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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1290/2025

ATAS/484/2025 du 26.06.2025 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1290/2025 ATAS/484/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 juin 2025

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Maria TAVERA ROJAS, avocate

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’intéressée), née en ______ 1969, est divorcée et mère de trois enfants majeurs soit, respectivement, B______, né en ______ 1999, C______, née en ______ 1998 et D_____, née en ______ 1996.

b. L’intéressée est bénéficiaire de prestations complémentaires, versées depuis plusieurs années par le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC).

c. Dans chacune de ses décisions, le SPC a mentionné que l’intéressée devait signaler, sans délai, les changements dans sa situation personnelle et/ou financière. De même, à la fin de chaque année civile, le SPC a envoyé un courrier à l’intéressée, l’informant sur les prestations complémentaires pour l’année à venir, dans lequel il était répété que, au titre de son obligation de renseigner, l’intéressée devait signaler, sans délai, les changements dans sa situation personnelle et/ou financière et notamment annoncer « toute augmentation ou diminution du loyer et/ou des charges locatives (…) toute augmentation ou réduction des revenus et/ou des rentes ou de la fortune mobilière ou immobilière en Suisse et à l’étranger ». Il était encore spécifié qu’en cas d’omission ou de retard, elle s’exposait à une demande de restitution des prestations versées indûment, voire à des poursuites pénales.

d. Par décision du 20 septembre 2023, le SPC a demandé à l’intéressée le remboursement d’un montant de CHF 18'049.-, à titre de trop-perçu pour la période allant du 1er janvier 2022 au 30 septembre 2023.

e. Sur opposition de l’intéressée, le SPC a partiellement pris en compte cette dernière et a réduit le montant dont il demandait le remboursement.

f. Sur recours de l’intéressée, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) a partiellement admis le recours et renvoyé la cause au SPC, afin qu’il procède à de nouveaux calculs des prestations complémentaires et rende ensuite une nouvelle décision.

B. a. Suite à l’arrêt de la chambre de céans du 25 juillet 2024, le SPC a rendu une nouvelle décision, en date du 14 août 2024, avec de nouveaux plans de calcul, couvrant la période allant du 1er janvier 2022 au 30 septembre 2023, dont il ressortait que l’intéressée restait devoir un montant de CHF 16’849.- au SPC. Par ailleurs, ce dernier considérait que l’opposition de l’intéressée du 25 octobre 2023 contenait une demande de remise de l’obligation de restituer les prestations indûment perçues, sur laquelle il se prononcerait, par décision séparée.

b. Par décision sur remise du 13 novembre 2024, rendue après l’entrée en force de la décision du 14 août 2024, le SPC a refusé la demande de remise de l’intéressée. La condition de la bonne foi n’était pas reconnue dès lors que l’intéressée n’avait pas informé le SPC, d’une part, que son loyer avait diminué depuis le 1er juillet 2022 et d’autre part, que sa rente de prévoyance professionnelle avait augmenté, au moins depuis le 1er janvier 2022. Ces éléments n’avaient été découverts par le SPC que dans le cadre de la révision du dossier, qui était intervenue au mois de juillet 2023. Dès lors que l’intéressée n’avait pas informé spontanément et immédiatement le SPC de ces éléments, elle avait commis une négligence grave qui excluait la condition de la bonne foi. Partant, à défaut de bonne foi, la remise ne pouvait pas être accordée.

c. Par courrier du 22 novembre 2024, l’intéressée a demandé une copie de son dossier puis, par courrier du 12 décembre 2024, elle s’est opposée à la décision de refus de remise du 13 novembre 2024. Elle a exposé qu’elle remplissait les conditions de la situation financière difficile et que, par ailleurs, elle n’avait pas commis de négligence grave mais, tout au plus, une négligence légère dès lors qu’elle avait transmis régulièrement les documents demandés par le SPC. Considérant que la réduction du loyer s’élevait à CHF 79.-, il ne pouvait pas s’agir d’une négligence grave car la diminution de loyer n’était, ni excessive, ni significative. En ce qui concernait la rente de prévoyance professionnelle, cette dernière avait augmenté car sa fille aînée D______ avait atteint l’âge de 25 ans, en octobre 2021 et ne résidait plus avec l’intéressée. Pour cette raison, le montant de la rente invalidité et le montant des prestations complémentaires avaient diminué, ce qui avait conduit à l’augmentation de la rente de prévoyance professionnelle, par compensation avec la diminution de la rente et des prestations du SPC. Les documents concernant les attestations de rente invalidité avaient été transmis au SPC et l’intéressée n’avait jamais eu l’intention de dissimuler ces changements. En conclusion, elle n’avait pas les moyens financiers de rembourser le montant demandé et considérait qu’elle avait agi de bonne foi, tout au long de la procédure, raison pour laquelle la remise de l’obligation de rembourser devait lui être accordée.

d. Par décision sur opposition du 10 mars 2025, le SPC a rejeté l’opposition et confirmé sa décision du 13 novembre 2024. L’omission d’annoncer une diminution du loyer, même minime, était considérée comme une négligence grave selon la jurisprudence, car il n’appartenait pas au bénéficiaire de prestations de préjuger de l’impact sur ses prestations d’un changement dans sa situation financière et de décider s’il valait la peine de l’annoncer ou non. De surcroît, l’omission d’annoncer l’augmentation d’une rente, même minime, constituait également une négligence grave. Dès lors, la condition de la bonne foi n’était pas réalisée, raison pour laquelle le refus de la demande de remise était confirmé.

C. a. Par acte de sa mandataire, posté le 9 avril 2025, l’intéressée a interjeté recours contre la décision sur opposition du 10 mars 2025. Elle a conclu à son annulation et au renvoi de la cause au SPC pour nouvelle décision. S’agissant de la motivation, les motifs déjà invoqués dans l’opposition étaient, en substance, repris dans le mémoire de recours, soit que le montant de la baisse de loyer était minime et que les documents bancaires dans lesquels figurait l’augmentation de la rente de prévoyance professionnelle avaient été transmis au SPC, de même qu’un certificat de salaire, datant de mars 2023, qui démontrait l’augmentation de la rente de prévoyance professionnelle. La négligence de la recourante devait être considérée comme légère, ce d’autant plus qu’elle souffrait depuis plusieurs années d’un trouble anxio-dépressif sévère, qui l’avait empêchée de gérer ses affaires administratives pendant la période concernée, soit 2022 à 2023. Elle avait été hospitalisée à plusieurs reprises et son incapacité expliquait pleinement les omissions relevées et excluait tout comportement dolosif ou gravement négligent.

b. Par réponse du 8 mai 2025, le SPC a conclu au rejet du recours. Le SPC citait plusieurs dates, démontrant que la recourante s’était occupée de ses affaires administratives, notamment : en répondant à une demande de justificatifs, en avril 2022, puis en déposant une opposition, le 20 juin 2022, puis en répondant à une demande de justificatifs, en juin 2022, puis en répondant à une demande de justificatifs en septembre 2022 et enfin en adressant au SPC des documents relatifs à ses frais médicaux, en juillet et en novembre 2022. S’agissant de la diminution de loyer, le SPC répétait que, même si la diminution était minime, la jurisprudence considérait que l’omission de l’annoncer était constitutive d’une négligence grave. En ce qui concernait l’augmentation de la rente de prévoyance professionnelle, la jurisprudence allait dans le même sens.

c. Par réplique du 4 juin 2025, la recourante a persisté dans ses conclusions, citant notamment un rapport médical figurant dans son chargé de pièces, daté du 7 avril 2025, par lequel la docteure E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, attestait suivre la recourante depuis octobre 2012 pour un trouble dépressif récurrent, associé à une anxiété généralisée très handicapante, qui avait conduit à une prise en charge complète par l’assurance-invalidité. Elle confirmait également que ces dernières années, plusieurs hospitalisations avaient eu lieu, la dernière au mois de septembre 2024, à la suite de l’accumulation de multiples facteurs de stress. Selon la psychiatre, cette situation qui perdurait avait un impact sur la santé mentale de la recourante, avec, pour conséquences, un trouble du sommeil sévère, un épuisement physique et psychique, ainsi qu’une augmentation de l’anxiété généralisée et des répercussions également sur sa santé physique. Les soucis d’ordres familial et financier avaient aggravé cet état anxieux et dépressif au point de ne plus lui permettre de gérer ses affaires courantes et de se projeter dans l’avenir.

d. L’intimé n’a pas réagi.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « En droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC ‑ RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance‑invalidité du 14 octobre 1965 [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l'intimé d'accorder à la recourante la remise de son obligation de restituer la somme réclamée dans la décision sur opposition du 10 mars 2025.

2.1 Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile.

Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).

L'art. 4 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l’intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s’il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2). La demande de remise doit être présentée par écrit. Elle doit être motivée, accompagnée des pièces nécessaires et déposée au plus tard 30 jours à compter de l’entrée en force de la décision de restitution (al. 4). La remise fait l’objet d’une décision (al. 5).

À teneur de l'art. 24 LPCC, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le règlement fixe la procédure de la demande de remise ainsi que les conditions de la situation difficile (al. 2).

L’art. 15 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) prévoit que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile.

2.2 À teneur de l'art. 31 LPGA, l'ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l’assureur ou, selon le cas, à l’organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation (al. 1). Toute personne ou institution participant à la mise en œuvre des assurances sociales a l’obligation d’informer l’assureur si elle apprend que les circonstances déterminantes pour l’octroi de prestations se sont modifiées (al. 2).

Selon l'art. 24 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance‑vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC‑AVS/AI ‑ RS 831.301), l'ayant droit ou son représentant légal ou, le cas échéant, le tiers ou l'autorité à qui la prestation complémentaire est versée, doit communiquer sans retard à l'organe cantonal compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation. Cette obligation de renseigner vaut aussi pour les modifications concernant les membres de la famille de l'ayant droit.

Conformément à l'art. 11 al. 1 LPCC, le bénéficiaire ou son représentant légal doit déclarer au service tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression.

2.3 Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).

La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_640/2023 du 19 avril 2024 consid. 5.2, 9C_43/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3 et 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4).

On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_ 640/2023 du 19 avril 2024 consid. 5.2 et 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2016 du 26 septembre 2016 consid. 3.1 ; Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 69 ad art. 25 LPGA). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).

En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi si son défaut de conscience du caractère indu de la prestation ne tient qu’à une négligence légère, notamment, en cas d’omission d’annoncer un élément susceptible d’influer sur le droit aux prestations sociales considérées, lorsque ladite omission ne constitue qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner sur un tel élément (ATF 112 V 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_16/2019 précité consid. 4 et 9C_14/2007 du 2 mai 2007 consid. 4 ; DTA 2003 n. 29 p. 260 consid. 1.2 et les références ; RSAS 1999 p. 384 ; Ueli KIESER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts - ATSG, 2020, n. 65 ad art. 25 LPGA).

2.4 Les directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (ci-après : DPC), valable dès le 1er avril 2011 (état au 1er janvier 2024), énoncent que si une prestation est versée à tort et que l'assuré ne pouvait s'en rendre compte en faisant preuve de l'attention minimale exigible au vu des circonstances et du cas d'espèce, force est d'admettre la bonne foi (DPC n° 4652.01). À l'inverse, nul ne peut invoquer sa bonne foi si elle est incompatible avec l'attention que les circonstances permettaient d'exiger de lui. Ainsi, la condition de la bonne foi n'est pas réalisée lorsque le versement à tort d'une prestation complémentaire est dû à une grave négligence ou au dol de la personne tenue à restitution. Tel est le cas si, lors de la demande ou de l'examen des conditions économiques, certains faits n'ont pas été annoncés ou que des indications fausses ont été fournies intentionnellement ou par négligence grave ; il en est de même lorsqu'un changement dans la situation personnelle ou matérielle n'a, intentionnellement ou par grave négligence, pas été annoncé ou l'a été avec retard, ou lorsque des prestations complémentaires indues ont été acceptées en connaissance de leur caractère indu (DPC n° 4652.02). Commet une négligence grave celui qui, lors de la demande de prestation, de l'examen des conditions du droit, ou du paiement de la prestation complémentaire indûment versée, ne fait pas preuve du minimum d'attention que l'on est en droit d'exiger de lui en fonction de ses compétences et de son degré de formation. Fait preuve de négligence grave la personne qui omet d'annoncer une modification de son revenu, qu'il soit obtenu sous forme de rente ou en vertu de l'exercice d'une activité lucrative, ou qui ne contrôlant pas – ou seulement à la légère – la feuille de calcul des prestations complémentaires, n'annonce pas une erreur de calcul qu'elle aurait facilement pu reconnaître (DPC n° 4652.03).

2.5 Le Tribunal fédéral a eu à se prononcer à de multiples reprises sur la question de la négligence grave.

2.5.1 À titre d’exemple, le Tribunal fédéral a retenu une négligence grave excluant toute bonne foi dans le cas :

-          d’une bénéficiaire qui n’avait pas spontanément informé le service sur l’état de sa fortune, d’autant plus qu’elle avait reçu chaque début d’année des informations précises à ce sujet (arrêt du Tribunal fédéral 9C_746/2016 du 11 janvier 2017 consid. 4) ;

-          d’un assuré qui aurait pu déceler que la feuille de calcul comportait une erreur manifeste en faisant preuve de l’attention nécessaire, ce quand bien même il aurait annoncé des revenus que le SPC avait omis de prendre en compte ; le Tribunal fédéral a en particulier relevé que lorsqu'une prestation complémentaire n'était que légèrement trop élevée, l'attention requise et l'obligation de signaler l'erreur lors du contrôle des relevés étaient moins strictes que dans le cas de la perception d'une prestation de plusieurs centaines de francs trop élevée chaque mois, qui devrait être constatée sans plus attendre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_385/2013 du 19 septembre 2013 consid. 4.4 ; pour un cas d’application, voir l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_720/2013 du 9 avril 2014 consid. 4.5, dans lequel la prestation complémentaire annuelle a été réduite de CHF 150.-) ;

-          d’un couple qui n’avait pas réagi à une décision erronée accroissant les prestations complémentaires versées, alors qu’il avait annoncé la perception d’une nouvelle rente devant aboutir à une diminution des prestations ; le Tribunal fédéral a relevé qu’un examen sommaire de la feuille de calcul, qui ne présentait aucune difficulté de lecture ou de compréhension, aurait permis à l’intéressé de constater que les revenus annoncés n’avaient pas été pris en considération ; le manque de vigilance de l’assuré, qui avait omis de contrôler la feuille de calcul et d’informer l’administration de l’erreur manifeste qu’elle venait de commettre, excluait sa bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 9C_189/2012 du 21 août 2012 consid. 4) ;

-          d’un bénéficiaire de prestations complémentaires qui avait passé sous silence l'augmentation du revenu de son épouse, en violation de son obligation de renseigner (arrêt du Tribunal fédéral P 17/03 du 3 février 2004 consid. 4.1).

2.5.2 En revanche, la condition de la bonne foi a été considérée comme remplie dans le cas :

-          d’une épouse d’un bénéficiaire, auquel les prestations étaient versées, qui n’avait pas annoncé sa séparation, dès lors que l’intéressée ne disposait d’aucun droit propre ou autonome ni n’était soumise à aucune obligation découlant du Code civil suisse vis-à-vis du service ; le seul fait que l’intéressée avait signé le formulaire de demande en sa qualité d’épouse d’un requérant de prestations complémentaires et qu’elle avait joué un rôle dans le calcul des prestations allouées à son ex-mari ne suffisait pas pour en faire une bénéficiaire de prestations ni une personne soumise à l’obligation de restituer du vivant de son mari au sens de l’art. 2 al. 1 OPGA ; on ne pouvait par conséquent lui reprocher d’avoir violé un quelconque devoir d’annoncer et sa bonne foi devait être reconnue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_638/2014 du 13 août 2015 consid. 6) ;

-          d’une bénéficiaire de prestations complémentaires qui avait omis d’annoncer une rente AI versée à son conjoint, dont une partie était versée avec effet rétroactif : la bonne foi de l’intéressée a été admise pour la période correspondant au versement rétroactif de la rente AI ; la Haute cour a rappelé que la condition de la bonne foi devait être réalisée dans la période où l'assurée concernée avait reçu les prestations indues dont la restitution était exigée, en l'occurrence les prestations complémentaires, et que durant cette période, les revenus du couple ne comprenaient effectivement que la rente AI perçue par la bénéficiaire, son époux n'ayant encore touché aucun montant de la part de l'assurance-invalidité ; au moment où elle avait perçu les prestations complémentaires, elle avait donc disposé à bon droit de celles-ci (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1) ;

-          d’une bénéficiaire de prestations complémentaires qui avait vu sa rente AVS augmenter au décès de son époux et qui avait informé uniquement la caisse de compensation du décès de celui-ci, à l’exclusion des autres assureurs ; les juges cantonaux avaient retenu que le regroupement géographique de différentes caisses était susceptible de créer une certaine confusion dans l’esprit des assurés, a fortiori chez ceux d’un certain âge, et que la négligence reprochée à l’assurée ne pouvait être que légère, ce que le Tribunal fédéral a confirmé (arrêt du Tribunal fédéral P 36/02 du 23 décembre 2002 consid. 3.2).

3.              

3.1 Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

3.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe‑t‑il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

4.              

4.1 En l'espèce, la décision sur opposition du 14 août 2024 prononçant la restitution du montant de CHF 16’849.-, correspondant aux prestations complémentaires versées à tort en faveur de l'intéressée, est entrée en force.

Par décision sur opposition du 10 mars 2025, l'intimé a rejeté la demande de remise du 25 octobre 2023 de l'obligation de restituer le montant versé en trop. Il a considéré que la condition de la bonne foi n'était pas réalisée, au motif que la recourante s'était abstenue de l'informer spontanément de la diminution de son loyer et de l'augmentation de sa rente de prévoyance professionnelle.

La recourante, pour sa part, soutient que sa bonne foi et sa situation financière s'opposent à la restitution des prestations qu'elle a indûment perçues. Elle n’allègue pas ne pas être au courant de son obligation de renseigner, mais fait valoir que son état de santé, au moment des faits, singulièrement son trouble anxio-dépressif sévère, avait un effet direct et concret sur sa capacité de gérer ses démarches administratives pendant toute la période concernée.

4.2 Les troubles psychiques de la recourante sont confirmés par le rapport médical de la Dre E______. Néanmoins, cette dernière ne se montre pas très précise sur la période pendant laquelle l’intéressée n’était pas en mesure de gérer ses affaires courantes.

Or, comme le souligne le SPC dans sa réponse, l’intéressée a montré une capacité à gérer ses relations administratives avec le SPC pendant la période concernée, ce qui ressort des démarches énumérées supra sous let. C.b.

Il sied de rappeler qu’aux termes de l’art. 16 CC, toute personne qui n’est pas privée de la faculté d’agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d’ivresse ou d’autres causes semblables est capable de discernement au sens de la présente loi.

La notion de la capacité de discernement comporte deux éléments : un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté. La capacité de discernement est relative : elle ne doit pas être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l'acte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_5/2016 du 12 février 2016 consid. 4.1).

La preuve de la capacité de discernement pouvant se révéler difficile à apporter, la pratique considère que celle-ci doit en principe être présumée, sur la base de l'expérience générale de la vie. Cette présomption n'existe toutefois que s'il n'y a pas de raison générale de mettre en doute la capacité de discernement de la personne concernée, ce qui est le cas des adultes qui ne sont pas atteints de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit. Pour ces derniers, la présomption est inversée et va dans le sens d'une incapacité de discernement (ATF 134 II 235 consid. 4.3.3). La maladie mentale n'exclut pas nécessairement tout discernement, car la notion médicale est plus large que le concept juridique. La constatation purement médicale n'emporte pas toujours le renversement du fardeau de la preuve, les cas manifestement graves étant réservés (ATF 117 II 231 consid. 2b). Ainsi, toute atteinte à la santé mentale ne permet pas de présumer l'incapacité de discernement. Il faut que cette atteinte crée une dégradation durable et importante des facultés de l'esprit (arrêt du Tribunal fédéral 5A_859/2014 du 17 mars 2015 consid. 4.1.2). Pour exclure la capacité de discernement, la maladie mentale doit avoir des conséquences si prononcées qu’elle altère effectivement la faculté d’agir raisonnablement. Un état de désarroi psychologique présentant un état dépressif sans altérer les facultés de compréhension ne représente pas une maladie mentale au sens restrictif de l’art. 16 CC et ne suffit dès lors pas pour admettre un renversement du fardeau de la preuve. Conformément à la relativité du discernement, il faut en outre prouver l’absence de capacité de discernement dans un cas concret. Par exemple, la description par un médecin d’un état général d’angoisse et de dépression accompagné d’une agitation psychomotrice pouvant conduire une patiente à obéir à des pressions ne suffit pas à démontrer l’incapacité de discernement par rapport à un acte précis. Une attitude ambivalente à propos d’un traitement neuroleptique n’indique pas forcément un état psychotique, et partant une incapacité de discernement (Franz WERRO / Irène SCHMIDLIN in Commentaire romand, Code civil, 2010, n. 36 ad art. 16 CC).

Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans considère que la recourante n’est pas parvenue à établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que ses troubles psychiques pouvaient justifier son omission de renseigner le SPC.

4.3 S’agissant de la baisse de loyer, intervenue en juillet 2022, la recourante reconnait avoir reçu une notification de la régie mais n’avoir pas réagi, en raison du montant modique de la diminution de loyer.

Ce raisonnement ne saurait être suivi dès lors la chambre de céans a déjà considéré qu’une diminution de loyer mensuelle d’un montant de CHF 35.- devait être annoncée (ATAS/336/2023 du 16 mai 2023, ch. 9.3).

Partant, en dépit de la modicité relative du montant de la diminution de loyer, l’omission de renseigner est établie, ce qui est constitutif d’une négligence grave.

4.4 En ce qui concerne l’augmentation de la rente de prévoyance professionnelle, cette dernière date, au plus tard, du mois de janvier 2022, alors que le « certificat de salaire », de la CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L'ÉTAT DE GENÈVE, n’a été transmis au SPC qu’en mars 2023.

Comme la chambre de céans l’a déjà jugé (ATAS/451/2023 du 16 juin 2023, ch. 2.6), même dans le cas de l’augmentation modique d’une rente mensuelle, par enfant, de CHF 55.15, il appartient à la bénéficiaire de transmettre sans délai l’information au SPC.

Or, quand bien même le certificat de salaire n’est établi qu’au début de l’année suivante, la bénéficiaire ne pouvait ignorer, au plus tard dès le mois de janvier 2022, que ladite augmentation devait être annoncée à l’intimé.

Partant, l’omission de renseigner le SPC de l’augmentation de la rente de prévoyance professionnelle est établie, ce qui est constitutif d’une négligence grave.

4.5 À l’aune de ce qui précède, la chambre de céans ne saurait suivre la recourante lorsqu'elle soutient qu'elle réalise la condition de la bonne foi. Les deux omissions examinées supra sont constitutives d’une négligence grave, quand bien même la recourante n’avait aucune volonté de dissimuler volontairement des informations.

Étant précisé que, contrairement à ce qu’elle soutient, la recourante ne pouvait pas se contenter de considérer que la transmission de ses relevés bancaires permettait au SPC d’identifier, soit la diminution du montant du loyer, soit l’augmentation de la rente de prévoyance professionnelle.

En effet, il n’appartient pas au SPC de se livrer systématiquement à une analyse comparative des relevés bancaires, afin de pallier l’omission de renseigner de la bénéficiaire des prestations complémentaires.

4.6 La recourante a allégué dans ses écritures que sa situation financière ne lui permettait pas de restituer le montant réclamé par l'intimé. Il convient toutefois de rappeler que la remise de l'obligation de restituer ne peut être accordée que si les deux conditions cumulatives de la bonne foi et de la situation financière difficile sont réalisées. Dans le cas présent, la négligence grave dont a fait preuve la recourante exclut sa bonne foi, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'analyser la condition de la situation financière difficile.

5.              

5.1 Partant, la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.

5.2 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. f bis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF ‑ RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le