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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1710/2024

ATAS/1030/2024 du 17.12.2024 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1710/2024 ATAS/1030/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 décembre 2024

Chambre 10

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), domicilié à Genève, s'est inscrit auprès de l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE) en vue de retrouver un emploi à plein temps en qualité d'employé de commerce. Il a sollicité l'indemnité de chômage dès le 1er décembre 2021.

b. Un délai-cadre d'indemnisation a été ouvert en sa faveur par la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse), du 1er décembre 2021 au 30 novembre 2023.

B. a. Par courrier daté du 15 décembre 2022, l'office régional de placement
(ci-après : ORP) a requis de l'assuré qu'il postule, « d’ici au 15.12.2022 au plus tard», à un poste correspondant à son profil. L'assuré devait notamment respecter les instructions concernant la forme de la postulation, à savoir uniquement par l’envoi d’un courriel à l’éventuel employeur, et faire immédiatement parvenir à l'ORP la preuve de sa candidature. Le courrier stipulait par ailleurs que la loi prévoyait des sanctions touchant l'indemnisation en cas de non-respect des instructions.

b. Par courriel du 13 février 2023, l'OCE a indiqué à l'assuré avoir été informé par l'ORP qu'il avait fait échouer une possibilité d'emploi. Un délai lui était accordé pour qu'il se prononce sur le manquement reproché et fournisse tous les justificatifs utiles.

c. Le 27 février 2023, l'assuré a répondu qu'il avait eu un problème avec sa boîte e-mail durant la période de postulation en cause, car tous les courriels qu'il envoyait ne partaient pas chez leur destinataire, ce dont il n'était pas au courant. Il avait réglé ce problème depuis lors et espérait ne pas être sanctionné trop sévèrement pour ce premier et dernier manquement.

d. Par décision du 13 mars 2023, l'OCE a suspendu le droit à l'indemnité de chômage de l'assuré durant 34 jours à partir du 16 décembre 2022, retenant qu'il s'était privé d'un emploi convenable et avait commis une faute grave. Il lui appartenait de vérifier le bon envoi de son courriel et il n'avait remis aucun justificatif attestant de ce qu'il avait malgré tout bien postulé à cet emploi.

Ladite décision est entrée en force à défaut de contestation de l'assuré.

e. Le 26 mai 2023, la caisse a rendu une décision condamnant l'assuré à lui restituer la somme de CHF 5'134.30, relevant que les 34 jours de suspension ne pouvaient plus être amortis avec les indemnités journalières en cours dans le délai d'exécution de six mois, car l'assuré était sorti du chômage le 28 février 2023.

f. En date du 26 juin 2023, l'assuré s'est opposé à ladite décision, respectivement a sollicité la remise de la demande de restitution. Le 2 mars 2023, il avait discuté avec son conseiller en personnel auprès de la caisse, lequel lui avait recommandé de se désinscrire du chômage afin de compenser les 34 jours de pénalités avec sa sortie de la caisse. À aucun moment, il n'avait été informé des risques d'une désinscription, à savoir que la demande de restitution serait faite sur les indemnités déjà versées. Dans le cas contraire, il aurait maintenu son inscription afin que les jours de suspension soient déduits des indemnités journalières futures et non pas de celles déjà versées, ce qui le mettait en grande difficulté financière. Il n'avait en effet perçu aucun revenu depuis l'encaissement des indemnités versées pour le mois de février 2023. Il avait finalement retrouvé un emploi depuis le 15 juin 2023 et il aurait maintenu son inscription jusqu'à la veille s'il avait su que les indemnités lui seraient demandées rétroactivement.

L'assuré a joint à son opposition la première page de son contrat de travail débutant le 15 juin 2023 ainsi qu'un échange de courriels avec l'ORP, duquel il ressort que son conseiller en personnel lui a envoyé, le 2 mai 2023, le formulaire de confirmation de désinscription de l'assurance-chômage.

g. Par décision sur opposition du 23 novembre 2023, la caisse a déclaré l'opposition recevable et l'a rejetée. Les conditions de la révision étaient remplies, la décision de restitution de prestations du 26 mai 2023 ayant été rendue sur la base d'un fait nouveau postérieur aux décomptes initiaux pour les mois de décembre 2022, janvier et février 2023, à savoir sur la décision de suspension de l'OCE du 13 mars 2023. Par ailleurs, la question de la bonne foi de l'assuré n'était pas litigieuse à ce stade de la procédure et devait être examinée par l'autorité cantonale compétente au stade de la demande de remise, une fois la décision portant sur la restitution entrée en force.

h. En janvier 2024, l'assuré et une cheffe de groupe de l'ORP ont eu divers échanges par courriers électroniques.

Le 26 janvier 2024, cette dernière a confirmé que l'information qui avait été donnée l'année précédente par le conseiller était erronée dans la mesure où une sortie du chômage n'annulait pas une sanction imposée sur une période indemnisée. Elle avait toutefois remarqué que l'assuré avait aussi été pénalisé pour des recherches manquantes en février 2023 et que les recherches de mai et avril 2023 n'avaient pas été remises au moment de l'annulation de son dossier, le 15 mai 2023. Le dossier aurait donc pu être maintenu ouvert mais ces manquements auraient en finalité été traités et auraient conduit à l'inaptitude au placement par manque de conformité aux exigences de contrôle de l'ORP. La situation aurait donc été la même, quelle qu'ait été l'information transmise par le conseiller.

L'assuré a répondu qu'il n'avait pu faire ses recherches d'emploi de février à mai 2023 car, selon sa compréhension, il n'était déjà plus au chômage dans le courant du mois de février. Lorsqu'il avait annoncé à son conseiller qu'il voulait quitter le chômage, celui-ci lui avait dit de ne plus faire de recherches. Le conseiller avait cependant attendu plusieurs mois avant de traiter la demande de sortie du chômage. Il n'y avait donc pas un manque de volonté de sa part, mais, une nouvelle fois, un mauvais traitement de son dossier.

À la demande de la cheffe de groupe, l'assuré a précisé qu'il n'avait pas de trace écrite de l'échange au sujet de sa sortie du chômage, qui s'était déroulé pendant le dernier entretien avec son conseiller. Il en avait parlé brièvement avec sa remplaçante.

La cheffe de groupe a alors confirmé que le conseiller avait mal renseigné l'assuré, en rapport avec la période contrôlée de décembre 2022. Elle ne pouvait cependant faire plus avec les éléments en sa possession.

i. Par décision du 9 février 2024, l'OCE, a refusé d'accorder à l'assuré la remise de la somme de CHF 5'134.30, relevant que la bonne foi devait exister au moment de la perception des indemnités. Un assuré ne pouvait s'en prévaloir lorsqu'il devait s'attendre à une suspension de son droit en raison d'un comportement qu'il savait fautif. En l'occurrence, le comportement de l'assuré avait été fautif, raison pour laquelle il s'était vu infliger une sanction de 34 jours. La quotité de la sanction ne pouvait plus être revue, la décision à ce propos étant entrée en force. En ne répondant pas à une assignation de l'OCE et en laissant échapper une possibilité concrète de retrouver un emploi, l'assuré avait enfreint les obligations liées à son statut de demandeur d'emploi, de sorte qu'il ne pouvait pas se prévaloir de sa bonne foi lors de la perception des indemnités de chômage.

j. L'assuré a formé opposition contre cette décision le 8 mars 2024. Le juriste qui avait traité sa demande de remise l'avait informé que le dossier sur lequel la décision avait été prise n'était pas complet, dans la mesure où il n'avait pas eu accès au courrier de la cheffe de groupe confirmant que le conseiller en personnel l'avait mal renseigné. L'assuré a au surplus exposé qu'il n'avait aucune raison de se désinscrire du chômage entre les mois de mars et juin 2023, sauf à penser qu'une telle sortie lui permettrait de compenser la demande de restitution portant sur les 34 jours de sanction, comme son conseiller le lui avait expliqué. Il avait fait preuve de bonne foi en acceptant de sortir de l'assurance-chômage malgré sa situation financière et aucune intention malicieuse ou négligence ne pouvait lui être reprochée.

k. Par décision sur opposition du 18 avril 2024, l'OCE a rejeté l'opposition et a confirmé sa décision du 9 février 2024. La bonne foi devait être niée lorsque l'enrichi pouvait, au moment du versement, s'attendre à son obligation de restituer, parce qu'il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l'attention requise, que la prestation était indue. Le courriel de la cheffe de groupe auquel se référait l'assuré figurait bien dans son dossier mais n'était nullement pertinent en l'espèce, puisqu'il ne concernait pas le manquement à l'origine de la sanction de 34 jours, mais un moyen de ne pas subir ladite suspension ou de se soustraire à son obligation de rembourser les indemnités perçues indûment.

C. a. Par acte du 21 mai 2024, l'assuré a interjeté recours contre la décision précitée devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), sollicitant que sa demande de remise soit acceptée et reprenant les arguments soulevés dans son opposition à cet égard. Son conseiller l'avait informé que sa désinscription du chômage lui permettrait de compenser la sanction et il avait, sur la base des mauvais renseignements de la caisse, pris des dispositions irréversibles. La supérieure hiérarchique dudit conseiller avait par ailleurs confirmé que l'on ne saurait lui réclamer rétroactivement le montant de CHF 5'134.30, compte tenu des mauvaises informations fournies. La demande de restitution des indemnités de chômage le plaçait aujourd'hui dans une position financière difficile.

b. Par mémoire de réponse du 18 juin 2024, l'intimé a persisté dans les termes de sa décision sur opposition. La sanction résultait du comportement fautif du recourant, de sorte que sa bonne foi n'avait pas été admise et que la demande de remise avait à juste titre été refusée. Le recourant se plaignait d'avoir reçu de mauvais renseignements de la part de son conseiller en personnel mais il s'agissait d'une autre problématique qui aurait dû être traitée dans le cadre d'une contestation au sujet de l'annulation de son dossier, afin que la caisse puisse amortir les jours de suspension avec les indemnités dues.

c. À la demande de la chambre de céans, les parties ont transmis les pièces attestant des dates auxquelles le recourant a reçu la décision du 18 avril 2024 et a déposé son mémoire de recours.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Aux termes de l'art. 60 LPGA, le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours (al. 1). Les art. 38 à 41 LPGA sont applicables par analogie (al. 2).

L'art. 38 al. 3 LPGA énonce que lorsque le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, son terme est reporté au premier jour ouvrable qui suit. Le droit cantonal déterminant est celui du canton où la partie ou son mandataire a son domicile ou son siège.

En vertu de l'art. 1 al. 1 let. e de la loi sur les jours fériés du 3 novembre 1951 (LJF - J 1 45), le Lundi de Pentecôte est férié dans le canton de Genève.

Le recours ayant en l'espèce été déposé par courrier recommandé du 21 mai 2024 contre la décision du 18 avril 2024 notifiée au recourant le lendemain, le délai de 30 jours a bien été respecté, le 19 mai 2024 étant un dimanche et le 20 mai 2024 le Lundi de Pentecôte.

Partant, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l'intimé refusant la remise de l’obligation de rembourser la somme de CHF 5'134.30 sollicitée par le recourant, étant rappelé que la décision du 13 mars 2023 fixant la quotité de la sanction et celle sur opposition du 23 novembre 2023 confirmant la restitution des indemnités journalières versées à tort sont entrées en force, ce qui n’est pas contesté.

3.              

3.1 Aux termes de l'art. 25 al. 1 LPGA, applicable par renvoi direct de
l'art. 95 al. 1 LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile.

Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).

L'art. 4 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l’intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s’il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2).

3.2 Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 [(CC - RS 210), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).

Selon la jurisprudence, l'ignorance, par le bénéficiaire des prestations, du fait qu'il n'avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre sa bonne foi. Il faut bien plutôt que le requérant ne se soit rendu coupable, non seulement d'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence grave. Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer – comme par exemple une violation du devoir d'annoncer ou de renseigner – sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances. En revanche, le bénéficiaire peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner. Les comportements excluant la bonne foi ne sont pas limités aux violations du devoir d'annoncer ou de renseigner ; peuvent entrer en ligne de compte également d'autres comportements, notamment l'omission de se renseigner auprès de l'administration. La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2023 du 21 décembre 2023 consid. 3.2.2 et les références).

Dans un arrêt, le Tribunal fédéral a jugé que la bonne foi de l'assuré devait, dans le cas d'espèce, être admise, le paiement de l'indemnité journalière et l'envoi de la décision de suspension en raison de recherches d'emploi insuffisantes étant intervenu au même moment. De manière plus générale, il a estimé que l'on ne pouvait considérer qu'une personne qui avait fait l'objet d'une décision de sanction entrée en force, ou qui avait été menacée d'une sanction, ne remplissait automatiquement pas la condition de la bonne foi. Il fallait en juger en fonction des circonstances concrètes de chaque cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 17 février 2009 consid. 5.2.1). Dans un autre arrêt, la Haute Cour a considéré que la question de la bonne foi de l'assuré ne dépendait pas du moment auquel l'administration avait suspendu son droit à l'indemnité et demandé la restitution des prestations déjà versées. Cette question dépendait du point de savoir si l'assuré pouvait et devait reconnaître qu'il avait eu un comportement fautif sous l'angle de l'assurance-chômage, susceptible d'être sanctionné (arrêt du Tribunal fédéral 8C_723/2017 du 8 août 2018 consid. 7).

La bonne foi doit ainsi être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue
(ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).

Autrement dit, un cas de suspension de l'indemnité journalière ne signifie pas que la bonne foi doit, dans tous les cas, être simultanément niée, même lorsque les conditions de la sanction sont données. Il se peut que la personne assurée ait eu des raisons légitimes de penser qu'elle n'avait pas de faute à se reprocher et qu'elle considérait avoir droit aux indemnités journalières sans restriction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_330/2013 du 2 septembre 2013 consid. 4.2).

3.3 En lien avec la problématique de la quotité d'une sanction liée au refus d'un travail convenable, dont le principe est prévu à l'art. 30 al. 1 let. d LACI et la durée à l'art. 45 al. 3 let. c et al. 4 let. b de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02), le Tribunal fédéral a jugé qu'il n'y avait pas forcément faute grave lorsque l'assuré pouvait se prévaloir d'un motif valable, à savoir un motif qui faisait apparaître sa faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il pouvait s'agir d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée (d'éventuels problèmes de santé, la situation familiale ou l'appartenance religieuse) ou à des circonstances objectives (ATF 130 V 125 ; 141 V 365 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225/2023 du 6 mars 2024 consid. 3.2).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs tiré un parallèle entre un défaut de postulation et sa jurisprudence applicable aux entretiens de conseil manqués, selon laquelle lorsqu'un assuré manque un tel entretien, mais prouve néanmoins par son comportement en général qu'il prend ses obligations de chômeur et de bénéficiaire de prestations très au sérieux, il n'y a pas lieu de le suspendre dans son droit à l'indemnité. Il a relevé qu'une inadvertance ponctuelle ne saurait être traitée aussi sévèrement qu'un comportement désinvolte et que lorsque l'assuré oubliait ou omettait par erreur de donner suite à une assignation, mais qu'un tel comportement négligent n'était pas caractéristique de sa part et était contrebalancé par un effort particulier et des démarches concrètes démontrant qu'il avait cherché activement à participer à la diminution du dommage, le juge des assurances était fondé à en tenir compte pour apprécier la gravité de la faute. Ainsi, dans le cas d'espèce, l'appréciation du tribunal cantonal quant à la gravité moyenne de la faute devait être confirmée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 5.3). Une faute de gravité moyenne a aussi été confirmée dans un cas où l'assuré avait postulé avec trois jours de retard (arrêt du Tribunal fédéral 8C_225/2023 du 6 mars 2024 consid. 4).

Concernant plus particulièrement des postulations manquées par la voie informatique, la jurisprudence fédérale a retenu que la faute de l'assuré qui avait mal recopié l'adresse e-mail de postulation et n'avait entrepris aucune autre démarche, bien qu'il ait immédiatement reçu un message d'erreur l'avertissant que son courriel n'avait pas pu être remis, était grave (arrêt du Tribunal fédéral 8C_756/2020 du 3 août 2021 consid. 4). A également été considéré comme grave le comportement de l'assurée qui avait mal recopié le lien internet permettant de postuler et qui, lorsqu'elle s'était rendue compte qu'il ne marchait pas, n'avait pas tenté d'atteindre sa conseillère en personnel pour le lui signaler et s'était bornée à envoyer une demande de contact LinkedIn à l'auteur de l'annonce du poste (arrêt du Tribunal fédéral 8C_313/2021 du 3 août 2021 consid. 5.3). Au niveau cantonal, la chambre de céans a retenu que l'assuré avait commis une faute moyenne en n'observant pas les instructions de l'autorité compétente, en ce sens qu'il n'avait fourni électroniquement que sa lettre de motivation au service employeur de l'autorité compétente, et son curriculum vitae directement à l'employeuse, par voie postale (ATAS/788/2016 du 4 octobre 2016 consid. 5b). La chambre de céans a en outre considéré qu'une sanction envers un assuré qui avait envoyé son offre de postulation en seize dossiers PDF plutôt qu'en quatre ne se justifiait pas, compte tenu de ses connaissances en informatique et de ses démarches pour obtenir l'aide de son conseiller en personnel face à cette difficulté (ATAS/106/2020 du 17 février 2020 consid. 6).

3.4 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération
(ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références).

4.             En l'espèce, il s'agit de déterminer si le recourant réalise la condition de la bonne foi par rapport à la situation de fait qui existait lorsqu'il a reçu le versement des prestations indues, fixées à 34 jours dès le 16 décembre 2022.

Les pièces au dossier ne permettent pas de savoir à quelle date le recourant a perçu les indemnités journalières litigieuses. Dans la mesure où la caisse de chômage verse en règle générale les indemnités pour la période de contrôle écoulée dans le courant du mois suivant (cf. art. 30 al. 1 OACI), il est cependant vraisemblable que le recourant a perçu les indemnités de décembre 2022 au début du mois de janvier 2023 et celles de janvier 2023 au début du mois suivant. Les indemnités de février 2023 ont par ailleurs été versées le 8 mars 2023 selon le décompte postal produit par le recourant.

Même à supposer que les 34 jours de suspension prononcés contre le recourant déployaient encore leurs effets au mois de février 2023, ce qui n’est en l’état pas établi, aucun décompte d'indemnités n'ayant été produit dans le cadre de la présente procédure, il n'en demeure pas moins que la décision de suspension a été prononcée après le versement des indemnités journalières, soit le 13 mars 2023. Avant cette date, le recourant avait uniquement reçu un courriel de l'intimé lui demandant d'exposer pour quelles raisons il avait fait échouer une possibilité d'emploi et de fournir les justificatifs utiles. Il y avait répondu le 27 février 2023, expliquant avoir eu un problème avec sa boîte email durant la période de postulation, tous les courriels envoyés ne partant pas chez leur destinataire, ce dont il n'était pas au courant ; il espérait ne pas être sanctionné trop sévèrement pour ce premier et dernier manquement.

Les explications concernant le défaut de postulation n'ont pas réellement été contestées par l'intimé, ni dans sa décision de suspension de l'indemnité journalière, ni dans la procédure subséquente de remise, ni dans ses écritures devant la chambre de céans. Compte tenu des déclarations constantes du recourant concernant les raisons du défaut de postulation et de l'absence d'autres manquements de même nature relevés au dossier, il doit ainsi être retenu, sous l'angle de la vraisemblance prépondérante, que celui-ci a bien été confronté à un problème informatique, et non qu'il aurait sciemment refusé de déposer sa candidature. Rien ne permet non plus de mettre en doute ses allégations selon lesquelles il n'était pas conscient que l'envoi de courriels depuis sa messagerie dysfonctionnait car, contrairement à la situation de faute de frappe dans l'adresse e-mail du destinataire, un message d'erreur d'acheminement n'est pas envoyé. En tous les cas, les allégations du recourant ne sont ni contestées par l’intimé, ni remises en cause par d'autres éléments de fait contraires.

Considérant ce qui précède, la chambre de céans estime que le recourant ne pouvait s’attendre à son obligation de restituer des indemnités journalières de l'assurance-chômage. En effet, avant la notification de la décision du 13 mars 2023, il pouvait raisonnablement penser que l'intimé ne considérerait pas son comportement comme étant fautif sous l'angle de l'assurance-chômage. À tout le moins, un doute légitime dans son esprit pouvait exister à ce propos, compte tenu du manquement commis, soit ne pas avoir spontanément vérifié la réception du courriel par l'employeur potentiel et le bon fonctionnement de ses outils informatiques. Ainsi, au moment de l'encaissement des indemnités, le recourant ne savait pas et ne pouvait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que les prestations versées seraient considérées comme indues. Le cas de figure ne révèle à l'évidence pas un comportement gravement négligent, encore moins une intention malicieuse, s'opposant à la reconnaissance de la bonne foi du recourant.

Il sied en outre de garder à l'esprit qu'en matière de fixation de la sanction, la jurisprudence fédérale a validé l'appréciation des tribunaux cantonaux qui n'avaient pas qualifié de faute grave le fait que l'assuré ait ponctuellement oublié de postuler à un emploi assigné, si par ailleurs son comportement démontrait qu'il prenait au sérieux ses obligations de chômeur. De plus, concernant des difficultés liées à l'informatique, il résulte de la jurisprudence précitée que c'est l'absence de réaction face au problème identifié qui a été qualifiée de gravement fautive. Bien que la question de la remise de l'obligation de restituer et la question de l'appréciation de la faute de l'assuré pour fixer la durée de la suspension constituent deux problématiques différentes, des parallèles peuvent néanmoins être tirés dès lors qu’elles reposent toutes deux sur la notion de faute. Or, le cas présent se distingue des précédents jurisprudentiels ayant admis une faute grave de la personne assurée confrontée à des problèmes informatiques, dans la mesure où le recourant n'avait pas conscience que son dossier de candidature n'avait pas été envoyé. On rappellera encore à toutes fins utiles que la forme de la postulation, soit exclusivement la voie électronique, a été expressément requise par l’intimé.

Au vu de ce qui précède, il faut admettre que le recourant était de bonne foi lorsqu'il a reçu les prestations litigieuses.

Il convient ainsi d'annuler la décision litigieuse et de renvoyer la cause à l'intimé afin qu'il examine si le recourant remplit la deuxième condition pour se voir accorder une remise, à savoir celle d'une situation financière difficile.

5.             Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis.

La décision du 18 avril 2024 est annulée et la cause est renvoyée à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Agissant en personne, le recourant n’a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision de l'intimé du 18 avril 2024.

4.        Lui renvoie la cause pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

Joanna JODRY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le