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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4003/2023

ATAS/675/2024 du 06.09.2024 ( LAA ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4003/2023 ATAS/675/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 septembre 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Kader SEBBAR, avocat

recourant

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS - SUVA

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), ressortissant français né en 1971, domicilié en France, a été engagé en qualité d’employé de catering à plein temps par A______ (ci-après : l’employeur). À ce titre, il était assuré contre le risque d’accident, professionnel ou non, auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : la SUVA).

b. Selon une déclaration de sinistre datée du 6 mai 2022, l’assuré a été victime d’un accident le 10 avril 2022 : alors qu’il voulait monter à bord d’un camion, il a glissé sur le sol mouillé et son coude gauche a heurté le rebord du véhicule ; n’ayant pas éprouvé trop de douleurs sur le moment, il a continué à travailler, mais les douleurs se sont intensifiées de jour en jour.

c. Le 17 mai 2022, la SUVA a annoncé à l’assuré qu’elle prenait le cas en charge.

d. Le 19 septembre 2022, l’assuré a été opéré du coude gauche.

e. Le 10 juillet 2023, le service médical de la SUVA a estimé que l’événement du 10 avril 2022 avait totalement cessé de déployer ses effets le 27 juin 2022 au plus tard et qu’en conséquence, l’intervention du 19 septembre 2022 n’était pas en lien de causalité pour le moins probable avec l’événement.

f. Par décision du 21 juillet 2023, confirmée sur opposition le 10 octobre 2023,
la SUVA a informé l’assuré qu’elle mettait fin à sa prise en charge (indemnités journalières et frais de traitement) avec effet au 18 septembre 2022.

B. a. Le 24 novembre 2023, l’assuré, représenté par un avocat, a saisi la Cour de céans d’un recours contre la décision sur opposition du 10 octobre 2023, en concluant en substance à son annulation et à l’octroi de prestations au-delà du 18 septembre 2022.

b. Par pli du 1er décembre 2023, le greffe de la Cour de céans a invité l’intimée à fournir la preuve de la date à laquelle la décision sur opposition du 10 octobre 2023 avait été reçue par son destinataire (récépissé postal).

c. Par courrier du 14 décembre 2023, l’avocat du recourant a allégué que « s’agissant de la preuve de la date à laquelle [le recourant] a reçu la décision sur opposition du 10 octobre 2023, celui-ci ne détient pas de récépissé de la poste car il a reçu un courrier simple et de ce fait, il est dans les délais pour agir ».

d. Le 12 janvier 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours.

e. Par courrier du 19 janvier 2024, la Cour de céans a accusé réception de cette écriture et fait remarquer à l’intimée qu’elle n’avait pas donné suite à sa demande de preuve de notification, le recourant alléguant que la décision litigieuse lui avait été notifiée sous pli simple.

f. Par courrier du 25 janvier 2024, l’intimée a répondu à la Cour de céans que la décision sur opposition n’avait pas été expédiée par pli simple, mais par courrier recommandé – portant le numéro d’envoi 1______. Selon les suivis des postes suisse et française, produits en annexe, il ressortait du document émis par la Poste suisse que l’envoi avait été déposé au bureau de poste de Zurich Mülligen le 10 octobre 2023 et était arrivé « au pays de destination » le lendemain. Confirmant cette information, le suivi de la poste française précisait que, le 11 octobre 2023, l’envoi avait été « trié sur sa plateforme de départ » et que le 12 octobre 2023, il était « en cours de transport vers son site de livraison ». Pour le reste, aucune information n’était donnée quant aux étapes subséquentes d’acheminement du « courrier international N° 1______ ».

L’intimée a mentionné que la poste française avait ainsi échoué à la renseigner précisément sur la date de la notification de la décision.

g. Le 26 janvier 2024, la Cour de céans a invité le recourant à la renseigner, cas échéant pièces à l’appui, sur la date de réception de la décision et/ou sur d’éventuelles circonstances qui l’auraient empêché d’agir dans le délai légal de 30 jours.

h. Par pli du 23 février 2024, l’avocat du recourant s’est contenté de souligner une nouvelle fois l’impossibilité pour l’intimée d’apporter la preuve de la date exacte de la notification de sa décision, en tirant la conclusion qu’il n’y avait donc pas d’obstacle à ce que son mandant « puisse faire valoir ses droits ».

i. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Conformément à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du dépôt du recours.

En vertu de l’art. 58 al. 2 LPGA, si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse. En l’espèce, le recourant est domicilié en France et a travaillé en dernier lieu pour un employeur sis à Genève (« B______ » selon la déclaration de sinistre). Bien qu’il s’agisse de la succursale genevoise d’une société à responsabilité limitée dont le siège principal se trouve à Opfikon, dans le canton de Zurich, la compétence à raison du lieu de la Cour de céans est donnée. En effet, selon la jurisprudence, il y a lieu d’admettre l’existence d’un for au lieu de la succursale lorsqu’il constitue pour le litige un point de rattachement prépondérant. Tel est le cas lorsque l’assuré a travaillé pour la succursale d’une société, dans un canton différent du siège principal (arrêt du Tribunal fédéral 8C_872/2017 du 3 septembre 2018 consid. 6.5).

La compétence ratione loci de la Cour de céans apparaît donc également établie.

1.3 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.4 La procédure devant la Cour de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA –
E 5 10).

2.             La question du respect du délai de recours est contestée. Il convient donc d’examiner cette question en premier lieu, étant rappelé qu’aux termes de l’art. 60 al. 1 LPGA, un recours doit être déposé dans les 30 jours suivant la notification de la décision querellée.

2.1 La notification d’une décision à l’étranger est un acte de puissance publique susceptible de violer la souveraineté de l’État sur le territoire duquel cette notification a lieu ; en l’absence d’une règle internationale engageant les États concernés ou du consentement de l’État sur le territoire duquel la notification a lieu, seule la notification par voie diplomatique est possible (ATF 136 V 295 consid. 5.1 ; 135 III 623 consid. 2.2 ; 124 V 47 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_160/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2017 du 9 avril 2018 consid. 4.1).

2.2 En l’espèce, le recourant est résident et citoyen français. Il convient donc d’examiner si le droit international social applicable dans la relation entre la France et la Suisse à l’époque des faits prévoit une règle spéciale permettant de déroger au principe de la notification par voie diplomatique.

2.3  

2.3.1 Selon l’art. 8 de l’accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP – RS 0.142.112.681), les parties règlent, conformément à l’annexe II, la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le but d’assurer notamment l’égalité de traitement (let. a), la détermination de la législation applicable (let. b), ou encore le paiement des prestations aux personnes résidant sur le territoire des parties contractantes (let. d).

Aux termes de l'art. 1 par. 1 de l'annexe II à l'ALCP, en relation avec la section A de cette annexe, les parties contractantes appliquent entre elles en particulier le règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le règlement (CE) n°988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (RS 0.831.109.268.1).

Ratione temporis, l’ALCP et le règlement n°883/2004 sont applicables en l’espèce, l’envoi de la décision sur opposition du 10 octobre 2023 étant postérieur à leur entrée en vigueur. La règlementation citée est aussi applicable du point de vue personnel – ressortissant d’un État membre, le recourant doit être considéré comme un travailleur soumis ou ayant été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres (art. 2 par. 1 du règlement n°883/2004) – et matériel, le règlement n°883/2004 s’appliquant à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles (art. 3 par. 1 let. f. du règlement n° 883/2004).

2.3.2 Selon l’art. 76 par. 3 du règlement n°883/2004 – dont le texte correspond à l’art. 84 par. 3 du règlement n°1408/71 en vigueur pour la Suisse jusqu’au 31 mars 2012 –, aux fins du règlement, les autorités et les institutions des Etats membres peuvent communiquer directement entre elles, ainsi qu’avec les personnes intéressées ou leurs mandataires.

L’art. 4 par. 4 al. 2 du règlement n°987/2009 précise que l’institution compétente notifie sa décision au demandeur qui réside ou séjourne dans un autre État membre, directement ou par l’intermédiaire de l’organisme de liaison de l’État membre de résidence ou de séjour. Lorsqu’elle refuse de servir les prestations, elle indique également les motifs du refus, les voies de recours et les délais impartis pour former un recours. Une copie de cette décision est transmise aux autres institutions concernées.

L’art. 3 par. 3 du règlement n°574/72 – qui a été remplacé par l’art. 4 par. 4 al. 2 du règlement n°987/2009 avec effet au 1er avril 2012 pour la Suisse –, prévoyait que « les décisions et autres documents émanant d’une institution d’un État membre et destinés à une personne résidant ou séjournant sur le territoire d’un autre État membre peuvent lui être notifiés directement par envoi recommandé avec accusé de réception ».

Dans l’ATF 136 V 295 cité supra, le Tribunal fédéral a jugé que, selon une pratique constante, la notification à l’étranger d’un acte officiel, tel qu’un acte judiciaire ou une décision administrative, constitue un acte d’autorité qui, sauf disposition conventionnelle contraire ou consentement de l’État dans lequel la notification doit être effectuée, doit se faire par la voie diplomatique ou consulaire (ATF 125 V 47 consid. 3a), à moins qu’il ne s’agisse d’une communication de nature purement informative, sans effet juridique, auquel cas elle peut être notifiée directement par la poste. Le non-respect de ces principes entraîne une violation de la souveraineté de l’Etat étranger et donc du droit international public. Ainsi, les « décisions et autres documents » au sens de l’art. 3 par. 3 du règlement n°574/72 doivent être compris comme les documents qui, en l’absence d’une disposition conventionnelle expresse, devraient être transmis par la voie diplomatique pour être valablement notifiés, sauf s’il s’agit de communications de nature purement informative dépourvues d’effets juridiques (ATF 136 V 295 consid. 5.1 et 5.5 et les références).

Dans un arrêt 2C_478/2017 du 9 avril 2018 consid. 5.4, le Tribunal fédéral a renversé des jurisprudences antérieures non publiées qui avaient appliqué en matière de notification internationale la jurisprudence relative aux notifications irrégulières internes à la Suisse.

En outre, le Tribunal fédéral a précisé qu’un acte d’une autorité suisse violant la souveraineté d’un autre État devait en principe en tout cas être annulé (ATF 142 III 355 consid. 3.3.3 ; 124 V 47 consid. 4).

Cependant, dans un arrêt 2C_160/2019 du 5 novembre 2019 rendu en matière de fiscalité internationale, le Tribunal fédéral a considéré qu’une notification réalisée en violation des règles d’assistance administrative internationale prévues par un traité international liant la Suisse, et ainsi en violation de la souveraineté d’un autre État, devait néanmoins être considérée comme valable dès lors qu’elle avait atteint son but (cf. ci-après : consid. 2.3.3). Certes, cette jurisprudence, qui n’a été ni publiée, ni reprise telle quelle depuis lors, semble contredire la jurisprudence publiée récente en matière de notification internationale en procédure pénale (ATF 147 IV 518 consid. 3.3). L’arrêt 2C_160/2019 précité mentionne toutefois clairement que les arrêts antérieurs ont été « pris en compte » et s’en écarte. Il s’agit donc d’un renversement de la jurisprudence publiée et non publiée, soit en particulier des arrêts ATF 124 V 47 et 2C_478/2017, qui lie la Cour de céans (cf. arrêt de principe ATAS/644/2022 du 5 juillet 2022 consid. 5.2).

2.3.3 Il convient de distinguer la notification irrégulière de l’absence totale de notification. Un jugement ou une décision n’existent légalement qu’une fois qu’ils ont été officiellement communiqués aux parties. Tant qu’ils ne l’ont pas été, ils sont réputés inexistants (Nichturteil) (cf. ATF 142 II 411 consid. 4.2 ;
122 I 97 consid. 3a/bb).

Une notification menée à bien – même entachée d’irrégularité – peut atteindre son but. Il y a lieu d’examiner, d’après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l’irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient à cet égard de s’en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l’invocation du vice de forme ; ainsi l’intéressé doit agir dans un délai raisonnable dès qu’il a connaissance, de quelque manière que ce soit, de la décision qu’il entend contester (cf. ATF 122 I 97 consid. 3a/aa; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1021/2018 du 26 juillet 2019 consid. 4.2; 2C_309/2018 du 10 septembre 2018 consid. 4.1; 2C_408/2016 et 2C_409/2016 du 19 juin 2017 consid. 2.1 et 3.2; 2C_827/2015 et 828/2015 du 3 juin 2016 consid. 3.3, non publiés in ATF 142 II 411; 8C_130/2014 du 22 janvier 2015 consid. 2.3.2, in SJ 2015 I 293).

Cela signifie notamment qu’une décision, fût-elle notifiée de manière irrégulière, peut entrer en force si elle n’est pas déférée au juge dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_160/2019 du 5 novembre 2019 consid. 4.1 et les références).

2.3.4 Lorsque l’acte n’a pas été reçu valablement, de sorte que sa connaissance a été reportée à une date ultérieure, c’est cette dernière qui sera retenue pour le calcul du délai (Yves DONZALLAZ, La notification en droit interne suisse p. 563 n. 1194). Le fardeau de la preuve de la notification d’un acte et de sa date incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. En ce qui concerne plus particulièrement la notification d’une décision ou d’une communication de l’administration, elle doit au moins être établie au degré de la vraisemblance prépondérante requis en matière d’assurance sociale (ATF 121 V 5 consid. 3b). L’autorité supporte donc les conséquences de l’absence de preuve (ou de vraisemblance prépondérante) en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi (ATF 129 I 8 consid. 2.2; ATF 124 V 400 consid. 2a et les références). La preuve de la notification peut néanmoins résulter d’autres indices ou de l’ensemble des circonstances, par exemple d’un échange de correspondance ultérieur ou du comportement du destinataire (ATF 105 III 43 consid. 2a).

2.3.5 En vertu de l’art. 16 al. 1 LPA, le délai légal ne peut être prolongé (cf. également art. 40 al. 1 LPGA). Il s’agit là de dispositions impératives auxquelles il ne peut être dérogé (ATF 119 II 87 ; 112 V 256). En effet, la sécurité du droit exige que certains actes ne puissent plus être accomplis passé un certain laps de temps : un terme est ainsi mis aux possibilités de contestation, de telle manière que les parties sachent avec certitude que l’acte qui est l’objet de la procédure est définitivement entré en force (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. 2, Berne 1991, p. 181).

2.3.6 En l’occurrence, il n’est pas contesté que la décision litigieuse a été notifiée directement au domicile français du recourant, par courrier recommandé posté le 10 octobre 2023. Le suivi de la poste française ne permet cependant pas de déterminer à quelle date exacte le pli a été distribué. Cela étant, le recourant n’a pas non plus donné d’indications quant à la date de la réception de la décision litigieuse, bien que la Cour de céans l’ait expressément interrogé sur ce point.

Se pose tout d’abord la question de savoir si l’art. 4 par. 4 al. 2 du règlement n°987/2009 instaure un régime différent de l’art. 3 par. 3 du règlement n°574/72 discuté dans l’ATF 136 V 295 cité supra. La question souffre de rester indécise. En effet, même dans l’hypothèse où cette jurisprudence conserverait son actualité sous l’empire de l’art. 4 par. 4 al. 2 du règlement n°987/2009, il n’en resterait pas moins que la décision litigieuse a été communiquée au recourant.

En outre, du fait qu’il se dessine une tendance entre la Suisse et la France sur le plan du droit administratif et fiscal, à accepter des notifications directes par voie postale, il découle qu’une notification par cette voie, en dehors de tout accord, ne constitue pas une violation particulièrement grave de la souveraineté des États concernés, qui serait propre à entraîner une absence totale d’effet de la notification (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_160/2019 précité, consid. 4.1).

Compte tenu de l’évolution jurisprudentielle et pratique décrite ci-dessus, on ne peut donc pas considérer que la décision sur opposition du 10 octobre 2023 serait inexistante et ne déploierait aucun effet juridique, puisque le recourant en a pris connaissance et qu’il l’a annexée à son acte de recours. Elle lui est donc opposable.

Reste à examiner si le recourant peut se prévaloir d’une éventuelle irrégularité de la notification.

À cet égard, il y a lieu de relever que le recourant ne prétend pas que la décision litigieuse aurait dû lui être notifiée par voie diplomatique ou consulaire, pas plus qu’il n’affirme que le non-respect de cette voie l’aurait induit en erreur. En outre, il ressort de la correspondance échangée antérieurement à cette décision, que les parties ont communiqué efficacement entre elles par voie postale par le passé. En attestent notamment la décision (initiale) du 21 juillet 2023, adressée par courrier recommandé au domicile de l’intéressé, ainsi que l’opposition que ce dernier a formée le 3 août 2023 à l’encontre de cette décision (cf. dossier intimée, doc. 78 et 81). Le recourant ne s’était alors pas plaint du mode de notification de la décision initiale.

Dans son écriture du 23 février 2024, il fait valoir par l’entremise de son conseil que le « défaut de preuve de la distribution du courrier adressé[e] (…) ne doit aucunement être un obstacle à ce [qu’il] puisse faire valoir [ses] droits ». À bien suivre ce raisonnement, le fait d’avoir reçu la décision litigieuse sans que l’intimée puisse apporter la preuve de la date de sa notification ouvrirait ainsi la possibilité à l’assuré d’interjeter recours sans limite de temps. Une telle solution est inconciliable non seulement avec la sécurité du droit (cf. ci-dessus : consid. 2.3.5), mais aussi avec les règles de la bonne foi (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_202/2014 et 9C_209/2014 du 11 juillet 2014 consid. 4.2 in fine), lesquelles impliquent que l’intéressé déclare à quelle date il a reçu la décision litigieuse, comme la Cour de céans l’y a expressément invité en vain.

En l’absence de toute allégation du recourant quant à la date de réception de la décision, il y a lieu de se référer aux éléments recueillis lors de l’instruction. On constate que, selon la dernière inscription du suivi de la poste française, datée du 12 octobre 2023, la décision litigieuse était « en cours de transport vers son site de livraison ». On relève également que le recours, posté le 24 novembre 2023, aurait été interjeté à temps – soit dans le délai de 30 jours – si ladite décision avait été notifiée au plus tôt le 25 octobre 2023. Sachant par ailleurs que le recourant réside à une faible distance de la frontière franco-suisse (Annemasse), il apparaît pour le moins douteux qu’un envoi recommandé arrivé dans le pays de destination le 11 octobre 2023 ne soit pas parvenu à son destinataire avant le 25 octobre 2023.

Il ressort de ce qui précède que l’on peut considérer comme établi que le recours a été interjeté tardivement. En effet, aucun élément ne donne à penser qu’un obstacle exceptionnel aurait prolongé la durée d’acheminement dans le pays de destination de deux semaines. En particulier et surtout, le recourant, bien qu’interpellé expressément à ce sujet, n’allègue aucune date de notification.

3.             Se pose à présent la question d’une éventuelle restitution du délai de recours.

3.1 Aux termes de l’art. 41 LPGA (applicable selon les art. 3 let. dbis de la loi fédérale sur la procédure administrative [PA - RS 172.021] et 55 al. 2 LPGA, en relation avec l’art. 60 al. 2 LPGA), si le requérant ou son mandataire a été empêché, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé, celui-ci est restitué pour autant que, dans les 30 jours à compter de celui où l’empêchement a cessé, le requérant ou son mandataire ait déposé une demande motivée de restitution et ait accompli l’acte omis.

3.2 L’art. 41 al. 1 LPGA subordonne la restitution à l’absence de toute faute.

Par « empêchement non fautif » d’accomplir un acte de procédure, il faut comprendre non seulement l’impossibilité objective ou la force majeure – par exemple en raison d’une maladie psychique entraînant une incapacité de discernement (ATF 108 V 226 consid. 4 ; voir également l’arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 468/05 du 12 octobre 2005 consid. 3.1) –, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou une erreur excusable (ATF 96 II 262 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances
C 204/06 du 16 juillet 2007 consid. 4.1).

Les circonstances doivent toutefois être appréciées objectivement : est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un plaideur (respectivement un mandataire) consciencieux d’agir dans le délai fixé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_54/2017 du
2 juin 2017 consid. 2.2).

Un accident ou une maladie peut constituer, selon les circonstances, une cause légitime de restitution du délai au sens des dispositions précitées (ATF 108 V 109 consid. 2c). En revanche, l’ignorance du droit n’est en principe pas une excuse valable pour se voir accorder une restitution de délai (RCC 1968 586 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 63/01 du 15 juin 2001 consid. 2).

3.3 La restitution d’un délai suppose l’existence d’un empêchement d’agir dans le délai fixé, lequel doit être non fautif. La question de la restitution du délai ne se pose pas dans l’éventualité où la partie ou son mandataire n’ont pas été empêchés d’agir à temps. C’est le cas notamment lorsque l’inaction résulte d’une faute, d’un choix délibéré ou d’une erreur. En d’autres termes, il y a empêchement d’agir dans le délai au sens de l’art. 50 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) lorsqu’aucun reproche ne peut être formulé à l’encontre de la partie ou de son mandataire (arrêt du Tribunal fédéral 1F_32/2019 du 18 juillet 2019 consid. 2 et la référence).

3.4 En l’occurrence, vu l’absence de motif de restitution invoqué par le recourant, respectivement son conseil, le recours doit être déclaré irrecevable pour cause de tardiveté.

 

*****


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Déclare le recours irrecevable.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le