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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1450/2022

ATAS/889/2024 du 15.11.2024 ( LCA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1450/2022 ATAS/889/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 novembre 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______
représentée par Me Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER, avocate

 

 

demanderesse

 

contre

AXA ASSURANCES SA,
représentée par Me Clio HERRMANN, avocate

défenderesse

 

 

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1976, a travaillé pour le compte de la société B______. À ce titre, elle était assurée dans le cadre d’une assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie selon la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1) auprès d’AXA Assurances SA (ci-après : l’assureur).

b. Le contrat d’assurance soumis à la LCA prévoit notamment le versement d’indemnités journalières maladie correspondant à 90% du salaire assuré durant 730 jours avec un délai d’attente de 30 jours.

c. Son contrat de travail a été résilié le 28 octobre 2021 avec effet au 31 décembre 2021.

B. a. Par déclaration de maladie datée du 6 octobre 2020, l’employeur a annoncé à l’assureur que l’assurée était en incapacité de travail depuis le 22 septembre 2020.

b. L’assureur a indemnisé la perte de revenu de l’assurée du 22 octobre 2020 au 19 mars 2022 inclus, pour un montant total de CHF 96'889.-.

c. Le 12 octobre 2020, la docteure C______, spécialiste FMH en médecine interne, a posé le diagnostic de trouble anxio-dépressif aigu dans un contexte de surcharge professionnelle. Le 22 septembre 2020, l’assurée s’était plainte d’un épisode de malaise avec sensation d’être dans un tunnel noir, de vertiges avec nausées et des vomissements, de trouble du sommeil, d’une irritabilité, d’angoisses permanentes et enfin de multiples somatisations sous forme de douleurs de l’épaule droite, de douleurs du pied et de la hanche droite.

d. Le 4 novembre 2020, répondant aux questions de l’assureur, la docteure D______, psychiatre et psychothérapeute FMH, a indiqué avoir commencé un traitement médical avec l’assurée le 29 septembre 2020. Elle a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques. L’assurée était en incapacité de travail entière dans toute activité. Le pronostic était difficile à évaluer vu la symptomatologie sévère et « dans le contexte socioprofessionnel actuel ». Le traitement de psychothérapie devait permettre d’augmenter la capacité de travail.

e. Le 2 février 2021, le docteur E______, chef de clinique auprès de la clinique de la douleur de l’Hôpital de La Tour, a diagnostiqué une « possible fibromyalgie ».

f. Du 23 février 2021 au 15 mars 2021, l’assurée a séjourné à la Clinique F______. Selon la lettre de sortie du 28 avril 2021, le diagnostic principal était un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques.

g. Le 5 mars 2021, répondant aux questions de l’assureur, la Dre D______ a relevé que l’évolution de l’assurée était moyennement favorable depuis son dernier rapport. L’assurée se sentait un peu plus calme avec le traitement mais il y avait la persistance de douleurs chroniques. Les limitations fonctionnelles étaient une anxiété invalidante, une tolérance au stress diminuée, des troubles de la concentration et de l’attention, des douleurs chroniques, des pensées intrusives concernant sa santé, des migraines et des difficultés sévères dans les relations interpersonnelles. La capacité de travail de l’assurée était nulle.

h. Le 4 février 2022, répondant à nouveau aux questions de l’assureur, la Dre D______ a posé les diagnostics de trouble dépressif récurrent, trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline et trouble du déficit de l’attention. Sa capacité de travail était nulle dans son activité habituelle. Actuellement, son état clinique ne lui permettait pas un travail même à temps partiel. Une reprise de travail à temps partiel pourrait probablement être possible dans environ trois mois. Dans une activité adaptée à ses troubles, sa capacité de travail était d’environ 50%.

i. Le 10 février 2022, le docteur G______, psychiatre et médecin conseil de l’assurance, a procédé à une évaluation médicale. Il a retenu les diagnostics de trouble de la personnalité borderline, trouble dépressif récurrent apparemment en voie d’amélioration et déficit d’attention. L’incapacité de travail était totale du 22 septembre 2020 au 28 février 2022. Au moment de l’évaluation, il existait une capacité de travail dans une activité adaptée de 50% avec un processus de réorientation professionnelle en cours. Le médecin a préconisé la mise en œuvre d’une expertise.

j. Le 15 février 2022, l’assureur a informé l’assurée de la mise en œuvre d’une expertise médicale, laquelle avait été confiée au docteur H______, psychiatre FMH.

k. Par rapport d’expertise du 8 mars 2022, le Dr H______ a diagnostiqué une personnalité borderline sans répercussion sur la capacité de travail. Il s’agissait d’un mode dysfonctionnel durable et présent depuis l’adolescence n’engendrant pas de limitations fonctionnelles. Malgré les traits dysfonctionnels de sa personnalité, l’assurée avait pu travailler pendant un temps prolongé chez différents employeurs. Aucun diagnostic psychiatrique avec impact sur la capacité de travail n’était retenu. En ce qui concernait le déficit de l’attention, il était difficile pour l’expert de se prononcer sur ce diagnostic. Toutefois, même dans l’hypothèse où il convenait de le retenir, il ne serait pas incapacitant. Ce trouble devait exister, par définition, depuis l’enfance. Or, ce trouble n’avait pas empêché l’assurée de faire des études et de travailler. Quant à l’épisode dépressif caractérisé, les critères diagnostiques n’étaient pas réunis. L’arrêt de travail n’était pas justifié du point de vue psychiatrique. Au vu du degré d’autonomie que l’assurée avait dans toutes les activités de la vie quotidienne, une pleine capacité de travail devait être antérieure à la date de l’examen. La poursuite de la formation professionnelle paraissait incompatible avec une incapacité totale de travail.

C. a. Par courrier du 9 mars 2022, l’assureur a informé l’assurée que, compte tenu des conclusions du rapport d’expertise, il considérait qu’elle était apte à travailler à 100% dès le 20 mars 2022. Il cesserait de verser les indemnités journalières dès ce jour.

b. Le 10 mars 2022, l’assurée a contesté les conclusions du rapport d’expertise, ainsi que la « méthode brutale et déstabilisante » utilisée par l’expert. Le
rendez-vous médical s’était « extrêmement mal » passé. L’entretien avait été « émotionnellement très éprouvant » et avait duré plus de deux heures. Elle s’était sentie « agressée » et « bombardée par ses questions ».

c. Le 16 mars 2022, l’assurée a sollicité la poursuite du versement des indemnités journalières pour le mois de mars, soit CHF 5'843.50 (31 x CHF 188.50).

d. Le 21 mars 2022, le Dr H______ s’est déterminé au sujet des observations de l’assurée.

e. Le 29 mars 2022, le docteur I______, psychiatre FMH, s’est déterminé au sujet de l’expertise du Dr H______. Il suivait l’assurée depuis février 2022. Elle présentait une perturbation de l’activité et de l’attention ou TDA-H de type mixte moyen à sévère, une anxiété généralisée et un trouble de personnalité émotionnellement labile, type borderline. À l’heure actuelle, elle était en incapacité de travail totale.

f. Le 19 avril 2022, le Dr H______ s’est déterminé sur les observations du Dr I______. Si l’assurée souffrait d’un TDA-H, il devait être présent depuis l’enfance et, le cas échéant, il faudrait alors conclure que ce trouble ne l’avait pas empêchée d’accomplir sa scolarité et d’avoir un parcours professionnel réussi. Ce trouble ne pouvait dès lors être incapacitant. Il s’agissait uniquement d’un facteur de vulnérabilité. S’agissant de l’anxiété, l’assurée n’avait pas présenté de symptôme de ce trouble.

g. Par courrier du 20 avril 2022, l’assurée a sollicité le versement des indemnités journalières pour les mois de mars et avril 2022.

D. a. Le 29 avril 2022, l’assurée a déposé une demande en paiement par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à ce que l’assureur soit condamné à lui verser la somme de CHF 2'262.50 à titre d’indemnités journalières pour le mois de mars 2022 et CHF 5'655.50 pour le mois d’avril 2022. Elle contestait en substance le résultat du rapport d’expertise du 2 mars 2022.

b. Le 17 mars 2022, l’assurée a sollicité la tenue d’une audience de débats.

c. Par réponse du 16 août 2022, l’assureur a conclu au rejet de la demande en paiement.

Du 22 octobre 2020 au 20 mars 2022, il avait versé CHF 96'889.05 à l’assurée à titre d’indemnités journalières. L’expertise du Dr H______ était fouillée, précise et convaincante. L’expert avait réfuté point par point les arguments développés par le Dr I______. Les médecins traitants se prononçaient du reste généralement en faveur de leurs patients.

d. Le 23 septembre 2022, la chambre de céans a tenu une audience de débats, lors de laquelle l’assurée a sollicité l’audition du Dr I______ et de la Dre D______ et produit un avis médical du Dr I______ daté du 22 mars 2022. L’assureur s’est quant à lui opposé à leur audition.

Lors de l’audience de comparution personnelle, l’assurée a indiqué qu’elle avait été active, en qualité d’assistante administrative et commerciale, dans le domaine de la gestion de fortune et des finances. Il s’agissait d’une activité très stressante pour elle et elle cherchait désormais à se réorienter dans un domaine plus créatif. Sur requête de l’assurance-invalidité, elle avait commencé une formation dans le domaine de l’art auprès de l’IFAGE à raison de quatre heures par semaine durant neuf mois. Cette formation nécessitait deux à trois heures de travail par semaine, en plus des heures de cours. Elle avait la volonté de réussir même si elle avait de la difficulté à se concentrer dans la lecture. Elle avait également suivi une deuxième formation de trois semaines portant sur trois logiciels informatiques. Ces formations étaient obligatoires et l’OAI pouvait procéder à des contrôles. En 2021-début 2022, elle avait coupé tous ses liens sociaux préexistants, sauf avec sa famille. Elle n’avait plus l’énergie de garder le lien avec eux. Elle avait rencontré des nouvelles personnes à la formation mais ne les avait pas vues en dehors des cours. Elle avait vécu l’expertise comme une « agression ».

e. Le 25 novembre 2022, la chambre de céans a procédé à l’audition du Dr I______, lequel a confirmé être le psychiatre traitant de l’assurée depuis 2022. Elle suivait une psychothérapie à raison de deux fois par semaine depuis février 2022, et cela probablement jusqu’en juin 2023. Elle voyait également le médecin toutes les trois semaines. À son sens, l’incapacité entière de travail de l’assurée remontait à 2020, avec une variabilité en intensité et dans la durée. Suite aux observations de l’expert, il souhaitait redéfinir son diagnostic d’anxiété en ce sens que sa patiente présentait une anxiété non spécifiée et non une anxiété généralisée. Elle présentait également des éléments dépressifs et anxieux, une vulnérabilité très importante en lien avec le TDA-H, ainsi qu’un trouble mixte de la personnalité. L’anxiété non spécifiée était dans son cas un trouble incapacitant entraînant une incapacité de travail entière. Le TDA-H était également incapacitant en raison de sa synergie très importante avec l’anxiété. La date du « 22 mars 2022 » mentionnée dans son rapport était une erreur de plume, ledit rapport était en réalité daté de fin juillet 2022. Selon lui, le TDA-H pouvait, à lui seul, entraîner une incapacité de travail même lorsqu’il était présent depuis l’enfance. Un enfant atteint de TDA-H, surtout s’il était intelligent, arrivait à compenser ce trouble, de sorte qu’il pouvait passer inaperçu. Or, plus tard, et en fonction des exigences de la vie, qui allaient en augmentant (par exemple les conflits conjugaux), le TDA-H pouvait devenir incapacitant. Il s’agissait effectivement de deux avis médicaux divergents. À son sens, l’expert avait
sous-estimé l’impact du trouble de TDA-H dans la vie quotidienne de l’assurée, étant précisé qu’elle était en conflit constant avec son époux en raison de ses oublis et inattentions. Elle avait certes accompli certaines tâches, mais au prix d’une « souffrance énorme ». Il contestait l’appréciation de l’expert selon laquelle l’assurée présentait une anxiété contextuelle en lien avec la procédure judiciaire, son anxiété ayant été très présente lors de leur entretien. Selon lui, l’expert n’avait pas pris en compte le fait qu’elle prenait des médicaments. Cela pouvait apporter des indices importants quant à la gravité de son état de santé. Il était exact que l’assurée avait des ressources, mais celles-ci ne tenaient plus, raison pour laquelle elle était dans un service de psychothérapie spécialisé en matière de TDA-H. Le médecin a confirmé avoir attesté d’une capacité de travail de 20% en avril 2022. Il s’agissait d’arranger la situation avec l’assurance-chômage, étant précisé que ce taux d’activité représentait le maximum de capacité qu’il pouvait attester au vu de son état de santé. Avant 2022, l’assurée avait un parcours très lourd qui avait été sous-estimé. Elle avait déjà été suivie par une thérapeute pendant deux ans. Avec la Dre D______, ils étaient très inquiets par rapport à sa situation et une reprise de travail leur paraissait inimaginable. Enfin, le médecin a admis avoir parlé avec l’assurée la veille de l’audience. Il était important pour lui de comprendre pourquoi elle ne se sentait pas entendue et quels éléments du rapport d’expertise elle contestait précisément.

f. Au terme de l’audience, l’assurance a relevé que la valeur probante des déclarations du Dr I______ était limitée. Il avait changé de diagnostic et s’était entretenu avec sa patiente la veille de l’audience. Une expertise n’était pas nécessaire.

Sur quoi, la chambre de céans a imparti un délai à la défenderesse pour se déterminer sur la suite à donner à la procédure.

g. Le 9 décembre 2022, l’assurance a relevé que la chambre de céans était à même de se forger une opinion sans mettre en œuvre une nouvelle expertise. L’expertise du Dr H______ avait valeur probante et il n’existait aucun indice contre sa fiabilité, étant précisé que le fait qu’un médecin traitant ait une opinion divergente ne suffisait pas.

h. Le 16 décembre 2022, l’assurée a contesté la valeur probante de l’expertise du Dr H______. Au vu de la divergence des avis médicaux, elle sollicitait l’audition de témoins, voir une nouvelle expertise.

i. Par ordonnance du 28 février 2023, la chambre de céans a mis en œuvre une expertise judiciaire et l’a confiée au docteur J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

j. Dans son rapport du 15 février 2024, le Dr J______ a posé les diagnostics, avec répercussions sur la capacité de travail, d’état de stress post-traumatique (F43.1), apparition dans l’enfance d’intensité grave, modification durable de la personnalité (F62.0), apparition à l’âge adulte, trouble hyperkinétique avec perturbation de l’activité de l’attention (TDA-H) d’intensité grave (F90.0), apparition dans l’enfance, personnalité émotionnellement labile, type borderline (F60.31) d’intensité grave avec traits histrioniques (F60.4), apparition au début de l’âge adulte, trouble affectif bipolaire type 2 sous traitement médicamenteux (F31.8), d’intensité moyenne, apparition dans le début de l’âge adulte, syndrome douloureux somatoforme probable (F45.4) et migraines (G43), apparition probable dans l’enfance d’intensité moyenne. Il a également diagnostiqué, sans répercussions sur la capacité de travail, un syndrome des jambes sans repos et une hypertension artérielle et précisé qu’il n’y avait pas une exagération de symptômes et que l’atteinte à la santé était significative. L’incapacité de travail était totale depuis le 22 septembre 2020 pour une durée indéterminée aussi bien dans l’activité habituelle que dans l’activité adaptée. Une tentative de réinsertion avait été tentée sans succès. L’ampleur des événements vécus dans son dernier emploi, sa fragilité psychologique préalable, ainsi que l’évolution chronique des troubles constituaient un pronostic sombre quant à la reprise d’une activité professionnelle moyennement structurée. Une psychothérapie adaptée devait être organisée et les résultats étaient à évaluer à moyen et à long terme.

Le stress post-traumatique, jamais traité ni même diagnostiqué comme entité clinique à part entière sur un TDA-H sévère dans un environnement psychosocial et professionnel hostiles avait constitué une structure de personnalité pathologique et une cyclothymie comme preuve d’une grande fragilité psychologique. Les mauvaises conditions de travail qui avaient abouti à un arrêt en septembre 2020 avaient réactivé tout un vécu traumatique avec des grandes difficultés d’adaptation au monde professionnel et relationnel. L’ensemble des troubles diagnostiqués constituait un handicap majeur pour répondre aux exigences du marché de l’emploi : pression psychologique, performances, exigences au niveau de rendement et productivité, acceptation de règles de vie avec les collaborateurs et la hiérarchie.

k. Le 27 février 2024, l’assurée a relevé qu’elle se ralliait à l’expertise « correcte et pertinente » du Dr J______. Elle sollicitait le paiement de CHF 2'262.50 pour la période du 20 au 31 mars 2022 (12 jours) et CHF 5'655.50 pour la période du 1er au 30 avril 2022 (30 jours).

l. Le 14 mai 2024, l’assurance a sollicité la mise en œuvre d’une nouvelle expertise. L’expertise du Dr J______ était « lacunaire et confuse », avait été rédigée « à la hâte » et ne remplissait pas les lignes directrices attendues d’une expertise judiciaire. Elle a produit une évaluation établie par le Dr G______, le 29 février 2024, dont il ressortait que l’expertise ne devait pas être retenue car elle n’était pas suffisamment convaincante, tant dans la structure, que dans la connaissance de la médecine d’assurance par l’expert. Il existait des lacunes et imprécisions manifestes dans l’analyse de points litigieux et l’argumentation des diagnostics, puis des limitations fonctionnelles. Le Dr G______ a notamment relevé que le Dr J______ n’était pas certifié par la SIM et que les lignes directrices sur les expertises de psychiatrie d’assurance de 2016 n’avaient pas été suivies. L’anamnèse de la situation « selon l’assurée » ne ressortait pas de manière explicite et claire, dans un chapitre donné. L’expertise présentait un mélange entre anamnèse au dossier et recueil auprès de l’assurée qui générait une confusion entre la façon dont l’assurée percevait sa situation et la façon dont les professionnels de santé s’étaient déterminés. Il manquait des compléments qui devaient être demandés activement. Les antécédents somatiques n’étaient pas datés précisément et l’expertise ne fournissait pas de journée-type détaillée. Le « suivi spécialisé en TDA-H » n’était pas daté. Le paragraphe intitulé « évaluation clinique et psychologique » était confus. Le contenu de l’expertise du Dr H______ était passé totalement sous silence, alors qu’il contenait de nombreux renseignements cliniques, bien plus détaillés. Le status clinique était incomplet et les diagnostics, de même que les limitations fonctionnelles, n’étaient pas argumentés.

m. Le 20 juin 2024, l’assurée a informé la chambre de céans avoir mandaté une avocate pour la défense de ses intérêts et a sollicité un délai complémentaire pour se déterminer sur l’expertise du Dr J______.

n. L’assurance s’est opposée à cette demande de prolongation, le droit d’être entendu ayant été respecté.

o. Le 28 juin 2024, l’assurée a relevé que l’expertise comportait l’ensemble des éléments devant figurer dans une expertise, soit le résumé du contexte dans lequel elle intervenait, une anamnèse complète, le parcours académique et professionnel et les antécédents somatiques, les diagnostics, le status clinique et les constatations objectives, ainsi que les réponses aux questions de la chambre de céans. Le reproche de n’avoir pas fourni de dates précises aux somatisations était « risible ». Il n’était pas possible de dater précisément les somatisations d’un assuré, ce d’autant plus si elles étaient fréquentes. La présence de somatisations n’avait en outre pas été déterminante pour le diagnostic. S’agissant de l’absence de description d’une journée-type, la mission d’expertise ne demandait pas une telle description. Dans la mesure où il ne s’agissait pas d’examiner si l’assurée était en mesure d’exécuter ses tâches ménagères à son rythme dans un environnement rassurant, mais de déterminer si elle disposait d’une capacité de travail pleine et entière sur le marché de l’emploi, dans un cadre professionnel compétitif et rassurant, cette question n’avait qu’une pertinence relative. L’on ne voyait pas en quoi le fait d’indiquer que son incapacité de travail était totale dans toute activité ne permettait pas de répondre à la sous-question 9.2. Si, par impossible, la chambre de céans devait avoir le moindre doute s’agissant de la qualité de l’expertise judiciaire, elle sollicitait que le rapport du Dr G______ sois soumis à l’expert judiciaire pour détermination.

Elle amplifiait ses conclusions, étant précisé que la chronicisation et l’absence d’amélioration de la capacité de travail constituaient un fait nouveau et l’expertise judiciaire et ses conclusions constituaient un moyen de preuve nouveau. Les conclusions amplifiées relevaient de la même procédure et présentaient un lien de causalité avec la prétention initiale. Elle n’avait été indemnisée que jusqu’au 19 mars 2022. Se retrouvant sans ressources financières, elle avait été contrainte de s’inscrire au chômage avec un certificat de reprise à 20% dans un premier temps, étant rappelé qu’une demande était pendante auprès de
l’assurance-invalidité. Elle avait agi par demande du 29 avril 2022, en sollicitant des indemnités journalières. Il ressortait toutefois de l’expertise judiciaire qu’elle était en réalité toujours en incapacité de travail. Ayant déjà touché 507 indemnités journalières depuis le 22 octobre 2020 jusqu’au 19 mars 2022, elle concluait au paiement d’indemnités journalières jusqu’au 2 novembre 2022, soit le montant de CHF 42'035.50, avec intérêts à 5% l’an dès la date moyenne, soit dès le 12 juillet 2022, sous suite de dépens.

p. Le 24 juillet 2024, l’assurance a relevé que l’expertise du Dr J______ était « lacunaire et confuse », « bâclée », « délivrée en urgence », après avoir été relancé à plusieurs reprises pendant près d’un an par la chambre de céans. Elle ne remplissait au demeurant pas les réquisits des « lignes directrices de qualité des expertises des troubles psychiatriques et psychosomatiques en médecine d’assurance ». Comme le relevait le Dr G______, il eut été utile de connaître la description d’une journée-type de l’assurée pour pouvoir apprécier son incapacité de travail. Le Dr J______ ne s’était du reste pas exprimé sur l’expertise du Dr H______, si bien qu’il était douteux que l’expert ait pris en considération l’intégralité du dossier médical. Elle sollicitait que l’expertise du Dr G______ soit soumise à l’expert judiciaire pour détermination. Vu les lacunes et confusions opérées par le Dr J______, elle sollicitait également la mise en œuvre d’une nouvelle expertise. Elle contestait enfin le bien-fondé de l’amplification des conclusions prises par l’assurée.

q. Le 16 août 2024, l’assurance a exercé son droit « inconditionnel à la réplique ». Les nouvelles conclusions de l’assurée étaient en contradiction avec ses aveux judiciaires lors de son audition devant la chambre de céans du 23 septembre 2022, selon lesquelles, à partir de juillet 2022, elle avait été en « capacité de travail ». Ses nouvelles conclusions, infondées, devaient être rejetées. Si par impossible la chambre de céans devait admettre ces nouvelles conclusions, il ressortait de la pièce 5 défenderesse que l’assurée avait perçu 514 jours d’indemnités journalières, et non 507 comme elle l’affirmait sans le démontrer. L’indemnité à percevoir serait donc de CHF 35'061.- (186 jours [700 – 514 jours] x CHF 188.50). Enfin, l’assurée devait être invitée à produire toutes pièces en relation avec le versement de prestations de l’assurance-chômage. Ces indemnités viendraient en imputation des montants déjà versés. Il convenait également de l’interpeller sur la question du versement des prestations de l’assurance-invalidité.

r. Par ordonnances du 2 septembre 2024, la chambre de céans a invité l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) et la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse de chômage) a indiqué si la demanderesse a perçu des prestations pour la période du 22 octobre 2020 au 2 novembre 2022.

s. Le 10 septembre 2024, l’OAI a indiqué que l’assurée avait bénéficié d’une mesure d’accompagnement personnalisé et de cours de formation. Une décision de refus de prestations avait été rendue le 24 octobre 2022.

t. Le 12 septembre 2024, la caisse de chômage a indiqué avoir versé des indemnités de chômage à l’assurée de mai 2022 au 2 novembre 2022. Si des prestations complémentaires devaient être versées, elle faisait valoir la compensation pour la période concernée.

u. Sur demande de la chambre de céans, les parties ont renoncé à une audience de plaidoiries orales.

v. Le 16 octobre 2024, la demanderesse a précisé qu’elle consentait au remboursement des indemnités journalières concordantes pour les périodes de surindemnisation à la caisse de chômage.

w. Le même jour, la défenderesse a relevé que la caisse de chômage avait considéré que l’assurée était pleinement capable de travailler dès le 1er avril 2022. Or, la défenderesse ne saurait verser des prestations pour cause de maladie alors que l’assurée se déclarait capable de travailler. S’ajoutait à cela que lors de l’audience de comparution personnelle du 23 septembre 2022, elle avait indiqué que son taux d’incapacité de travail était de 60% en mai 2022 et de 20% en juin 2022. À compter de juillet 2022, elle avait une pleine capacité de travail.

x. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la LCA.

Selon les conditions générales d’assurances (CGA), applicables à la police d’assurance, le contrat est régi par la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Selon l’art. 31 CPC, le tribunal du domicile ou du siège du défendeur ou celui du lieu où la prestation caractéristique doit être exécutée est compétent pour statuer sur les actions découlant d’un contrat, étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

En l’occurrence, le ch. F1 des conditions générales d’assurances (CGA), assurance d’une indemnité journalière en cas de maladie, prévoit que le preneur d’assurance ou les ayants droits peuvent intenter une action contre la défenderesse au lieu de leur domicile en Suisse.

La demanderesse ayant son domicile à Genève, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

1.3 Les litiges que les cantons ont décidé de soumettre à une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6 ; ATAS/306/2022 du 31 mars 2022 consid. 3 ; ATAS/199/2022 du 4 mars 2022 consid. 2), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

1.4 Pour le reste, la demande respecte les conditions formelles prescrites par les art. 130 et 244 CPC, ainsi que les autres conditions de recevabilité prévues par l'art. 59 CPC. Elle donc recevable.

2.             Se pose en premier lieu la question de la recevabilité des conclusions amplifiées.

2.1 Conformément à l’art. 243 al. 2 let. f CPC, les litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal sont soumis à la procédure simplifiée. En procédure ordinaire, la modification de la demande est régie par les art. 227 et 230 CPC, qui s'appliquent par analogie à la procédure simplifiée (art. 219 CPC ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 4.4.1).

Selon l’art. 227 al. 1 CPC, la demande peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et si l’une des conditions suivantes est remplie : la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a), la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b). Cette disposition, dont les conditions sont alternatives, détermine à quelles conditions un changement de conclusions est admissible (Philippe Schweizer, in Bohnet et al. [éd.], Code de procédure civile commenté, 2011, n. 14, 17 et 18 ad art. 227 CPC). Il y a connexité matérielle lorsque les deux actions ont le même fondement matériel ou juridique, notamment lorsqu’elles reposent sur un même contrat ou un même état de fait (ATF 129 III 230 consid. 3.1).

L’art. 230 al. 1 CPC précise que la demande ne peut être modifiée aux débats principaux que si : les conditions fixées à l’art. 227 al. 1 sont remplies (let. a) et la modification repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (let. b). L’art. 227 al. 2 et 3 est applicable (al. 2).

Les faits et moyens de preuve nouveaux mentionnés à l'art. 230 al. 1 let. b CPC sont ceux qui peuvent être admis dans la procédure conformément à l'art. 229 CPC. Lorsque le juge établit les faits d'office, des faits et moyens de preuve nouveaux sont admis sans restriction jusqu'aux délibérations, conformément à l'art. 229 al. 3 CPC ; une modification des conclusions pourra alors se fonder sur un tel fait ou un tel moyen de preuve. La maxime inquisitoire ne prive pas de sens la condition posée par l'art. 230 al. 1 let. b CPC. Quand bien même la modification de la demande n'a pas à reposer sur des nova au sens de
l'art. 229 al. 1 CPC, l'exigence de la nouveauté demeure. Le demandeur ne saurait ainsi introduire une nouvelle conclusion en se fondant sur les seuls faits allégués précédemment (arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 4.4.2 et les références mentionnées). 

2.2 En l’espèce, le litige portait initialement sur le paiement de CHF 7'918.-, correspondant aux indemnités journalières pour la période du 20 mars au 30 avril 2022. Dans son écriture du 28 juin 2024, la demanderesse a amplifié ses conclusions et requis à ce titre le versement de CHF 42'035.50 avec intérêts à 5% l'an dès le 12 juillet 2022, correspondant aux indemnités journalières du 20 mars au 2 novembre 2022. La question se pose donc de savoir si la modification de la demande repose sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux.

La demanderesse soutient que l’expertise judiciaire du 15 février 2024 constitue un moyen de preuve nouveau. L’expertise contiendrait par ailleurs des faits nouveaux, soit une chronicisation et une absence d’amélioration de sa capacité de travail.

Ce raisonnement doit être suivi. L’expertise retient en effet une capacité de travail nulle « pour une durée indéterminée », tous les diagnostics ayant une évolution chronique. Cette conclusion vient ainsi contredire celle prise par le Dr H______ dans son rapport d’expertise du 8 mars 2022, qui avait conclu à une capacité de travail entière. On se trouve ainsi en présence d’un moyen de preuve nouveau, postérieur à la demande initiale du 29 avril 2022, justifiant l’augmentation des conclusions de la demanderesse. Le versement des indemnités journalières qu’elle réclame dans son écriture du 28 juin 2024 à hauteur de CHF 42'035.50, contre CHF 7'918.- dans sa demande en paiement du 29 avril 2022, relève de la même procédure et est en lien de connexité matérielle au sens de la définition ci-dessus, puisqu’il résulte d’un différend reposant sur le même état de fait et sur le même rapport juridique.

2.3 Partant, les conclusions amplifiées de la demanderesse sont recevables.

3.             Le litige porte ainsi sur le droit de la recourante aux indemnités journalières de l’assurance perte de gain pour la période du 20 mars 2022 au 2 novembre 2022.

3.1 Sur le plan matériel, la LCA a fait l’objet d’une révision entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (modification du 19 juin 2020 ; RO 2020 4969 ; RO 2021 357).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle qui était en vigueur lors de réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

Selon la disposition transitoire relative à cette modification, seules les prescriptions en matière de forme (let. a) et le droit de résiliation au sens des art. 35a et 35b LCA (let. b) s’appliquent aux contrats qui ont été conclus avant l’entrée en vigueur de cette modification. S’agissant des autres dispositions de la LCA, elles s’appliquent uniquement aux nouveaux contrats (Message concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance, FF 2017 4812).

3.2 En l'occurrence, le contrat d'assurance a été conclu avant le 1er janvier 2022 et l’objet du litige ne porte ni sur des prescriptions en matière de forme, ni sur le droit de résiliation au sens des art. 35a et 35b LCA, de sorte que les dispositions de la LCA applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.3 La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10 ; art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

Le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces ; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).

La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1). Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), en l'absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié ; 130 III 321 consid. 3.1 ; 129 III 18 consid. 2.6 ; 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c ; 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c ; 119 III 60 consid. 2c ; 118 II 142 consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa).

En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation. La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d'appréciation des preuves. L'allégement de la preuve est alors justifié par un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 132 III 715 consid. 3.1 ; 130 III 321 consid. 3.2). Tel peut être le cas de la survenance d'un sinistre en matière d'assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2) ou de l'existence d'un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2). Le degré de preuve requis se limite alors à la vraisemblance prépondérante (die überwiegende Wahrscheinlichkeit), qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance (die Glaubhaftmachung). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ou hypothèses envisageables ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2 ; 132 III 715 consid. 3.1 ; 130 III 321 consid. 3.3).

En vertu de l'art. 8 CC, la partie qui n'a pas la charge de la preuve a le droit d'apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n'apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4). Le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s'il retient qu'une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).

En ce qui concerne la survenance d’un sinistre assuré, le degré de preuve nécessaire est en principe abaissé à la vraisemblance prépondérante (en lieu et place de la règle générale de la preuve stricte ; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3). Le défendeur conserve toutefois la possibilité d’apporter des contre-preuves ; il cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l’exactitude des allégations formant l’objet de la preuve principale (ATF 130 III 321 consid. 3.4).

Cependant, dans un arrêt du 31 août 2021, le Tribunal fédéral a modifié la jurisprudence précitée, en ce sens que l’existence d’un cas d’assurance constitué par une incapacité de travail est désormais soumise au degré de preuve de la preuve stricte (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1 in fine). Par conséquent, la preuve est apportée lorsque le tribunal, en se fondant sur des éléments objectifs, est convaincu de l'exactitude d'une allégation de fait. Il suffit qu'il n'y ait plus de doutes sérieux quant à l'existence du fait allégué ou que les doutes qui subsistent éventuellement paraissent légers (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1).

Cette précision de jurisprudence concerne le droit matériel et est donc directement applicable (ATF 146 I 105 consid. 5.2.1), y compris au présent litige.

3.4 Aux termes de l’art. 168 al. 1 CPC, les moyens de preuve sont le témoignage (let. a) ; les titres (let. b) ; l’inspection (let. c) ; l’expertise (let. d) ; les renseignements écrits (let. e) ; l’interrogatoire et la déposition de partie (let. f).

Le principe de la libre appréciation des preuves s'applique lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des prestations en matière d'assurance sociale. Rien ne justifie de ne pas s'y référer également lorsqu’une prétention découlant d'une assurance complémentaire à l'assurance sociale est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 4.2).

Le principe de la libre appréciation des preuves signifie que le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de statuer sur le droit litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_253/2007 du 13 novembre 2007 consid. 4.2).

En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

L’expertise en tant que moyen de preuve admis au sens de l’art. 168 al. 1 let. d CPC ne vise que l’expertise judiciaire au sens de l’art 183 al. 1 CPC. Une expertise privée n’est en revanche pas un moyen de preuve mais une simple allégation de partie (ATF 141 III 433 consid. 2.5.2 et 2.5.3). Lorsqu’une allégation de partie est contestée de manière circonstanciée par la partie adverse, une expertise privée ne suffit pas à prouver une telle allégation. En tant qu’allégation de partie, une expertise privée peut, combinée à des indices dont l’existence est démontrée par des moyens de preuve, amener une preuve. Toutefois, si elle n’est pas corroborée par des indices, elle ne peut être considérée comme prouvée en tant qu’allégation contestée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_626/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.5).

L'expertise médicale ordonnée durant une procédure fournit au juge les connaissances professionnelles dont celui-ci a besoin pour saisir certains faits juridiquement pertinents et/ou pour pouvoir juger. On ne peut soumettre à un expert que des questions de fait, non des questions de droit, dont la réponse incombe impérativement au juge, qui ne peut pas déléguer cet examen à un tiers (arrêts du Tribunal fédéral consid. 6.2.6 ; 5A_859/2014 précité consid. 4.1.3.1; 5A_795/2013 du 27 février 2014 consid. 5.1.2). Le juge apprécie librement la force probante d’une expertise. La question de savoir s'il est convaincu par le raisonnement de l'expert et s'il va suivre ses conclusions relève donc de l'appréciation des preuves (ATF 141 IV 369 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_700/2021 du 16 septembre 2022 consid. 3.2).

3.5 Les assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale au sens de la LAMal sont soumises au droit privé, plus particulièrement à la LCA ; ATF 124 III 44 consid. 1a/aa). Comme l'art. 100 al. 1 LCA renvoie à la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) pour tout ce qu'elle ne règle pas elle-même, la jurisprudence en matière de contrats est applicable. D'après celle-ci, les conditions générales font partie intégrante du contrat. Les dispositions contractuelles préformulées sont en principe interprétées selon les mêmes règles que les clauses contractuelles rédigées individuellement (ATF 133 III 675 consid. 3.3 ; 122 III 118 consid. 2a ; 117 II 609 consid. 6c)

La LCA ne comporte pas de dispositions particulières à l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident, de sorte qu'en principe, le droit aux prestations se détermine exclusivement d'après la convention des parties (ATF 133 III 185 consid. 2). Le droit aux prestations d'assurances se détermine donc sur la base des dispositions contractuelles liant l'assuré et l'assureur, en particulier des conditions générales ou spéciales d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 5C.263/2000 du 6 mars 2001 consid. 4a).

4.              

4.1 En l’espèce, selon le ch. A1 CGA, faisant partie intégrante de la police d'assurance, le contrat comprend l’indemnité journalière en cas de maladie pour le personnel. Le ch. A4 par. 1 CGA définit la maladie comme suit : « toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n'est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical et provoque une incapacité de travail ». Le ch. A4 par. 2 précise qu'« est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une maladie ».

La défenderesse a, dans un premier temps, versé des indemnités journalières à la demanderesse sur la base des certificats médicaux émis par la Dre D______ qui retenait, sur le plan psychique, un trouble dépressif récurrent avec effet sur la capacité de travail (cf. ses rapports des 4 novembre 2020, 5 mars 2021 et 4 février 2022). Ensuite, en se référant au rapport d’expertise psychiatrique du Dr H______ du 8 mars 2022, établi à sa demande, qui considérait que la demanderesse disposait d'une capacité de travail entière, la défenderesse a cessé de prester, en dernier lieu, au-delà du 20 mars 2022.

Dans l’ordonnance d’expertise du 28 février 2023, la chambre de céans a expliqué les motifs pour lesquels une expertise psychiatrique judiciaire s'avérait nécessaire, l’expertise privée produite par la défenderesse ayant été contestée de manière motivée par le psychiatre traitant de la demanderesse. Il convenait ainsi de clarifier les éventuelles conséquences de son atteinte à la santé psychique sur sa capacité de travail.

L’expertise a été effectuée par le Dr J______, qui, dans son rapport du 15 février 2024, a posé les diagnostics, avec répercussions sur la capacité de travail, d’état de stress post-traumatique (F43.1), apparition dans l’enfance d’intensité grave, modification durable de la personnalité (F62.0), apparition à l’âge adulte, trouble hyperkinétique avec perturbation de l’activité de l’attention (TDA-H) d’intensité grave (F90.0), apparition dans l’enfance, personnalité émotionnellement labile, type borderline (F60.31) d’intensité grave avec traits histrioniques (F60.4), apparition au début de l’âge adulte, trouble affectif bipolaire type 2 sous traitement médicamenteux (F31.8), d’intensité moyenne, apparition dans le début de l’âge adulte, syndrome douloureux somatoforme probable (F45.4) et migraines (G43), apparition probable dans l’enfance d’intensité moyenne. Il a également diagnostiqué, sans répercussions sur la capacité de travail, un syndrome des jambes sans repos et une hypertension artérielle et précisé qu’il n’y avait pas une exagération de symptômes et que l’atteinte à la santé était significative. L’incapacité de travail était totale depuis le 22 septembre 2020 pour une durée indéterminée aussi bien dans l’activité habituelle que dans l’activité adaptée.

Ce rapport est complet, clair et non équivoque et remplit les exigences jurisprudentielles pour se voir reconnaître une pleine valeur probante (ATF 125 V 351 consid. 3). L’expert a constaté en particulier que le stress post-traumatique, jamais traité ni même diagnostiqué comme entité clinique à part entière, sur un TDA-H sévère dans un environnement psychosocial et professionnel hostiles avait constitué une structure de personnalité pathologique et une cyclothymie comme preuve d’une grande fragilité psychologique. Les mauvaises conditions de travail qui avaient abouti à l’arrêt de septembre 2020 avaient réactivé tout un vécu traumatique avec de grandes difficultés d’adaptation au monde professionnel et relationnel. L’ensemble des troubles diagnostiqués constituaient un handicap majeur pour répondre aux exigences du marché de l’emploi : pression psychologique, performances, exigences au niveau de rendement et de productivité, acception de règles de vie avec les collaborateurs et la hiérarchie. Le discours de l’assurée était en accord avec les symptômes cibles d’un déficit de l’attention avec hyperactivité : hyperémotivité, impulsivité, procrastination, troubles des fonctions exécutives avec un handicap certain dans l’organisation, la structuration et la priorisation des tâches ainsi que dans la relation à autrui. Il n’y avait pas eu exagération des symptômes et l’atteinte à la santé était significative. Les activités sociales et de la vie quotidienne étaient très restreintes. Leur niveau avait évolué vers la chronicisation depuis la survenance de l’atteinte à la santé. Elle présentait un trouble de la personnalité d’intensité sévère en ce qui concernait la personnalité émotionnellement labile, type borderline et la personnalité
post-traumatique et moyenne en rapport avec les traits de personnalité histrionique.

La défenderesse ne démontre pas que l’expertise contiendrait des contradictions ou des incohérences intrinsèques.

En tant qu’elle se plaint d’une confusion entre l’anamnèse et les plaintes de l’assurée, force est de constater que l’expert a consacré un chapitre particulier aux « plaintes et données subjectives de la personne ». Il a donc dûment fait la part des choses entre les éléments subjectifs basés sur les douleurs exprimées et leurs constatations médicales objectives pour apprécier la capacité de travail de l'assurée. On ne saurait par ailleurs reprocher à l’expert de n’avoir pas daté spécifiquement les somatisations, étant toutefois précisé qu’il se réfère au diagnostic de probable fibromyalgie de la clinique de la douleur qui, à teneur du dossier, a été posé en février 2021. Quant au « suivi spécialisé en TDA-H », il ressort du dossier à disposition de l’expert, en particulier des déclarations du Dr I______ en audience, qu’il a commencé en février 2022. On comprend ainsi de la description de l’expert qu’à la fin du programme TDA-H, l’assurée a été reprise en charge par sa psychiatre traitante, la Dr D______, dont le lien thérapeutique remonte à septembre 2020. L’éventuelle erreur de date porte, quoi qu’il en soit, sur des faits d'importance secondaire, qui n'entament pas sérieusement la valeur probante de l’expertise. En outre, et comme l’a relevé la demanderesse, le fait que l’expertise ne comprend pas de section spécifique consacrée à la description d’une journée-type ne réduit pas la pertinence des conclusions de l’expert. L’expertise judiciaire comprend en effet suffisamment d’observations sur les difficultés de l’assurée à gérer les activités domestiques et administratives, ses relations sociales fluctuantes entrainant la perte de nouveaux amis et ses relations conjugales difficiles. Selon les indications de l’expert, la demanderesse parle beaucoup, interrompt facilement la conversation, débute un livre mais ne le finit jamais, commence des activités sans les terminer et peine à redémarrer une tâche qu’elle remet à plus tard. Elle n’a pas le contrôle de ses conduites impulsives, semble peu se soucier des conséquences de ses actes, apparaît irraisonnée dans la prise de risques des activités dangereuses et présente des difficultés attentionnelles avec tendance à la procrastination. Sur ces points, les observations du psychiatre traitant de l'assurée complètent utilement l'expertise, puisque dans son rapport du 29 mars 2022, le Dr I______ décrit une efficacité très diminuée sur le plan administratif, une grande difficulté d’organisation, une procrastination, une distractibilité et une tension interne avec un besoin d’agir de manière impulsive. Lors de l’audience devant la chambre de céans, il a également mentionné un conflit constant avec son mari en raison de ses oublis et inattentions, une désorganisation et des changements affectifs. On ne peut au demeurant pas suivre la défenderesse lorsqu’elle reproche à l’expert d’avoir « passé totalement sous silence » le contenu de l’expertise du Dr H______ du 8 mars 2022. Outre que ce rapport figure dans la liste des documents sur la base desquels s’est fondé l’expert (p. 2 du rapport d’expertise), ce dernier a expliqué les raisons pour lesquelles il s’écartait de l’avis du Dr H______. Contrairement à ce que laisse entendre la demanderesse, le fait qu’il ne partage pas son point de vue ne signifie pas encore qu’il n’en ait pas tenu compte. On relèvera en outre que si le rapport d’expertise contient quelques remarques à connotation juridique (telle « le droit d’octroi d’une rente d’invalidité à 100% me semble juste et nécessaire »), ses observations, son analyse et ses conclusions relèvent du seul domaine médical. S’ajoute à cela que le fait que l’expert ne soit pas certifié SIM ne remet pas en cause ses compétences pour expertiser la demanderesse, étant rappelé que cette certification n’est pas exigée pour les expertises judiciaires.

Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la défenderesse, le rapport d’expertise du Dr J______ permet d'examiner le cas de l’assurée à l'aune des indicateurs déterminants applicables aux troubles psychiques, développés par la nouvelle jurisprudence en lien avec les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281 ; 143 V 418 consid. 6 et 7). Les diagnostics ont été dûment motivés par l’expert. S’agissant de l’état de stress post-traumatique, il a notamment expliqué que l’anxiété constituait un des symptômes cardinaux du trouble. Il a également décrit les évènements traumatiques vécus par l’assurée dans le cadre de son anamnèse familiale et personnelle et relevé qu’elle faisait des insomnies et cauchemars, reviviscences et flash-back fréquents anamnestiques. S’agissant du diagnostic de TDA-H, l’expert a relevé en particulier que son discours était en accord avec les symptômes cibles d’un déficit de l’attention avec hyperactivité : hyperémotivité, impulsivité, procrastination, troubles des fonctions exécutives avec un handicap certain dans l’organisation, la structuration et la priorisation des tâches ainsi que dans la relation à autrui. Contrairement à ce que soutient la défenderesse, l’expert a dûment expliqué qu’un TDA-H pouvait ne pas être un problème majeur pour l’apprentissage scolaire et académique. Cette appréciation est du reste corroborée par celle du Dr I______ selon laquelle les tâches accomplies par l’assurée l’avaient été à un prix « très élevé », à savoir un degré de souffrance énorme. Les autres diagnostics posés par l’expert reposent certes sur une motivation plus succincte. L’expert a toutefois dûment expliqué que le TDA-H et l’état de stress post-traumatique étaient fondamentaux pour comprendre la capacité de travail de l’assurée. Le stress post-traumatique, jamais traité ni même diagnostiqué comme entité clinique à part entière sur un TDA-H sévère dans un environnement psychosocial et professionnel hostiles, avait constitué une structure de personnalité pathologique et une cyclothymie comme preuve d’une grande fragilité psychologique. S’agissant des limitations fonctionnelles, il a relevé qu’elles étaient objectivées au moyen des questionnaires standardisés et des évaluations cliniques des différents thérapeutes. Elles demeuraient significatives en rapport avec la qualité de vie de l’assurée. Sous l’angle de la cohérence, l’expert n’a pas constaté d’importantes divergences entre les symptômes décrits et les observations médicales, précisant qu’il n’y avait pas une exagération de symptômes et que l’atteinte à la santé était significative.

C'est enfin en vain que la défenderesse invoque les lignes directrices de qualité des expertises de psychiatrie d'assurance émises par la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie. La question de la force probante de l'expertise doit en effet être tranchée à la lumière des critères posés par la jurisprudence et non en fonction de lignes directrices émanant de la Société suisse de psychiatrie d'assurance, lesquelles n'ont que le caractère de recommandations et non celui d'une norme légale contraignante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_945/2009 du 23 septembre 2010 consid. 5 et les arrêts cités). Or, comme exposé ci-avant, le rapport d’expertise est complet, claire et non équivoque, et ses conclusions sont dûment motivées.

Par conséquent, la demanderesse a prouvé avoir présenté une incapacité de travail totale dans toute activité dès le 22 septembre 2020, date du début du cas de maladie, au 2 novembre 2022, au terme de la période maximale d'indemnisation compte tenu de la déduction du délai d'attente de 30 jours.

Au passage, contrairement à ce que semble suggérer la défenderesse, le fait que le psychiatre traitant ait attesté d'une capacité de travail de 40% en mai 2022, de 80% en juin 2022, et de 100% en juillet 2022 ne discrédite pas les conclusions du Dr J______. Le Dr I______ a en effet dûment expliqué en audience que ces taux d’incapacité avaient été attestés afin « d’arranger la situation avec l’assurance-chômage ». Sans la demande de l’assurée, il n’aurait « probablement pas » attesté de reprise de travail. L’assurée a quant à elle expliqué devant la chambre de céans qu’elle n’avait pas accès à des indemnités pour perte de gain, si bien qu’elle avait été contrainte de chercher un emploi à temps plein.

4.2 Reste à déterminer le montant de l'indemnité journalière.

En l'espèce, la police d'assurance prévoit une indemnité journalière en cas de maladie s’élevant à 90% du salaire assuré, versée pendant 730 jours au maximum, sous déduction d'un délai d'attente de 30 jours. Il n’est pas contesté que l’assurée était déjà malade au moment où son contrat de travail a été résilié, si bien que la perte de gain correspond à sa perte de salaire (ATF 147 III 73 consid. 3.2 et 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_417/2023 du 1er octobre 2024 consid. 6.1). 

L’indemnité journalière s’élève ainsi à CHF 188.50 par jour, soit CHF 76'444.- (salaire annuel)/12 x 90%, ce qui n’est pas contesté. En conséquence, la demanderesse peut prétendre un montant total de CHF 131’950.- (700 jours × 188.50) à titre d'indemnités journalières en cas de maladie pour la période du 22 octobre 2020, à l'échéance du délai d'attente de 30 jours, au 22 septembre 2022, date de l'épuisement des prestations LCA. Il y a lieu de déduire de ce montant la somme de CHF 96'889.05 déjà reçue par la demanderesse à ce titre pour la période du 22 octobre 2020 au 19 mars 2022 (correspondant à 514 jours) selon le décompte de la défenderesse (pièce 5 défenderesse). Il en résulte ainsi un montant de CHF 35'061.-.

5.             La demanderesse réclame enfin des intérêts moratoires de 5% dès la date moyenne, soit dès le 12 juillet 2022.

5.1 L'art. 41 al. 1 LCA dispose que la créance qui résulte du contrat est échue quatre semaines après le moment où l'assureur a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de la prétention. Les « renseignements » au sens de l'art. 41 LCA visent des questions de fait, qui doivent permettre à l'assureur de se convaincre du bien-fondé de la prétention de l'assuré (cf. l'intitulé de l'art. 39 LCA). Ils correspondent aux devoirs de déclaration et de renseignement institués par les art. 38 et 39 LCA (cf. ATF 129 III 510 consid. 3 p. 512 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_58/2019 du 13 janvier 2020 consid. 4.1 ; 4A_489/2017 du 26 mars 2018 consid. 4.3 ; 4A_122/2014 du 16 décembre 2014 consid. 3.5 ; BREHM, Le contrat d'assurance RC, 1997, n. 512 et 515 s.). Le délai de délibération de quatre semaines laissé à l'assureur ne court pas tant que l'ayant droit n'a pas suffisamment fondé sa prétention ; tel est par exemple le cas lorsque, dans l'assurance contre les accidents, l'état de santé véritable de l'ayant droit n'est pas éclairci parce que ce dernier empêche le travail des médecins (arrêt du Tribunal fédéral 4A_307/2008 du 27 novembre 2008 consid. 6.3.1 ; JÜRG NEF, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 2001, n° 15 ad art. 41 LCA).

Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (art. 102 al. 1 CO en lien avec l'art. 100 al. 1 LCA). L'intérêt moratoire de 5% l'an (art. 104 al. 1 CO) est dû à partir du jour suivant celui où le débiteur a reçu l'interpellation, ou, en cas d'ouverture d'une action en justice, dès le lendemain du jour où la demande en justice a été notifiée au débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 5C.177/2005 du 25 février 2006 consid. 6.1). Toutefois, lorsque l'assureur refuse définitivement, à tort, d'allouer des prestations, on admet, par analogie avec l'art. 108 ch. 1 CO, qu'une interpellation n'est pas nécessaire ; l'exigibilité et la demeure sont alors immédiatement réalisées (arrêts du Tribunal fédéral 4A_16/2017 du 8 mai 2017 consid. 3.1 ; 4A_122/2014 précité consid. 3.5 ; 4A_206/2007 du 29 octobre 2007 consid. 6.3 ; 5C.18/2006 du 18 octobre 2006 consid. 6.1 in fine ; cf. NEF, op. cit., n° 20 in fine ad art. 41 LCA, et GROLIMUND/VILLARD, in Basler Kommentar, Nachführungsband 2012,
n. 20 ad art. 41 LCA). Un débiteur peut valablement être interpellé avant même l'exigibilité de la créance (ATF 103 II 102 consid. 1a ; Rolf WEBER, Berner Kommentar, 2000, n. 102 ad art. 102 CO). La demeure ne déploie toutefois ses effets qu'avec l'exigibilité de la créance (cf. ATAS/1176/2019 du 18 décembre 2019).

L'intérêt moratoire n'est dû que depuis le début de la demeure, c'est-à-dire le jour suivant la réception de l'interpellation du débiteur - cas échéant le lendemain de la notification au débiteur de la demande en justice ou du commandement de payer (Luc THEVENOZ, in Commentaire romand, Code des obligations I ad art. 104 CO, n. 9 p. 621).

5.2 En l’espèce, les conditions générales ne prévoient aucun terme pour l'exigibilité des prestations qui y sont stipulées. En cas d'ouverture d'une action en justice, l'intérêt moratoire de 5% l'an est dû dès le lendemain du jour où la demande en justice a été notifiée au débiteur, soit le 30 avril 2022. La demanderesse conclut au versement d’intérêts moratoires à compter d’une date moyenne, soit le 12 juillet 2022. Cette date peut ainsi être retenue.

6.             Se pose encore la question de savoir s’il y a lieu de déduire, du montant des indemnités dues par la défenderesse, les indemnités de chômage dont a bénéficié la demanderesse.

6.1 L’art. 28 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0) prescrit que les assurés qui ne sont pas aptes ni à travailler ni à être placés ou ne le sont que partiellement en raison d’une maladie, d’un accident ou d’une grossesse et qui de ce fait ne peuvent satisfaire aux prescriptions de contrôle, ont droit à la pleine indemnité journalière, sous réserve du respect des autres conditions légales jusqu’au trentième jour suivant le début de l’incapacité de travail totale ou partielle, mais pour une durée maximale de quarante-quatre indemnités journalières. Selon l’al. 2 de cette disposition, les indemnités journalières de l’assurance-maladie ou de l’assurance-accident qui représentent une compensation de la perte de gain sont déduites de l’indemnité de chômage.

L’art. 28 al. 2 LACI consacre le principe de subsidiarité du versement de l’indemnité de chômage par rapport à l’indemnité perte de gain maladie ou accident. Son but est de prévenir une surindemnisation. Il ne fait pas de différence que l’indemnité soit versée par une assurance soumise à la LAMal ou à la LCA (Boris RUBIN, commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ad art. 28, p. 283).

6.2 Selon le ch. B10 CGA, lorsque l’assuré a droit, pour la même période, à des prestations en espèces servies par l’assurance-invalidité, par l’assurance-accidents, par l’assurance militaire, par l’assurance-chômage, par la prévoyance professionnelle, par des assurances étrangères correspondantes ou par un tiers responsable, AXA complète ces prestations dans les limites de sa propre obligation de fournir des prestations, et ce, jusqu’à concurrence de l’indemnité journalière assurée.

Dans un arrêt publié aux ATF 144 III 136, le Tribunal fédéral a retenu qu’en vertu de l’art. 28 al. 2 et 4 LACI, l’assurance chômage était subsidiaire à l'assurance privée couvrant la perte de gain occasionnée par une maladie. L'assureur privé n’était ainsi pas dispensé de fournir les prestations dues contractuellement sous prétexte que l'assurance-chômage avait versé à l'assuré de pleines indemnités provisoires (ATF 144 III 136 consid. 4).

6.3 En application de la jurisprudence précitée, il n’y a pas lieu de déduire l’indemnité versée par le chômage de celle due par la défenderesse. Afin d’éviter une surindemnisation durant la période litigieuse, il convient de communiquer le présent arrêt à la caisse de chômage, à charge pour elle de réviser ses décisions pour supprimer en tout ou en partie de l’indemnité de chômage dont a bénéficié la demanderesse.

7.             En conséquence, la demande en paiement est partiellement admise, en ce sens que la défenderesse sera condamnée à verser à la demanderesse le montant de CHF 35'061.-, représentant le solde d’indemnités journalières pour perte de gain selon la LCA pour la période du 20 mars 2022 au 22 septembre 2022, avec intérêts à 5% l’an dès le 12 juillet 2022.

Au vu de ce qui précède, la chambre de céans disposant de tous les éléments nécessaires pour statuer sur le droit de la demanderesse à des indemnités journalières, il est superflu d’administrer la preuve sollicitée par la défenderesse, soit la mise en œuvre d’une nouvelle expertise judiciaire.

8.             Il convient enfin de se prononcer sur les frais de la procédure.

8.1 Les frais d'expertise judiciaire constituent des frais d'administration des preuves au sens de l'art. 95 al. 2 let. c CPC. Selon l'art. 114 let. e CPC, il n'est pas perçu de frais judiciaires dans la procédure au fond pour les litiges portant sur des assurances complémentaires à l'assurance-maladie au sens de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie. Cela signifie donc que l'intégralité des frais engendrés par la conduite et l'instruction du procès demeure à la charge de l'État.

Les frais de l'expertise judiciaire mise en œuvre dans la présente cause demeurent ainsi à la charge de l'État.

8.2 La demanderesse, représentée par une avocate, obtient gain de cause, de sorte qu’elle a droit à des dépens.

8.2.1 Les cantons sont compétents pour fixer le tarif des frais comprenant les dépens (art. 96 CPC en relation avec l’art. 95 al. 3 let. b CPC). Le législateur genevois a notamment prévu que dans les contestations portant sur des affaires pécuniaires, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Il est fixé, dans les limites figurant dans un règlement du Conseil d'État, d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 20 al. 1 de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05]).

Le règlement cité à l’art. 20 précité est le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10), lequel détermine notamment le tarif des dépens, applicable aux affaires civiles contentieuses (art. 1 RTFMC). Ceux-ci sont, en principe, mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Le RTFMC rappelle, à son art. 84, le principe de l’art. 20 al. 1 LaCC, à savoir que le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé. L’art. 85 al. 1 RTFMC prévoit que pour les affaires pécuniaires, le défraiement prend pour base le tarif ci-dessous. Sans préjudice de l'art. 23 LaCC, il peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'art. 84. Lorsque la valeur litigieuse est au-delà de CHF 40'000.- jusqu’à CHF 80'000.-, le défraiement est de CHF 6'100.-, plus 9% de la valeur litigieuse dépassant CHF 40'000.-. Selon l’art. 23 al. 1 LaCC, lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la présente loi et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus.

En l’occurrence, la valeur litigieuse, telle que définie par les conclusions de la demanderesse, s’élève à CHF 42'035.50, ce qui correspond à des dépens de CHF 6'283.20 selon l’art. 85 al. 1 RTFMC, auxquels il convient d’ajouter la TVA (8,1% ; art. 25 al. 1 et 115 al. 1 de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée du 12 juin 2009 [LTVA - RS 641.20] dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2024) et les débours (3%), de sorte que le montant total, arrondi, s’élève à CHF 6’981.- (art. 25 et 26 al. 1 de la loi d’application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012
[LaCC - E 1 05] ; art. 84 et 85 RTFMC). Conformément à l’art. 106 al. 2 CPC, ce montant doit être réparti selon le sort de la cause. La demanderesse obtient environ 85% de ses conclusions. Les CHF 6'981.- doivent être répartis comme suit : CHF 5'934.- à la charge de la défenderesse et CHF 1'047.- à la charge de la demanderesse, ce qui revient, après compensation, à CHF 4'887.- à la charge de la défenderesse. Enfin, il convient de tenir compte du fait que la représentante de l’assurée n’est intervenue qu’au stade des déterminations après expertise. Elle n’a pas rédigé la demande, ni participé aux deux audiences devant la chambre de céans. Ainsi compte tenu de la complexité du dossier, qui contient une expertise judiciaire, mais aussi du temps de travail effectif de l’avocate pour l’élaboration de deux écritures (art. 20 al. 1 LaCC et 23 al. 1 LaCC), il convient de réduire les dépens à CHF 3’250.-, ce qui correspond aux deux tiers du montant précité.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).

 

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande en paiement du 29 avril 2022 recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Condamne la défenderesse à verser à la demanderesse le montant de CHF 35'061.-., représentant le solde d’indemnités journalières pour perte de gain selon la LCA pour la période du 20 mars 2022 au 22 septembre 2022, avec intérêts à 5% l’an dès le 12 juillet 2022.

4.        Condamne la défenderesse à verser à la demanderesse une indemnité de dépens de CHF 3’250.-.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le