Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/962/2024 du 03.12.2024 ( AI ) , REJETE
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1540/2024 ATAS/962/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 3 décembre 2024 Chambre 2 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
EN FAIT
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1965, a travaillé en qualité d’étancheur dès 2003.
b. L’assuré a subi une incapacité de travail dès le 23 mars 2019 pour motifs psychiques, attestée par le docteur B______, spécialiste FMH en psychiatrie.
c. Le 22 août 2019, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé).
d. L’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie conclue par l’employeur de l’assuré a confié une expertise au docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie. Dans son rapport du 29 août 2019, celui-ci a posé les diagnostics de trouble dépressif sévère, en rémission partielle, avec actuellement un épisode dépressif moyen (F 32.1), et de troubles mentaux et du comportement en lien avec l’utilisation de l’alcool, usage nocif pour la santé avec syndrome de dépendance (F 10). La pathologie était sévère, mais réactionnelle et en rémission partielle. L’assuré devait rester en incapacité de travail en septembre et octobre 2019 afin de surmonter son atteinte. L’expert a conclu à une capacité de travail nulle jusqu’au 14 septembre 2019, de 50 % du lendemain au 31 octobre 2019, et de 80 % dès le 1er novembre 2019. La reprise à 100% devrait avoir lieu le 1er décembre 2019.
e. Dans un rapport du 5 décembre 2019, le docteur D______, spécialiste FMH en neurologie, a indiqué que l’assuré était connu pour une épilepsie, traitée par médication. Cette pathologie ne représentait pas de contre-indication à une activité professionnelle, hormis pour des activités de chauffeur. Dans l’activité habituelle, il n’y avait pas de limitation, sauf dans les mois qui suivaient une crise. Toutefois, la dernière crise remontait à 2016.
f. Par décision du 25 septembre 2020, l’OAI a refusé toute prestation à l’assuré, celui-ci ayant retrouvé sa capacité de travail dès le 22 mars 2020.
B. a. L’assuré a à nouveau été en incapacité de travail totale dès le 16 février 2021, attestée par le Dr B______.
b. L’assuré a séjourné au service d’addictologie des HUG du 27 juillet au 11 août 2021 pour un sevrage à l’alcool.
c. Le 6 août 2021, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI.
d. Dans un rapport du 12 octobre 2021, le docteur E______, spécialiste FMH en médecine interne, a posé les diagnostics d’épilepsie, de troubles de l’humeur, d’abus d’alcool et d’hépatopathie, avec sevrage dès l’été 2021, et d’arthralgies chroniques de la cheville gauche avec séquelles de fracture et kyste arthrosynovial. Les troubles de l’humeur, les arthralgies et l’épilepsie contrôlée avaient une incidence sur la capacité de travail. Une activité de chantier semblait compromise, dès lors qu’il fallait tenir compte du risque de crise d’épilepsie et des douleurs mécaniques avec un risque de dégradation arthrosique. Ce médecin a essentiellement confirmé ses diagnostics dans son rapport du 1er mars 2022, précisant que les troubles du pied gauche relevaient d’un syndrome de Muller-Weiss avec ostéonécrose spontanée de l’os naviculaire à gauche et que le stress psychologique majeur ne permettait pas une reprise du travail.
e. Dans un rapport à l’OAI du 18 octobre 2021, la docteure F______, spécialiste FMH en psychiatrie, a posé les diagnostics d’épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (F 32.2), d’anxiété généralisée (F 41.1), et de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool, syndrome de dépendance (F 10.2). Les deux premières atteintes avaient une incidence sur la capacité de travail, nulle depuis février 2021.
Ce médecin a qualifié l’évolution de stationnaire dans son rapport du 12 octobre 2022.
f. L’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie a chargé le docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie, de procéder à une nouvelle expertise de l’assuré. Dans son rapport du 22 décembre 2021, celui-ci a retenu le diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen sans syndrome somatique (F33.10), présent depuis mars 2019, et le diagnostic sans incidence sur la capacité de travail de troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation d'alcool, actuellement abstinent, en rémission récente. Il a qualifié le pronostic de « prudemment optimiste » à moyen ou long terme. La pathologie alcoolique était en rémission partielle avec une abstinence depuis le 17 juillet 2021, sans arguments en faveur de séquelles incapacitantes. Le trouble dépressif récurrent causait des limitations fonctionnelles entraînant une incapacité de travail dans toute activité. L’expert a émis plusieurs propositions thérapeutiques en lien avec la médication, en soulignant l’importance de l'abstinence à l'alcool. En tenant compte de ces éléments, au vu du rythme de l'amélioration, du type d'activité exercée et des facteurs de pronostic favorables et défavorables, on devait partir du principe que l’assuré recouvrerait une capacité de travail de 50% dès la mi‑avril 2022, et une capacité de travail de 100% dès la mi-mai 2022. Dans une activité non qualifiée, simple, sans exigences de flexibilité, à la pression psychique réduite et sans responsabilité d'une équipe, telle que dans le nettoyage de bureaux ou en tant que surveillant d'expositions, une capacité de travail serait exigible à 50% dès début avril 2022 et à 100% à partir de la mi-avril 2022.
g. Par courrier du 21 février 2023, l’OAI a communiqué à l’assuré qu’il entendait confier une expertise psychiatrique à la docteure H______, spécialiste FMH en psychiatrie, et lui a transmis les questions qui seraient soumises à cette experte.
h. Dans un rapport du 3 mars 2023, la Dre F______ a attesté suivre l’assuré pour un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (F 32.2) en rémission partielle et pour un syndrome de dépendance à l’alcool, actuellement abstinent (F 10.20). Le diagnostic d’anxiété généralisée s’était amélioré. La symptomatologie anxieuse était très marquée, mais en lien avec les difficultés financières de l’assuré. Celui-ci présentait une légère amélioration de son état au plan thymique, mais l’anxiété persistait, avec un découragement et une tristesse ainsi qu’une réduction de l’énergie modérées. La capacité de travail était nulle.
i. La Dre H______ a établi son rapport le 28 avril 2023.
Elle a retenu le diagnostic de trouble dépressif récurrent moyen avec syndrome somatique (F 33.11) depuis février 2021, avec incidence sur la capacité de travail. L’assuré présentait également, sans répercussion sur sa capacité de travail, des traits mixtes de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif, dépendant et anxieux, actuellement non décompensé (Z 73.1), et une dépendance éthylique avec utilisation épisodique et parfois abstinent (F 10.26). L’experte a détaillé les critères diagnostiques de ces atteintes et les diagnostics différentiels écartés. Elle objectivait des limitations psychiatriques significatives modérées, soit un ralentissement psychomoteur, des troubles de la concentration et un isolement social partiel. Ces limitations étaient uniformes dans tous les domaines d’activités. Les plaintes étaient en concordance avec l'examen clinique et les tests psychométriques réalisés, hormis une légère exagération au niveau de l'échelle de Beck. S’agissant du trouble dépressif, qualifié de sévère dans certains documents, l’experte a noté que la journée-type révélait une gestion du quotidien restant possible pour l’assuré, avec une préparation de repas simples, des courses légères, le paiement de factures, la conduite et la prise de transports en commun, de bons moments passés en famille ou avec son amie, et des vacances à l’étranger. L'assuré avait de bonnes ressources, et l’anhédonie n’était que partielle. Une incohérence était relevée dans le fait que l'assuré demandait une rente entière en l'absence de limitations fonctionnelles psychiatriques sévères. L’absence d'un traitement antidépresseur à des taux sanguins efficaces plaidait aussi indirectement contre un trouble sévère. Malgré ses traits de personnalité et sa dépendance éthylique avec utilisation épisodique, l’assuré avait pu travailler dans le passé sans difficultés, et la personnalité n’était actuellement pas décompensée. L’état était globalement stationnaire depuis février 2021. Le pronostic de reprise professionnelle dépendait de la motivation de l'assuré, d'un sevrage éthylique maintenu, d’un traitement antidépresseur et d’une aide à la réadaptation dans une activité adaptée d'un point de vue somatique si l’assuré était motivé par une reprise professionnelle – ce qui n’était actuellement pas le cas. En cas de sevrage maintenu et de traitement antidépresseur à des dosages efficaces, il existait 50% de chances d'augmenter la capacité de travail à 100% une année plus tard, et ces traitements étaient exigibles. Les indicateurs jurisprudentiels de gravité étaient remplis depuis février 2021 pour une capacité de travail de 50%, sans baisse de rendement.
j. L’OAI a procédé au calcul du degré d’invalidité le 9 juin 2023. Il a retenu un gain sans invalidité de CHF 80'487.- en 2023, se fondant sur le salaire déclaré à l’AVS en 2017 de CHF 78'238.-. Le revenu d’invalide était fondé sur l'enquête suisse sur la structure des salaires de 2020 (ci-après : ESS) (TA1_tirage_skill_level, niveau 1), soit CHF 65'969.- après adaptation à la durée normale de travail et indexation à 2023. Compte tenu d’une capacité de travail de 50% et d’une réduction de 10%, le revenu après invalidité s’élevait à CHF 29'686.-, ce qui aboutissait à un degré d’invalidité de 63.12%.
k. Dans un avis du 13 juin 2023, le service médical régional de l’assurance‑invalidité (ci-après : SMR) a retenu une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle en raison des problèmes au pied, mais entière au plan somatique dans une activité légère et sédentaire épargnant le membre inférieur gauche, sans station debout, sans marche prolongée, sans déplacements répétés, effectuée principalement en position assise. Au plan psychiatrique, l’assuré était en incapacité de travail totale depuis le 16 février 2021, et à 50% dès le 15 avril 2022.
l. Dans un nouveau calcul du degré d’invalidité du 28 novembre 2023, l’OAI a repris le calcul du degré d’invalidité de l’assuré dès 2024, en se fondant sur les mêmes éléments que dans son précédent calcul mais en appliquant une réduction de 20% sur le revenu d’invalide, ce qui aboutissait à un degré d’invalidité de 67.21%.
m. Par deux décisions du 2 février 2024, portant respectivement sur le droit à la rente du 1er février au 31 octobre 2022 et à partir du 1er novembre 2022, l’OAI a alloué une rente entière à l’assuré durant la première période, et à une rente de 63% dès le 1er novembre 2022.
n. Par décision du 25 mars 2024, indiquant qu’elle « annul[ait] et remplaç[ait] la précédente », l’OAI a alloué une rente de 67% à l’assuré dès le 1er janvier 2024.
C. a. L’assuré a interjeté recours contre la décision de l’OAI du 25 mars 2024 devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) par écriture du 7 mai 2024. Il a conclu, sous suite de dépens, à son annulation, à l’octroi d’une rente entière jusqu’au mois de juin 2023, puis de 67% d’une rente entière dès juillet 2023. Il a contesté la prise en compte d’une capacité de travail de 50% dès le 15 avril 2022, laquelle ne reposait sur aucune appréciation médicale probante, mais uniquement de l’expertise du Dr G______, dont l’intimé s’était écarté. L’appréciation rétrospective par la Dre H______ de la capacité de gain de 50% depuis février 2021 ne reposait pas sur une motivation convaincante, et la Dre F______ avait confirmé une incapacité de travail totale en mars 2023. L’intimé n’expliquait pas pourquoi la réduction forfaitaire avait été augmentée à 20% dès 2024. Une déduction de cette ampleur devait s’appliquer dès juillet 2022.
b. Dans un avis du 3 juillet 2024, le SMR a soutenu qu’il existait un consensus entre le Dr G______ et la Dre F______ concernant l’évolution de l’épisode dépressif, initialement sévère, puis d’intensité moyenne selon le rapport du 18 mars 2022 de la psychiatre traitante. Cette amélioration de la symptomatologie s'accompagnait d'une augmentation de la capacité de travail à 50% au printemps 2022, telle que retenue par le Dr G______, dont l’expertise était convaincante. S’agissant des conclusions de la Dre H______, l’exigibilité de 50% ne pouvait être retenue que de manière différée à compter d’avril 2022, pour tenir compte des limitations fonctionnelles objectivées par le Dr G______.
c. Dans sa réponse du 8 juillet 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours, se ralliant à l’avis du SMR. La réduction de 20% dès le 1er janvier 2024 reposait sur la modification des dispositions réglementaires introduisant une déduction forfaitaire sur le revenu d’invalide établi sur des bases statistiques en cas de travail à temps partiel.
d. Par réplique du 27 août 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a produit un avis de la Dre F______ du 23 août 2024 confirmant selon lui le caractère non probant de l’expertise de la Dre H______. Il y avait lieu de mettre en œuvre une expertise judiciaire. Avant le 1er janvier 2024, des déductions du revenu statistique étaient possibles jusqu’à 25%, et les limitations fonctionnelles importantes du recourant entraînaient une réduction du revenu statistique de cette ampleur.
Dans l’avis joint, la Dre F______ a critiqué l’absence d’évaluation de la capacité de travail du recourant au plan somatique. Elle a contesté le diagnostic d'addiction à l'alcool avec consommation épisodique retenu par la Dre H______, le recourant se disant totalement abstinent depuis août 2021, ce qu’il avait confirmé à l’experte. Ce point était crucial, car le SMR se fondait en grande partie sur la nécessité d’un sevrage éthylique. La diminution du dosage de paroxetine rapportée par l’experte ne traduisait pas une amélioration clinique, mais visait à atténuer les lourds effets secondaires en l’absence d’effets probants, ce qui expliquait les taux sanguins détectés. La Dre F______ a confirmé une amélioration thymique dès le printemps 2022, mais l’anxiété restait très marquée, avec des troubles significatifs de la concentration, si bien qu’elle s’en tenait à une incapacité de travail totale.
e. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimé et a informé les parties par courrier du 28 août 2024 que la cause était gardée à juger.
f. Par écriture spontanée du 9 septembre 2024, le recourant a invoqué un récent arrêt du Tribunal fédéral sur la possibilité d’un abattement jusqu’à 25% sur le revenu d’invalide statistique pour la période courant jusqu’au 31 décembre 2023.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA ‑ RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).
2. S’agissant de l’objet du litige, on relèvera que l’intimé a rendu deux décisions le 2 février 2024 portant sur le droit à la rente dès le 1er février 2022. La décision du 25 mars 2024 porte uniquement sur le droit à la rente dès le 1er janvier 2024.
Les décisions du 2 février 2024 sont entrées en force, faute de recours dans le délai de 30 jours, qui a expiré avant la notification de la nouvelle décision. Toutefois, l’art. 53 al. 2 LPGA dispose que l’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force par la voie de la reconsidération lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable. Par le biais de la reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit (ATF 146 V 364 consid. 4.2). Une décision est manifestement erronée lorsqu’elle n’applique pas correctement le droit, par exemple lorsqu’elle se fonde sur des dispositions légales erronées. Tel n’est pas le cas lorsque le motif de reconsidération a trait à des conditions matérielles d’octroi, et que le point de savoir si ces conditions sont réalisées implique nécessairement l’exercice d’un certain pouvoir d’appréciation par l’autorité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_575/2007 du 18 octobre 2007 consid. 2.2).
En l’espèce, la décision du 25 mars 2024 ne donne guère d’indications sur les motifs de la reconsidération qu’elle emporte – manquement que l’intimé a pallié dans les explications à l’appui de sa réponse du 8 juillet 2024 – et mentionne simplement qu’elle annule et remplace la décision précédente. Cela étant, et malgré les imprécisions dans le libellé de cette décision, force est de constater qu’elle a uniquement pour objet le taux de la rente dès le 1er janvier 2024, à l’exclusion de la période précédente. On doit ainsi retenir qu’elle ne remplace les décisions du 2 février 2024 que dans la mesure où elle porte sur le droit aux prestations pour la même période, soit dès le 1er janvier 2024, et que ces précédentes décisions restent valables pour la période qui précède.
Il faut souligner que si la décision du 25 mars 2024 devait être considérée comme mettant à néant les précédentes décisions du 2 février 2024 dans leur intégralité, il y aurait alors lieu de constater que le droit à la rente du 1er février 2022 au 31 décembre 2023 n’a pas été tranché par une décision, puisque celle du 25 mars 2024 est muette à ce sujet. Or, dans la procédure juridictionnelle administrative, seuls peuvent en principe être examinés et jugés les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie, sous la forme d'une décision, en règle générale sur opposition. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral I 12/01 du 9 juillet 2001 consid. 1). Ainsi, dans une telle hypothèse, la chambre de céans ne serait pas fondée à examiner le droit à la rente jusqu’au 31 décembre 2023, faute de décision sujette à recours.
Partant, fait seul l’objet du litige le degré d’invalidité du recourant dès le 1er janvier 2024.
3. Il convient en préambule de rappeler ce qui suit au sujet du droit applicable.
3.1 En vertu de l’art. 28 LAI dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c) (al. 1). L’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins (al. 2).
L’art. 29 LAI dispose que le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré (al. 1). Le droit ne prend pas naissance tant que l’assuré peut faire valoir son droit à une indemnité journalière au sens de l’art. 22 (al. 2).
3.2 La LAI a connu une novelle le 19 juin 2020, entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Dans ce cadre, le système des quarts de rente jusque-là applicable a été remplacé par un système linéaire de rentes (Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [Développement continu de l'assurance-invalidité], FF 2017 2442).
L’art. 28b LAI en vigueur depuis le 1er janvier 2022 dispose que la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2). Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). L’al. 4 détaille les taux de rente correspondant aux degrés d’invalidité entre 40% et 50%.
La lettre b des dispositions transitoires relatives à cette modification prévoit notamment que pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de ladite modification et qui n’avaient pas encore 55 ans à cette date, la quotité de la rente ne change pas tant que leur taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA (al. 1). La quotité de la rente reste également inchangée après une modification du taux d’invalidité au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA si l’application de l’art. 28b de la loi se traduit par une baisse de la rente en cas d’augmentation du taux d’invalidité ou par une augmentation de la rente en cas de réduction (al. 2). Le Message précise que la quotité de la rente est calculée conformément au nouveau système si son taux d’invalidité a subi une modification d’au moins 5 points de pourcentage (FF 2017 2504).
3.3 Selon l’art. 17 LPGA dans sa teneur depuis le 1er janvier 2022, la rente d’invalidité est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d’invalidité de l’assuré subit une modification d’au moins 5 points de pourcentage (let. a), ou atteint 100% (let. b) (al. 1). De même, toute prestation durable accordée en vertu d’une décision entrée en force est, d’office ou sur demande, augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée si les circonstances dont dépendait son octroi changent notablement (al. 2).
Cette disposition s’applique également à la décision par laquelle une rente échelonnée dans le temps est accordée avec effet rétroactif (arrêt du Tribunal fédéral 9C_244/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.3.1). Elle est également applicable par analogie dans le cadre d’une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité après le rejet d’une demande antérieure (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_64/2023 du 6 décembre 2023 consid. 6.1).
3.4 Selon la jurisprudence, lorsque la décision dont est recours a été rendue après le 1er janvier 2022, il y a lieu conformément aux principes de droit intertemporel généralement applicables (cf. sur ce point ATF 144 V 210 consid. 4.3.1) de déterminer en vertu du droit applicable jusqu’au 31 décembre 2021 si un droit à la rente est né avant cette date. Lorsque le droit à la rente est né après cette date, le nouveau droit est applicable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2).
3.5 En l’espèce, le droit à la rente est né au plus tôt une année après l’arrêt de travail qui a débuté en février 2021, soit en février 2022. C’est ainsi le nouveau droit qui est applicable.
4. Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; ATF 115 V 133 consid. 2). Ces données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_713/2019 du 12 août 2020 consid. 5.2).
4.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales, le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a ; ATF 122 V 157 consid. 1c).
4.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien‑fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).
4.3 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).
5. Dans un arrêt de principe concernant les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a retenu que la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part. Il y a désormais lieu de se fonder sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (consid. 3.6). Ces indicateurs concernent deux catégories, à savoir celle du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence.
I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »
Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l'instrument de base de l'analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).
A. Axe « atteinte à la santé »
1. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic et des symptômes
Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l'étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Par exemple, sur le plan étiologique, la caractéristique du syndrome somatoforme douloureux persistant est, selon la CIM-10 (classification internationale des maladies) (F 45.5), qu'il survient dans un contexte de conflits émotionnels ou de problèmes psycho-sociaux. En revanche, la notion de bénéfice primaire de la maladie ne doit plus être utilisée (consid. 4.3.1.1).
2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers
Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L'échec définitif d'un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d'espèce, on ne peut rien en déduire s'agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d'une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l'attitude de l'assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l'atteinte à la santé. Le refus de l'assuré d'y participer est un indice sérieux d'une atteinte non invalidante. À l'inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d'une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d'un examen global tenant compte des circonstances du cas particulier (consid. 4.3.1.2).
3. Comorbidités
La comorbidité psychique ne joue plus un rôle prépondérant de manière générale, mais ne doit être prise en considération qu'en fonction de son importance concrète dans le cas d'espèce, par exemple pour juger si elle prive l'assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l'influence du trouble somatoforme douloureux avec l'ensemble des pathologies concomitantes (consid. 4.3.1.3). Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2) n'est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1) mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité. Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d'affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l'approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).
B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)
Il s'agit d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l'assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu'on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l'autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d'autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées (consid. 4.3.2).
C. Axe « contexte social »
Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l'assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s'assurer qu'une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d'autres difficultés de vie (consid. 4.3.3).
II. Catégorie « cohérence »
Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l'assuré (consid. 4.4).
A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie
Il s'agit ici de se demander si l'atteinte à la santé limite l'assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l'exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple ses loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu'ici doit désormais être interprété de telle sorte qu'il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l'assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d'activité sociale de l'assuré avant et après la survenance de l'atteinte à la santé (consid. 4.4.1).
B. Poids de la souffrance révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation
La prise en compte d'options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d'évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n'est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l'absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d'une incapacité (inévitable) de l'assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s'appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d'autres raisons que l'atteinte à la santé assurée (consid. 4.4.2).
Le juge vérifie librement si l'expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l'atteinte à la santé et si son évaluation de l'exigibilité repose sur une base objective (ATF 137 V 64 consid. 1.2 in fine).
6. Dans un arrêt de 2017, le Tribunal fédéral a étendu la jurisprudence précitée à toutes les maladies psychiques (ATF 143 V 409 consid. 4.5).
Notre Haute Cour a par la suite modifié sa jurisprudence en ce sens que des syndromes de dépendance ou des troubles liés à la consommation de substances diagnostiqués par des spécialistes ne peuvent plus d'emblée se voir nier toute pertinence du point de vue de l'assurance-invalidité, leur incidence sur la capacité de travail devant désormais également être déterminée au moyen de la grille d'évaluation applicable en matière de troubles somatoformes douloureux et de troubles psychiques (ATF 145 V 215 consid. 5.3.3 et consid. 6.2).
Dans ce contexte, le point de départ de l’évaluation de ces troubles est l'ensemble des constatations médicales qui ont été faites par l'expert psychiatre et lui ont permis de poser un diagnostic reposant sur les critères d'un système reconnu de classification, qui doit être motivé de telle sorte que l’autorité soit en mesure de comprendre non seulement si les critères de la classification sont effectivement remplis mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1).
7. L’art. 16 LPGA prévoit que, pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation. Il s'agit là de la méthode dite de comparaison des revenus, qu'il convient d'appliquer aux assurés exerçant une activité lucrative (ATF 128 V 29 consid. 1). Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient en principe de se placer au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 128 V 174 consid. 4a).
7.1 Le revenu sans invalidité se détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce que l’intéressé aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant s’il était en bonne santé (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à sa santé, en tenant compte de l’évolution des salaires. En effet, selon l’expérience générale, la dernière activité aurait été poursuivie sans atteinte à la santé. Les exceptions à ce principe doivent être établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_934/2015 du 9 mai 2016 consid. 2.2).
7.2 Pour déterminer le revenu d'invalide de l'assuré, il faut en l'absence d'un revenu effectivement réalisé se référer aux données salariales, telles qu'elles résultent des ESS (ATF 126 V 75 consid. 3b,). Le revenu tiré d'activités simples et répétitives (niveau 4 jusqu'à l'ESS 2010 et niveau 1 dès l'ESS 2012) est une valeur statistique qui s'applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1). La notion de marché équilibré du travail est une notion théorique et abstraite qui sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-invalidité. Elle implique, d'une part, un certain équilibre entre l'offre et la demande de main d'œuvre et, d'autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu'il offre un éventail d'emplois diversifiés, tant au regard des exigences professionnelles et intellectuelles qu'au niveau des sollicitations physiques. Il n'y a donc pas lieu d'examiner la question de savoir si un assuré peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail sur un marché où les places de travail disponibles correspondent à l'offre de main d'œuvre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_326/2018 du 5 octobre 2018 consid. 6.2 et les références).
7.3 Selon la jurisprudence, il y a lieu de procéder à une réduction des salaires statistiques lorsqu'il résulte de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité ou catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation) que le revenu que pourrait réaliser l'assuré en mettant en valeur sa capacité résiduelle de travail est inférieur à la moyenne. Un abattement global maximal de 25% permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3).
On soulignera que l’art. a26bis al. 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), dans sa teneur du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2023, avait la teneur suivante : si, du fait de l’invalidité, les capacités fonctionnelles de l’assuré au sens de l’art. 49 al. 1bis, ne lui permettent de travailler qu’à un taux d’occupation de 50% ou moins, une déduction de 10% pour le travail à temps partiel est opérée sur la valeur statistique. Le Tribunal fédéral a jugé que cette disposition n’interdisait pas de concéder un abattement allant au-delà de cette réduction forfaitaire réglementaire de 10% en fonction des critères dégagés par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_823/2023 du 8 juillet 2024 consid. 10.6).
Aux termes de l’art. 26bis al. 3 RAI dans sa teneur dès le 1er janvier 2024, une déduction de 10 % est opérée sur la valeur statistique fixé en fonction des ESS à titre de revenu d’invalide. Si, du fait de l’invalidité, l’assuré ne peut travailler qu’avec une capacité fonctionnelle au sens de l’art. 49 al. 1bis de 50 % ou moins, une déduction de 20 % est opérée. Aucune déduction supplémentaire n’est possible.
Selon le rapport explicatif du 18 octobre 2023 relatif à la modification du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI) « Mise en œuvre de la motion 22.3377 de la CSSS-N - Utiliser des barèmes de salaires correspondant à l’invalidité dans le calcul du taux d’invalidité », la déduction forfaitaire de 10% ou 20% prévue au nouvel art. 26bis al. 3 RAI tient compte de tous les facteurs qui ont pour conséquence que les personnes en situation de handicap gagnent moins que celles qui sont en bonne santé. Il n’y a donc pas lieu d’effectuer d’autres déductions.
8. En l’espèce, l’intimé s’est fondé sur le rapport de la Dre H______ pour déterminer la capacité de travail et de gain du recourant.
8.1 Le rapport de cette experte correspond en tous points aux réquisits jurisprudentiels en matière d’expertises médicales, dès lors qu’il comprend une anamnèse détaillée, qu’il relate les plaintes du recourant, et qu’il a été établi en parfaite connaissance du dossier médical de celui-ci. L’experte psychiatre a également analysé l’incidence de l’atteinte à la santé sur l’exigibilité d’une activité à l’aune des indicateurs de gravité applicables aux troubles psychiques selon la jurisprudence. Ses diagnostics sont clairs et motivés.
On peut certes regretter que la Dre H______ ne se soit pas expressément prononcée sur sa divergence d’appréciation par rapport à l’évaluation de la capacité de travail par la Dre F______ et le Dr G______, dont elle s’écarte puisqu’elle admet une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée en février 2021. Toutefois, cette lacune n’a pas de portée pratique ici, dès lors que l’intimé a admis une capacité de travail totale jusqu’en avril 2022 et que le litige est, comme on l’a vu, circonscrit au degré d’invalidité dès le 1er janvier 2024.
Il n’existe du reste pas d’élément suscitant des doutes importants sur l’appréciation de la Dre H______ en ce qui concerne la capacité de travail du recourant dès avril 2022. La Dre F______ admet en effet avoir constaté une amélioration dès cette date. Celle-ci soutient toutefois que la capacité de travail resterait nulle en raison de l’anxiété du recourant. Il faut cependant noter que cette psychiatre a qualifié l’anxiété de moyenne seulement dans son rapport du 18 mars 2022, en mentionnant une amélioration de ce trouble depuis une modification du traitement quelques mois plus tôt. De plus, dans ce même rapport, elle met en avant une humeur déprimée, une tristesse permanente, une perte de l’élan vital et un pessimisme, soit des symptômes relevant d’un abaissement de l’humeur plutôt que de troubles anxieux. On peut à cet égard souligner que le premier psychiatre consulté, le Dr B______, mentionnait en décembre 2019 une angoisse flottante mais moins intense qu’auparavant, et faisait avant tout état d’un ralentissement psychomoteur, de fatigue et d’irritabilité. En outre, en mars 2023, la Dre F______ ne retenait pas de diagnostic lié à l’anxiété, et signalait que celle-ci était limitée aux préoccupations financières. Dans les plaintes rapportées par la Dre H______, le recourant a par ailleurs signalé une tristesse modérée, une anhédonie partielle, des troubles de la concentration, une fatigue qui le ralentissait et des difficultés de concentration et d'endormissement, et citait des angoisses uniquement en lien avec son avenir professionnel. Au vu de ces éléments, il n’apparaît ainsi pas que l’angoisse du recourant soit au premier plan de l’atteinte, ni que la Dre H______ n’en aurait pas suffisamment tenu compte.
Les autres critiques de la Dre F______ dans son rapport du 23 août 2024 ne sont pas non plus de nature à remettre en cause l’incapacité de gain établie par l’intimé. On ne saurait la suivre en tant qu’elle souligne la totale abstinence du recourant, qui serait cruciale dès lors que l’experte l’aurait contestée. En effet, l’intimé n’a nullement focalisé son appréciation de la capacité de travail sur l’exigibilité d’un sevrage, et la Dre H______ ne nie pas que le recourant serait abstinent à l’alcool – en-dehors de quelques prises épisodiques – puisqu’elle a bien précisé que le succès d’une reprise serait lié au maintien du sevrage, ce qui révèle qu’elle admet que celui-ci est pour l’essentiel acquis. S’agissant des résultats des analyses sanguines, que la Dre F______ explique par la diminution du dosage des antidépresseurs en raison de leurs effets, il n’en reste pas moins que cette psychiatre ne soutient pas qu’une autre médication entraînant moins d’effets secondaires aurait été tentée, ce qui est également un indice plaidant en faveur d’une atteinte de gravité modérée.
La Dre F______ soutient en outre que les atteintes somatiques n’auraient pas été prises en compte. Or, sur ce point, le SMR a défini des limitations fonctionnelles en lien avec les atteintes annoncées, dont aucun élément du dossier ne permet de suggérer qu’elles ne tiendraient pas adéquatement compte de ces troubles, et qui semblent tout à fait compatibles avec les indications du Dr E______. Celui-ci avait en effet retenu que l’activité habituelle physique n’était plus possible en raison de l’atteinte, et le SMR a précisément retenu l’exigibilité d’une activité sédentaire légère. Quant à l’épilepsie, il sied de souligner que le Dr D______ ne la considère pas comme une contre-indication à l’exercice d’une activité professionnelle puisqu’elle est bien contrôlée sous traitement.
Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans ne s’écartera pas de la capacité de travail de 50% retenue par la Dre H______ durant la période litigieuse.
Par appréciation anticipée des preuves, elle renoncera à mettre en œuvre l’expertise judiciaire requise par le recourant (ATF 145 I 167 consid. 4.1).
8.2 Reste ainsi à examiner le calcul du degré d’invalidité par l’intimé dès le 1er janvier 2024.
L’intimé a indiqué s’être référé pour le revenu sans invalidité au salaire de 2017 ressortant du compte individuel AVS, soit CHF 78'238.- selon le chiffre figurant sous « Total annuel » de la deuxième page de l’extrait du compte individuel. Cela étant, la dernière année complète avant l’atteinte à la santé est en principe déterminante pour fixer le revenu sans atteinte à la santé, soit 2018 en l’espèce. La chambre de céans ne s’écartera cependant pas du revenu afférent à 2017, dans la mesure où il s’avère plus favorable au recourant que le revenu total de 2018 mentionné dans le compte individuel, qui est de CHF 73'621.-.
S’agissant du revenu après invalidité, c’est à juste titre que l’intimé s’est référé au salaire dans des activités simples et répétitives de l’ESS 2020, compte tenu d’une capacité de travail de 50%. En effet, ce revenu (niveau 1 dès l'ESS 2012) est une valeur statistique qui s'applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1). En particulier, il faut confirmer que l’édition 2020 de l’ESS est applicable dans le cas d’espèce, puisque les tableaux de l’ESS 2022 n’ont été publiés qu’en mai 2024 (sur cette question, cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3). Le fait que l’intimé n’ait pas indexé les revenus à 2024 ne prête pas non plus le flanc à la critique, puisque les indices topiques n’étaient pas connus au moment de son calcul. Quant à la réduction de 20% du revenu statistique, elle est conforme aux dispositions réglementaires citées. Il est inutile de déterminer dans la présente procédure si l’art. 26bis RAI dans sa nouvelle teneur dès le 1er janvier 2024 est conforme au droit en tant qu’il exclut toute réduction statistique supplémentaire à 20% – précision qui ne figurait pas dans la précédente mouture de cette disposition analysée dans l’arrêt précité du 8 juillet 2024. En effet, même s’il fallait analyser l’abattement à l’aune des critères dégagés par la jurisprudence, il n’apparaît pas que les circonstances du présent cas justifient un abattement supérieur à 20%, les limitations fonctionnelles en particulier n’étant pas particulièrement restrictives.
Il y a ainsi lieu de confirmer le degré d’invalidité de 67.21%, arrondi à 67%. En effet, le degré d’invalidité doit être arrondi selon les règles mathématiques (ATF 130 V 121 consid. 3.2, règle appliquée également aux rentes calculées selon le nouveau système ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_770/2023 du 11 juillet 2024 consid. 7.2.3.2).
Eu égard à ce qui précède, la décision de l’intimé doit être confirmée.
9. Le recours est rejeté.
Le recourant succombant, il supporte l’émolument de procédure de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Christine RAVIER |
| Le président
Blaise PAGAN |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le