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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1678/2024

ATAS/395/2025 du 27.05.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1678/2024 ATAS/395/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 mai 2025

Chambre 15

 

En la cause

A______

représenté par Me Thomas BÜCHLI, avocat

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né en 1971, a travaillé en qualité d’aide-peintre en bâtiment, rémunéré à un salaire horaire de CHF 25.50 selon un contrat de travail conclu le 8 janvier 2018. À ce titre, il était assuré auprès de la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA).

b. Le 17 janvier 2018, l’assuré a été victime d’un accident. Alors qu’il ponçait un plafond en se tenant sur une échelle, il a chuté et est tombé d’une hauteur de deux mètres sur le dos. La SUVA a pris le cas en charge.

c. Le docteur B______, spécialiste en médecine interne générale, a attesté un arrêt de travail total depuis le 22 janvier 2018, date de la première consultation. Dans son rapport du 3 avril 2018, il a indiqué que l’assuré présentait une douleur lombaire basse avec sciatalgie gauche. Une radiographie du 1er février 2018 avait révélé une spondylarthrose L5 avec discopathie. La lombosciatalgie était invalidante. La reprise de travail était possible à partir du 1er avril 2018.

L’assuré n’a en définitive pas repris le travail, plusieurs médecins, dont le Dr B______, ayant attesté la poursuite de l’incapacité de travail après cette date.

d. Une IRM lombaire et des articulations sacro-iliaques du 27 mars 2018 a conclu à une dégénérescence discale L4-L5 et L5-S1, un hémangiome vertébral en L1 à composante graisseuse, une protrusion discale L4-L5 de localisation médiane et paramédiane droite sans contrainte radiculaire, une hernie discale L5-S1 avec déchirure de l’anneau fibreux en contact modéré avec la racine S1 gauche, un hémangiome vertébral en L5 atteignant le pédicule droit, une prise de contraste dans les espaces inter-épineux secondaires à des enthésopathies, une sclérose de part et d’autre des articulations sacro-iliaques sans œdème intra-spongieux pour une sacro-iliite inflammatoire et un cône médullaire de topographie normale et de signal homogène.

e. Le 20 juin 2018, le docteur C______, spécialiste FMH en neurochirurgie,
a fait état d’une lombosciatalgie gauche persistante malgré deux infiltrations épidurales L5-S1 sur petite hernie discale L5-S1 gauche. Il n’y avait pas de déficit neurologique des membres inférieurs. Il avait proposé à l’assuré, en cas de résistance au traitement conservateur, une intervention pour décomprimer la racine S1 gauche, ainsi qu’une résection microchirurgicale de la petite hernie discale.

Cette intervention a été pratiquée le 12 octobre 2018.

f. L’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en date du 16 juillet 2018, invoquant une lombosciatalgie gauche L5-S1 persistante avec petite hernie discale.

g. Une IRM de la colonne lombaire du 11 avril 2019 a conclu à un status après cure de hernie discale, sans argument en faveur d’une récidive herniaire, à la persistance d’une protrusion discale focale L5-S1 postéro-médiane et paramédiane gauche venant discrètement au contact intime avec la portion récessale de la racine S1 gauche, sans franche compression radiculaire objectivable, à une oblitération de l’espace épidural gauche à la hauteur de l’espace inter-somatique L5-S1 s’étendant jusqu’à la portion récessale de la racine S1 gauche, et compatible avec une petite touche de fibrose postopératoire.

h. Le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a examiné l’assuré le 1er mai 2019. Dans son rapport du 14 mai 2019, il a posé le diagnostic de discopathies L4-L5 et L5-S1 anciennes. La chute de l’assuré avait provoqué une aggravation de son état, avec apparition d’une sciatique immédiate et invalidante. Cette aggravation transitoire avait été parfaitement soulagée par la microchirurgie. Le Dr D______ s’est référé à des documents radiologiques de 2005 montrant un état dégénératif. L’accident n’avait ainsi pas causé de lésion structurelle supplémentaire. Selon ses constatations, les suites de l’accident du 17 janvier 2018 seraient stabilisées à brève échéance, et cet accident ne jouerait plus aucun rôle dans les symptômes de l’assuré – à savoir des lombalgies déjà fort anciennes – dans un délai de deux mois au plus.

i. Le 16 mai 2019, le Dr C______ a attesté d’une évolution très favorable. Il n’y avait plus de douleur irradiant dans la jambe gauche, et les lombalgies étaient d’origine musculaire. Le médecin avait clairement expliqué à l’assuré qu’il pouvait dorénavant recommencer un travail.

j. Le docteur E______, spécialiste FMH en rhumatologie, a attesté le 29 août 2019 que l’assuré présentait un syndrome vertébral lombaire après une cure de hernie discale L5-S1. Ce syndrome vertébral lombaire et la fibrose lombaire révélée par l’IRM d’avril 2019 pouvaient faire partie des complications après la chirurgie. Les récidives postopératoires de lombalgies et de sciatalgies, souvent regroupées sous le terme failed back surgery syndrome (FBSS), survenaient dans environ 5% des cas, les patients devenant incapables d’effectuer les tâches de leur vie quotidienne ou professionnelle. L’assuré ne pouvait reprendre le travail.

k. Dans son appréciation du 3 juillet 2019, le Dr D______ a retenu que le statu quo sine était atteint le 1er juillet 2019. Depuis le 1er juillet 2019, les suites de l’accident ne jouaient plus aucun rôle.

l. Par décision du 4 juillet 2019, confirmée sur opposition le 4 octobre 2019, la SUVA a mis fin à ses prestations avec effet au 31 juillet 2019, en se référant à l’avis du 3 juillet 2019 du Dr D______.

m. Dans un avis du 3 octobre 2019, le service médical régional de l’assurance-invalidité (SMR) a retenu une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle et complète deux mois après la décision de la SUVA dans une activité sans port de charges, ni position debout prolongée ou en porte-à-faux, sans marche sur terrain irrégulier, sans montées et descentes d’escaliers, avec de préférence la possibilité d’alterner les positions assise et debout selon les besoins de l’assuré.

n. L’assuré a interjeté recours contre la décision de la SUVA auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) par écriture du 4 novembre 2019, requérant en substance la mise en œuvre d’une expertise pour déterminer l’origine de son syndrome vertébral lombaire et de la fibrose lombaire, et leur impact sur sa capacité de travail.

Par ordonnance du 15 juin 2021, la chambre de céans a confié une expertise orthopédique de l’assuré au professeur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, portant notamment sur le lien de causalité entre l’accident du 17 janvier 2018 et les troubles de l’assuré, et sur la capacité de travail de celui-ci au plan orthopédique.

o. Dans un rapport du 20 novembre 2019, deux médecins du service de neurochirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont posé le diagnostic de FBSS. L’assuré se plaignait de violentes lombalgies au repos, augmentées à la mobilisation. Une radiographie de la colonne lombaire ne révélait pas de signe d’instabilité, et une IRM lombaire du 17 septembre 2019 montrait une fibrose péri-radiculaire L5-S1 gauche compatible avec une fibrose post-opératoire. Les symptômes de l’assuré n’étaient pas expliqués par l’imagerie.

p. L’OAI a calculé le degré d’invalidité, le 3 février 2020. Le revenu après invalidité était fondé sur le revenu tiré d’activités simples et répétitives dans tous les domaines (TA1_tirage_skill_level, ligne Total, niveau 1) selon l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de 2016, soit CHF 66'803.- une fois indexé et adapté à la durée normale de travail de 41.7 heures en 2019. Un abattement de 10% était consenti et abaissait ce revenu à CHF 60'687.-. Le revenu sans atteinte à la santé était de CHF 64'643.- en 2018. Il correspondait au salaire horaire de CHF 25.50 en 2018, multiplié par 45 heures par semaine et 52 semaines par année, plus un treizième salaire. La comparaison de ces revenus aboutissait à un taux d’invalidité de 6.12%.

q. Dans son rapport du 2 septembre 2020, le docteur G______, médecin à la consultation de la douleur des HUG, a retenu des lombalgies chroniques avec irradiations pseudo-radiculaires dans le cadre d’une ancienne instrumentation lombaire et de facteurs de risque d'ordre psychosocial pour une chronicisation (syndrome anxieux et dépressif probable, conflits avec l’assurance). L’assuré avait indiqué être soutenu par sa compagne avec qui il vivait, et être bien entouré socialement, ce qui lui permettait d'avoir des activités de loisirs avec des amis, qu’il retrouvait par exemple pour jouer aux échecs au parc. Le Dr G______ préconisait une évaluation psychiatrique.

r. Le 1er mars 2021, l’OAI a adressé un projet de décision à l’assuré, niant le droit à la rente au vu du degré d’invalidité insuffisant.

s. Le Prof. F______ a rendu son rapport le 24 février 2022.

Il a retenu les diagnostics suivants : discopathies L5-S1, protrusion discale L5-S1 médiane et gauche, status après chirurgie de microdiscectomie L5-S1 gauche avec fibrose post-opératoire de type 1, discopathies L4-L5 avec protrusion discale médiane, arthrose facettaire L4-L5 et L5-S1, lombalgie chronique, douleurs au niveau des membres inférieurs non systématisées, surpoids (BMI 33.2), hypertension artérielle traitée, cyphose thoracique augmentée avec raideur thoracique en D8-D9, D9-D10, discrète cervicarthrose en C5-C6 et angiome graisseux L1.

Les lombalgies avec irradiation du côté du membre inférieur gauche étaient présentes dès décembre 2004. Les discopathies L4-L5 et L5-S1 avaient été visualisées dès novembre 2005. Les traitements conservateurs n’avaient amené que peu d’amélioration, et l’assuré avait déposé une première demande de rente en 2005, laquelle avait été refusée. L’assuré avait ensuite eu une amélioration fonctionnelle jusqu’en 2014, année durant laquelle il était revenu en Suisse et avait travaillé dans la rénovation de bâtiments. À la suite de la chute de janvier 2018, il y avait eu une réapparition des douleurs lombaires avec irradiation au niveau du membre inférieur gauche, résistantes aux traitements conservateurs. La cure de hernie discale avait amené un soulagement initial, mais les lombalgies avaient persisté, et les douleurs s’étaient progressivement étendues aux membres inférieurs, accompagnées de brûlures au niveau des pieds et de douleurs thoraciques, menant au tableau actuel. La cyphose thoracique et le surpoids étaient anciens et mentionnés dans l’expertise de 2007.

Le Prof. F______ a nié un lien de causalité entre les troubles de l’assuré et l’accident. Le délai de stabilisation postopératoire était de neuf mois dans le cas d’une personne présentant un rachis dégénératif, des lombalgies et un travail lourd. L’analyse de l’IRM montrait un processus de cicatrice post-opératoire, plutôt qu’une réelle fibrose péri-radiculaire qui occasionnerait un effet de masse ou de compression. L’assuré présentait une fibrose péri-radiculaire L5-S1 gauche de grade 1, représentant principalement une cicatrice post-opératoire physiologique. Le syndrome vertébral lombaire actuel n’était pas en lien avec les suites de l’intervention. Au sujet du FBSS, l’expert a précisé qu’il ne s’agissait pas d’un diagnostic, mais d’une constatation clinique visant des situations dans lesquelles un patient n’avait pas tiré de sa chirurgie le bénéfice escompté. On se trouvait bien dans une telle situation, mais sans diagnostic précis.

Sur le point de savoir si les plaintes de l’assuré depuis l’accident du 17 janvier 2018, respectivement l’intervention du 12 octobre 2018, étaient objectivées du point de vue somatique, l’expert a répondu que celui-ci avait principalement un rachis dégénératif avec des discopathies L4-L5, L5-S1 qui pouvaient créer des gênes douloureuses en elles-mêmes, mais qui n’étaient expliquées ni par cet accident ni par cette intervention. Les limitations fonctionnelles liées à l’hypercyphose thoracique résultaient de douleurs lors de travaux importants, des levers de poids excédant 15 kg, particulièrement penché en avant ou pour des travaux de longue durée avec les bras au-dessus de la tête. L’atteinte dégénérative globale L4-L5 et L5-S1 limitait les longues positions debout de plus d’une heure, les positions assises de plus d’une heure et demie, le port de charges de plus de 5 kg, la position penchée en avant, le travail au sol ou en hauteur, sur des échelles ou sur des échafaudages. L’activité habituelle de rénovation n’était plus possible en raison des troubles dégénératifs lombaires. L’incapacité de travail en lien de causalité avec l’accident perdurait jusqu’au 12 juillet 2019. Par la suite, une activité adaptée pouvait être reprise de manière progressive, durant une période de trois mois. Cette progressivité était nécessaire en raison de l’atteinte dégénérative et de la perte de résistance musculaire. Dans une activité adaptée, l’incapacité de travail était de 28%, ce qui correspondait à une capacité de travail de 80% à laquelle s’ajoutait une diminution de rendement de 10%. Du fait de la chronicisation des lombalgies et d’une somatisation possible, les chances d’une réadaptation professionnelle étaient limitées, de même que le potentiel d’amélioration de la capacité de travail par des mesures médicales. Néanmoins, un séjour de réadaptation en clinique spécialisée avec école du dos et évaluation des compétences permettrait d’avoir une idée plus précise sur les compétences résiduelles, en tenant compte de la chronicisation et de la somatisation des douleurs.

Dans le pronostic, le Prof. F______ a évoqué une image corporelle et une certaine méfiance par rapport aux avis médicaux, qui empêchaient l’assuré d’envisager une amélioration de sa situation, mais ceci ne relevait pas d’une appréciation orthopédique et devrait être corroboré par une éventuelle expertise psychiatrique afin de déterminer si une atteinte somatoforme dégradait la situation de l’assuré.

Le 21 décembre 2022, le Prof. F______ a répondu aux questions complémentaires de l’assuré soulevées dans le cadre de la procédure l’opposant à la SUVA devant la chambre de céans. L’expert a notamment précisé que son appréciation de la capacité de travail dans une activité adaptée se basait sur la situation clinique, anamnestique et l’imagerie, en tenant compte des limitations physiques dues aux atteintes dégénératives du rachis, et non aux conséquences du traumatisme de 2018. Une rééducation en milieu spécialisé serait une aide pour reprendre cette activité adaptée, du fait du long arrêt de travail, et également afin de conseiller l’assuré dans le choix de cette activité adaptée. La diminution de rendement de 10% était due à la fatigabilité, qui était elle-même la conséquence du surpoids et du diabète.

t. Dans un avis du 15 mai 2022, le SMR a noté que le Prof. F______ avait indiqué qu’une atteinte somatoforme n’était pas exclue. Partant, une appréciation psychiatrique pourrait être indiquée.

u. Dans une attestation du 22 septembre 2022, la docteure H______, spécialiste FMH en psychiatrie, a précisé qu’elle suivait l’assuré depuis le 4 juillet 2022, les séances se déroulant en langue croate. Celui-ci souffrait d’une problématique anxio-dépressive en réaction à ses troubles algiques (douleurs persistantes au niveau du dos et des membres inférieurs). Il présentait, sur le plan psychique, un état de détresse et de perturbation émotionnelle entravant son fonctionnement et ses performances sociales. Ses difficultés comprenaient une humeur dépressive, une diminution de l’intérêt et du plaisir, un sentiment de désespoir, une inquiétude et une nervosité permanentes, un sentiment d’incapacité à faire face à un quelconque projet, une fatigabilité accrue, ainsi que des troubles importants du sommeil.

v. Dans un rapport du 12 janvier 2023, la Dre H______ a posé le diagnostic de trouble de l’adaptation, réaction mixte, anxieuse et dépressive (F 43.22). Le suivi était indiqué en raison de difficultés psychologiques en lien avec la problématique somatique de l’assuré. Celui-ci souffrait d'une problématique anxio-dépressive réactionnelle à des troubles algiques depuis plusieurs années, et décrivait des douleurs persistantes au dos et aux membres inférieurs. La journée-type était décrite comme suit : il avait des difficultés de sommeil, étant constamment réveillé la nuit par des douleurs et des œdèmes dans les membres inférieurs. Le matin, il quittait la maison pour marcher après son petit-déjeuner, et marchait également l’après-midi, afin de diminuer ses douleurs. Il était très seul, hormis un ou deux amis vus sporadiquement. Il n’avait aucun loisir ni activités sociales. Il avait beaucoup de difficultés de communication, car il parlait allemand et un peu anglais. Il n’y avait pas de diagnostic psychiatrique avec influence sur la capacité de travail. Les difficultés psychologiques étaient réactionnelles à ses troubles physiques. Il était difficile de déterminer la capacité de travail, les troubles psychologiques étant liés aux troubles somatiques, et la Dre H______ ne voyait pas d’activité adaptée aux limitations fonctionnelles. Ses douleurs avaient une incidence dans tous les domaines de la vie, car il passait ses journées à tenter de les soulager. Le pronostic n’était pas favorable.

w. Par arrêt du 8 août 2023 (ATAS/589/2023), la chambre de céans a rejeté le recours de l’assuré à l’encontre de la décision de la SUVA. Elle a reconnu une pleine valeur probante au rapport du Prof. F______ et à son complément d’expertise. Selon ces documents, les troubles de la colonne lombaire au-delà du 12 juillet 2019 sous forme de syndrome vertébral lombaire n’étaient plus imputables à l’accident ou à l’intervention du 12 octobre 2018. C’était ainsi à bon droit que la SUVA avait mis fin aux prestations avec effet au 31 juillet 2019.

Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de l’assuré interjeté à l’encontre de l’arrêt de la chambre de céans (arrêt 8C_612/2023 du 13 mars 2024).

B. a. Au vu de la persistance des douleurs chroniques depuis 2018, de la symptomatologie relevée par la psychiatre traitante et de la possible somatisation, le SMR a préconisé la mise en œuvre d’une expertise orthopédique et psychiatrique dans un avis du 20 octobre 2023.

L’OAI a confié cette expertise aux docteurs I______ et J______, respectivement spécialistes FMH en chirurgie orthopédique et en psychiatrie, après avoir invité l’assuré à faire valoir d’éventuels motifs de récusation à leur encontre et lui avoir soumis la mission d’expertise.

b. Une IRM lombaire du 28 août 2023 a révélé une lombarthrose L4-L5, L5-S1, avec pincement discal relatif L5-S1, un angiome mixte L1 somatique droit et pédiculaire L5 droit, en L5-S1, des antécédents d'hémi-laminectomie gauche S1, un épaississement latéro-épidural gauche post-chirurgical et engainement fibrotique de la racine S1 gauche, en L4-L5, un débord discal circonférentiel venant au contact récessal de la racine L5 droite et un canal rachidien large à tous les étages.

c. L’assuré a vu le docteur K______, médecin à la consultation d’antalgie des HUG, le 31 octobre 2023. Celui-ci a posé les diagnostics de lombo-radiculalgies chroniques S1 gauches non déficitaires, secondaires à des troubles dégénératifs non spécifiques et persistants après cure de hernie discale avec fibrose péri-radiculaire résiduelle, et radiculopathies chroniques selon un électroneuromyogramme réalisé en août 2019 par le docteur L______, spécialiste FMH en neurologie. L'examen clinique retrouvait un syndrome lombovertébral. Le Dr K______ a formulé plusieurs propositions thérapeutiques et préconisé des investigations neurologiques à la recherche d’une radiculopathie ou d’une polyneuropathie sensitive.

d. Les experts J______ et I______ ont rendu leur rapport le 5 mars 2024.

Dans leur évaluation consensuelle, ils ont exclu une psychopathologie spécifique en dehors du diagnostic d'exclusion de majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques (F 68.0), retenu en présence d’insatisfaction médicale couplée à un histrionisme, sans valeur incapacitante. Les diagnostics somatiques étaient ceux de lombalgies basses chroniques, disco-lombarthrose et cyphose thoracique.

Des mesures de réadaptation pouvaient être soutenues chez l’assuré, qui se projetait dans une activité dans le domaine de la sécurité. Le traitement antidépresseur pouvait aisément être remis en cause dans cette situation, l’assuré n’étant à l’évidence pas déprimé et les taux sériques mesurés étant indétectables. Il y avait une exagération de la symptomatologie au plan orthopédique. Au plan psychiatrique, il n’existait pas de limitation uniforme des activités dans tous les domaines de l'existence chez l’assuré, qui jouait presque tous les jours aux échecs avec des amis, sortait prendre un café et nourrissait des relations conjugales, parfois tendues. Les plaintes algiques apparaissaient faiblement cohérentes ou plausibles à l'expert psychiatre, en raison de la majoration de symptômes physiques. L’assuré n’était pas déprimé, sa modulation affective était efficiente, et sa capacité hédonique conservée. Il ne rapportait pas d’inflexion thymique supérieure à deux semaines, ni de manifestations anxieuses épisodiques paroxystiques. Il avait des ressources : il s’adaptait aux règles et aux routines, était capable de respecter les règles, de venir aux rendez-vous convenus, et de s'intégrer dans les processus organisationnels tels que l'actuelle procédure assécurologique. Il planifiait et structurait des tâches. Le ménage, le rangement et les courses étaient assumées par sa compagne. Il existait une flexibilité et une capacité d'adaptation, et l’assuré pouvait faire usage de compétences spécifiques et était capable d'utiliser des connaissances professionnelles ainsi que son expérience vécue. Son endurance n’était pas affectée, et il était capable de contacts et de s’intégrer dans un groupe. Il avait des relations proches et des activités spontanées. Il paraissait capable de s'occuper de lui et de se soigner, et de se déplacer en transports publics. Ses difficultés étaient un endettement et d'être tributaire de l’aide sociale. Sa capacité de travail était nulle dans l’activité de peintre depuis le 17 janvier 2018, mais complète six mois après l'intervention chirurgicale du 12 octobre 2018 dans une activité légère, avec changements de position possibles, sans station debout ou assise prolongée ni port de charges de plus de 5 kg, ni utilisation répétitive d'échelles ni d'escaliers de façon répétitive ou travail en porte-à-faux. Une infiltration pourrait améliorer la situation.

La Dre I______ a fait état de douleurs évaluées à une intensité de 10/10 tout le temps, y compris la nuit et d’un gonflement aux jambes et aux orteils. Elle constatait une hyperalgie et une exagération de la symptomatologie. L’assuré était moyennement collaborant. Il était très plaintif et très démonstratif. Un électroneuromyogramme avait été réalisé le 10 janvier 2024 par le docteur M______, spécialiste FMH en neurologie, pour objectiver les douleurs et exclure une origine radiculaire le 10 janvier 2024, et s’était révélé dans les limites de la norme en dehors de discrets signes d'atteinte radiculaire irritative séquellaire ancienne S1 gauche. En particulier, il n'y avait pas de signes de dénervation dans les muscles dépendant des myotomes L4-L5 et S1, ni de signes en faveur d'une polyneuropathie sensitivo-motrice ou neurovégétative sous-jacente.

Au plan psychiatrique, l’expert a notamment rapporté que l’assuré avait déclaré « Quand on est déprimé, le moral chute ». Il relatait un moral plus mauvais le soir, et éprouvait des douleurs des membres inférieurs. Il se disait fatigué, et intéressé par rien. Il était fier de ses trois enfants, auxquels il s’intéressait. Il n’y avait pas de manque de réactivité à événements habituellement agréables. L’assuré mentionnait un réveil algique nocturne entre 3h00 et 4h00 du matin et une baisse de l'appétit, tout en signalant une prise de poids. Il n’avait pas de libido. Il avait indiqué qu’il avait été sociable et généreux, mais ne pouvait plus l’être. Il disait ne pas avoir d’amis à Genève. Son réseau social était constitué de connaissances avec lesquelles il jouait aux échecs. Il était particulièrement démonstratif et ne répondait pas à nombre de questions posées. La démonstrativité atteignait le seuil de l’histrionisme.

e. Dans un avis du 12 avril 2024, le SMR s’est rallié à l’expertise des Drs I______ et J______. Il a fixé le début de la réadaptation au 1er mai 2019, date dès laquelle l’assuré disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. L’incapacité de travail durable remontait à janvier 2018.

f. Par décision du 15 avril 2024, l’OAI a nié le droit à la rente de l’assuré, au vu du degré d’invalidité de 6%. Il a retenu que le délai d’attente d’une année débutait le 17 janvier 2019. Il a également refusé d’octroyer des mesures professionnelles, un degré d'invalidité inférieur à 20% étant insuffisant pour ouvrir le droit au reclassement professionnel, et un nombre significatif d’activités étant adapté aux limitations de l’assuré.

C. a. Par écriture du 16 mai 2024, l’assuré a interjeté recours contre la décision de l’OAI. Il a conclu, sous suite de dépens, préalablement à ce qu’il soit autorisé à compléter son recours, à son audition, à un complément d'instruction sous forme d'un séjour dans une clinique spécialisée avec école du dos pour une évaluation de la capacité de travail résiduelle, respectivement à un complément d'expertise ou une expertise judiciaire pour départager les avis divergents des experts sur sa capacité de travail ; principalement à l’annulation de la décision de l’intimé, à ce qu’il soit dit que l’intimé devait lui verser des prestations pour un taux d'invalidité de 100% ; et subsidiairement au renvoi à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le recourant a soutenu que l’expertise des Drs J______ et I______ ne convainquait pas, sous réserve des mesures de réadaptation qu’elle préconisait. Il était contradictoire de fixer la capacité de travail à 100%, eu égard à cette recommandation. Le recourant souhaitait suivre de telles mesures. De plus, ces experts n’expliquaient notamment pas leur divergence avec l’avis du Prof. F______. L’insatisfaction médicale du recourant était en outre fondée, et les experts n’avaient pas examiné le FBSS.

b. Dans sa réponse du 3 juillet 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours. S’agissant de la divergence entre les expertises du Prof. F______ et de la Dre I______, le premier avait principalement retenu une fatigabilité en lien avec les douleurs, sans que l’on puisse expliquer concrètement ce qui justifiait la double réduction opérée. Le Prof. F______ ne faisait état d’aucun élément objectivable justifiant la prise en compte de la fatigabilité dans son évaluation. La position du recourant était contradictoire, puisqu’il concluait à une pleine incapacité de travail ainsi qu’à des mesures de réadaptation. Le descriptif du quotidien ne concordait pas avec des douleurs constantes cotées à 10 sur 10. La position de la Dre I______ se fondait sur les discordances avec son examen clinique. Une expertise judiciaire ne devait pas être ordonnée, le dossier permettant de trancher le litige.

c. Dans sa réplique du 29 août 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a soutenu que l'examen clinique du Prof. F______ était plus détaillé que celui de la Dre I______, qui n’avait pas tenu compte de la mobilité lombaire limitée en raison des douleurs. Le recourant a souligné que les experts n’avaient pas pris connaissance du rapport du Dr K______ du 31 octobre 2023, et le SMR n’en avait pas tenu compte. Ce rapport avait cependant confirmé des douleurs chroniques liées à une radiculopathie chronique ou une polyneuropathie sensitive débutante. Ces douleurs chroniques permettaient d’écarter l’histrionisme. Les médecins des HUG recommandaient en outre une neurostimulation médullaire, traitement qui ne serait pas indiqué en cas d’histrionisme. Le recourant a invité la chambre de céans à compléter son analyse en interpellant les experts F______, I______ et J______ sur leurs divergences, ainsi que le Prof. N______ et les Drs K______ et L______ sur l’origine de ses très fortes douleurs. Subsidiairement, le recourant concluait à l’interrogatoire de ces trois médecins, par écrit ou lors d’une audience.

Il a joint une demande du 2 juin 2024 du Dr K______ tendant à la prise en charge d’une neurostimulation médullaire en raison d’un FBSS avec symptomatologie radiculaire.

d. Dans sa duplique du 19 septembre 2024, l’intimé a persisté dans ses conclusions, que le traitement de neurostimulation ne remettait pas en cause. En ce qui concernait l’histrionisme relaté, il ne signifiait pas que les experts avaient exclu toute douleur, ils avaient simplement objectivé des contradictions évidentes dans la perception de ces douleurs et le quotidien du recourant.

e. Le 22 octobre 2024, le recourant a précisé à la chambre de céans que le traitement par neurostimulation était en cours.

f. Le 13 décembre 2024, le recourant a transmis à la chambre de céans une attestation de la Dre H______ du 12 décembre 2024, qui s’est prononcée sur l’expertise du Dr J______. Au sujet du taux des antidépresseurs indétectables, elle a précisé que le recourant ne prenait plus la molécule testée par les experts, mais un autre traitement à base de duloxétine, augmenté en janvier 2024. S’agissant du diagnostic de majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques, elle ne constatait aucune attitude démonstrative ou histrionique chez le recourant, et aucun autre médecin n’avait constaté un tel comportement à sa connaissance. Elle a confirmé suivre le recourant en raison d’une symptomatologie anxieuse-dépressive réactionnelle aux troubles algiques.

g. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimé le 12 mars 2025.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité et à des mesures de réadaptation d’ordre professionnel.

3.             Il convient en préambule de rappeler ce qui suit au sujet du droit applicable.

3.1 En vertu de l’art. 28 de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20) dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 [LPGA - RS 830.1]) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c) (al. 1). L’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins (al. 2).

L’art. 29 LAI dispose que le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré (al. 1). Le droit ne prend pas naissance tant que l’assuré peut faire valoir son droit à une indemnité journalière au sens de l’art. 22 (al. 2).

3.2 La LAI a connu une novelle le 19 juin 2020, entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Dans ce cadre, le système des quarts de rente jusque-là applicable a été remplacé par un système linéaire de rentes (Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [Développement continu de l'assurance-invalidité], FF 2017 2442).

L’art. 28b LAI en vigueur depuis le 1er janvier 2022 dispose que la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2). Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). L’al. 4 détaille les taux de rente correspondant aux degrés d’invalidité entre 40% et 50%.

La let. b des dispositions transitoires relatives à cette modification prévoit notamment que pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de ladite modification et qui n’avaient pas encore 55 ans à cette date, la quotité de la rente ne change pas tant que leur taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA (al. 1). La quotité de la rente reste également inchangée après une modification du taux d’invalidité au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA si l’application de l’art. 28b de la loi se traduit par une baisse de la rente en cas d’augmentation du taux d’invalidité ou par une augmentation de la rente en cas de réduction (al. 2). Le Message précise que la quotité de la rente est calculée conformément au nouveau système si son taux d’invalidité a subi une modification d’au moins 5 points de pourcentage (FF 2017 2504).

3.3 Selon l’art. 17 LPGA dans sa teneur depuis le 1er janvier 2022, la rente d’invalidité est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d’invalidité de l’assuré subit une modification d’au moins 5 points de pourcentage (let. a), ou atteint 100% (let. b) (al. 1). De même, toute prestation durable accordée en vertu d’une décision entrée en force est, d’office ou sur demande, augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée si les circonstances dont dépendait son octroi changent notablement (al. 2).

Cette disposition s’applique également à la décision par laquelle une rente échelonnée dans le temps est accordée avec effet rétroactif (arrêt du Tribunal fédéral 9C_244/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.3.1).

3.4 Selon la jurisprudence, lorsque la décision dont est recours a été rendue après le 1er janvier 2022, il y a lieu conformément aux principes de droit intertemporel généralement applicables (cf. sur ce point ATF 144 V 210 consid. 4.3.1) de déterminer en vertu du droit applicable jusqu’au 31 décembre 2021 si un droit à la rente est né avant cette date. Lorsque le droit à la rente est né après cette date, le nouveau droit  est applicable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2).

3.5 En l’espèce, le droit à la rente doit être examiné une année après l’expiration du délai d’attente d’une année, soit dès janvier 2019 – le délai de six mois prévu à l’art. 29 LAI étant également écoulé à cette date –, soit à une date antérieure à l’entrée en vigueur de la novelle de la LAI. Partant, l’ancien droit reste applicable, sous réserve d’une modification du degré d’invalidité de 5 points de pourcentage au moins après le 1er janvier 2022 (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2), dont la chambre de céans examinera, ci-après, si elle est survenue.

4.             Selon l’art. 8 al. 1er LAI, les assurés invalides ou menacés d’une invalidité (art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d’accomplir leurs travaux habituels (let. a) et que les conditions d’octroi des différentes mesures soient remplies (let. b). Le droit aux mesures de réadaptation n’est pas lié à l’exercice d’une activité lucrative préalable. Lors de la fixation de ces mesures, il est tenu compte de la durée probable de la vie professionnelle restante. L’art. 8 al. 3 let. b LAI dispose que les mesures de réadaptation comprennent notamment des mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle et les mesures d’ordre professionnel, lesquelles englobent l’orientation professionnelle, la formation professionnelle initiale, le reclassement, le placement et l’aide en capital.

4.1 L’art. 14a LAI précise que l’assuré qui présente depuis six mois au moins une incapacité de travail (art. 6 LPGA) de 50% au moins a droit à des mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle (mesures de réinsertion), pour autant que celles-ci servent à créer les conditions permettant la mise en œuvre de mesures d’ordre professionnel (al. 1). Sont considérées comme mesures de réinsertion les mesures ciblées ci-après qui visent la réadaptation professionnelle : les mesures socioprofessionnelles (let. a) ; et les mesures d’occupation (let. b) (al. 2).

4.2 L’art. 15 LAI dispose que l’assuré auquel son invalidité rend difficile le choix d’une profession ou l’exercice de son activité antérieure a droit à l’orientation professionnelle.

4.3 Aux termes de l'art. 17 al. 1 LAI, l'assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée. Par reclassement, la jurisprudence entend l'ensemble des mesures de réadaptation de nature professionnelle qui sont nécessaires et suffisantes pour procurer à l'assuré une possibilité de gain à peu près équivalente à celle que lui offrait son ancienne activité. En règle générale, l'assuré n'a droit qu'aux mesures nécessaires, propres à atteindre le but de réadaptation visé, mais non pas à celles qui seraient les meilleures dans son cas. En particulier, l'assuré ne peut prétendre à une formation d'un niveau supérieur à celui de son ancienne activité, sauf si la nature et la gravité de l'invalidité sont telles que seule une formation d'un niveau supérieur permet de mettre à profit d'une manière optimale la capacité de travail à un niveau professionnel plus élevé. Enfin, si les préférences de l'intéressé quant au choix du genre de reclassement doivent être prises en considération, elles ne sauraient toutefois jouer un rôle déterminant (arrêt du Tribunal fédéral 9C_308/2021 du 7 mars 2021 consid. 7.3 et les références).

4.4 Pour déterminer si une mesure est de nature à maintenir ou à améliorer la capacité de gain d'un assuré, il convient d'effectuer un pronostic sur les chances de succès des mesures demandées (ATF 132 V 215 consid. 3.2.2 et les références). Celles-ci ne seront pas allouées si elles sont vouées à l'échec, selon toute vraisemblance (arrêt du Tribunal fédéral I 388/06 du 25 avril 2007 consid. 7.2). Le droit à une mesure de réadaptation suppose en outre qu'elle soit appropriée au but de la réadaptation, poursuivi par l'assurance-invalidité, tant objectivement en ce qui concerne la mesure que sur le plan subjectif en ce qui concerne la personne de l'assuré (VSI 2002 p. 111 consid. 2 et les références). De plus, il faut que l'invalidité soit d'une certaine gravité pour que le droit à des mesures de réadaptation soit ouvert. La jurisprudence a ainsi fixé le seuil d'invalidité à partir duquel des mesures de réadaptation doivent être octroyées à 20% (ATF 130 V 488 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_128/2022 du 15 décembre 2022 consid. 7.3).

5.             Le degré d’invalidité se détermine comme suit.

5.1 L’art. 16 LPGA prévoit que, pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation. Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient en principe de se placer au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 128 V 174 consid. 4a).

5.2 Le revenu sans invalidité se détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce que l’intéressé aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant s’il était en bonne santé (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à sa santé, en tenant compte de l’évolution des salaires. En effet, selon l’expérience générale, la dernière activité aurait été poursuivie sans atteinte à la santé. Les exceptions à ce principe doivent être établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_934/2015 du 9 mai 2016 consid. 2.2).

5.3 Pour déterminer le revenu d'invalide de l'assuré, il faut en l'absence d'un revenu effectivement réalisé se référer aux données salariales, telles qu'elles résultent des ESS (ATF 126 V 75 consid. 3b). Le revenu tiré d'activités simples et répétitives (niveau 4 jusqu'à l'ESS 2010 et niveau 1 dès l'ESS 2012) est une valeur statistique qui s'applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1). La notion de marché équilibré du travail est une notion théorique et abstraite qui sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-invalidité. Elle implique, d'une part, un certain équilibre entre l'offre et la demande de main d'œuvre et, d'autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu'il offre un éventail d'emplois diversifiés, tant au regard des exigences professionnelles et intellectuelles qu'au niveau des sollicitations physiques. Il n'y a donc pas lieu d'examiner la question de savoir si un assuré peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail sur un marché où les places de travail disponibles correspondent à l'offre de main d'œuvre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_326/2018 du 5 octobre 2018 consid. 6.2 et les références).

5.4 Selon la jurisprudence, il y a lieu de procéder à une réduction des salaires statistiques lorsqu'il résulte de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité ou catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation) que le revenu que pourrait réaliser l'assuré en mettant en valeur sa capacité résiduelle de travail est inférieur à la moyenne. Un abattement global maximal de 25% permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3). Savoir s'il convient de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison des circonstances du cas particulier constitue une question de droit, tandis que l'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret constitue une question typique relevant du pouvoir d'appréciation (ATF 146 V 16 consid. 4.2). 

6.             Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2). Ces données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_713/2019 du 12 août 2020 consid. 5.2).

6.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales, le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a, 122 V 157 consid. 1c).

6.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Le juge ne s'écarte en principe pas sans motifs impérieux des conclusions d'une expertise médicale judiciaire (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2), la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut notamment constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut pas exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (arrêt du Tribunal fédéral 8C_612/2023 du 13 mars 2024 consid. 3.2). Dans le cas où dans la même procédure, l'assureur recueille un second avis médical sur les faits déjà établis par une expertise, on parle de second opinion (deuxième opinion) (arrêt du Tribunal fédéral 9C_187/2024 du 19 septembre 2024 consid. 6.4). Il n’existe aucun droit à la réalisation d’une deuxième expertise au sens d’une second opinion. Lorsque le dossier comprend une expertise satisfaisant aux exigences de contenu et de force probante, il n’y pas lieu de procéder à d’autres mesures d’instruction (René WIEDERKEHR, ATSG-Kommentar, 5ème éd. 2024, n. 84 ad 44 LPGA). Ainsi, l’obligation d’instruire d’office un cas au sens de l'art. 43 al. 1 LPGA ne comprend pas le droit de l'assureur de recueillir un second avis médical sur les faits déjà établis par une expertise, lorsque celle-ci ne lui convient pas ; l'assuré ne dispose d'ailleurs pas non plus d'une telle possibilité. Si l'assureur n'est donc pas autorisé à remettre en question le bien-fondé d'une évaluation médicale au moyen d'un second avis médical, il est néanmoins tenu d'examiner si et dans quelle mesure il convient de compléter l'instruction, afin que l'état de fait déterminant pour la solution du litige soit établi au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_592/2021 du 4 mai 2022 consid. 7.1.2). En application de ce principe, dans un cas où le dossier contenait déjà une expertise probante, le Tribunal fédéral a confirmé le renvoi par l’instance inférieure de la cause à l’assurance-invalidité, sans que celle-ci ne soit fonée à mettre en œuvre une nouvelle expertise (arrêt du Tribunal fédéral 9C_57/2019 du 8 mars 2019 consid. 4.2).

6.3 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

7.             Dans un arrêt de principe concernant les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a retenu que la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part. Il y a désormais lieu de se fonder sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (consid. 3.6). Ces indicateurs concernent deux catégories, à savoir celle du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence.

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l'instrument de base de l'analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic et des symptômes

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l'étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Par exemple, sur le plan étiologique, la caractéristique du syndrome somatoforme douloureux persistant est, selon la CIM-10 (F 45.5), qu'il survient dans un contexte de conflits émotionnels ou de problèmes psycho-sociaux. En revanche, la notion de bénéfice primaire de la maladie ne doit plus être utilisée (consid. 4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L'échec définitif d'un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d'espèce, on ne peut rien en déduire s'agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d'une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l'attitude de l'assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l'atteinte à la santé. Le refus de l'assuré d'y participer est un indice sérieux d'une atteinte non invalidante. À l'inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d'une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d'un examen global tenant compte des circonstances du cas particulier (consid. 4.3.1.2).

3. Comorbidités

La comorbidité psychique ne joue plus un rôle prépondérant de manière générale, mais ne doit être prise en considération qu'en fonction de son importance concrète dans le cas d'espèce, par exemple pour juger si elle prive l'assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l'influence du trouble somatoforme douloureux avec l'ensemble des pathologies concomitantes (consid. 4.3.1.3). Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2) n'est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1) mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité. Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d'affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l'approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Il s'agit d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l'assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu'on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l'autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d'autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées (consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l'assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s'assurer qu'une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d'autres difficultés de vie (consid. 4.3.3).

II. Catégorie « cohérence »

Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l'assuré (consid. 4.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s'agit ici de se demander si l'atteinte à la santé limite l'assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l'exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple ses loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu'ici doit désormais être interprété de telle sorte qu'il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l'assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d'activité sociale de l'assuré avant et après la survenance de l'atteinte à la santé (consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La prise en compte d'options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d'évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n'est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l'absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d'une incapacité (inévitable) de l'assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s'appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d'autres raisons que l'atteinte à la santé assurée (consid. 4.4.2).

Le juge vérifie librement si l'expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l'atteinte à la santé et si son évaluation de l'exigibilité repose sur une base objective (ATF 137 V 64 consid. 1.2 in fine).

Dans un arrêt de 2017, le Tribunal fédéral a étendu la jurisprudence précitée à toutes les maladies psychiques (ATF 143 V 409 consid. 4.5).

8.             En l’espèce, on rappellera que la chambre de céans a reconnu une pleine valeur probante à l’expertise du Prof. F______ dans son arrêt du 8 août 2023.

Il n’existe aucun motif de s’écarter de cette appréciation dans la présente procédure, étant derechef souligné que cet expert a pris connaissance de l’intégralité du dossier incluant les documents radiologiques. Il a procédé à une anamnèse approfondie, a relaté les plaintes du recourant, et a consigné ses constatations cliniques de manière détaillée. Ses conclusions sont claires, soigneusement motivées et exemptes de contradiction. L’intimé n’a d’ailleurs dans un premier temps soulevé aucune critique à l’encontre de cette expertise, et a évoqué la nécessité d’une expertise – d’abord uniquement psychiatrique – en raison de la possible somatisation évoquée par le Prof. F______. Dans ces circonstances, en l’absence de tout élément remettant en cause les conclusions de cet expert – et notamment de toute aggravation des troubles somatiques dans l’intervalle –, l’intimé n’était pas fondé à mettre en œuvre une expertise orthopédique, puisqu’un tel procédé revient à solliciter une second opinion, ce que la jurisprudence et la doctrine proscrivent, comme on l’a vu. Le fait que l’expertise en question ait été réalisée dans une procédure portant sur des prestations de l’assurance-accidents, et non de l’assurance-invalidité, n’y change rien, dès lors que le contenu de celle-ci permet de trancher le droit aux prestations d’invalidité. On peut ici se référer par analogie au principe selon lequel le juge civil peut se fonder sur une expertise réalisée dans une autre procédure (par exemple une expertise mise en œuvre par un assureur social) à titre d’expertise judiciaire (ATF 140 III 24 consid. 3.3.1.3).

De plus, l’expertise réalisée par la Dre I______ ne satisfait pas aux réquisits jurisprudentiels rappelés plus haut. On relèvera en premier lieu que le rapport du 5 mars 2024 des experts mis en œuvre par l’intimé comprend d’innombrables redites, certains segments étant répétés à plusieurs reprises dans le rapport, mais que les diagnostics et les conclusions n’y sont pas ou guère motivés, et que les constats qui les fondent – avant tout au plan psychiatrique – sont très sommairement rapportés. Par ailleurs, l’expertise mentionne de manière itérative une très grande démonstrativité, confinant ou atteignant le seuil de l’histrionisme, sans toutefois donner d’exemples concrets de cette démonstrativité, hormis la mention de grimaces avant l’examen des membres inférieurs et de soupirs lors des mouvements, ce qui ne semble pas suffisant pour conclure à un histrionisme. En outre, la Dre I______ n’a nullement motivé ses conclusions quant à la reprise d’une activité adaptée six mois après l’intervention réalisée en octobre 2018. Ce faisant, elle s’écartait toutefois tant de l’avis du Dr D______ que de celui du Prof. F______, qui ont tous deux fixé le délai de stabilisation à neuf mois de l’intervention, le second cité n’admettant une capacité de travail partielle dans une activité adaptée dès cette date. Elle n’a pas non plus suivi l’avis du SMR du 3 octobre 2019, lequel fixait la reprise du travail deux mois après la décision de la SUVA. Dans ces circonstances, la Dre I______ se devait d’exposer les raisons pour lesquelles elle ne se ralliait pas à l’appréciation de ses confrères. À ce sujet, la chambre de céans souligne que la Dre I______ ne fait valoir aucun diagnostic ou élément nouveau ignoré au moment de l’expertise du Prof. F______, qui justifierait de revenir sur les conclusions de cet expert.

Compte tenu de ces éléments, l’expertise de la Dre I______ doit être écartée.

En ce qui concerne le volet psychiatrique de l’expertise, il est entaché des mêmes lacunes liées au défaut de motivation que sa partie orthopédique. Il convient en outre de souligner que l’entretien du Dr J______ a duré une heure trente. Il est vrai que selon la jurisprudence, ce n’est pas la durée de l'examen qui est déterminante pour la valeur probante d'un rapport médical, mais bien plutôt le fait qu’il soit complet et que ses conclusions soient convaincantes. Cela ne signifie toutefois pas qu’un examen unique de courte durée doive en tous les cas être considéré comme aussi significatif qu’une observation sur le long terme, notamment lorsque l’état de santé de la personne examinée est fluctuant ou pourrait l’être (arrêt du Tribunal fédéral 4A_66/2018 du 15 mai 2019 consid. 2.5.1). Dans le cas d’espèce, compte tenu du fait que les questions et réponses durant cet entretien ont dû être traduites – ce qui réduit ainsi significativement le temps consacré au questionnement du recourant par le psychiatre –, on peut douter qu’un examen aussi bref permette à celui-ci de se prononcer de manière fiable. Il faut en outre relever ici aussi que si la démonstrativité, voire l’histrionisme du recourant, sont à maintes reprises évoqués par le Dr J______, il n’en donne aucun exemple concret. Le reste de son status se limite à citer certains symptômes pour en nier la présence ou à affirmer que certaines compétences et aptitudes sont préservées, sans livrer les observations ou éléments permettant d’arriver à ces conclusions. Le Dr J______ relate en outre que le recourant n’est pas déprimé, alors que ce dernier a déclaré que tel était le cas. Il aurait été nécessaire qu’il motive cette différence entre auto- et hétéro-évaluation, en exposant sur quels éléments il se fondait. En outre, l’expert psychiatre ne s’est pas prononcé sur le diagnostic de la Dre H______ et n’a pas détaillé les raisons pour lesquelles il l’écartait.

Pour ces éléments, le volet psychiatrique de l’expertise mise en œuvre par l’intimé ne peut être considéré comme probant. Cela étant, ce défaut de force probante ne doit pas conduire dans le cas d’espèce à une instruction complémentaire sur la capacité de travail du recourant sur le plan psychique, pour les motifs suivants.

On rappellera que le SMR avait préconisé une expertise psychiatrique en raison de la possible somatisation évoquée par le Prof. F______. Or, la Dre H______ n’a pas fait état d’une atteinte de cet ordre chez le recourant dans les rapports établis après l’expertise judiciaire. Cette psychiatre n’a en outre pas non plus conclu à une incapacité de travail pour des raisons psychiques, puisqu’elle a exclu un diagnostic psychiatrique avec influence sur la capacité de travail dans son rapport du 12 janvier 2023. Ses doutes quant à la capacité de travail étaient liés aux difficultés à envisager une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. En outre, dans son attestation du 13 décembre 2024, celle-ci n’a pas remis en cause les conclusions du Dr J______ quant à l’absence d’incapacité de travail d’origine psychique. La chambre de céans ajoutera par surabondance qu’un examen autonome des indicateurs jurisprudentiels – auquel elle est fondée à procéder, dès lors que l'évaluation du caractère invalidant au regard des indicateurs développés par la jurisprudence est du ressort de l'administration ou, en cas de litige, de celui du juge (arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2020 du 6 septembre 2021 consid. 4.4) – ne paraît pas révéler de caractère invalidant du trouble psychique retenu par la Dre H______, dès lors notamment que le recourant dispose de ressources non négligeables. Il est en effet en mesure de structurer ses journées. Il ne semble pas subir un isolement important, dès lors qu’il vit avec sa compagne, qui le soutient, et a des contacts avec ses enfants. Il fréquente en outre des amis occasionnellement. Enfin, il conserve des activités de loisirs, puisqu’il s’adonne régulièrement aux échecs, selon ses descriptions d’une journée-type tant au Dr G______ qu’au Prof. F______ et au Dr J______, quand bien même cet élément ne ressort pas des attestations de la Dre H______.

Le recourant a émis plusieurs critiques à l’encontre de l’expertise mise en œuvre par l’intimé. Dès lors que celle-ci est écartée par la chambre de céans, il n’y a pas lieu d’en examiner la pertinence en détail. Pour les mêmes raisons, il est superflu, par appréciation anticipée des preuves (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), de procéder à l’audition du Prof. F______ et des Drs I______ et J______. Le Prof. F______ ayant en outre tenu compte des douleurs entraînées par les troubles dégénératifs dans ses conclusions, il s’avère également inutile d’entendre les Drs N______, K______ et L______ sur l’origine des douleurs. On précisera au sujet du rapport du Dr K______ du 31 octobre 2023, dont le recourant affirme qu’il fait état de radiculopathies et de neuropathies dont l’intimé n’aurait pas tenu compte, que le Prof. F______ a pris connaissance de l’ENMG de 2019 et du diagnostic de radiculopathie, de sorte que cet élément n’a pas été ignoré dans son appréciation de la capacité de travail. Quant à la neuropathie mentionnée par le Dr K______, elle constituait une simple hypothèse diagnostique que l’examen du Dr M______ a permis d’écarter. En ce qui concerne le traitement par neurostimulation, il s’agit d’une option thérapeutique mais non d’un nouvel élément diagnostique, si bien qu’il ne suffit pas à remettre en cause les conclusions du Prof. F______. De plus, cet élément est postérieur à la décision de l’intimé, si bien que la chambre de céans ne serait en toute hypothèse pas fondée à en tenir compte dans la présente procédure (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_253/2024 du 17 octobre 2024 consid. 3.3).

Compte tenu des éléments qui précèdent, la chambre de céans se ralliera aux conclusions du Prof. F______, selon lesquelles le recourant présente une capacité de travail de 80% et une diminution de rendement de 10% dans une activité adaptée dès le 12 juillet 2019. Contrairement à ce que l’intimé soutient, ces conclusions, et notamment la diminution de rendement prise en compte par l’expert judiciaire, sont motivées. Ce dernier a en effet notamment tenu compte des limitations physiques dues aux atteintes dégénératives du rachis, et a en outre fait état du surpoids du recourant pour apprécier cette diminution de rendement liée à la fatigabilité.

9.             Reste ainsi à déterminer le droit à la rente.

Compte tenu d’une incapacité de travail totale de janvier 2018 (et non janvier 2019, comme le retient à tort l’intimé, s’écartant ce faisant de l’avis du SMR) à juillet 2019 dans toute activité, le recourant a droit à la fin du délai de carence d’une année à une rente entière, soit dès le début du mois de janvier 2019, dès lors que la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance (art. 29 al. 3 LAI). Ce droit s’éteint trois mois après qu’il a recouvré une capacité de travail partielle en juillet 2019, soit le 31 octobre 2019, conformément à l’art. 88a du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201).

Il convient de procéder au calcul du degré d’invalidité dès cette date.

S’agissant du revenu sans invalidité, on peut reprendre le calcul de l’intimé, qui l’a fixé à CHF 64'643.- en 2018 en multipliant le salaire horaire de CHF 25.50 par 45 heures par semaine et 52 semaines par année, et y a ajouté un 13ème salaire. Ce calcul conduit à un salaire de CHF 64'641.- et de CHF 65'223.- une fois indexé à 2019. On notera que ce chiffre est favorable au recourant, puisque la SUVA s’est quant à elle fondée sur un revenu annuel de CHF 57'458.25 pour le calcul des indemnités journalières. C’est à juste titre que l’intimé s’est fondé sur les salaires statistiques pour déterminer le revenu d’invalide. En revanche, il convient de se référer aux chiffres publiés lors de la décision litigieuse, soit ceux de l’ESS 2018 et non de l’ESS 2016 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_699/2015 du 6 juillet 2016 consid. 5.2). Dans une activité simple et répétitive, tous secteurs confondus, le revenu statistique d’un homme était en 2018 de CHF 5'317.- par mois, soit CHF 67'114.- une fois indexé et adapté à la durée normale de travail de 41.7 heures en 2019. Compte tenu d’une capacité de travail de 72%, et de l’abattement de 10% auquel l’intimé a procédé sur ce revenu, on obtient un salaire d’invalide de CHF 43'490.-. La comparaison des revenus aboutit ainsi à un degré d’invalidité de 33.32%, arrondi à 33% selon les règles mathématiques (ATF 130 V 121 consid. 3.2).

Ce taux n’ouvre pas le droit à une rente dès le 1er novembre 2019.

10.         Le recourant a encore sollicité l’octroi de mesures de réadaptation, soutenant que celles-ci avaient été préconisées par les experts.

S'agissant du séjour en clinique préconisé par le Prof. F______, il n'a pas été présenté comme une condition sine qua non de la reprise d'une activité, mais visait à déterminer les compétences résiduelles du recourant. Or, l'expert a délimité la capacité de travail et les limitations fonctionnelles du recourant avec précision. De plus, celui-ci se projette déjà dans une activité dans le domaine de la sécurité, qui ne semble pas a priori incompatible avec ses limitations, si bien qu’une mesure d’orientation ne paraît pas indispensable. Enfin, dès lors que ses limitations relèvent essentiellement de mesures d'épargne du rachis, et que le marché équilibré du travail comprend un éventail suffisamment large d'activités adaptées accessibles sans formation initiale, si bien qu’il n’y a guère d’obstacles à l’exercice d’un emploi adapté à ses problèmes de santé, des mesures ne sont pas indispensables dans le cas d'espèce (cf. dans le cas d’un assuré souffrant de lombalgies chroniques arrêt du Tribunal fédéral 9C_534/2010 du 10 février 2011 consid. 4.3).

C’est ainsi à juste titre que l’intimé a nié le droit du recourant à des mesures d’ordre professionnel.

11.         Le recours est partiellement admis.

Le recourant a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 1'000.- (art. 61 let. g LPGA).

La procédure en matière de contestations portant sur des prestations de l’AI devant le tribunal cantonal des assurances n’étant pas gratuite (art. 69bis al. 1 LAI), l’intimé supporte l’émolument de procédure de CHF 200.-.

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision de l’intimé du 15 avril 2024 en ce sens que le recourant a droit à une rente entière du 1er janvier au 31 octobre 2019, et la confirme pour le surplus.

4.        Condamne l’intimé à verser au recourant une indemnité de dépens de CHF 1'000.-.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le