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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1319/2025

ATAS/681/2025 du 16.09.2025 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1319/2025 ATAS/681/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 septembre 2025

Chambre 10

 

En la cause

 

A______

 

recourant

contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’intéressé), né le ______ 1957 à Genève, de nationalité suisse, a divorcé de B______en 2018 et épousé C______, ressortissante française, le 1er septembre 2020.

b. Selon l’extrait de la base de données de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), l’intéressé a habité à la route D______jusqu’en 2004, date de son départ pour le Brésil. Il est revenu à Genève en
avril 2005 et est parti s’installer à E______ (France) le 1er mai 2013. Depuis lors, il a alterné les séjours entre E______ et la route D______.

B______a vécu à la route D______du 1er mai 1999 au 1er août 2018, puis a résidé à d’autres adresses dans le canton.

C______ n’a jamais vécu à Genève, mais elle a bénéficié de plusieurs autorisations de travail, la dernière étant arrivée à échéance le 30 avril 2019. Elle est enregistrée à la rue F______ à U______ (France).

c. Le 11 avril 2023, l’intéressé, par l’intermédiaire de PRO SENECTUTE, a déposé une demande de prestations auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC).

Dans ce cadre, il a produit plusieurs documents, dont :

-          le contrat de bail à loyer de l’appartement qu’il a commencé à louer avec
B______à la route D______, dès le 1er mai 1999 ;

-          une attestation du 16 décembre 2022 aux termes de laquelle son épouse avait vendu le jour même un bien immobilier à rue G______à U______ ;

-          des relevés de compte de La Banque Postale française au nom de son épouse, mentionnant une adresse à H______ (France) ;

-          un extrait de PostFinance le concernant et faisant état d’une adresse à la route D______;

-          son avis de taxation émis le 4 novembre 2022 par l’administration fiscale cantonale ;

-          une attestation par laquelle il déclarait avoir vendu un appartement en France le 16 décembre 2022 et ne pas posséder de propriétés ;

-          sa police d’assurance-maladie suisse valable dès le 1er avril 2023 ;

-          une facture de sa régie faisant référence à une occupation illicite de l’appartement sis à la route D______durant le mois de juillet 2023.

d. Le 11 avril 2023, le SPC a imprimé un relevé de la Centrale de compensation concernant la rente de vieillesse de l’intéressé, document faisant état d’un domicile en France.

e. Le même jour, il a procédé à des vérifications dans la base de données de l’OCPM et constaté que l’intéressé avait quitté le canton le 1er juin 2022 pour E______, avant de revenir à Genève le 7 février 2023.

f. Le 9 juin 2023, le SPC a reçu un rapport d’entraide administrative interdépartementale de l’OCPM, daté du 26 juillet 2021, concernant l’épouse de l’intéressé. Il en ressort que celle-ci avait déposé une demande d’autorisation de séjour suite à son mariage, indiquant être domiciliée chez son conjoint à la route D______, mais qu’elle n’aurait jamais habité à cette adresse et résiderait toujours à la rue F______. Son mari n’avait plus d’autorisation de séjour valable depuis le 27 mars 2020 et sous-louait son appartement, dont il était seul titulaire du contrat de bail, à trois personnes. Le couple ne viendrait à Genève que de temps en temps.

g. Sur demande du SPC, l’OCPM a mené une enquête afin de vérifier la présence effective de l’intéressé à la route D______. Dans leur rapport du
22 septembre 2023, les enquêteurs ont conclu que l’intéressé n'avait pas une présence régulière à l'adresse précitée. Ils ont notamment relevé qu’ils n’avaient pas été en mesure de rencontrer l'intéressé lors de leur visite domiciliaire du
15 août 2023. En outre, les trois personnes alors présentes avaient clairement déclaré qu'elles étaient hébergées à cette adresse par l’intéressé, qui se présentait au domicile seulement une fois par mois pour y rester deux à trois jours, qu’il résidait en France et qu’elles lui versaient environ CHF 2'200.- par mois. Lors de son audition du 23 août 2023, l'intéressé avait reconnu être un « baroudeur » et dormir occasionnellement à l'adresse en question, afin de rester chez sa conjointe dans le I______. De plus, les investigations menées par la Préfecture de J______ avaient révélé que l’intéressé était enregistré en France, dans la commune de K______, sans précision quant à l’adresse exacte.

Ont notamment été annexés à ce rapport :

-          un formulaire D de l’OCPM « Annonce de départ » rempli par l’intéressé le 20 décembre 2022, indiquant un départ le 1er janvier 2023 pour « L______ E______, M______ (N______) » ;

-          un formulaire A de l’OCPM « Annonce d'arrivée pour Genevois et Confédérés » signé par l’intéressé le 7 février 2023, mentionnant l'adresse à la route D______;

-          une attestation de résidence délivrée par l'OCPM, aux termes de laquelle l’intéressé résidait à la route D______, depuis le 7 février 2023.

B. a. Par décision du 26 septembre 2023, le SPC a rejeté la demande de prestations de l’intéressé, faute de domicile et de résidence habituelle à Genève.

b. Le 23 octobre 2023, l’intéressé a formé opposition contre cette décision, faisant valoir qu’il était genevois de naissance, demeurait dans le canton où il était au bénéfice d’un contrat de bail, habitait à la route D______et comptait bien y rester. Il a sollicité un rendez-vous.

c. Le 15 novembre 2023, il a été reçu dans les bureaux du SPC. Selon le
procès-verbal relatif à cet entretien, il a déclaré avoir son centre d’intérêt principalement à Genève, où il passait bien plus que neuf mois par année. Le fait de s’occuper d’une association l’obligeait de résider dans le canton, et il maintenait également ses connaissances sociales au quotidien. Il était ainsi à Genève « tout le temps ».

d. Le 2 avril 2024, l’intéressé a transmis au SPC un rappel de facture des SIG et un relevé de son compte auprès de PostFinance.

e. Par décision sur opposition du 6 mars 2025, le SPC a confirmé sa décision du 26 septembre 2023, au motif qu’il ressortait du rapport d’enquête du
22 septembre 2023 que les conditions du domicile et de la résidence habituelle à Genève faisaient défaut.

C. a. Par acte daté du 4 avril 2025 et adressé au SPC, l’intéressé a contesté la décision précitée, concluant implicitement à son annulation. En substance, il a relevé que la législation n’interdisait pas les déplacements internationaux. Il a reproché aux enquêteurs de l’OCPM des « caractéristiques » racistes, xénophobes et sexistes contre son épouse, et à « Genève » une pratique à large échelle de « racisme institutionnel ». Il a souligné être genevois, vivre et habiter à la route D______, ce que les enquêteurs avaient constaté. Ces derniers lui avaient toutefois dit qu’habiter dans le canton ne suffisait pas, qu’il fallait y « résider », « phrase extrêmement péjorative ».

b. Le 11 avril 2025, le SPC a transmis cette écriture à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, pour objet de sa compétence.

c. Dans sa réponse du 9 mai 2025, l’intimé a conclu au rejet du recours, pour les raisons soulevées dans la décision litigieuse.

d. Par réplique du 30 mai 2025, le recourant a souligné qu’il était genevois, avait un logement depuis plus de 25 ans à Genève, y avait travaillé et payé ses impôts toute sa vie, et s’y était marié. Même s’il avait effectué de nombreux voyages à l’étranger, il était toujours revenu à Genève. Il y avait une résidence, y habitait, y résidait, contrairement aux propos mensongers de l’OCPM, qu’il considérait comme du mépris et de la diffamation.

e. Copie de cette écriture a été transmise à l’intimé le 3 juin 2025.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du
6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134
al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

1.3 L'art. 61 let. b LPGA, repris à l'art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), indique que l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions, et que si l'acte n'est pas conforme à ces règles, le tribunal impartit un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l'avertissant qu'en cas d'inobservation le recours sera écarté.

Cette disposition découle du principe de l'interdiction du formalisme excessif et constitue l'expression du principe de la simplicité de la procédure qui gouverne le droit des assurances sociales. C'est pourquoi le juge saisi d'un recours dans ce domaine ne doit pas se montrer trop strict lorsqu'il s'agit d'apprécier la forme et le contenu de l'acte de recours (ATF 143 V 249 consid. 6.2). La motivation est suffisante lorsque le recourant manifeste sa volonté d’être considéré en tant que tel d’une part, et de faire modifier la situation juridique consacrée par la décision, d’autre part (Susanne BOLLINGER, Basler Kommentar zum ATSG, 2020, n. 28 ad art. 61 LPGA).

En l'espèce, la motivation du recours est pour le moins succincte. On comprend néanmoins que le recourant conteste la décision litigieuse et soutient que les exigences relatives au domicile et à la résidence habituelle à Genève seraient réalisées.

1.4 Le recours, interjeté dans la forme et le délai légal de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à
l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 62 al. 1 let. a LPA ; art. 43 LPCC), est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur opposition du 6 mars 2025, par laquelle l’intimé a rejeté la demande de prestations complémentaires du recourant du 23 octobre 2023.

3.             Conformément à l'art. 4 al. 1 LPC, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu'elles remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 5, 6 et 8 LPC, ainsi que les conditions relatives à la fortune nette prévues à l'art. 9a LPC.

Sur le plan cantonal, l'art. 2 al. 1 LPCC prévoit qu'ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève (let. a) et qui sont au bénéfice d'une rente de l'assurance-vieillesse et survivants, d'une rente de l'assurance-invalidité, d'une allocation pour impotent de l'assurance-invalidité ou reçoivent sans interruption pendant au moins 6 mois une indemnité journalière de l'assurance-invalidité (let. b) ou qui ont droit à des prestations complémentaires fédérales sans être au bénéfice d'une rente de l'assurance-vieillesse et survivants ou de l'assurance-invalidité (let. c) et qui répondent aux autres conditions de la présente loi (let. d).

3.1 Le droit auxdites prestations suppose donc notamment que le bénéficiaire ait son domicile et sa résidence habituelle respectivement en Suisse et dans le canton de Genève. Lesdites prestations ne sont pas exportables. Les conditions de domicile et de résidence sont cumulatives (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n. 15 ad art. 4 LPC ; ATAS/673/2023 du 31 août 2023 consid. 8.3 ; ATAS/852/2019 du 24 septembre 2019 consid. 4b).

3.2 Selon l'art. 13 LPGA, le domicile d'une personne est déterminé selon les
art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210 ; al. 1). Une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d'emblée limitée (al. 2).

Cette disposition s'applique en matière de prestations complémentaires fédérales, du fait du renvoi qu'opère la LPC à la LPGA de façon générale comme sur cette question spécifique (art. 1 et 4 al. 1 LPC), mais aussi en matière de prestations complémentaires cantonales, en raison du silence de la LPCC sur le sujet, appelant l'application de la LPGA (art. 1A al. 1 LPCC), ainsi que de motifs de sécurité juridique et d'harmonisation des pratiques administratives (ATAS/1235/2013 du 12 décembre 2013 consid. 5). Les notions de domicile et de résidence habituelle doivent donc être interprétées de la même manière pour les deux prestations considérées (ATAS/673/2023 du 31 août 2023 consid. 9.1 ; ATAS/852/2019 précité consid. 4c).

3.3 L'art. 23 al. 1 CC pose le principe selon lequel le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir.

La notion de domicile comporte deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé
(ATF 141 V 530 consid. 5.2 et les références).

Lorsqu'une personne séjourne en deux endroits différents, il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l'endroit, lieu ou pays, où se focalise un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existant avec d'autres endroits ou pays
(ATF 125 III 100 consid. 3). En ce qui concerne les prestations complémentaires, la règle de l'art. 24 al. 1 CC, selon laquelle toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, s'applique
(ATF 127 V 237 consid. 1). Le domicile est maintenu lorsque la personne concernée quitte momentanément (p. ex. en raison d'une maladie) le lieu dont elle a fait le centre de ses intérêts ; le domicile reste en ce lieu jusqu'à ce qu'un nouveau domicile est, le cas échéant, créé à un autre endroit (ATF 99 V 106 consid. 2 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 22 ad art. 4 LPC).

3.4 Par résidence habituelle au sens de l'art. 13 al. 2 LPGA, il convient de comprendre la résidence effective en Suisse (« der tatsachliche Aufenthalt ») et la volonté de conserver cette résidence ; le centre de toutes les relations de l'intéressé doit en outre se situer en Suisse (ATF 119 V 111 consid. 7b et la référence). La notion de résidence doit être comprise dans un sens objectif, de sorte que la condition de la résidence effective en Suisse n'est en principe plus remplie à la suite d'un départ à l'étranger. En cas de séjour temporaire à l'étranger sans volonté de quitter définitivement la Suisse, le principe de la résidence tolère deux exceptions. La première concerne les séjours de courte durée à l'étranger, lorsqu'ils ne dépassent pas le cadre de ce qui est généralement admis et qu'ils reposent sur des raisons valables (visite, vacances, affaires, cure, formation) ; leur durée ne saurait dépasser une année, étant précisé qu'une telle durée ne peut se justifier que dans des circonstances très particulières. La seconde concerne les séjours de longue durée à l'étranger, lorsque le séjour, prévu initialement pour une courte durée, doit être prolongé au-delà d'une année en raison de circonstances imprévues telles que la maladie ou un accident, ou lorsque des motifs contraignants (tâches d'assistance, formation, traitement d'une maladie) imposent d'emblée un séjour d'une durée prévisible supérieure à une année (ATF 141 V 530 consid. 5.3 et les références).

3.5 Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ;
125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

4.             En l’espèce, l’intimé a considéré, sur la base du rapport d’enquête de l’OCPM, que le recourant n’avait pas son domicile et sa résidence habituelle à Genève, ce que celui-ci conteste.

4.1 Dans leur rapport du 22 septembre 2023, les enquêteurs ont notamment indiqué qu’ils avaient sollicité des renseignements auprès de l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) et avaient appris que l’intéressé n'avait pas de véhicule, ni de permis de conduire enregistrés à Genève, et qu’il était inscrit comme étant parti à l'étranger depuis le 1er juin 2022.

À leur demande, les SIG avaient analysé la consommation énergétique pour le logement de 3.5 pièces entre les 30 octobre 2020 et 2 novembre 2022, qui avait oscillé entre 1992 et 2272 kWh, étant précisé que la consommation moyenne pour un ménage comprenant une personne dans un logement de 3 pièces était estimée à 1890 kWh.

Les registres de la Poste avaient révélé une concordance avec l'adresse à la route D______, où l’intéressé recevait son courrier, sans aucun ordre de réexpédition, de changement d'adresse ou de garde de courrier.

Ils avaient effectué une visite domiciliaire et une enquête de voisinage le
15 août 2023 à la route D______. Ils avaient constaté que la boite aux lettres portait le nom de « A______ & B______ — Rez-de-chaussée n° 1 » et que la porte palière portait le nom de : « M. et Mme A______ », étant relevé que l'ancienne conjointe de l’intéressé ne résidait plus à cette adresse. Ils avaient sonné chez l’intéressé et une femme leur avait ouvert, très craintive. Elle leur avait annoncé que l'intéressé était absent, qu’il était uniquement de passage. Puis, quelques secondes plus tard, elle était revenue sur ses dires et avait affirmé être sa femme de ménage, mais ne pas résider à cette adresse. Ayant un doute sur sa crédibilité, ils lui avaient redemandé quel était son lien avec l’intéressé et elle avait reconnu être domiciliée à l'adresse, mais n'avoir aucun lien familier avec l'intéressé. Un jeune couple se trouvait également dans l’appartement et ces deux personnes avaient indiqué y résider également, et précisé que l’intéressé n'était pas régulièrement présent à cette adresse, qu’il résiderait en France avec son épouse, qu’il sous-louerait son appartement pour un montant total de CHF 2'200.-, argent versé en numéraire par quatre locataires chaque fin de mois. À cet égard, les enquêteurs ont observé que le contrat de bail mentionnait un loyer mensuel de CHF 895.-, charges comprises. Avec l'autorisation de l'une des personnes présentes, ils avaient procédé à la visite de l'appartement, qui comprenait trois chambres et un couloir, dans lequel un
canapé-lit était installé. Selon l’une des personnes présentes, à laquelle l’intéressé avait donné ordre de ne pas ouvrir la porte en son absence, celui-ci dormait sur ce canapé-lit lorsqu'il se rendait au domicile, une fois par mois.

Ils avaient également interrogé le voisin de palier, qui avait déclaré avoir vu l'intéressé deux semaines auparavant.

Ils avaient procédé à l’audition de l’intéressé le 23 août 2023 dans leurs locaux. Celui-ci avait alors tenu des propos contradictoires. Dans un premier temps, il avait déclaré résider seul à la route D______ et, dans un deuxième temps, avait dit héberger plusieurs personnes à titre gracieux afin de les aider. Il avait relevé être le président de l'association O______(O______), basée à P______ (France) et venir en aide aux personnes démunies par ce biais. Il ne percevait aucune somme d'argent de leur part. À la fin de l'entretien, il avait cependant reconnu recevoir occasionnellement des sommes à bien plaire, sans en communiquer le montant. Il n’avait pas été à même de renseigner les enquêteurs quant à l’identité du service d'immeuble ou des locataires de l'immeuble. Il n’avait pas souhaité communiquer l’adresse de son épouse, mais seulement qu'elle résidait dans le I______ et qu'elle était officiellement enregistrée dans le canton de Vaud, à Q______, chez son frère à lui.

Ils s’étaient ensuite rendus au domicile de l'intéressé en sa présence. Ils avaient alors constaté un canapé-lit ouvert dans le couloir, ainsi qu'une valise et un sac contenant des effets personnels lui appartenant. Il avait expliqué être un « baroudeur », raison pour laquelle il ne restait pas très souvent chez lui. L'une des personnes présente dans le logis leur avait indiqué qu'elle resterait vivre à cette adresse pour six mois supplémentaires, alors que selon l’intéressé, les quatre personnes étaient hébergées chez lui uniquement pour une courte durée. L’intéressé avait affirmé qu'il ne résidait pas en France et qu'il n'avait aucun bien immobilier à son nom, à l'étranger. Il avait reconnu dormir occasionnellement à la route D______, précisant que son but était d'aider les gens et que l'aspect financier était secondaire. Il s'agissait uniquement d'aides spontanées et non d’une sous-location. Cependant, selon les déclarations de ces personnes, elles verseraient entre CHF 600.- et CHF 800.- par mois.

Ils avaient également pris des renseignements auprès de l’ambassade de Suisse à R______ (France), mais l’intéressé n’était pas inscrit dans leur registre.

La préfecture de J______ leur avait indiqué qu’il était enregistré à l'adresse suivante : L______ — M______ K______ France, sans mention du code postal et aucune commune française ne portait ce nom.

La Mairie de S______leur avait répondu que l’intéressé ne figurait pas sur leur liste électorale. Il était bien propriétaire d'une ruine à T______ qui n'était plus considérée comme habitable, car effondrée, sans eau et ne disposant plus d'électricité. Ce n'était en aucun cas son domicile et il n'était pas résident sur la commune de S______. Dans leur registre, il était toujours domicilié à la route D______à Genève.

4.2 Les conclusions des enquêteurs se fondent ainsi sur plusieurs éléments concrets, notamment sur les déclarations du recourant, lequel a reconnu, à la fin de son audition du 23 août 2023, qu’il ne dormait « qu’occasionnellement » à la route D______, se décrivant comme un « baroudeur », raison pour laquelle il ne restait pas très souvent chez lui.

Elles reposent également sur les témoignages concordants recueillis lors de leurs deux visites à l’adresse contrôlée. En effet, trois personnes leur ont affirmé que le recourant se rendait dans son appartement qu’une fois par mois environ, et qu’il dormait alors sur un canapé-lit entreposé dans le couloir. En outre, selon les indications des occupants des lieux, quatre personnes vivaient en sous-location dans le logement de l’intéressé, qui résiderait en France.

Les enquêteurs se sont aussi basés sur leurs propres observations. Lors de leur première visite le 15 août 2023, ils ont constaté que plusieurs personnes vivaient dans le logement loué par l’intéressé, lequel était absent et ne disposait même pas de sa propre chambre. Lors de leur seconde visite, réalisée après l’audition de l’intéressé le 23 août 2023, le canapé-lit était ouvert dans le couloir, où se trouvaient les effets personnels du recourant, réunis dans une valise et un sac. Le recourant a donc choisi de laisser les trois chambres de son appartement à d’autres occupants et de s’accommoder d’un canapé convertible dans le couloir, où il ne dispose d’aucun espace privé, ce qui permet de conclure qu’il ne dort que très épisodiquement à Genève, comme indiqué par les sous-locataires.

À cela s’ajoute encore le fait que le recourant a alterné les séjours entre E______ (France) et Genève depuis 2013, ce qui atteste d’un centre d’intérêts dans cette commune française, dans laquelle il est propriétaire, ce qu’il a omis d’annoncer à l’intimé. Que son bien immobilier ne soit pas habitable et puisse même être considéré à l’abandon n’autorisait pas le recourant à le passer sous silence. C’est le lieu de relever que l’intéressé a donné sciemment plusieurs informations erronées aux enquêteurs, affirmant ainsi qu’il habitait seul à la route D______, avant de reconnaître que quatre personnes y séjournaient et que lui-même n’y dormait « qu’occasionnellement ».

À toutes fins utiles, il sera encore observé que l’épouse du recourant n’a jamais vécu à Genève et que celui-ci a annoncé son départ du canton à l’OCPM le
1er juin 2022, mais également à l’OCV. Alors qu’il n’était déjà plus officiellement enregistré à Genève, il a tout de même rempli le formulaire A de l’OCPM le
20 décembre 2022, cochant la case « Départ définitif » à destination de E______, et précisé qu’il conservait une adresse à Genève. Il s’agit d’indices sérieux suggérant qu’il avait la ferme intention de quitter le territoire genevois, en conservant toutefois son bail à loyer, duquel il tire un revenu selon plusieurs témoignages concordants.

Tous ces éléments permettent de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, que le recourant ne réside pas effectivement à Genève.

Enfin, le recourant n’a fait valoir aucun argument concret permettant de remettre en cause les conclusions du rapport d’enquête.

Dans ces conditions, l’intimé était fondé à refuser sa demande de prestations, sur la base des conclusions de l’enquête de l’OCPM.

5.             Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le