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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/593/2024

ATAS/471/2024 du 19.06.2024 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/593/2024 ATAS/471/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 juin 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

 

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire ou la recourante) est née le ______ 1994, originaire d’Algérie, titulaire d’un permis C et mère de trois enfants nés en 2011, 2013 et 2020. Elle est au bénéfice des prestations complémentaires familiales (ci-après : PCFam).

b. La bénéficiaire a été engagée par B______ dès le 1er novembre 2021 à 80% pour un salaire mensuel de CHF 4'426.60 brut x 13 (sur la base d’un salaire de CHF 5'533.25 à 100%).

c. Par décision du 11 mars 2022, le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) a recalculé son droit aux prestations dès le 1er novembre 2021 au 31 janvier 2022 et dès le 1er février 2022, en tenant compte d’un revenu hypothétique correspondant à la moitié de la différence entre le revenu effectif et le montant qui pourrait être réalisé par la même activité à plein temps.

d. Le 25 juillet 2022, la bénéficiaire a informé le SPC que son employeur lui avait proposé de faire la formation de travailleur social en cours d’emploi, avec un 40% de formation et un 60% au travail, pour un revenu de CHF 3'300.- par mois. En tant qu’étudiante, elle aurait la possibilité de demander une bourse d’études. De plus, il existait depuis 2021 une bourse d’études pour les reconversions professionnelles, dont elle remplissait les critères. Cette formation était très importante pour elle, car elle lui permettrait de rester active dans le monde du travail, sans aide du SPC. Elle demandait à ce dernier de ne pas lui compter de gain hypothétique.

e. Le 13 septembre 2022, le SPC a demandé à la bénéficiaire une copie de son contrat de travail modifiant son taux d’activité pour une formation à 100%, la copie de sa fiche de salaire du mois de septembre 2022 et le justificatif du montant de la bourse d’études.

f. Le 22 octobre 2022, la bénéficiaire a répondu que la formation était en cours d’emploi. Son contrat restait à 80% et elle était à 25% à l’école. Elle travaillait ainsi à 100% au total. Elle avait fait une demande de bourse d’études afin de pouvoir être aidée durant sa formation. Il lui était difficile de continuer à payer des frais de scolarité et elle demandait au SPC de lui enlever le gain hypothétique.

Elle a produit sa fiche de salaire pour septembre 2022, dont il ressort que son salaire mensuel brut était de CHF 4'448.- à 80%, et un courrier du service des bourses et prêts d’études attestant que sa demande était à l’étude.

g. Par décision de PCFam et de subsides de l’assurance maladie du 20 novembre 2023, le SPC a informé la bénéficiaire que le droit aux PCFam et au subside d’assurance maladie lui était refusé, car ses dépenses reconnues étaient entièrement couvertes par son revenu déterminant. Le SPC avait pris en compte un revenu hypothétique dans le revenu déterminant dès le 1er septembre 2023.

h. Le 24 novembre 2023, la bénéficiaire a formé opposition à la décision précitée, faisant valoir qu’elle n’avait pas de disponibilité pour travailler plus, car conformément à son contrat elle travaillait déjà à 100% avec sa formation. Elle ne pouvait pas augmenter son taux d’activité

i. Par décision du 2 février 2024, le SPC a rejeté l’opposition formée le 24 novembre 2023 par la bénéficiaire, au motif que ni sa formation, ni la composition de son groupe familial ne correspondaient à la seule exception prévue par la loi pour la prise en compte d’un gain hypothétique.

B. a. Le 16 février 2024, la bénéficiaire a formé recours contre la décision sur opposition du 2 février 2024 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), contestant la prise en compte d’un gain hypothétique.

b. Par réponse du 14 mars 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations en matière de prestations complémentaires familiales prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prescrits, le recours est recevable (art. 60 et 61 let. b LPGA, 43 LPCC et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la prise en compte, par l'intimé, d'un gain hypothétique dans le calcul du droit aux PCFam de la recourante.

3.              

3.1 Les PCFam ont été introduites à Genève depuis le 1er novembre 2012 (PL 10600 modifiant la LPCC du 11 février 2011). Selon l'exposé des motifs du PL 10600, le projet de loi vise à améliorer la condition économique des familles pauvres. La prestation complémentaire familiale qui leur est destinée, ajoutée au revenu du travail, leur permettrait d’assumer les dépenses liées à leurs besoins de base. Grâce au caractère temporaire de cette aide financière et aux mesures d’incitation à l’emploi qu’elle associe, le risque d’enlisement dans le piège de l’aide sociale à long terme et de l’endettement serait largement écarté. En effet, le revenu hypothétique étant pris en compte dans le calcul des prestations, il constituait un encouragement très fort à reprendre un emploi ou augmenter son taux d'activité (MGC 2009-2010 III A 2828).

Le but de la LPC est d'assurer un revenu minimum aux bénéficiaires de rentes de l'AVS ou de l'AI qui se trouvent dans le besoin (ATF 117 V 287 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_240/2010 du 3 septembre 2010 consid. 4.2), et que le versement des prestations complémentaires ne vise pas à assurer indirectement le financement d’une formation (ATAS/722/2015 du 28 septembre 2015).

3.2 Selon l'art. 36A al. 1 LPCC, ont droit aux prestations complémentaires familiales les personnes qui, cumulativement, ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis 5 ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations (let. a) ; vivent en ménage commun avec des enfants de moins de 18 ans, respectivement 25 ans si l'enfant poursuit une formation donnant droit à une allocation de formation professionnelle (let. b) ; exercent une activité lucrative salariée (let. c) ; ne font pas l'objet d'une taxation d'office par l'administration fiscale cantonale (le Conseil d'État définit les exceptions ; let. d) ; et répondent aux autres conditions prévues par la loi (let. e).

Pour bénéficier des prestations, le taux de l'activité lucrative mentionnée à l'art.  36A al. 1 let. c LPCC, doit être, par année, au minimum de 40% lorsque le groupe familial comprend une personne adulte (art. 36A al. 4 let. a LPCC).

En cas d'activité lucrative exercée à temps partiel, il est tenu compte, pour chacun des adultes composant le groupe familial, d'un revenu hypothétique qui correspond à la moitié de la différence entre le revenu effectif et le montant qui pourrait être réalisé par la même activité exercée à plein temps (art. 36E al. 2 LPCC).

Il n'est pas tenu compte d'un gain hypothétique lorsque le groupe familial est constitué d'un seul adulte faisant ménage commun avec un enfant âgé de moins d'un an (art. 36E al. 5 LPCC).

Cet dernière disposition permet de moduler la prise en compte d'un gain hypothétique pour les familles monoparentales comptant des enfants âgés de moins d'un an. De la sorte, on tient compte des contraintes organisationnelles de ces familles, tout en respectant un temps nécessaire à l'éducation des enfants (MGC 2009-2010/III A 2851).

Le gain hypothétique correspond à la moitié de la différence entre le gain assuré et le montant qui pourrait être réalisé pour une activité à plein temps si la personne était en activité (art. 18 al. 3 RPCFam).

Dans un arrêt de principe, la chambre de céans a jugé que la seule exception à la prise en compte d’un gain hypothétique dans le cadre des prestations complémentaires familiales est celle prévue à l’art. 36E al. 5 LPCC et que celles admises dans la jurisprudence relative l’art. 11 al. 1 let. g LPC concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI ne sont pas applicables (ATAS/1195/2020 du 3 décembre 2020).

4.             En l’espèce, au vu des dispositions légales et de la jurisprudence précitées, il convient d’admettre que c’est à juste titre que l’intimé a tenu compte d’un revenu hypothétique dans le revenu déterminant de la recourante dès le 1er septembre 2023. En effet, cette dernière ne remplit pas les conditions de l’art. 36E al. 5 LPCC, qui constitue la seule exception à la prise en compte d'un gain hypothétique, à savoir lorsque le groupe familial est constitué d'un seul adulte faisant ménage commun avec un enfant âgé de moins d'un an.

Les PCFam ont pour but essentiel d’améliorer la condition économique des familles pauvres et d’encourager les parents à reprendre un emploi ou augmenter leur taux d'activité. Comme les prestations complémentaires à l’AVS/AI, elles ne visent pas à assurer indirectement le financement d’une formation, contrairement aux bourses d’études.

En conséquence, la décision sur opposition du 2 février 2024 doit être confirmée.

5.             Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le