Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/12/2025 du 14.01.2025 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/1477/2024 ATAS/12/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 14 janvier 2025 Chambre 10 |
En la cause
A______ représenté par CAP Protection Juridique SA, soit pour elle Floriane PITTELOUD DELÉCRAZ, mandataire
| recourant |
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES | intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'intéressé), né en 1957, d'origine italienne, est bénéficiaire depuis 2004 de prestations complémentaires fédérales et cantonales.
b. En décembre 2016, l'intéressé a indiqué au service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) qu'il aurait reçu, à une date non définie, « la donation d'un bloc immobilier en Italie » dont il ne disposait actuellement pas, sa mère étant usufruitière à vie.
c. Par courrier du 11 janvier 2017, l'intéressé a donné des précisions au sujet de la donation immobilière, expliquant qu'un dépôt, faisant partie d'un bien avec usufruit, ainsi que des parcelles agricoles et fruitières, étaient à son nom.
Il a transmis deux attestations cadastrales du 2 décembre 2016 faisant état de plusieurs biens lui appartenant (parcelles 1______, 2______, 3______, 4______ et 5______ du feuillet 6______ du cadastre de la commune de B______, province de Lecce) et une évaluation du 21 décembre 2016 de Monsieur C______, géomètre, relative au prix de ces biens. Selon ce document, la valeur de la parcelle 1______ était évaluée, à des fins fiscales, à EUR 15'519.42 (EUR 123.17 x 126, considérant son état vétuste et son utilisation à titre de dépôt), celle des parcelles 2______ et 3______ à EUR 516.38 à des fins fiscales (EUR 4.59 x 112.50 considérant leur état non cultivé et pas entretenu) et celle des parcelles 4______ et 5______ à EUR 26'880.- (EUR 60.- x 448 m2 considérant le fait que les terrains se trouvaient en zone constructible et avaient une forme régulière, mais que leurs dimensions ne permettaient pas de construire facilement au vu des distances des bâtiments voisins).
B. a. Le 3 août 2023, dans le cadre de la révision périodique du dossier de l'intéressé, le SPC a requis plusieurs renseignements quant à sa fortune immobilière.
b. Par courrier du 11 septembre 2023, sous la plume d'un office social, l'intéressé a répondu qu'il avait reçu une donation immobilière le 11 août 2004 de la part de ses parents, à savoir un terrain agricole, un fonds agricole et une petite maison (parcelle 7______) à B______ en Italie, dont il était seul propriétaire. Il avait en outre la nue-propriété d'une maison et d'un terrain situés dans la même commune, ces biens étant grevés d'un usufruit en faveur de sa mère qui habitait encore la maison.
Il a communiqué plusieurs pièces, avec des traductions libres en français, dont :
- l'évaluation du géomètre du 21 décembre 2016 ;
- des extraits de ses comptes bancaires faisant état d'une épargne de
CHF 3'117.96 au 31 décembre 2022 ;
- un acte de défaut de biens indiquant qu'il était débiteur de CHF 13'140.- ;
- l'acte de donation de ses parents du 11 août 2004, dont il ressort que les biens reçus se divisaient en deux catégories, soit ceux faisant l'objet d'une donation de la part de son père et ceux faisant l'objet d'une donation de ses deux parents ; l'intéressé avait reçu de son père deux biens grevés d'un usufruit à vie pour ses parents et trois biens en pleine propriété, soit les parcelles 4______ et 5______ (terrains de 448 m2), 3______ et 8______, ainsi que 2______ (fonds agricoles) ; de ses deux parents, il avait acquis en pleine propriété la parcelle 7______ (maison d'habitation).
c. Le 2 octobre 2023, l'intéressé a remis une évaluation du 21 septembre 2023 de C______, établie en vue de calculer les valeurs actuelles de ses biens sur le marché qui s'était contracté, et une traduction en français. La parcelle 1______ était évaluée à EUR 15'519.- (EUR 123.17 x 126), les parcelles 2______ et 3______ à EUR 516.38 (EUR 4.59 x 112.50) et les parcelles 4______ et 5______ à EUR 22'400.- (EUR 50.- x 448m2). Ces deux dernières parcelles se situaient dans une zone constructible, mais les terrains ne pouvaient pas être bâtis au vu de leur largeur maximale de 11m et de la distance des constructions adjacentes.
L'intéressé a aussi remis à cette même date un document établi par ses soins concernant l'estimation de la valeur vénale de ses biens, expliquant que le géomètre s'était basé sur les tabelles de la commune pour fixer les prix, et que celles-ci ne correspondaient plus aux conditions du marché immobilier de la région concernée. Concernant la parcelle 1______, il s'agissait d'une bâtisse vétuste sans aucun confort (pas de toilettes, d'électricité, de fenêtres, de raccordement à l'eau, d'aération, ou d'isolation et sans sol fini), qui ne pouvait être utilisée que comme un dépôt et devait avoir une valeur vénale tout au plus entre EUR 5'000.- et EUR 10'000.-. Concernant les parcelles 4______ et 5______, d'une largeur entre 4.5m et 11m, elles ne pouvaient être construites, car la loi imposait une distance de 5m non utilisable avec chaque limite de terrain. Elles pouvaient être utilisées comme terrain agricole cultivable ou jardin, qui étaient cotés jusqu'à EUR 6.- le m2.
d. Par décision du 16 novembre 2023, le SPC a fixé le montant des prestations complémentaires revenant à l'intéressé dès le 1er décembre 2023, sur la base du droit entré en vigueur le 1er janvier 2021, en tenant compte d'une fortune immobilière de CHF 42'370.75 et du produit des biens immobiliers de CHF 1'513.65.
e. Le 5 décembre 2023, l'intéressé a formé opposition contre la décision précitée, contestant les montants retenus à titre de fortune immobilière et de produit des biens immobiliers. L'évaluation du géomètre prise en considération était une estimation théorique qui se basait sur des tabelles de cotations communales et ne reflétait pas les conditions du marché. La fortune immobilière devait être fixée tout au plus à EUR 8'872.- et le produit des biens à EUR 0.-, considérant que le dépôt (parcelle 1______) devait au maximum avoir un prix de EUR 50.- le m2 (soit EUR 6'300.-) compte tenu de sa vétusté, que les terrains agricoles (parcelles 2______ et 3______) étaient rocheux et difficilement utilisables pour des cultures (prix retenu de EUR 516.38) et que le terrain en zone constructible (parcelles 4______ et 5______) ne l'était pas dans les faits compte tenu de sa configuration et de la législation à respecter, de sorte que sa valeur devait être fixée conformément à son utilisation possible en tant que terrain agricole fruitier (EUR 4.59 le m2 soit une valeur vénale du bien de EUR 2'056.32).
f. Par décision sur opposition du 21 mars 2024, le SPC a déclaré l'opposition recevable et l'a partiellement admise. Dans ses nouveaux plans de calculs, il a tenu compte, pour la période du 1er décembre au 31 décembre 2023, d'une fortune immobilière de CHF 37'947.65 et de produits de la fortune de CHF 1'513.65 et, dès le 1er janvier 2024, d'une fortune immobilière de CHF 35'764.50 et de produits de la fortune de CHF 1'424.65. Au vu, par ailleurs, d'une épargne de CHF 3'118.- et de dettes de CHF 13'140.- en 2023 et 2024, la fortune totale s'élevait, après déduction de la franchise applicable, à CHF 0.- pour les deux périodes. Il en résultait un solde rétroactif en faveur de l'intéressé de CHF 275.-.
Dans sa motivation, le SPC a exposé que le géomètre, lors de l'estimation immobilière du 21 septembre 2023, avait évalué la valeur vénale des biens en tenant compte de la situation économique, de leur localisation, de la vétusté des éléments bâtis, ainsi que des contraintes topographiques et réglementaires. L'intéressé se contentait de contester les chiffres retenus par le cabinet du géomètre en lui substituant ses propres montants sans aucune méthode, détail de calcul ou justificatif probant. Des biens immobiliers comparables étaient actuellement en vente sur la même commune à des prix au m2 totalement similaires. Il fallait toutefois corriger la valeur des parcelles 4______ et 5______ en fonction de l'indication du géomètre, qui fixait désormais un prix de EUR 22'400.- au lieu de EUR 26'800.-. L'ensemble du patrimoine immobilier de l'intéressé pouvait donc être évalué à EUR 38'435.80. Les valeurs locatives retenues devaient aussi être confirmées, car elles étaient issues de l'estimation du géomètre. Il fallait enfin tenir compte des frais d'entretien desdits immeubles, à savoir des pourcentages usuels en l'absence d'autres justificatifs, et de la mise à jour des taux de conversion CHF/EUR pour 2024.
C. a. Par acte du 2 mai 2024 déposé auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), l'intéressé a interjeté recours contre la décision du 21 mars 2024, concluant, sous suite de dépens, à ce que la valeur vénale de ses biens immobiliers soit fixée à EUR 14'679.-. Ce montant comprenait la valeur vénale du dépôt (parcelle 1______) évaluée à EUR 7'500.-, la valeur vénale des terrains agricoles (parcelles 2______ et 3______) estimée à EUR 2'179.- et la valeur vénale du jardin (parcelles 4______ et 5______) à hauteur de EUR 5'000.-.
Il a produit plusieurs pièces, dont :
- une estimation de Monsieur D______, géomètre, du 29 avril 2024 concernant le bâtiment utilisé comme dépôt (parcelle 1______), aux termes de laquelle la construction était en très mauvais état et nécessiterait des travaux pour être habitable ; il avait proposé le bien à la vente à plusieurs acheteurs potentiels qui avaient fait des propositions entre EUR 7'000.- et EUR 8'000.- ; sa valeur vénale pouvait ainsi être estimée à EUR 7'500.- ;
- une estimation de C______ du 12 avril 2024 selon laquelle les terrains constituant les parcelles 2______ et 3______, d'une superficie de 21.79 ares, se trouvaient en zone agricole avec une rente de EUR 4.59, mais qu'en considérant leur état incultivé et difficilement cultivable, leur valeur devait être fixée à EUR 2'179.- (EUR 1.- le m2) ;
- un rapport d'estimation de D______ du 24 avril 2024 concernant les parcelles 4______ et 5______ précisant que, selon le plan urbanistique de la commune, elles étaient classifiées dans une zone soumise à des prescriptions particulières en cas de nouvelle construction ; selon le règlement, une distance minimale de 5m devait notamment être respectée avec les autres limites de parcelles et une distance de 10m devait être respectée avec les autres bâtiments, à moins, dans les deux cas, qu'il s'agisse d'une construction mitoyenne ; au vu des murs et des fenêtres des maisons limitrophes, l'aire des parcelles était inconstructible et son unique destination était celle d'un jardin ; compte tenu de ces éléments, la valeur du bien sur le marché immobilier actuel devait être fixée à EUR 5'000.- ;
- une attestation d'un avocat datée du 11 avril 2024 confirmant que les parcelles 4______ et 5______ étaient classées en zone constructible mais soumises aux indices du plan urbanistique, ce dont il fallait tenir compte dans la détermination de leur valeur ;
- une attestation d'un architecte confirmant que les parcelles 4______ et 5______ se trouvaient dans une zone impliquant que chaque intervention était soumise aux prescriptions de l'art. 4.5 du règlement communal ;
- une attestation de C______ du 12 avril 2024 précisant que les parcelles 4______ et 5______ avaient une largeur comprise entre 4.35m et 11m, ce qui ne permettait concrètement pas d'y construire au vu des maisons des lots adjacents ; les terrains étaient donc difficilement vendables au prix de la zone constructible et étaient utilisés comme jardin cultivable et fruitier, ce qui comportait une forte dépréciation ; le prix était ainsi de EUR 5.- à EUR 10.- maximum le m2 ;
- des photographies et plans des parcelles 4______ et 5______ ;
- une attestation de la commune aux termes de laquelle les parcelles 4______ et 5______ se trouvaient dans une zone où seules pouvaient être réalisées les constructions cartographiées dans le plan urbanistique.
b. Par mémoire de réponse du 31 mai 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours, dans les limites de sa recevabilité. Le recourant bénéficiait depuis 2004 de prestations complémentaires et n'avait formellement renseigné sur ses éléments de patrimoine que lors de la révision périodique de son dossier, initiée le 3 août 2023. En 2017, après réception des documents transmis par le recourant, aucune valeur immobilière n'avait été retenue, en considérant à tort qu'il s'agissait d'une
nue-propriété grevée d'un usufruit sur la totalité du foncier, qu'il soit bâti ou non. Lors de la révision, il n'avait fait qu'estimer la valeur des biens immobiliers sur la base des éléments chiffrés communiqués par le recourant lui-même. De plus, les nouveaux plans de calcul établis dans le cadre de la décision sur opposition avaient retenu une nouvelle valeur immobilière totale de CHF 37'947.65 après conversion des devises, ce qui avait eu pour conséquence de diminuer sa fortune totale (immobilière et mobilière) en-dessous de la franchise sur la fortune pour une personne seule et n'avait donc plus aucune influence sur le calcul des prestations complémentaires. Le recourant n'avait ainsi plus aucun intérêt à agir contre la décision sur opposition. Au surplus, les nouvelles estimations faites pour les besoins du recours devaient être considérées, tout au plus, comme des faits nouveaux.
c. Par réplique du 20 juin 2024, le recourant a indiqué qu'à la suite de l'acte de donation, il s'était renseigné auprès de l'administration fiscale du canton de Genève (ci-après : AFC) pour savoir s'il devait déclarer ses biens immobiliers. L'AFC avait alors répondu que les biens immobiliers situés à l'étranger dont la valeur fiscale était inférieure à CHF 85'000.- n'avaient pas d'incidence sur le montant des impôts, de sorte qu'il n'était pas obligatoire de les déclarer. En 2016, dans le doute et afin d'être transparent, il avait transmis à l'AFC une expertise concernant la valeur fiscale de ses biens immobiliers, soit l'estimation de C______ du 21 décembre 2016, la chiffrant à EUR 42'915.80. Cette valeur étant inférieure au seuil requis, l'AFC n'en avait pas tenu compte et n'avait jamais répondu. Lors de la révision de son dossier par l'intimé, il avait aussi déclaré la valeur fiscale de ses biens telle que transmise à l'AFC, en pensant que l'intimé en tiendrait compte à titre informatif, ignorant qu'il devait indiquer la valeur vénale.
Il a produit deux courriers qu'il avait adressés en décembre 2016 à l'AFC concernant la valeur fiscale des biens reçus à la suite de la donation.
d. Par duplique du 17 juillet 2024, l'intimé a relevé que le fait d'avoir renseigné l'autorité fiscale cantonale ne dispensait pas le recourant de le renseigner
lui-même. De plus, en présence de déclarations subséquentes manifestement contradictoires, il fallait tenir compte des premières déclarations de l'intéressé.
e. À la demande de la chambre de céans, l'intéressé a indiqué, par courrier du 8 octobre 2024, que le bien désigné en tant que maison d'habitation dans l'acte de donation (feuillet 6______, parcelle 7______) avait changé d'affectation et d'appellation suite à un déclassement de la parcelle devenue inhabitable, et qu'il était actuellement identifié sous la parcelle 1______. Par ailleurs, une erreur de frappe avait été commise dans l'acte de donation, car la parcelle 8______ de 0.67 ares appartenait à l'État, service des routes, élément confirmé par C______ dans une attestation du 2 octobre 2024 qui était produite.
f. Le 31 octobre 2024, l'intimé a souligné que les pièces transmises par le recourant ne faisaient pas mention d'un déclassement de parcelle, contrairement à ce que ce dernier soutenait.
g. En date du 15 novembre 2024, le recourant a remis une attestation des services financiers de la commune de B______ concernant la taxe des déchets mentionnant, selon lui, le déclassement de la parcelle 7______ feuillet 6, sous parcelle 1______ feuillet 6______, en dépôt. Il ressort de ce document que le bien, adjacent au domicile de la mère du recourant, était utilisée pour le stockage de meubles, d'articles ménagers et de divers matériaux. Il s'agissait d'un lieu de « stockage-garage », qui n'était pas raccordé à l'eau ou à l'électricité mais qui pouvait quand même produire des déchets et ne devait dès lors pas être totalement exempté de taxe.
h. Dans ses observations du 10 décembre 2024, l'intimé a fait valoir que le dernier document remis s'apparentait plus à une décision de non-taxation en raison de la destination du bien-fonds qu'à un acte de déclassement de la parcelle au sens juridique.
i. Ladite écriture a été transmise au recourant.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA par renvoi de
l'art. 1 al. 1 LPC ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement
(art. 38 al. 4 let. a LPGA, 43B let. a LPCC et 89C let. a LPA), le recours est recevable sous cet angle (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).
1.3 En vertu de l'art. 59 LPGA (applicable par renvoi de l'art. 1 al. 1 LPC et 1A al. 1 let. b LPCC), quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d'être protégé à ce qu'elle soit annulée ou modifiée a qualité pour recourir.
Contrairement à ce que soutient l'intimé, le recourant dispose de la qualité pour recourir, dans la mesure où les nouveaux montants de fortune immobilière retenus dans la décision litigieuse influencent le produit des biens immobiliers (CHF 1'513.65 comptabilisés pour décembre 2023 et CHF 1'424.65 dès le 1er janvier 2024). Les prestations complémentaires étant calculées en tenant compte de ces produits de la fortune, le recourant a un intérêt digne de protection, direct et concret, à contester la décision du 21 mars 2024, bien que sa fortune totale (fortune immobilière additionnée à l'épargne, sous déduction des dettes) soit inférieure à la franchise, et donc comptabilisée à CHF 0.-.
1.4 Au vu de ce qui précède, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le montant et le calcul des prestations complémentaires dès le 1er décembre 2023, en particulier sur l'évaluation de la fortune immobilière et le produit des biens du recourant.
3.
3.1 La modification du 22 mars 2019 de la LPC est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (Réforme des PC, FF 2016 7249 ; RO 2020 585).
Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de ladite modification, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.
En l’occurrence, les calculs comparatifs effectués au 1er janvier 2021 aboutissaient à la conclusion que l'application du nouveau droit entraînait une diminution de la prestation complémentaire annuelle, de sorte que l'ancien droit a continué d'être appliqué par l'intimé en 2021 et 2022. Dès le 1er janvier 2023, l'intimé a calculé les prestations selon la réforme des PC, alors que, selon les directives applicables, le montant de la prestation complémentaire annuelle qui continue d’être calculé selon l’ancien droit au 1er janvier 2021 doit en principe être adapté conformément aux dispositions de l’ancien droit pendant la période transitoire de trois ans, sauf exceptions a priori non remplies en l'espèce (cf. ch. 3102, 3321 et 3323 ss de la circulaire concernant les dispositions transitoires de la réforme des PC [C-R PC], valable dès le 1er janvier 2021). L'intimé n'a de plus pas établi de calcul comparatif définitif pour 2023, de sorte que l'on ignore si le nouveau droit était réellement plus favorable (la décision du 6 décembre 2022 qui contenait un tel calcul a été annulée et remplacée par celle du 16 décembre 2022 et celle du
4 janvier 2023, qui ne comportaient aucun calcul de ce type). Dans ces circonstances, un doute existe quant à l'application de l'ancien ou du nouveau droit pour la période du 1er au 31 décembre 2023, incluse dans la décision litigieuse. Cette problématique n'a toutefois aucune incidence concrète sur l'issue du litige, comme il sera vu ci-après. En ce qui concerne les calculs dès le 1er janvier 2024, l'intimé a appliqué à juste titre le nouveau droit, vu la fin de la période transitoire.
3.2 En matière de prestations complémentaires fédérales, tant sous l'ancien que sous le nouveau droit, le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 LPC). Le produit de la fortune mobilière et immobilière est compris dans les revenus déterminants (art. 11 al. 1 let. b LPC), tout comme un dixième de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse, pour les personnes seules, CHF 37'500.- selon l'ancien droit, et CHF 30'000.- selon le nouveau droit (art. 11 al. 1 let. c LPC).
Selon l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile ; lorsque des immeubles ne servent pas d’habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, ils seront pris en compte à la valeur vénale
(art. 17 al. 1 et 4 OPC-AVS/AI, respectivement 17a al. 1 et 4 OPC-AVS/AI selon le droit entré en vigueur au 1er janvier 2021 ; voir aussi le ch. 3445.03 des directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI [DPC], état au 1er janvier 2024).
Si la valeur actuelle (valeur du marché) d’un immeuble n’est pas connue, on peut se fonder, pour les immeubles sis à l'étranger, sur une estimation établie à l'étranger s'il n'est pas raisonnablement possible de procéder à une autre estimation (ch. 3445.04 DPC).
3.3 Au niveau cantonal, la LPCC prévoit que le montant annuel de la prestation complémentaire cantonale correspond à la part des dépenses reconnues qui excède le revenu annuel déterminant de l'intéressé (art. 15 al. 1 LPCC). Le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la LPC et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations, dont le fait que les prestations complémentaires fédérales sont ajoutées au revenu déterminant, et le fait que la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, après déduction des franchises prévues par l'art. 11 al. 1 let. c LPC (art. 5 let. a et c LPCC).
Selon l'art. 7 LPCC, la fortune comprend la fortune mobilière et immobilière définie par la LPC et ses dispositions d'exécution (al. 1). La fortune est évaluée selon les règles de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), à l'exception des règles concernant les diminutions de la valeur des immeubles et les déductions sociales sur la fortune, prévues aux art. 50 let. e et 58 de ladite loi, qui ne sont pas applicables. Les règles d'évaluation prévues par la LPC et ses dispositions d'exécution sont réservées (al. 2).
3.4 Le revenu de la fortune immobilière (cf. art. 11 al. 1 let. b LPC et art. 5 LPCC) comprend les loyers et fermages, l’usufruit, le droit d’habitation, ainsi que la valeur locative du logement de l’assuré dans son propre immeuble, pour autant que cette valeur ne soit pas déjà comprise dans son revenu d’une activité lucrative (ch. 3433.01 DPC).
Dans la mesure où les prestations complémentaires visent à couvrir les besoins vitaux, seuls les revenus et la fortune dont le bénéficiaire peut disposer librement, qui sont effectivement perçus et disponibles, sont pris en considération, sous réserve des cas de dessaisissement (ATF 127 V 248 consid. 4a ; 122 V 19 consid. 5a). Ce principe s'applique au produit de la fortune immobilière
(Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n. 34 ad art. 11 LPC).
Par dessaisissement au sens de l'art. 11a LPC (anciennement, art. 11 al. 1
let. g LPC) , il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 134 I 65 consid. 3.2 ; 131 V 329 consid. 4.2). S’agissant plus spécifiquement du produit de la fortune immobilière, il y a dessaisissement lorsque les possibilités d’obtenir un revenu d’un immeuble ne sont pas exploitées ou ne le sont qu’insuffisamment. On doit admettre qu’il y a renonciation au revenu d’un immeuble lorsqu’il serait exigible de l’ayant droit et objectivement possible de mettre le bien immobilier à disposition d’un tiers moyennant finance. Une telle mise à disposition est objectivement possible lorsque la nature du droit d’utilisation le permet, lorsque le bien immobilier se prête à une exploitation à titre onéreux et lorsqu'il existe une demande concernant des biens de même type, taille et emplacement (Ralph JÖHL/Patricia USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3e éd., 2016, p. 1838 s. ; pour des cas d’application : cf. notamment les arrêts du Tribunal fédéral P 33/05 du 8 novembre 2005 consid. 3 et P 37/03 du 15 octobre 2003 consid. 3 ainsi que l'ATAS/790/2018 du 10 septembre 2018 consid. 6 et 7).
Le revenu déterminant tiré d’un immeuble est celui qui pourrait effectivement être réalisé en cas de location, c'est à dire le loyer conforme au marché (cf. SVR 1997, EL n° 38 consid. 6). En revanche, un loyer ne doit pas être pris en considération à titre de revenu auquel il a été renoncé dans le cas où une location est effectivement difficile, voire impossible, par exemple lorsque l'alimentation en eau d'une maison n'est pas assurée (ATAS/191/2016 du 8 mars 2016 consid. 21 ; ATAS/676/2006 du 26 juillet 2006). En dehors de ces exceptions, il y a lieu de retenir un loyer conforme à l’usage local ou un revenu moyen reflétant le rendement pendant la durée de vie des bâtiments situés sur le terrain lorsque le bénéficiaire de prestations complémentaires n’habite pas le bien immobilier et que celui-ci n’est pas loué. Selon la doctrine, ce revenu moyen hypothétique peut être estimé à 5%. Il convient cependant d’en déduire les frais d’entretien forfaitaires et les intérêts hypothécaires (ATAS/790/2018 du 10 septembre 2018 consid. 6 et les références).
Pour les immeubles sis à l'étranger, le Tribunal fédéral, appelé à trancher la question de savoir si le revenu imputable à un bénéficiaire devait être calculé en se fondant sur le taux d'intérêt moyen de l'épargne l'année précédant la demande de prestations ou sur le revenu reflétant le rendement pendant la durée de vie des bâtiments érigés sur l'immeuble (soit 5% ou 4% après déduction du forfait applicable pour l'entretien des bâtiments), a considéré que ces deux méthodes permettaient d'obtenir des valeurs approximatives proches de la valeur locative réelle d'un immeuble sis à l'étranger et qu'il était impossible de déterminer d'emblée laquelle aboutissait à la valeur la plus réaliste. Il en a conclu que c'était donc à l'autorité d'exécution, ou au juge en cas de litige, de déterminer la valeur reflétant le mieux la situation du marché (arrêt du Tribunal fédéral P 33/05 du 8 novembre 2005 consid. 3 et 4).
Pour sa part, la chambre de céans a confirmé, à plusieurs reprises, que lorsqu'un immeuble n'est pas situé dans le canton de Genève, le recours à un taux forfaitaire de 4.5% de la valeur vénale retenu à titre de valeur locative (au sens large) ou de rendement de l'immeuble n'est pas excessif, et ce, dans la mesure où les conditions locales ne peuvent pas être déterminées aisément, contrairement aux immeubles situés dans le canton. Enfin, la chambre de céans a également considéré que des taux de 5% ou de 4.8% étaient admissibles (ATAS/790/2018 du
10 septembre 2018 consid. 6 et les références).
4. En l'espèce, bien que la décision entreprise retienne une fortune immobilière, elle fait néanmoins état d'une fortune globale du recourant de CHF 0.- pour le mois de décembre 2023 et l'année 2024, compte tenu des dettes admises et de la franchise sur la fortune. Seul le produit des biens immobiliers, en tant que revenu déterminant, influence le montant des prestations complémentaires. D'après les calculs présentés, l'intimé a comptabilisé à ce titre un montant de CHF 1'513.65 en décembre 2023 et un montant de CHF 1'424.65 en 2024, déterminés, selon ses explications, sur la base de la valeur du bien selon le taux forfaitaire de l’AFC. L'on constate en outre que les montants ainsi retenus correspondent à un peu moins de 4% de la valeur des biens immobiliers du recourant, telle que retenue par l'intimé.
Il est nécessaire de déterminer, en premier lieu, si le principe de la prise en considération du produit des biens immobiliers est justifié. Ce n'est en effet que si tel était le cas qu'il y aurait lieu, le cas échéant, de se prononcer sur le montant de la fortune immobilière du recourant et, finalement, sur le montant de son produit.
Il ne ressort pas des faits de la cause que le recourant retirerait concrètement un produit de ses biens immobiliers, ceux-ci n'étant pas loués, ni cultivés de manière professionnelle. Reste à examiner si le recourant a renoncé à ces produits et s’il peut en être tenu compte à titre de dessaisissement.
Or, tel n'est pas le cas. S'agissant de la parcelle 1______, d'après les photographies produites, l'attestation des services financiers concernant la taxe des déchets et les explications constantes du recourant, le bien qui y est construit est aujourd'hui dans un état vétuste, sans aucune commodité nécessaire à l'habitation (notamment pas de toilettes, d'électricité, de fenêtres, de raccordement à l'eau ou d'isolation), impliquant qu'il ne peut être utilisé que comme un dépôt pour des objets sans valeur. Aucun élément ne permet de retenir qu'il existerait un marché locatif pour ce genre de biens et l'intimé ne l'allègue pas non plus. De plus, bien que le recourant n'ait produit aucune pièce démontrant directement que la parcelle 1______ a fait l'objet d'une renumérotation et correspond à la parcelle 7______ visée dans l'acte de donation, il sied néanmoins de constater que, tant cet acte que l'attestation cadastrale du 2 décembre 2016, mentionnent une localisation du bien à la même adresse. L'attestation des services financiers indique par ailleurs que le dépôt est adjacent au domicile de la mère du recourant. Les allégations du recourant à ce propos peuvent ainsi être admises.
Concernant les terrains agricoles, le recourant a expliqué qu'ils ne sont pas entretenus depuis longtemps et rocheux, ce qui les rend peu attractifs pour la culture. Cet état ressort par ailleurs des photographies qu'il a produites. Dans ces circonstances, il paraît peu probable que le recourant puisse en tirer un quelconque revenu, ce d'autant plus que le sud de l'Italie est peu industrialisé et comporte de nombreuses terres agricoles qui pourraient plus facilement être cultivées.
Enfin, il ne peut être considéré que le recourant aurait des perspectives de dégager un revenu du terrain utilisé en tant que jardin. Au vu de sa situation, enclavé entre des habitations, une autre destination que l'usage privatif par le recourant ne peut raisonnablement être envisagée.
Au vu de ce qui précède, il faut donc retenir, sous l'angle de la vraisemblance prépondérante applicable en matière de prestations complémentaires et pour déterminer l'existence d'une fortune et de revenus (ATF 121 V 204 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral P 29/02 du 10 décembre 2002 consid. 1), que le recourant ne renonce pas à des produits immobiliers, ce d'autant plus que l'intimé ne développe aucune argumentation en ce sens. Contrairement à ce qu'il indique dans la décision sur opposition, l'estimation du géomètre du 21 septembre 2023 ne fait en outre pas référence à des valeurs locatives, mais à des valeurs en cas de vente des biens.
La prise en considération de produits des biens immobiliers dans la décision querellée est ainsi contraire au droit.
Dans cette mesure, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs du recourant concernant le montant de sa fortune immobilière ni de dire quelle évaluation parmi les nombreuses qu'il a présentées doit être prise en considération. Il n'appartient en effet pas au tribunal de trancher des questions abstraites qui n'ont pas d'incidence concrète pour les parties (ATF 142 II 161 consid. 3), étant rappelé que, dans le cas d'espèce, la fortune totale retenue en décembre 2023 et dès le 1er janvier 2024 s'élève à CHF 0.- compte tenu du montant de l'épargne, des dettes existantes et de la franchise applicable.
5. Par conséquent, le recours est partiellement admis, la décision du 21 mars 2024 est annulée et la cause renvoyée à l'intimé afin qu'il procède à de nouveaux calculs ne prenant en compte aucun produit de la fortune.
Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Renvoie la cause à l'intimé pour nouveaux calculs et nouvelle décision au sens des considérants.
4. Condamne l'intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF -RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Melina CHODYNIECKI |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le