectivement à une rente entière. Enfin, s’agissant des intérêts moratoires, l’office intimé se référait à la détermination de la caisse cantonale genevoise de compensation (CCGC) du même jour, en annexe.
d. Dans les deux causes, les parties ont précisé leurs positions respectives sur le plan médical par écritures des 18 décembre 2024 et 11 mars 2025 (recourant) et 16 janvier 2025 (office intimé).
e. Par courrier du 29 août 2025, le recourant a rectifié une imprécision qui s’était glissée dans les conclusions de son recours, expliquant que sa volonté n’était pas d’annuler la décision querellée pour n’obtenir qu’un droit à la rente limité à une période plus courte mais bien d’obtenir une rente entière depuis le 1er février 2015. Aussi, il concluait à ce que la décision querellée soit réformée et non pas annulée.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.
Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Selon l'art. 70 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). La jonction n'est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d'être jugée alors que la ou les autres viennent d'être introduites (al. 2).
En l’espèce, les deux décisions querellées concernent le droit du recourant à une rente entière en raison des mêmes atteintes, seules les périodes visées par les décisions du 15 août 2024 étant différentes. Deux décisions différentes ayant été notifiées, il existe deux liens d’instance et ce même si l’assuré n’a formellement formé qu’un seul acte de recours. La chambre a attribué le n° de cause A/3074/2024 au recours dirigé contre la décision du 18 septembre 2024 relative à la période courant du 1er février 2015 au 28 février 2019 et le n° de cause A/3075/2024 à celui dirigé contre la décision du 18 septembre 2024 concernant la période du 1er mars 2019 au 30 novembre 2020.
Dans ces circonstances, il convient donc préalablement de joindre les deux procédures précitées sous le n° A/3074/2024.
3. Le litige porte sur le droit du recourant à une rente entière pour la période du 1er février 2015 au 30 novembre 2020, en lieu et place de trois quarts de rente accordé par l’OAI, singulièrement sur la valeur probante de l’expertise du CEMEDEX et la comparaison des revenus. Le litige porte en outre sur le calcul des intérêts moratoires dus par l’office intimé.
4.
4.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), y compris les ordonnances correspondantes, sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).
4.2 En l’occurrence, la décision litigieuse, bien que rendue après le 1er janvier 2022, porte sur la rente due entre le 1er février 2015 au 30 novembre 2020, soit une période antérieure aux modifications de la LAI, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.
5.
5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).
En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
5.2 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).
Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
5.3 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
5.4
5.4.1 Pour évaluer le degré d’invalidité, il existe principalement trois méthodes - la méthode générale de comparaison des revenus, la méthode spécifique et la méthode mixte - dont l'application dépend du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré sans activité lucrative, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel (ATF 137 V 334 consid. 3.1).
La détermination du taux d'invalidité ne saurait reposer sur la simple évaluation médico-théorique de la capacité de travail de l'assuré car cela revient à déduire de manière abstraite le degré d'invalidité de l'incapacité de travail, sans tenir compte de l'incidence économique de l'atteinte à la santé (ATF 114 V 281 consid. 1c et 310 consid. 3c ; RAMA 1996 n° U 237 p. 36 consid. 3b).
Chez les assurés qui exerçaient une activité lucrative à plein temps avant d'être atteints dans leur santé physique, mentale ou psychique, il y a lieu de déterminer l'ampleur de la diminution des possibilités de gain de l'assuré, en comparant le revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré ; c'est la méthode générale de comparaison des revenus (art. 28a al. 1 LAI en corrélation avec l'art. 16 LPGA) et ses sous-variantes, la méthode de comparaison en pour-cent et la méthode extraordinaire de comparaison des revenus (ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 et les références).
5.4.2 Dans le cas d’un indépendant, le degré d’invalidité ne saurait être déterminé en appliquant la méthode de la comparaison en pour-cent, cette méthode ne prenant pas en considération le fait que la gestion d'une structure commerciale engendre des charges fixes et incompressibles, telles que loyer, mobilier ou assurances, qui sont indépendantes de la variation du degré d'activité. Une diminution du chiffre d'affaires ne se traduit donc pas par une diminution proportionnelle du bénéfice. De telles circonstances nécessitent bien plutôt l'examen concret de la situation de la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_44/2011 du 1er septembre 2011 consid. 4.2 et 4.3).
Chez une personne de condition indépendante, la comparaison des résultats d'exploitation réalisés dans son entreprise avant et après la survenance de l'invalidité ne permet de tirer des conclusions valables sur la diminution de la capacité de gain due à l'invalidité que dans le cas où l'on peut exclure au degré de vraisemblance prépondérante que les résultats de l'exploitation aient été influencés par des facteurs étrangers à l'invalidité. En effet, les résultats d'exploitation d'une entreprise dépendent souvent de nombreux paramètres difficiles à apprécier, tels que la situation conjoncturelle, la concurrence, l'aide ponctuelle des membres de la famille, des personnes intéressées dans l'entreprise ou des collaborateurs. Généralement, les documents comptables ne permettent pas, en pareils cas, de distinguer la part du revenu qu'il faut attribuer à ces facteurs - étrangers à l'invalidité - et celle qui revient à la propre prestation de travail de l'assuré (arrêts du Tribunal fédéral 9C_46/2016 du 10 août 2016 consid. 2.1 et 9C_44/2011 du 1er septembre 2011 consid. 3.3, et les références).
Si l'on ne peut déterminer ou évaluer sûrement les deux revenus en cause, il faut, en s'inspirant de la méthode spécifique pour personnes sans activité lucrative (art. 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA), procéder à une comparaison des activités et évaluer le degré d'invalidité d'après l'incidence de la capacité de rendement amoindrie sur la situation économique concrète (procédure extraordinaire d'évaluation de l'invalidité). La différence fondamentale entre la procédure extraordinaire d'évaluation et la méthode spécifique réside dans le fait que l'invalidité n'est pas évaluée directement sur la base d'une comparaison des activités ; on commence par déterminer, au moyen de cette comparaison, quel est l'empêchement provoqué par la maladie ou l'infirmité, après quoi l'on apprécie séparément les effets de cet empêchement sur la capacité de gain. Une certaine diminution de la capacité de rendement fonctionnelle peut certes, dans le cas d'une personne active, entraîner une perte de gain de la même importance, mais n'a pas nécessairement cette conséquence. Si l'on voulait, dans le cas des personnes actives, se fonder exclusivement sur le résultat de la comparaison des activités, on violerait le principe légal selon lequel l'invalidité, pour cette catégorie d'assurés, doit être déterminée d'après l'incapacité de gain (ATF 128 V 29 consid. 1 et les références).
Pour autant que la taille et l'organisation de son entreprise le permettent, on peut exiger d'un assuré de condition indépendante qu'il réorganise son emploi du temps au sein de celle-ci en fonction de ses aptitudes résiduelles. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que plus la taille de l'entreprise est petite, plus il sera difficile de parvenir à un résultat significatif sur le plan de la capacité de gain. Au regard du rôle secondaire des activités administratives et de direction au sein d'une entreprise artisanale, un transfert de tâches d'exploitation proprement dites vers des tâches de gestion ne permet en principe de compenser que de manière très limitée les répercussions économiques résultant de l'atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_580/2007 du 17 juin 2008 consid. 5.4).
Concrètement, la détermination de l’invalidité se fait en deux temps dans le cadre de la méthode extraordinaire (Circulaire de l'OFAS concernant l'invalidité et l'impotence de l'assurance-invalidité établie [CIIAI], en vigueur jusqu’à 31 décembre 2021, ch. 3105s) :
- Il faut, tout d’abord, effectuer une comparaison des champs d’activités, en établissant quelles sont les activités que l’assuré pourrait exercer avec et sans atteinte à la santé, et dans quel laps de temps il pourrait les accomplir. Dans ce contexte, il y a notamment lieu d’examiner dans quelle mesure il lui serait possible de réduire sa perte de gain, en substituant à certaines des tâches qu’il accomplissait auparavant d’autres tâches, mieux adaptées au handicap dont il souffre.
- Ensuite, il s’agira de pondérer les activités en appliquant à chaque activité le salaire de référence usuel dans la branche. On peut ainsi déterminer le revenu sans invalidité et le revenu d’invalide et effectuer une comparaison des revenus. Concrètement, il y a lieu de pondérer les activités exercées par l'indépendant en appliquant à chaque activité le salaire de référence usuel dans la branche.
L'incidence des empêchements dans les diverses activités sur la capacité de gain peut se déterminer de deux manières différentes :
- Selon la formule suivante (ATF 128 V 29 consid. 4a) :
| T1 x B1 x S1 + T2 x B2 x S2 + T3 x B3 x S3 + T4 x B4 x S4 | = | taux d'invalidité |
| T1 x S1 + T2 x S2 + T3 x S3 + T4 x S4 |
T correspond à la part consacrée à chacun des champs d'activités du travail en cause par rapport au temps total (= T1 + T2 + T3 + T4 = 100%) en pour cent, B à l'incapacité de travail dans chacune des activités et S au revenu pour l'activité correspondante.
- Selon le tableau suivant (ch. 3106 CIAII) :
| Description des activités | Pondération sans handicap | Pondération avec handicap | Revenu en francs | Revenu sans handicap | Revenu avec handicap |
| … | …% | …% | CHF … | CHF … | CHF … |
| … | …% | …% | CHF … | CHF … | CHF … |
| Total | 100% | …% | CHF … | CHF … | CHF … |
La détermination du degré d’invalidité s’effectue ensuite de la manière suivante :
|
| Revenu sans handicap |
| - | Revenu avec handicap |
|
| Perte de gain liée au handicap |
Et la perte de gain en % (correspondant à l’invalidité en %) = perte de gain liée au handicap / revenu sans invalidité.
Lorsque l'activité exercée au sein de l'entreprise après la survenance de l'atteinte à la santé ne met pas pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle de l'assuré, celui-ci peut être tenu, en fonction des circonstances, de mettre fin à son activité indépendante au profit d'une activité salariée plus lucrative (arrêts du Tribunal fédéral 9C_810/2017 du 9 avril 2018 consid. 2.2 ; 9C_394/2009 du 8 janvier 2010 consid. 5.2 ss). De jurisprudence constante, ce n'est qu'à des conditions strictes que l'on peut considérer qu'un changement d'activité professionnelle, singulièrement la cessation d'une activité agricole, ne constitue pas une mesure raisonnablement exigible de l'assuré ; en particulier, l'activité exercée jusqu'alors ne doit pas être poursuivie aux coûts de l'assurance-invalidité, même si l'intéressé effectue un travail d'une certaine importance économique (arrêts du Tribunal fédéral 9C_644/2015 du 3 mai 2016 consid. 4.3.1 ; 8C_413/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.3.1 ; 9C_357/2014 du 7 avril 2015, consid. 2.3.1 ; 9C_624/2013 du 11 décembre 2013 consid. 3.1.1 ; 9C_834/2011 du 2 avril 2012 consid. 4 et les références).
5.5 Selon la jurisprudence, le résultat exact du calcul du degré d’invalidité doit être arrondi au chiffre en pour cent supérieur ou inférieur selon les règles applicables en mathématiques. En cas de résultat jusqu'à x.49%, il faut arrondir à x% et pour des valeurs à partir de x.50%, il faut arrondir à x+1% (ATF 130 V 121 consid. 3.2).
5.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
6.
6.1 En l’espèce, la chambre de céans a déjà été amenée à deux reprises à se prononcer sur le bien-fondé des décisions que l’intimé a prises suite à la demande de prestations du 24 août 2012. À chaque fois, la décision querellée a été annulée et la cause a été renvoyée à l’intimé (cf. ATAS/183/2019 du 6 mars 2019 et ATAS/203/2023 du 22 mars 2023) ce dernier étant invité, d’une part, à compléter son instruction en faisant procéder à une expertise pluridisciplinaire et, d’autre part, à calculer le degré d’invalidité du recourant en appliquant la méthode extraordinaire.
Suite au dernier renvoi, l’intimé a ordonné une nouvelle expertise, laquelle a été attribuée de manière aléatoire au centre CEMEDEX à Fribourg (lequel avait déjà été mandaté pour l’expertise médicale effectuée suite au premier renvoi).
Dans leur rapport du 3 avril 2024, les experts ont notamment conclu, consensuellement, à une capacité de travail nulle depuis octobre 2012 dans l’activité habituelle. Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (activité légère), la capacité de travail était nulle d’octobre 2012 à mai 2014, de 40% de juin 2014 à août 2020 et de 35% dès septembre 2020.
Retenant les conclusions précitées, l’intimé a appliqué, dans son rapport interne daté du 5 juillet 2024, la méthode extraordinaire de comparaison des revenus, laquelle a mené à un degré d’invalidité compris entre 64% et 67% de juin 2014 à août 2020 et de 80% dès septembre 2020 (cf. pièce 251, OAI).
Dans ses décisions du 15 août 2024, l’intimé a repris les degrés d’invalidité précités et a accordé au recourant un trois quarts de rente pour la période du 1er février 2015 au 28 février 2019 et celle concernant la période du 1er mars 2019 au 30 novembre 2020. Par deux autres décisions datées du même jour, l’intimé a mis le recourant au bénéfice d’une rente entière dès le 1er décembre 2020.
C’est contre les deux premières décisions que l’assuré a interjeté recours, contestant les conclusions des experts du CEMEDEX, et, partant, la valeur probante de leur rapport, et considérant, en se référant aux rapports de ses propres médecins traitants, que sa capacité de travail résiduelle était de 30% au maximum, ce qui correspondait, selon lui, à une invalidité de 70% et donnait droit à une rente entière.
Le recourant a également remis en question la comparaison des revenus effectuée par l’office intimé, compte tenu de la capacité de travail résiduelle de 30% qu’il invoquant.
La question de la valeur probante du rapport du CEMEDEX peut toutefois en l’état rester ouverte, dès lors que même en retenant les conclusions dudit rapport s’agissant de la capacité de travail résiduelle, le recourant a droit à une rente entière comme cela ressort des considérations qui suivent.
6.2 À titre liminaire, la chambre de céans relève que l’intimé semble avoir procédé à la comparaison des revenus conformément à la méthode extraordinaire, selon laquelle, il faut se demander, dans un premier temps, quelles activités le recourant est encore en mesure d’effectuer malgré ses atteintes à la santé et d’examiner, dans un second temps, les effets des empêchements sur sa capacité de gain.
6.2.1 Dans son rapport d’enquête pour activité professionnelle indépendante du 29 septembre 2021, l’intimé a décrit l’activité du recourant avant et après l’atteinte à la santé.
En substance, de 1992 jusqu’à ce qu’il soit atteint dans sa santé, le recourant réparait les bateaux (travaux d’électricité, de plomberie, de menuiserie, de peinture), utilisant différents matériaux (bois, composite, fibres, acier, résine) et outils (ponceuse, poste à souder, visseuse, perceuse). L’activité était saisonnière : de mars à juin, il effectuait l’entretien des bateaux puis les mettait à l’eau avant de les hiverner entre septembre et novembre. Il assurait également un service de dépannage d’urgence sur les bateaux, y compris pendant les jours fériés. Il se déplaçait en Suisse et à l’étranger pour convoyer des bateaux. Parfois, il coordonnait et supervisait des chantiers à l’étranger. Durant l’hiver, il effectuait principalement des travaux de rénovation dans les logements de particuliers.
Concrètement, son activité consistait en 20% d’administratif et 80% de chantier, que l’intimé a apprécié comme suit :
- Travaux administratifs (mises à l’enquête pour les travaux dans le domaine du bâtiment, comptabilité, établissement des documents administratifs concernant la gestion de la société [gestion de la clientèle, téléphone, fax, entretien du chantier, établissement de devis et des factures, paiements, surveillance des tâcherons, suivi, coordination]) : 20% soit huit heures par semaine ;
- Travaux sur le chantier naval (maintenance et entretien des bateaux ; réparation et montage ; hivernages) : 65% soit 26 heures par semaine ;
- Entretien de bâtiments (électricité, plomberie, peinture, maçonnerie, menuiserie, etc. ; coordination des différents corps de métiers comme un contremaître) : 15%, soit six heures par semaine
La question qui se pose est celle de savoir dans quelle mesure le recourant est encore en mesure d’exercer les tâches précitées compte tenu des atteintes à la santé qu’il présente, étant précisé que leur incidence sur la capacité de travail a été évaluée comme suit par les experts du CEMEDEX (cf. rapport du 3 avril 2024) :
|
| Dans l’activité habituelle | Dans une activité adaptée | Motivation |
| Médecine interne | 100% | 100% | - Pas de limitation en médecine interne générale |
| Gastroentérologie | 0% d’octobre 2012 à mai 2014 40% dès juin 2014 | 0% d’octobre 2012 à mai 2014 40% dès juin 2014 | - Asthénie majeure post-cancer, avec arrêt de l’activité l’après-midi (capacité de travail de 50%). - L’alimentation doit être flexible et adaptée avec plusieurs petits repas de quantité précise. Les horaires doivent être flexibles pour la prise des repas. Le dumping post-prandial impose une période de repos (-20 de rendement). |
| Neurologie | 0% depuis 2013 | 64% de 2013 à août 2020 56% depuis septembre 2020 | - Activités légères ne nécessitant pas de déplacements sur terrains irréguliers, de monter sur des escabeaux, limitant la marche et le port de charges. - Perte d’endurance : capacité de travail de 80% dès 2013 et de 70% dès 2020. - Perte de rendement liée à toute manipulation nécessitant une certaine proprioception (clavier, objets, etc. ; -20% de rendement) |
| Psychiatrie | 35% dès septembre 2020 | 35% dès septembre 2020% | - Fatigue, fatigabilité, difficultés de concentration et d’organisation pouvant mener à des erreurs, diminution de rendement. L’assuré peut se disperser en cas de tâches multiples, difficultés de tolérance au stress et à la pression. |
De la combinaison des rapports d’enquête pour activité professionnelle indépendante des 29 septembre 2021 et 5 juillet 2024, (doc. 170 et 251, int.) il ressort que l’intimé a retenu que, durant la période litigieuse :
- Le recourant avait progressivement augmenté la partie « administration et gestion » principalement avec la surveillance des travaux des tiers, du chantier de la villa en 2017.
L’intimé a donc estimé qu’avec atteinte à la santé, le recourant pouvait effectuer 20 heures de travaux administratifs par semaine, avec une diminution de rendement de 60%.
- L’intimé a toutefois estimé que le recourant ne pouvait plus effectuer de travaux lourds et a retenu une diminution de rendement de 100%.
- Concernant les travaux légers, l’horaire sans handicap était de six heures par semaine et, avec handicap, toujours de six heures par semaine mais désormais avec une diminution de rendement de 60%, le recourant étant encore capable d’effectuer ces petits travaux légers avec l’aide d’une tierce personne.
- S’agissant des travaux de rénovation et d’entretien de bâtiments, le recourant pouvait encore travailler quatre heures par semaine, avec une diminution de rendement de 60% à 80% (le taux variant en fonction du rapport retenu), étant précisé que la rénovation de la villa avait eu lieu en 2017 mais que par la suite, le recourant avait fortement réduit cette activité en fonction de ses limitations fonctionnelles.
- Suite à son atteinte à la santé, le recourant s’occupait de convoyer des bateaux sur le territoire suisse ou à l’étranger et coordonnait des travaux d’entretien. Cette activité était estimée à deux heures par semaine, avec une diminution de rendement de 60%.
- Toujours en raison de son atteinte, le recourant s’était reconverti dans les cours de bateau, activité qui était estimée à quatre heures par semaine, avec une diminution de rendement de 60%.
L’intimé a récapitulé ce qui précède dans son document du 5 juillet 2024, dans les deux tableaux suivants :
2014-2018 (sans travaux lourds amis avec bateau-école) :
| Champs d’activités | Horaire sans handicap | Horaire avec handicap | Baisse de rende-ment | Salaire mensuel indexé selon OFS | Salaire annuel hyp. sans handicap (en CHF) | Salaire annuel hyp. avec handicap (en CHF) | Perte écono-mique (en CHF) |
| Administratif | 8h00 | 20h00 | 60% | 6'350.- | 15'887.70 | 15'887.70 | 0.00 |
| Travaux lourds | 20h00 | 4h00 | 100% | 5'968.- | 37'329.85 | 0.00 | 37'329.85 |
| Travaux légers | 6h00 | 6h00 | 60% | 5'490.- | 10'302.00 | 4'120.80.- | 6'181.20 |
| Entretien | 6h00 | 4h00 | 60% | 5'622.- | 10'549.70 | 2'813.25 | 7'736.45 |
| Convoyage des bateaux | 0h00 | 2h00 | 60% | 5'295.- | 0.00 | 1'324.80 | -1'324.80 |
| Bateaux-école | 0h00 | 4h00 | 60% | 5'555.- | 0.00 | 2'779.70 | -2'779.70 |
| Total | 40h00 | 40h00 |
|
| 74'069.25 | 26'926.25 | 47'143.00 |
| Perte de gain |
|
|
|
|
| 64% | |
2019-2020 (sans travaux lourds et bateau-école)
| Champs d’activités | Horaire sans handicap | Horaire avec handicap | Baisse de rende-ment | Salaire mensuel indexé selon OFS | Salaire annuel hyp. sans handicap (en CHF) | Salaire annuel hyp. avec handicap (en CHF) | Perte écono-mique (en CHF) |
| Administratif | 8h00 | 20h00 | 60% | 6'350.- | 15'887.70 | 15'887.70 | 0.00 |
| Travaux lourds | 20h00 | 4h00 | 100% | 5'968.- | 37'329.85 | 0.00 | 37'329.85 |
| Travaux légers | 6h00 | 6h00 | 60% | 5'490.- | 10'302.00 | 4'120.80.- | 6'181.20 |
| Entretien | 6h00 | 4h00 | 60% | 5'622.- | 10'549.70 | 2'813.25 | 7'736.45 |
| Convoyage des bateaux | 0h00 | 2h00 | 60% | 5'295.- | 0.00 | 1'324.80 | -1'324.80 |
| Bateaux-école | 0h00 | 4h00 | 100% | 5'555.- | 0.00 | 0.00 | 0.00 |
| Total | 40h00 | 40h00 |
|
| 74'069.25 | 26'926.25 | 49'922.70 |
| Perte de gain 2014-2018 |
|
|
|
|
| 67% | |
6.2.2 La chambre de céans ne saurait toutefois suivre l’intimé et confirmer l’appréciation ci-dessus sur les deux points suivants :
- L’office intimé a retenu que sans invalidité, le recourant consacrait en moyenne six heures par semaine à l’entretien et la rénovation des bâtiments.
On peut toutefois douter du fait que de telles activités puissent être considérées comme des activités légères. C’était d’ailleurs également l’avis de l’intimé, dans la mesure où, dans son premier rapport d’enquête, daté du 21 septembre 2021, il avait appliqué une diminution de rendement de 80% tant à l’activité d’entretien et de rénovation des bâtiments qu’à celle sur le chantier naval, ce qui montre que ces deux activités étaient traitées de manière égale et par conséquent considérées comme des activités lourdes.
Aussi, le calcul effectué par l’intimé sera-t-il modifié sur ce point, en ce sens que l’activité d’entretien et de rénovation des bâtiments, auparavant exercée à raison de six heures par semaine, est désormais impossible.
- L’intimé a également considéré qu’afin de réduire son dommage suite à son atteinte, le recourant devait réorganiser ses tâches et augmenter la partie administrative de son activité à 20 heures par semaine.
La chambre de céans ne saurait suivre l’intimé sur ce point, comme elle l’a déjà relevé dans ses précédents arrêts, dans lesquels elle a expliqué qu’eu égard à la taille de l’entreprise et compte tenu du fait que le recourant ne pouvait plus exercer les travaux lourds liés au chantier naval et à l’entretien des bâtiments, on ne saurait exiger de lui qu’il augmente ses activités administratives.
En effet, son activité administrative consistait à des mises à l’enquête pour les travaux dans le domaine du bâtiment, comptabilité, établissement des documents administratifs concernant la gestion de la société (gestion de la clientèle, téléphone, fax, entretien du chantier, établissement de devis et des factures, paiements, surveillance des tâcherons, suivi, coordination). De toute évidence, si les travaux lourds ne peuvent plus être effectués, l’activité administrative y relative, telle que les mises à l’enquête, établissements de devis et de factures, etc., ne peut plus être réalisée non plus. Il n’y a dès lors pas de place pour une augmentation de cette activité, ce que la chambre de céans a déjà eu l’occasion de relever.
Aussi, s’il passait huit heures par semaine à effectuer des travaux administratifs avant son atteinte à la santé, seule une capacité de travail de 40% est désormais exigible selon l’expert gastroentérologue depuis juin 2014, ce qui correspond à 3.2 heures hebdomadaires (40% x 8h).
Le calcul de l’OAI doit donc être corrigé sur ce point.
On peut même se demander si l’activité administrative ne serait pas encore moins importante que les trois heures précitées, dès lors qu’elle ne peut être en lien qu’avec les travaux légers, le convoyage de bateaux et le bateau-école, soit un total de cinq heures par semaine, après prise en considération de la diminution de rendement de 60%.
Cette question peut toutefois rester ouverte en l’état, dès lors qu’elle n’a aucune incidence sur l’issue du litige.
6.2.3 Selon les indications de l’intimé, les salaires retenus pour la comparaison des revenus ressortent de la tabelle TA1 pour l’année 2018.
Dès lors que le droit à la rente est né le 1er février 2015, l’intimé ne pouvait retenir les données des tabelles éditées en 2018 pour déterminer le degré d’invalidité. En effet, de jurisprudence constante, pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et 128 V 174).
Au 1er février 2015, les indices sur les salaires n’étaient pas encore réévalués. Aussi, il convient de retenir les données statistiques de 2014, sans les indexer.
Par ailleurs, depuis 2012, la tabelle TA1 a été remplacée par la tabelle TA1_skill_level (cf. annexe IV, CIIAI).
En prenant les salaires statistiques de 2014, la situation est la suivante :
| Champs d’activités | Horaire (semaine) sans handicap | Horaire (semaine) avec handicap | Salaire annuel hypothétique sans handicap | Salaire annuel hypothétique. avec handicap | Perte économique (en CHF) |
| Administratif1 | 8h00 (20%) | 3h00 (7,5%) | 15'540.007 | 5'827.5011 | 9'712.50 |
| Travaux lourds2 | 20h00 (50%) | 0h00 | 35'178.008 | 0.00 | 35'178.00 |
| Travaux légers3 | 6h00 (15%) | 2h30 (6,25%) | 9'702.009 | 4'042.5012 | 5'659.50 |
| Rénovation et entretien4 | 6h00 (15%) | 0h00 | 9'912.6010 | 0.00 | 9'912.60 |
| Convoyage des bateaux5 | 0h00 | 1h00 (2,5%) | 0.00 | 1'515.4013 | - 1'515.40 |
| Bateaux-école6 | 0h00 | 1h30 (3,75%) | 0.00 | 2'276.5514 | - 2'276.55 |
| Total | 40h00 | 10h30 (26,25%) | 70'332.60 | 13'662.45 | 56'670.15 |
| Invalidité |
|
|
|
| 80.57%15 |
| 1 ESS 2014 – Tabelle TA1_tirage_skill_level, ligne 77, 9-82 (activités de services administratifs [sans 78]), niveau de compétence 3 (tâches pratiques complexes) : CHF 6'475.- par mois ou CHF 77'700.- par année en 2014. |
| 2 NOGA p. 109 et ESS 2014 – Tabelle TA1_tirage_skill_level, ligne 31-33 (fabric. meubles ; autres ind.manufact. ; rép. et inst. machines), niveau de compétence 2 (tâches pratiques) : CHF 5'863.- par mois ou CHF 70'356.- par année en 2014. |
| 3 NOGA p. 109 et ESS 2014 – Tabelle TA1_tirage_skill_level, ligne 31-33 (fabric. Meubles ; autres ind.manufact. ; rép. et inst. machines), niveau de compétence 1 (tâches simples) : CHF 5'390.- par mois ou CHF 64'680.- par année en 2014. |
| 4 NOGA p. 120 et ESS 2014 – Tabelle TA1_tirage_skill_level, ligne 41-43 (construction), niveau de compétence 1 (tâches simples) : CHF 5'507.- par mois ou CHF 66'084.- par année en 2014. |
| 5 NOGA p. 159 et ESS 2014 – Tabelle TA1_tirage_skill_level, ligne 49-52 (transports terrestres, par eau, aérien ; entreposage), niveau de compétence 1 (tâches simples) : CHF 5'048.- par mois ou CHF 60'576.- par année en 2014. 6 NOGA p. 222 et ESS 2014 – Tabelle TA1_tirage_skill_level, ligne 85 (enseignement), niveau de compétence 1 (tâches simples) : pas assez de données pour 2014. En 2018, le salaire statistique était de CHF 5'555.- pour un homme et de CHF 4'630.- pour une femme. En 2014, ce même salaire statistique était de CHF 4'217.- pour une femme. Le salaire 2014 correspond à 91 % du salaire 2016 pour une femme (CHF 4'217.- / CHF 4'630.-). Appliqué au salaire 2018 pour un homme, cela correspondrait en 2014 à un salaire mensuel de CHF 5'059.- (CHF 5'555.- x 91 %) et annuel de CHF 60'708.-. |
| 7 Salaire annuel adapté à l’horaire sans handicap : CHF 15'540.- (20% de CHF 77'700.-) |
| 8 Salaire annuel adapté à l’horaire sans handicap : CHF 35'178.- (50% de CHF 70'356.-) |
| 9 Salaire annuel adapté à l’horaire sans handicap : CHF 9'702.- (15% de CHF 64'680.-) |
| 10 Salaire annuel adapté à l’horaire sans handicap : CHF 9'912.60 (15% de CHF 66'084.-) |
| 11 Salaire annuel adapté à l’horaire avec handicap : CHF 5'827.50 (7.5 % de CHF 77'700.-) |
| 12 Salaire annuel adapté à l’horaire avec handicap : CHF 4'042.50 (6.25% de CHF 64'680.-) |
| 13 Salaire annuel adapté à l’horaire avec handicap : CHF 1'515.40 (2.5% de CHF 60'576.) |
| 14 Salaire annuel adapté à l’horaire avec handicap : CHF 2'276.55 (3.75% de CHF 60'708.-). |
| 15 Invalidité = (perte de gain / salaire annuel hypothétique sans invalidité) x 100 soit CHF 56'670.15 / CHF 70'332.60 x 100 = 80.57% |
À noter que l’activité de bateau-école ne peut être prise en considération que jusqu’en 2019. Toutefois, dès lors que même en prenant en considération cette activité, le degré d’invalidité s’élève à 80.57%, arrondi à l’entier le plus proche, qui est 81%, ce qui est supérieur au seuil pour donner droit à une rente entière, il est superflu de refaire le calcul en faisant abstraction de cette activité.
6.3 Au vu du degré d’invalidité de 81%, c’est une rente entière qui aurait dû être accordée au recourant, de sorte que les décisions querellées doivent être réformées dans ce sens.
7. Reste à déterminer si les intérêts moratoires dus ont été correctement calculés par l’office intimé.
7.1 Depuis le 1er janvier 2003, l'art. 26 al. 2 LPGA prévoit que des intérêts moratoires sont dus pour toute créance de prestations d'assurances sociales à l'échéance d'un délai de 24 mois à compter de la naissance du droit, mais au plus tôt 12 mois à partir du moment où l'assuré a fait valoir ce droit, pour autant qu'il se soit entièrement conformé à l'obligation de collaborer qui lui incombe.
N’ont en revanche pas droit à des intérêts moratoires :
a. la personne ayant droit aux prestations ou ses héritiers, lorsque les prestations sont versées rétroactivement à des tiers ;
b. les tiers qui ont consenti des avances ou provisoirement pris en charge des prestations au sens de l’art. 22 al. 2, et auxquels les prestations accordées rétroactivement ont été cédées ;
c. les autres assurances sociales qui ont provisoirement pris en charge des prestations au sens de l’art. 70.
À teneur de l’art. 7 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 ([OPGA ; RS 830.11]), le taux de l’intérêt moratoire est de 5% par an (al. 1). L’intérêt moratoire est calculé par mois sur les prestations dont le droit est échu jusqu’à la fin du mois précédent. Il est dû dès le premier jour du mois durant lequel le droit à l’intérêt moratoire a pris naissance et jusqu’à la fin du mois durant lequel l’ordre de paiement est donné (al. 2). Si un intérêt moratoire n’est dû, au sens de l’art. 6 [désormais art. 26 al. 3 LPGA], que sur une partie de la prestation, il sera calculé au moment du paiement sur la prestation entière et sera versé en proportion de la part de prestation sur laquelle les intérêts sont dus par rapport à l’intégralité de la prestation (al. 3).
L’obligation de payer des intérêts moratoires selon l’art. 26 al. 2 LPGA commence 24 mois après le droit à la rente en tant que tel pour l’ensemble des prestations courues jusque-là, et non pas deux ans après l’exigibilité de chaque rente mensuelle (ATF 133 V 9 consid. 3.6).
7.2 Sont soumises à la perception d’intérêts moratoires uniquement les prestations dont le versement est opéré en mains de l’ayant droit ou de ses héritiers, ou en mains de tiers, dans la mesure où il s’agit de garantir une utilisation conforme au but (ch. 10122 DR).
Le ch. 10123 DR reprend et précise l’art. 26 al. 3 LPGA. Ainsi, les intérêts moratoires ne sont pas dus si la personne concernée n’a subi aucun dommage du fait que les prestations en souffrance lui ont été attribuées par d’autres prestataires. Tel est le cas si :
- un tiers (employeur, aide sociale publique ou privée, assureur RC) a effectué des avances moyennant cession des prestations accordées rétroactivement (art. 22 al. 2 LPGA, art. 85bis RAI)
- d’autres assurance sociales (AMal, AA, AM, AC) ont consenti des avances au sens de l’art. 70 LPGA
- des organes d’exécution de l’AVS/AI ou des PC ont consenti des avances.
Quant au ch. 10124 DR, il rappelle les principes prévus par l’art. 7 al. 3 OPGA. Ainsi, si le versement rétroactif n’est que partiellement compensé au sens du ch. 10123, les intérêts moratoires sont dus uniquement sur la part versée à l’ayant droit. Il en va de même dans les cas où il existe un lien étroit entre les prestations sous l’angle du droit des assurances sociales. Dès lors, il n’existe aucun droit aux intérêts moratoires pour la part de la rente due qui est compensée avec la créance en restitution. Ils seront calculés au moment du paiement sur la prestation entière et versés en proportion de la part de prestation sur laquelle les intérêts sont dus par rapport à l’intégralité de la prestation (art. 7 al. 3 OPGA).
8. En l’espèce, l’intimé a calculé les intérêts moratoires conformément à ces dispositions, de sorte que sur le principe, aucune critique ne peut être formulée.
En revanche, dès lors que la décision attaquée a été réformée en ce sens qu’une rente entière – et non trois quarts de rente – doit être versée au recourant, le montant des intérêts moratoires est incorrect.
Par conséquent, la cause sera renvoyée à l’intimé pour nouveau calcul des intérêts moratoires dus sur la base d’une rente d’invalidité entière.
9. Le recours est admis.
Les décisions du 15 août 2024 de l’intimé sont réformées, en ce sens que c’est une rente entière qui doit être versée au recourant du 1er février 2015 au 30 novembre 2020. La cause est renvoyée à l’OAI pour nouveau calcul en ce qui concerne les intérêts moratoires et nouvelle décision.
Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à la charge de l’intimé (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare les recours recevables.
2. Ordonne la jonction de la procédure A/3075/2024 à la procédure A/3074/2024.
Au fond :
3. L'admet.
4. Réforme les décisions du 15 août 2024 relatives à la période du 1er février 2015 au 28 février 2019 et à celle du 1er mars 2019 au 30 novembre 2020, en ce sens qu’une rente entière est accordée au recourant.
5. Renvoie la cause à l’intimé pour calcul des intérêts moratoires au sens des considérants et nouvelle décision.
6. Alloue au recourant une indemnité de procédure de CHF 1’500.- à la charge de l’intimé.
7. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
8. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Janeth WEPF |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le