Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/334/2025 du 12.05.2025 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3312/2024 ATAS/334/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 12 mai 2025 Chambre 1 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, | intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1972 à B______ (Afghanistan), marié et père de trois enfants, est arrivé en Suisse en 1989, pays dont il a acquis la nationalité en 2012.
b. L’assuré a exercé divers emplois dès 1990, alternant les activités salariées et indépendantes. À partir de 1996, il a commencé à travailler en tant que chauffeur de taxi et de véhicules de tourisme avec chauffeur (ci-après : VTC) à plein temps, d’abord en tant qu’employé, puis en tant qu’indépendant dès 2002.
B. a. Le 12 mai 2020, il a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé). Atteint dans sa santé depuis 2013 sur le plan physique (en raison, entre autres, de troubles respiratoires, cardiovasculaires, rhumatologiques et métaboliques [diabète]) et psychiques (dépression).
b. Dans un rapport du 25 mai 2020 à l’OAI, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a indiqué que l’incapacité de travail de l’assuré était totale depuis le 28 novembre 2019, en raison des atteintes à la santé suivantes : coxarthrose gauche, hernie inguinale gauche, coronaropathie, hypercholestérolémie et diabète de type II. S’y ajoutait un syndrome d’apnées du sommeil (ci-après : SAS), sans effet sur la capacité de travail. Les contraintes liées à son activité de chauffeur de taxi/limousine (position statique, marche, efforts) ne lui permettaient plus de travailler en raison des douleurs. Il présentait une boiterie marquée et son potentiel de réadaptation était entravé par sa coxarthrose bilatérale.
c. Dans un rapport du 9 juin 2020, la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a posé le diagnostic de trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2). Les limitations fonctionnelles qui en découlaient se manifestaient par un trouble de la concentration, de la fatigue, un manque d’élan et l’angoisse permanente de subir un nouvel infarctus (après celui subi en 2013 et plusieurs stents posés depuis lors). D’un point de vue strictement psychiatrique, la capacité de travail était nulle depuis le 28 novembre 2019.
d. Le 17 novembre 2022, l’assuré a subi une intervention chirurgicale, indiquée par sa coxarthrose (pose d’une prothèse totale de hanche gauche ; ci-après : PTH).
e. Dans un rapport du 10 juillet 2023 à l’OAI, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, a indiqué que l’assuré présentait des coxodynies invalidantes depuis longtemps, entraînant des limitations dans la vie de tous les jours, au repos comme à la marche. Depuis la prise en charge chirurgicale du 17 novembre 2022, l’évolution était bonne et n’empêchait pas l’exercice d’une activité adaptée.
f. Par avis du 23 août 2023, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a estimé qu’au vu de l’évolution postopératoire favorable à six mois de l’intervention à la hanche, la capacité de travail de l’assuré était à nouveau entière depuis le 25 avril 2023, dans une activité adaptée. Sur le plan psychiatrique, un trouble anxieux et dépressif mixte ne constituait en principe pas une atteinte incapacitante et ne justifiait pas une incapacité de travail totale dans toute activité, ce d’autant que le traitement psychotrope n’avait pas été modifié. Dans ce contexte, le SMR a proposé la réalisation d’une expertise psychiatrique.
g. Le 21 septembre 2023, l’OAI a reçu, entre autres, un bilan neuropsychologique de l’assuré, effectué le 17 janvier 2023 aux Hôpitaux universitaires de Genève
(ci-après : HUG), mettant en évidence un déficit cognitif, modéré à avancé, affectant la plupart des fonctions cognitives, plus marqué sur le plan exécutif et attentionnel.
h. À la demande de l’OAI, l’assuré s’est rendu, le 18 octobre 2023, auprès de la docteure F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, pour y subir une expertise psychiatrique. Dans son rapport du 3 novembre 2023, elle a retenu les deux diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail suivants :
- F90.0 : trouble de l’attention avec hyperactivité (ci-après : TDAH) surtout durant l’enfance, mais beaucoup moins actuellement, sans traitement spécifique nécessaire depuis le début de l’âge adulte ;
- F41.2 : troubles anxieux et dépressifs mixtes depuis novembre 2019 au présent, sans indices de gravité de jurisprudence remplis. Toutefois, ce trouble limitait l’assuré dans son activité de chauffeur professionnel, en raison des psychotropes prescrits et pris avec une bonne compliance.
Il n’y avait pas de diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail.
L’experte notait cependant que le score obtenu au test des matrices de Raven était compatible avec des capacités de concentration et intellectuelles qui n’atteignaient certes pas le niveau d’une déficience intellectuelle, mais étaient définitivement sous la moyenne, ce qui concordait avec le niveau d’acquisition. Actuellement, ceci rendait inutile la réalisation d’un examen neuropsychologique.
Dans l’activité habituelle, la capacité de travail était nulle depuis novembre 2019 car la conduite professionnelle avec des psychotropes n’était pas adaptée. En revanche, dans une activité adaptée au niveau d’acquisition, n’impliquant ni conduite professionnelle, ni relations sociales intenses ou stressantes, ni attention optimale, ni « multi-tâches », la capacité de travail était de 70% depuis novembre 2019.
i. Par avis du 13 novembre 2023, le SMR a expliqué que l’examen des diverses pièces médicales, en particulier du bilan neuropsychologique effectué en janvier 2023 aux HUG ne lui permettait pas de suivre l’expertise de la Dre F______ en tant qu’elle retenait une capacité de travail de 70% dans une activité adaptée. Selon le SMR, les atteintes à la santé consistaient, d’une part en une atteinte principale, prenant la forme d’un trouble neuropsychologique modéré à avancé exécutif et attentionnel multifactoriel dans le contexte d’un épisode dépressif au moins de sévérité moyenne, d’autre part en une maladie coronarienne tritronculaire, une coxarthrose bilatérale avec PTH gauche, un hallux valgus avec arthrodèse du 1er rayon et un TDAH dans l’enfance. La gravité des troubles mis en évidence lors du bilan neuropsychologique précité ne permettait pas à l’assuré de faire une quelconque activité, même adaptée aux limitations fonctionnelles suivantes : « troubles exécutifs et attentionnels majeurs ne permettant pas l’apprentissage d’une nouvelle activité ; l’assuré est limité dans ses activités de la vie quotidienne par le trouble, pas d’effort physique, pas d’activité avec des contraintes temporelles, ou stressante, pas de conditions environnementales extrême[s] (froid, chaud, humidité), pas de position debout prolongée, pas de marche prolongée, pas de marche en terrain irrégulier, pas d’escaliers, d’échelles, escabeaux, échafaudages, pas de position accroupie ».
Sur la base de ces éléments, il y avait lieu de retenir une capacité de travail nulle dans toute activité depuis le 28 novembre 2019. Une révision précoce n’était pas utile.
j. Dans une note du 9 février 2024, le gestionnaire du dossier a observé que même si l’assuré présentait, selon le SMR, une incapacité de travail totale depuis novembre 2019, les bilans de son entreprise individuelle révélaient néanmoins qu’il travaillait toujours. Aussi l’OAI a-t-il confié une enquête économique à son service des évaluations AI.
k. Le 12 juin 2024, deux représentantes de ce service se sont entretenues avec l’assuré pour les besoins de leur enquête. Dans leur rapport du 26 juin 2024, elles ont noté que l’activité de chauffeur indépendant de l’assuré remontait à 2002. Deux comptabilités étaient tenues par l’assuré, l’une pour le taxi privé GE 1______, et l’autre pour les VTC GE 2______ et GE 3______. Vu sa maîtrise de l’anglais et de l’arabe, l’assuré travaillait avec des clients du Moyen-Orient qui s’attachaient les services d’un chauffeur qui les véhiculait à bord d’une voiture de luxe, par exemple pour un séjour à Courchevel ou un séminaire à Davos. Le chauffeur restait avec le client tout au long du séjour. Ainsi, l’assuré possédait une petite entreprise. Il ne conduisait pas toujours lui-même ses véhicules. Il les louait également à d’autres chauffeurs. Alors qu’il s’occupait des frais d’entretien du véhicule, le chauffeur réglait l’essence et rendait le véhicule après l’avoir lavé et nettoyé.
Depuis que l’assuré était atteint dans sa santé, l’organisation de son activité avait connu quelques changements. En 2018, il avait rendu les plaques GE 2______ et mis fin à son activité de chauffeur fin novembre 2019, dans les suites d’une opération du cœur. Entre 2019 et le 17 septembre 2021, date de la restitution des plaques GE 3______, il n’avait plus exercé en tant que chauffeur, mais loué ses véhicules. La crise sanitaire avait également fait chuter le nombre de clients sur cette période au cours de laquelle il avait vendu deux de ses véhicules (en 2021 et 2022) et reçu un « prêt COVID-19 » de CHF 23'000.-, ainsi que des allocations COVID-19 pour un montant de CHF 13'700.-. Depuis fin 2021, seule la plaque de taxi GE 1______ était encore exploitée et le taxi mis à disposition d’autres chauffeurs pour un montant oscillant entre CHF 60.- et CHF 100.- par jour. L’avenir de cette activité résiduelle semblait toutefois compromis. Étant donné que son état de santé ne lui permettait plus de conduire lui-même, il était à craindre que l’attestation des plaques de taxi – qui lui avait été remise en 2018 pour une période échéant en novembre 2024 – ne fût pas renouvelée. Dans ce cas, il lui faudrait rendre les plaques aux autorités.
Les enquêtrices ont procédé à l’évaluation de l’invalidité de l’assuré en comparant son revenu moyen sans invalidité – soit le montant de CHF 20'600.- inscrit au compte individuel AVS (ci-après : CI) pour 2018 – au revenu d’invalide sur trois périodes (2020-2021, 2022 et 2023). Pour la première d’entre elles, elles ont pris en compte la moyenne des résultats d’exploitation des années 2020 et 2021, à savoir une perte de CHF 18'876.-, après avoir corrigé le bénéfice d’exploitation ressortant des bilans de ces deux années (ce, en y ajoutant les cotisations AVS et en en déduisant les allocations COVID-19 ainsi que les « produits indemnités assurances APG »). En comparant le revenu sans invalidité de CHF 20'600.- à la perte de CHF 18'876.-, le taux d’invalidité était de 100% en 2020 et 2021. En revanche, la comparaison du revenu sans invalidité précité avec les revenus des années 2022 (soit le bénéfice d’exploitation corrigé à CHF 38'438.- en lieu et place du bénéfice d’exploitation de CHF 44'105.- ressortant du bilan) et 2023 (soit le bénéfice d’exploitation corrigé à CHF 26'374.- en lieu et place du bénéfice d’exploitation de CHF 23'829.- selon le bilan) révélait un préjudice économique nul et un degré d’invalidité qui ne l’était pas moins. Dès lors, la rente devait être limitée dans le temps. En revanche, si l’assuré remettait ses plaques de chauffeur de taxi (GE 1______), il en résulterait une modification des circonstances économiques (soit un motif de révision). Dans ce cas, il serait possible d’évaluer à nouveau le préjudice économique.
l. Dans une note du 29 juillet 2024, l’OAI a constaté qu’au moment de la survenance de l’atteinte à la santé, le taux d’activité de l’assuré était de 100% et qu’en conséquence, il convenait de lui reconnaître un statut d’actif.
m. Par projet de décision du 30 juillet 2024, l’OAI a envisagé d’octroyer à l’assuré une rente d’invalidité entière limitée dans le temps, prenant naissance à l’issue du délai de carence, soit le 1er novembre 2020, et prenant fin le 31 décembre 2021, vu le préjudice économique nul pour l’année 2022.
n. Le 7 août 2024, l’assuré a contesté ce projet de décision en faisant valoir en substance – certificats et rapports médicaux à l’appui – que son état de santé, et l’incapacité de travail en découlant, justifiaient le maintien de sa rente entière.
o. Par décision du 26 septembre 2024, l’OAI a octroyé à l’assuré une rente d’invalidité entière du 1er novembre 2020 au 31 décembre 2021. Prenant position sur les éléments médicaux transmis le 7 août 2024, l’OAI a précisé avoir déjà admis que l’assuré présentait une atteinte à la santé l’empêchant totalement de travailler. Malgré cela, le revenu de son activité indépendante lui avait permis de dégager un revenu pour 2022 et 2023. L’absence de perte de gain sur ces deux années faisait obstacle au versement d’une rente d’invalidité.
C. a. Le 8 octobre 2024, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant en substance au maintien de sa rente entière au-delà du 31 décembre 2021, compte tenu de son incapacité de travail dans toute activité qui perdurait à ce jour.
À l’appui de sa position, le recourant a produit plusieurs rapports médicaux ainsi qu’une attestation délivrée le 8 octobre 2024 par l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV), selon laquelle les plaques GE 1______ avaient été déposées le même jour.
b. Par réponse du 5 novembre 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours.
En l’absence d’éléments objectifs permettant d’infirmer les conclusions figurant dans le rapport d’enquête économique du 26 juin 2024, ce rapport constituait un moyen de preuve approprié pour retenir l’absence de tout préjudice économique subi en 2022 et 2023 et, partant, le caractère injustifié de l’octroi d’une rente d’invalidité au-delà du 31 décembre 2021. Concernant enfin le dépôt des plaques de taxi GE 1______, celui-ci avait eu lieu après la décision litigieuse, si bien qu’il n’y avait pas lieu d’en tenir compte pour apprécier le bien-fondé de cette dernière. Il incombait en revanche au recourant de faire valoir ce fait nouveau en déposant une nouvelle demande de prestations.
c. Le 3 décembre 2024, le recourant a répliqué en soutenant qu’il était inexact d’affirmer qu’il avait continué à exercer une activité d’indépendant en louant son taxi à des tiers. En effet, il avait déposé les plaques de ce véhicule le 8 octobre 2024.
d. Le 4 décembre 2024, la chambre de céans a transmis une copie de ce courrier, pour information, à l’intimé.
e. Les autres faits seront mentionnés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.
La procédure devant la chambre de céans est ainsi régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).
Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA – E 5 10]).
1.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le point de savoir si le recourant peut prétendre au maintien de sa rente entière d’invalidité au-delà du 31 décembre 2021.
3.
3.1 Dans le cadre du développement continu de l’AI, la LAI, le règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI – RS 831.201) et l’art. 17 LPGA notamment ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (modifications des 19 juin 2020 et 3 novembre 2021 ; RO 2021 705 et RO 2021 706).
Conformément aux principes généraux en matière de droit intertemporel, les règles de droit déterminantes en cas de modification du droit sont celles qui étaient en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques (ATF 149 II 320 consid. 3 ; 148 V 174 consid. 4.1 et les références). En application de ce principe général du droit intertemporel, lorsqu’un état de fait durable s’est produit en partie avant et en partie après l’entrée en vigueur de la nouvelle législation, le droit à une rente d’invalidité doit être examiné pour la première période selon les dispositions de l’ancien droit et pour la deuxième période selon les nouvelles règles. Les réglementations transitoires particulières sont réservées (arrêt du Tribunal fédéral 9C 505/2023 du 26 juin 2024 consid. 2.2 et la référence).
Dans les cas de révision selon l’art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu’au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l’art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).
3.2 Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l’assurance-invalidité accorde une rente d’invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l’augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA, applicable par analogie (ATF 148 V 321 consid. 7.3.1 ; 145 V 209 consid. 5.3 ; 125 V 413 consid. 2d).
3.3 En l’occurrence, il n’est pas contesté que le droit à la rente est né antérieurement au 1er janvier 2022, sous l’empire du droit en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Toutefois, la question litigieuse est de savoir si un motif de révision est survenu, selon l’art. 88a RAI, à compter de cette date, de sorte que les dispositions propres à la révision seront citées dans leur nouvelle teneur.
4.
4.1 L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que la rente d’invalidité est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d’invalidité de l’assuré :
a. subit une modification d’au moins 5 points de pourcentage, ou
b. atteint 100%.
4.1.1 Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA (ATF 149 V 91 consid. 7.5 et les références). La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important. Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à l’accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et les références).
Une amélioration de la capacité de gain ou de la capacité d’accomplir les travaux habituels de l’assuré n’est déterminante pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu’à partir du moment où l’on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre (art. 88a al. 1 RAI). Le fardeau de la preuve quant à cette amélioration de la capacité de travail incombe à l’administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2020 du 15 avril 2021 consid. 2.2 et les références).
En revanche, il n’y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et les références). Un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références).
4.1.2 La base de comparaison déterminante dans le temps pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une révision de la rente est constituée par la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et la référence). Cependant l’octroi rétroactif d’une rente d’invalidité limitée dans le temps présuppose, en règle générale, l’existence de motifs de révision, c’est-à-dire un changement ayant une incidence sur le droit à la rente intervenu avant même que la décision de rente ne soit rendue (ATF 148 V 321 consid. 7.3.1 ; 145 V 215 V 215 consid. 8.2 ; 145 V 209 consid. 5.3). Dans le cas de l’octroi rétroactif d’une rente temporaire ou échelonnée, les bases de comparaison déterminantes sont, d’une part, la date du début du droit à la rente et, d’autre part, la date de la modification du droit à la rente compte tenu du délai de trois mois de l’art. 88a RAI (arrêt du Tribunal fédéral 8C_51/2024 du 2 juillet 2024 consid. 2.4 et les références).
4.2 Aux termes des art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI, est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident. Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain.
De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
4.3 La notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
5.
5.1 En vertu de l’ancien art. 28 al. 2 LAI, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou au à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
Selon l’art. 28b LAI, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2). Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47.5% (cf. al. 4).
A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).
5.2 Pour évaluer le taux d’invalidité d’un assuré exerçant une activité lucrative, le revenu qu’il aurait pu obtenir, s’il n’était pas invalide, est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).
L’art. 25 RAI pose les principes de la comparaison des revenus. Selon son al. 1, est réputé revenu au sens de l’art. 16 LPGA le revenu annuel présumable sur lequel les cotisations seraient perçues en vertu de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS – RS 831.10), à l’exclusion toutefois : des prestations accordées par l’employeur pour compenser des pertes de salaire par suite d’accident ou de maladie entraînant une incapacité de travail dûment prouvée (let. a) ; des indemnités de chômage, des allocations pour perte de gain au sens de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (loi sur les allocations pour perte de gain, LAPG - RS 834.1) et des indemnités journalières de l’assurance-invalidité (let. b).
5.3 Pour évaluer le taux d’invalidité, il existe principalement trois méthodes – la méthode générale de comparaison des revenus, la méthode spécifique et la méthode mixte – dont l’application dépend du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré sans activité lucrative, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel (ATF 137 V 334 consid. 3.1). La détermination du taux d’invalidité ne saurait reposer sur la simple évaluation médico-théorique de la capacité de travail de l’assuré, car cela revient à déduire de manière abstraite le degré d’invalidité de l’incapacité de travail, sans tenir compte de l’incidence économique de l’atteinte à la santé (ATF 114 V 281 consid. 1c et 310 consid. 3c ; RAMA 1996 n° U 237 p. 36 consid. 3b).
5.4 Chez les assurés qui exerçaient une activité lucrative à plein temps avant d’être atteints dans leur santé physique, mentale ou psychique, il y a lieu de déterminer l’ampleur de la diminution des possibilités de gain de l’assuré, en comparant le revenu qu’il aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré ; c’est la méthode générale de comparaison des revenus (art. 28a al. 1 LAI en corrélation avec l’art. 16 LPGA) et ses sous-variantes, la méthode de comparaison en pour-cent et la méthode extraordinaire de comparaison des revenus (ATF 137 V 334 consid. 3.1.1 et les références).
5.4.1 Dans le cas d’un indépendant, le degré d’invalidité ne saurait être déterminé en appliquant la méthode de la comparaison en pour-cent, cette méthode ne prenant pas en considération le fait que la gestion d’une structure commerciale engendre des charges fixes et incompressibles, telles que loyer, mobilier ou assurances, qui sont indépendantes de la variation du degré d’activité. Une diminution du chiffre d’affaires ne se traduit donc pas par une diminution proportionnelle du bénéfice. De telles circonstances nécessitent bien plutôt l’examen concret de la situation de la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_44/2011 du 1er septembre 2011 consid. 4.2 et 4.3).
5.4.2 Lorsque l’assuré est une personne de condition indépendante, la comparaison porte sur les résultats d’exploitation réalisés dans son entreprise avant et après la survenance de l’invalidité. Ce n’est que si ces données comptables ne permettent pas de tirer des conclusions valables sur la diminution de la capacité de gain due à l’invalidité – ce qui est le cas lorsque les résultats de l’exploitation ont été influencés par des facteurs étrangers à l’invalidité – que le taux d’invalidité doit être évalué en application de la méthode extraordinaire (consistant à évaluer le taux d’invalidité d’après l’incidence de la capacité de rendement amoindrie sur la situation économique concrète). Les résultats d’exploitation d’une entreprise dépendent en effet souvent de nombreux paramètres difficiles à apprécier, tels que la situation conjoncturelle, la concurrence, l’aide ponctuelle des membres de la famille, des personnes intéressées dans l’entreprise ou des collaborateurs, lesquels constituent des facteurs étrangers à l’invalidité. Ainsi, il convient, dans chaque cas, afin de déterminer la méthode d’évaluation applicable, d’examiner si les documents comptables permettent ou non de distinguer la part du revenu qu’il faut attribuer aux facteurs étrangers à l’invalidité de celle qui revient à la propre prestation de travail de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_2/2023 du 7 septembre 2023 et les références).
En revanche, la méthode extraordinaire (cf. ci-après : consid. 5.4.3) ne devra pas être appliquée non seulement lorsque les données comptables permettent de tirer des conclusions valables sur la diminution de la capacité de gain due à l’invalidité, mais aussi lorsque, en raison d’un changement important survenu dans l’exploitation d’un indépendant, les répercussions économiques de la baisse de rendement sur les divers champs d’activité ne peuvent plus être établies de manière réaliste (arrêt du Tribunal fédéral I 499/02 du 17 juin 2003 consid. 6 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité, 2018, n. 138 ad art. 28a)
5.4.3 Si l’on ne peut déterminer ou évaluer sûrement les revenus avec et sans invalidité (cf. ci-dessus : consid. 5.4.2), il faut, en s’inspirant de la méthode spécifique pour personnes sans activité lucrative (art. 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA), procéder à une comparaison des activités et évaluer le degré d’invalidité d’après l’incidence de la capacité de rendement amoindrie sur la situation économique concrète (procédure extraordinaire d’évaluation de l’invalidité). La différence fondamentale entre la procédure extraordinaire d’évaluation et la méthode spécifique réside dans le fait que l’invalidité n’est pas évaluée directement sur la base d’une comparaison des activités ; on commence par déterminer, au moyen de cette comparaison, quel est l’empêchement provoqué par la maladie ou l’infirmité, après quoi l’on apprécie séparément les effets de cet empêchement sur la capacité de gain. Une certaine diminution de la capacité de rendement fonctionnelle peut certes, dans le cas d’une personne active, entraîner une perte de gain de la même importance, mais n’a pas nécessairement cette conséquence. Si l’on voulait, dans le cas des personnes actives, se fonder exclusivement sur le résultat de la comparaison des activités, on violerait le principe légal selon lequel l’invalidité, pour cette catégorie d’assurés, doit être déterminée d’après l’incapacité de gain (ATF 128 V 29 consid. 1 p. 30 et les références).
La méthode extraordinaire implique qu’il soit procédé à une pondération des activités exercées par l’indépendant en appliquant à chacune le salaire de référence usuel dans la branche. On peut ainsi déterminer le revenu d’une personne non invalide et le revenu d’invalide et effectuer une comparaison des revenus (cf. Circulaire sur l’invalidité et les rentes dans l’assurance-invalidité, valable dès le 1er janvier 2022 [CIRAI], ch. 3800ss ; cf. aussi Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité [CIIAI], valable depuis le 1er janvier 2015, ch. 3103ss).
Outre l’hypothèse dans laquelle les données comptables permettent de tirer des conclusions valables sur la diminution de la capacité de gain due à l’invalidité, la méthode extraordinaire ne s’applique pas non plus lorsque, en raison d’un changement important survenu dans l’exploitation d’un indépendant, les répercussions économiques de la baisse de rendement sur les divers champs d’activité ne peuvent plus être établies de manière réaliste (arrêt du Tribunal fédéral I 499/02 du 17 juin 2003 consid. 6 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité, 2018, n. 138 ad art. 28a)
6.
6.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2 ; 114 V 310 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2).
6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
6.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.
6.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).
6.3.2 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
6.3.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
6.4 Un rapport d’enquête pour activité professionnelle indépendante constitue en principe un moyen de preuve approprié pour évaluer le degré d’invalidité des personnes dont on ne peut déterminer sûrement les revenus (arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 du 9 mars 2016 consid. 6 et les références citées). En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l’assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu’il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport, sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 129 V 67 consid. 2.3.2 non publié au Recueil officiel mais dans VSI 2003 p. 22 ; arrêt du Tribunal fédéral I 733/06 du 16 juillet 2007).
7. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
8.
8.1 Lors de l’octroi d’une rente échelonnée ou limitée dans le temps, le moment déterminant pour effectuer la comparaison est d’une part le moment du début du droit à la rente et d’autre part, celui de la diminution ou de la suppression de la rente en application du délai de trois mois prévu à l’art. 88a al. 1 RAI (arrêt du Tribunal fédéral I 716/06 du 12 juillet 2007 consid. 5.2).
8.2 En l’espèce, il convient donc d’examiner les faits ressortant de la décision litigieuse en comparant la situation telle qu’elle se présentait à la naissance de la rente entière en novembre 2020 avec celle existant au moment de la suppression de cette prestation le 31 décembre 2021.
Le recourant conteste en substance la suppression de la rente au 31 décembre 2021, réfutant toute amélioration de son état de santé au 1er janvier 2022. L’intimé se fonde quant à lui sur les rapports du SMR pour justifier l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er novembre 2020, mais sur le rapport d’enquête économique du 26 juin 2024 pour la supprimer avec effet au 1er janvier 2022.
8.2.1 Dans son avis du 23 août 2023, le SMR retenait, sur le plan somatique, une incapacité de travail totale du 28 novembre 2019 au 31 août 2020 (due à l’atteinte cardiaque), suivie d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée dès le 1er septembre 2020, puis d’une incapacité de travail totale du 12 avril 2021 au 24 avril 2023 (due à l’atteinte orthopédique et cardiaque) et, enfin, une capacité de travail entière dans une activité adaptée dès le 25 avril 2023. Dans ce même avis, le SMR faisait en revanche dépendre son appréciation de la capacité de travail sur le plan psychiatrique de la réalisation préalable d’une expertise relevant de cette spécialité. Une fois connues les conclusions de l’expertise de la Dre F______, concluant à une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle de chauffeur professionnel et de 70% dans une activité adaptée, depuis novembre 2019, le SMR s’en est écarté par avis du 13 novembre 2023 en retenant une incapacité de travail totale de l’assuré dans toute activité depuis le 28 novembre 2019.
La chambre de céans constate que, dans son avis du 13 novembre 2023, le SMR explique les raisons pour lesquelles il s’écarte du rapport d’expertise psychiatrique du 3 novembre 2023. Il tire principalement argument de la gravité des troubles mis en évidence lors du bilan neuropsychologique effectué en janvier 2023 aux HUG, ne permettant pas, selon lui, d’exiger de l’assuré l’exercice d’une quelconque activité, même adaptée. Dans la mesure où le rapport d’expertise de la Dre F______ ne comporte aucune référence à ce bilan neuropsychologique et qu’ainsi, les conclusions de cette psychiatre n’ont pas été rendues en pleine connaissance du dossier, son expertise est dépourvue de valeur probante. Ainsi, le SMR était fondé à s’en écarter et à inclure dans son appréciation les résultats du bilan précité. On relèvera au surplus que les ressources du recourant sont diminuées par d’importantes comorbidités (dont un épisode dépressif au moins de sévérité moyenne, une maladie coronarienne tritronculaire et une coxarthrose bilatérale avec PTH) et que l’incapacité totale de travail du recourant dans toute activité est également attestée par la Dre D______, psychiatre traitante.
En conséquence, la chambre de céans retiendra qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la capacité de travail du recourant est nulle dans toute activité, même adaptée, depuis le 28 novembre 2019 et que cette situation était toujours d’actualité le 26 septembre 2024, soit à la date de la décision litigieuse, cette dernière soulignant que « vous êtes en incapacité totale de travail depuis le 28.11.2019 ».
8.2.2 Sachant que la décision litigieuse a non seulement octroyé au recourant une rente entière d’invalidité avec effet au 1er novembre 2020 – soit à l’issue du délai d’attente d’une année (art. 28 al. 1 let. c LAI) – mais qu’elle a aussi supprimé cette prestation avec effet au 31 décembre 2021 au soir, il importe de rappeler à titre liminaire que l’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique (cf. ci-dessus : consid. 4.3). Aussi conviendra-t-il d’examiner ci-après, à la lumière du rapport d’enquête économique du 26 juin 2024 – sur lequel se fonde la décision querellée – si et dans quelle mesure l’incapacité de travail totale du recourant se répercute également sur sa capacité de gain, d’une part au moment du début du droit à la rente et d’autre part au moment de sa suppression.
En l’occurrence, les enquêtrices de l’OAI n’ont pas déterminé le taux d’invalidité du recourant en application de la méthode extraordinaire mais ordinaire, soit en comparant les revenus tirés de son activité indépendante avec et sans invalidité. Pour ce faire, elles se sont procuré les comptes d’exploitation du recourant sur les années 2015 à 2023. Il n’en ressort pas que ceux-ci prendraient en compte des revenus « extraordinaires » (i.e. sans rapport avec le handicap ; comme par exemple les revenus qui proviendraient de la vente d’un des véhicules) ou des dépenses non pertinentes pour la comparaison des revenus (frais d’entretien des véhicules, frais d’assurance, de leasing, etc.), ces frais ayant été préalablement déduits du résultat d’exploitation. Les enquêtrices ne se sont par ailleurs pas contentées de reprendre tels quels les bénéfices d’exploitation. Conformément à l’art. 25 al. 1 RAI, elles y ont ajouté les cotisations AVS et ont porté en déduction, pour les années concernées, les indemnités d’assurance-maladie perte de gain ainsi que les allocations COVID-19. Aussi faut-il admettre qu’après ces correctifs apportés au bénéfice d’exploitation ressortant des bilans 2015 à 2023, le bénéfice ainsi corrigé correspond à la part de revenu résultant de la prestation de travail du recourant, de sorte que le recours à une méthode autre que la méthode de comparaison des revenus mise en œuvre par l’intimé ne s’impose pas. Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par la cessation de l’activité de chauffeur de taxi/VTC fin novembre 2019, telle qu’elle est rapportée par les enquêtrices. En effet, il ressort également du rapport de ces dernières qu’avant fin novembre 2019, la « prestation de travail » du recourant incluait déjà la partie de l’activité qui s’est poursuivie au moins jusqu’à 2023, à savoir la location des véhicules à des tiers.
S’agissant de la comparaison des revenus comme telle, les enquêtrices ont estimé que pour le revenu sans invalidité, le montant qui représentait le mieux le revenu annuel moyen sans invalidité était celui inscrit au CI pour l’année 2018, à savoir CHF 20'600.-, soit un montant légèrement plus élevé que le bénéfice corrigé de CHF 18'992.- pour la même année. Au regard des calculs effectués par les enquêtrices pour déterminer le bénéfice d’exploitation corrigé du recourant année après année (de 2015 à 2023), on peut s’interroger de prime abord sur le bien-fondé d’une telle approche. Selon le Tribunal fédéral, on peut admettre que la caisse de compensation a procédé conformément aux prescriptions applicables à la détermination du revenu soumis à cotisation et à son inscription dans le CI. Ainsi, rien ne s’oppose en principe à ce que les revenus inscrits au CI soient pris en compte au titre du revenu sans invalidité d’un indépendant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_530/2013 du 24 janvier 2014 consid. 5.2.2). Dans le cas d’espèce, la chambre de céans constate, qu’en se fondant sur les revenus inscrits au CI depuis le début de l’activité indépendante (2002) jusqu’en 2018 (dossier AI, doc. 80, p. 345), on obtient un total de CHF 299'011, ce qui, sur ces 17 années, correspond à un revenu moyen de CHF 17'589.-. En se livrant au même exercice entre 2015 et 2018, le total inscrit au CI est de CHF 65'233.- et la moyenne de CHF 16'308.- sur ces quatre années. Si en revanche, on se base sur les bénéfices corrigés de ces quatre mêmes années, déterminés à partir des comptes d’exploitation disponibles (à partir de 2015), on parvient à un total de CHF 58'509.- et à un revenu moyen de CHF 14'627.-. Dans ces circonstances, même si la prise en considération du montant de CHF 20'600.- pour l’année 2018 apparaît favorable au recourant, ce montant est en tout cas plus proche du revenu moyen de CHF 17'589.- (réalisé entre 2002 et 2018 selon le CI) que de la moyenne des bénéfices corrigés entre 2015 et 2018 (CHF 14'627.-). Aussi, le choix de l’intimé de retenir un revenu sans invalidité de CHF 20'600.- ne prête-t-il pas flanc à la critique.
En ce qui concerne le revenu avec invalidité au moment de la naissance du droit à la rente (novembre 2020) et au moment de sa suppression au 31 décembre 2021, les enquêtrices l’ont déterminé non pas sur la base des extraits du CI, mais des bénéfices d’exploitation corrigés. Au moment de la naissance du droit à la rente, elles ont ainsi retenu un revenu avec invalidité de CHF -18'876.- en effectuant la moyenne entre les années 2020 (CHF -19'494.-) et 2021 (CHF -18'259.-). Au moment de la révision de cette prestation, elles ont déterminé le revenu sans invalidité à partir du bénéfice d’exploitation corrigé de CHF 38'438.- pour 2022, respectivement CHF 26'374.- pour 2023. Ce choix n’apparaît pas contestable, vu les inscriptions au CI faisant mention de revenus (positifs) de CHF 9'402.- en 2020 et CHF 9'494.- en 2021, malgré deux exercices largement déficitaires, et d’aucun revenu en 2023, malgré la continuation de la location du taxi GE 1______ à des tiers (chauffeurs de taxi dont le véhicule était en panne).
Pour le surplus, la chambre de céans constate que le rapport d’enquête du 26 juin 2024 remplit tous les réquisits permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante.
En conséquence, les comparaisons des revenus effectuées aboutissent à juste titre à la conclusion que le taux d’invalidité était de 100% en novembre 2020 ([20'600.- – 0] x 100 / 20'600.- = 100) mais qu’il était de 0% dès le 1er janvier 2022, le bénéfice d’exploitation corrigé de CHF 38'438.- étant supérieur au revenu sans invalidité de CHF 20'600.-, d’où un préjudice économique nul et un degré d’invalidité qui ne l’était pas moins. En conséquence, l’intimé était a priori en droit de supprimer la rente d’invalidité du recourant le 31 décembre 2021 au soir. Quant à la comparaison des revenus effectuée pour l’année 2023, elle révèle que le revenu avec invalidité (CHF 26'374.-) était toujours supérieur au revenu sans invalidité (CHF 20'600.-), faisant ainsi obstacle à l’éventuelle renaissance du droit à une rente d’invalidité en 2023. On précisera toutefois qu’en application de
l’art. 88a RAI, la rente ne pouvait pas être supprimée le 31 décembre 2021 mais seulement au 31 mars 2022 (cf. ci-dessus : consid. 4.1.2 in fine ; cf. aussi CIRAI, ch. 9102).
8.2.3 Le recourant fait néanmoins valoir, attestation de l’OCV à l’appui, avoir rendu les plaques GE 1______ de son taxi le 8 octobre 2024.
Même si ce dernier élément reflète a priori une modification des circonstances économiques, il n’en demeure pas moins que le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références).
Dans la mesure où le dépôt des plaques est postérieur à la décision litigieuse, il ne peut pas être pris en compte pour apprécier le bien-fondé de cette dernière. Aussi appartiendra-t-il au recourant de déposer une nouvelle demande auprès de l’OAI s’il entend faire valoir une modification des circonstances économiques sur la base de ce fait nouveau.
9. Compte tenu de ce qui précède, le recours est très partiellement admis au sens des considérants et la décision litigieuse réformée en ce sens que le recourant a droit à une rente entière d’invalidité du 1er novembre 2020 au 31 mars 2022.
10.
10.1 Bien qu’il obtienne partiellement gain de cause, l’assuré, non représenté et n’ayant pas fait valoir de frais engendrés par la procédure, n’a en principe pas droit à des dépens et ne remplit pas non plus les critères permettant qu’il soit dérogé à cette règle ; on ne saurait considérer, en l’espèce, que l’importance de la cause et sa complexité aient rendu nécessaires des frais ou un volume de travail excédant ce qu’un particulier peut ordinairement et raisonnablement prendre sur lui pour la défense de ses intérêts (ATF 127 V 205 consid. 5b ; cf. ég. ATF 125 II 518 et Jean MÉTRAL, in DUPONT/MOSER-SZELESS [éd.], Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales n. 103 ad art. 61 LPGA).
10.2 Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
*****
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement au sens des considérants.
3. Réforme la décision litigieuse en ce sens que le recourant a droit à une rente entière d’invalidité du 1er novembre 2020 au 31 mars 2022.
4. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
5. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.
La greffière
Pascale HUGI |
| La présidente
Fabienne MICHON RIEBEN |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le