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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/688/2023

ATAS/114/2024 du 19.02.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/688/2023 ATAS/114/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 février 2024

Chambre 6

 

En la cause

A______

représentée par l’Association Rebondir, soit pour elle Madame M______, mandataire

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née
le ______ 1966, de nationalité ivoirienne, était mariée à son compatriote
B______ (ci-après : le mari), né le ______ 1951, lorsqu’elle est arrivée avec lui en Suisse en août 2000.

b. Il ressort d’un jugement du Tribunal de première instance n° JTPI/9613/2011 du 9 juin 2011, autorisant les époux A______ et B______ à vivre séparés, qu’en 2004, le mari avait perdu son emploi à l’ONU et que les époux étaient tous deux assistés par l’Hospice général. Selon le registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), l’assurée est veuve depuis le 3 février 2023. Onze mois plus tôt, le mari avait quitté la Suisse et était retourné vivre en Côte d’Ivoire. L’assurée réside toujours dans le canton de Genève.

B. a. Le 23 mars 2007, l’assurée a déposé une première demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en indiquant qu’elle présentait une contamination au VIH (virus de l’immunodéficience humaine) qui avait entraîné une insuffisance rénale en phase terminale. Cette atteinte existait depuis 1995. Elle n’avait jamais exercé d’activité lucrative en Suisse mais y avait effectué du bénévolat en tant que présidente de l’Association Solidarité Femmes Africaines de Genève (ci-après : ASFAG).

b. Le 2 avril 2007, l’assurée a complété un questionnaire de l’OAI ayant pour but de déterminer son statut. Elle y a mentionné que si elle avait été en bonne santé, elle aurait exercé le métier d’enseignante à 50%, ce depuis l’an 2000. Elle avait travaillé dans l’enseignement avant son arrivée en Suisse mais depuis son arrivée dans ce pays, elle n’avait ni travaillé ni effectué de recherches d’emploi en raison de son état de santé.

c. Dans un rapport du 2 avril 2007 à l’OAI, le professeur C______, du Service des maladies infectieuses des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), a indiqué que l’assurée était connue de ses services « depuis 1999 environ ». Elle arrivait de Côte d’Ivoire avec une infection au VIH déjà connue et traitée. Comme complication de cette infection, il y avait une néphropathie associée (HIV-associated nephropathy ; HIVAN). Celle-ci évoluait vers une insuffisance rénale terminale, avec mise sous dialyse en 2002 et transplantation rénale en « février 2004 » (recte : février 2005). Après des difficultés initiales, l’évolution avait été positive avec une fonction rénale stable. La dernière hospitalisation remontait à février 2007 pour une correction d’un reflux urétéral qui causait des infections urinaires à répétition. Le traitement anti-VIH avait permis une reconstitution de système immunitaire « avec des taux de CD4 d’environ 500 » et une virémie toujours indétectable. Le pronostic du point de vue vital était excellent et l’assurée avait une bonne qualité de vie, malgré les complications de son insuffisance rénale, la difficulté de conduire un traitement immunosuppresseur et anti-VIH en même temps, et des hospitalisations occasionnelles causées par des infections urinaires à répétition.

d. Dans un rapport du 21 mai 2007, le Prof. C______ a indiqué qu’avant la greffe rénale effectuée en février 2005, l’assurée avait passé des mois à l’hôpital en raison de pancréatites récidivantes. Entre les hospitalisations, sa qualité de vie avait été médiocre. L’anémie, l’anorexie, la perte de poids et les contraintes de la dialyse péritonéale avaient contribué à rendre sa capacité de travail quasiment nulle. Depuis la greffe, la situation s’était améliorée. Cependant, elle continuait à subir les contraintes d’un suivi médical régulier et se fatiguait très vite au travail. Ainsi, elle avait récemment abandonné sa charge de présidente de l’ASFAG mais continuait à travailler à raison de 8h par semaine pour cette association. En résumé, une activité partielle de l’ordre de 20% était tout à fait envisageable. Une activité plus importante ne semblait pas réaliste à l’heure actuelle.

e. Par avis du 12 juin 2007, le Service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a estimé que le début de l’incapacité de travail durable remontait à 2002. Depuis lors, la capacité de travail exigible était de 0% dans l’activité habituelle d’enseignante et de 20% dans une activité adaptée (activité bénévole au sein de l’ASFAG).

f. Le 5 septembre 2008, une enquête économique sur le ménage a été effectuée au domicile de l’assurée. Dans son rapport du 22 septembre 2008, l’enquêtrice a fixé à 66.75% l’empêchement que l’assurée rencontrait dans l’accomplissement de ses travaux habituels.

g. Par projet de décision du 24 septembre 2008, l’OAI a proposé à l’assurée de lui verser une rente entière d’invalidité basée sur un taux d’invalidité de 83% (résultant d’un empêchement de 100% dans toute activité lucrative et de 66.75% en tant que femme au foyer à 50%). L’incapacité de gain était de 100%, étant donné que l’assurée avait abandonné l’exercice de son activité bénévole et que de toute manière, il n’y avait pas lieu de prendre en compte cette activité dans la comparaison des revenus, vu son caractère bénévole. Le droit à une rente était ouvert dès le 1er janvier 2003. Cependant, si la demande était déposée plus de douze mois après la naissance du droit, les prestations ne pouvaient être allouées que pour les douze mois précédant la demande. Étant donné qu’en l’espèce, la demande avait été déposée le 23 mars 2007, celle-ci était tardive. En conséquence, le versement de la rente n’interviendrait qu’à compter du 23 mars 2006.

h. Par projet de décision du 19 décembre 2008, annulant et remplaçant celui du 24 septembre 2008, l’OAI a envisagé de rejeter la demande de prestations du 23 mars 2007. Pour expliquer ce revirement, il a exposé que même s’il reconnaissait que
le taux d’invalidité de l’assurée était de 83%, celle-ci ne pouvait pas prétendre à une rente étant donné qu’elle ne remplissait pas les conditions d’assurance – qui avaient été vérifiées par la caisse de compensation – au moment de la survenance de l’invalidité le 1er janvier 2003.

i. Le 6 février 2009, l’OAI a rendu une décision de refus de rente reprenant les motifs indiqués dans le projet de décision du 19 décembre 2008. Non contestée, cette décision est entrée en force.

C. a. Le 4 juin 2012, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI, en indiquant une nouvelle fois qu’elle présentait une contamination au VIH qui avait entraîné une insuffisance rénale en phase terminale. Cette atteinte existait depuis 1995. Sous rubrique « remarques complémentaires » du formulaire de demande, elle a mentionné que s’il est vrai qu’elle ne comptait pas encore dix ans de résidence en Suisse au moment du dépôt de sa première demande en 2007, cet obstacle était désormais levé dès lors qu’actuellement, elle résidait à Genève depuis onze ans.

b. Par projet de décision du 19 juin 2012, l’OAI a proposé à l’assurée de ne pas entrer en matière sur sa nouvelle demande. En effet, un nouvel examen ne pouvait être envisagé que si l’assurée rendait plausible que l’état de fait s’était modifié depuis la décision du 6 février 2009.

c. L’assurée n’a pas présenté d’objections à l’encontre de ce projet de décision.

d. Le 27 août 2012, l’OAI a rendu une décision de refus d’entrée en matière, reprenant en termes identiques le projet de décision du 19 juin 2012.

D. a. Le 22 février 2022, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI. Son état de santé s’était aggravé depuis 2015. En témoignaient les limitations et diagnostics suivants : « lipodystrophie, dépression, diabète insulino-dépendant, problèmes cardiaques, difficultés à la marche ». Sujette à une fatigue constante et à des dépressions récurrentes, elle était dans l’impossibilité d’accomplir les tâches ménagères.

b. Par projet de décision du 20 mai 2022, l’OAI a proposé de ne pas entrer en matière sur cette nouvelle demande, tout en invitant l’assurée à rendre plausible que sa situation s’était notablement modifiée depuis la décision du 6 février 2009.

c. Le 28 juillet 2022, l’OAI a reçu de la part de l’association Rebondir, au nom et pour le compte de l’assurée :

-          un courrier du 22 juillet 2022 de la professeure D______, médecin adjointe agrégée auprès du Service de néphrologie et hypertension des HUG, indiquant que depuis le rapport du Prof. C______ de 2007, l’état de santé de l’assurée s’était considérablement aggravé à plusieurs niveaux :

o   sur le plan neuropsychologique avec l’installation de troubles cognitifs importants. Un premier examen neuropsychologique, effectué en 2015 montrait déjà un sévère ralentissement psychomoteur. Par la suite, un tel examen avait été répété en 2017, confirmant un trouble majeur « probablement d’origine mixte mais notamment lié également au VIH » ;

o   sur le plan cardiaque avec le développement, en 2020, d’une insuffisance cardiaque à fonction préservée ;

o   sur le plan rénal avec l’aggravation de la fonction rénale du greffon et le développement de complications d’insuffisance rénale chronique ;

o   sur le plan des comorbidités avec, d’une part, le développement d’un diabète en relation avec le traitement immunosuppresseur de greffe rénale et, d’autre part, un prurit sine materia invalidant. Dans le contexte de l’apparition de ses troubles neuropsychologiques, l’assurée était maintenant également suivie pour un état dépressif en psychiatrie.

Invitée à dire quels étaient, du point de vue de sa spécialité, les diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail, la Prof. D______ a mentionné l’insuffisance rénale chronique dans le cadre d’une première allogreffe rénale sur néphropathie à VIH en aggravation, ainsi que les autres diagnostics qui étaient également en rapport avec l’atteinte rénale (troubles neuropsychologiques sévères, insuffisance cardiaque à fonction préservée, diabète décompensé et mal contrôlé). Depuis la transplantation (effectuée au mois de février 2005), il n’y avait pas d’activité possible. S’agissant des domaines courants de la vie, l’assurée était moins capable, d’un point de vue physique, de faire le ménage. D’un point de vue neuropsychologique, elle était moins capable de trouver du plaisir aux loisirs ou à des activités sociales ;

-          les annexes jointes au courrier du 22 juillet 2022 de la Prof. D______, soit notamment :

o   un rapport de consultation cognitive et neurocomportementale du
3 juin 2020 – relatif à une consultation du 14 mai 2020 – dans lequel
le professeur E______ et le docteur F______, respectivement responsable d’unité et médecin interne auprès de l’Unité de neurologie générale et cognitive des HUG, ont conclu à un trouble neurocognitif mineur multi-domaine plurifactoriel dont la date était inconnue mais qui était sans aggravation depuis l’examen neuropsychologique de 2016. Au titre des facteurs qui leur semblaient entrer en considération pour le diagnostic précité, ils ont mentionné la leucopathie d’origine vasculaire et possiblement sur HIV, les troubles du sommeil et symptômes de dépression et d’anxiété, les médicaments anti-greffe et leur possible rôle dans le ralentissement psychomoteur, tout en précisant qu’une maladie neurodégénérative sous-jacente ne pouvait pas être totalement exclue ;

o   un rapport de consultation de psychiatrie de liaison du 7 juillet 2020 du docteur G______, concluant à un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen. L’assurée présentait actuellement une symptomatologie dépressive dans un contexte de facteurs de stress (confinement et peur d’infection, rupture sentimentale récente avec un homme rencontré un an plus tôt, « statu[t] irrégulier en Suisse »). Pendant l’entretien avec le Dr G______, l’assurée avait accepté la proposition de mise en place d’un suivi psychiatrique. Dans l’attente d’un premier rendez-vous au CAPPI-Servette, ce médecin lui avait prescrit une augmentation de son traitement de Remeron à 15mg/j. ;

o   un rapport de consultation cognitive et neurocomportementale du 12 mai 2022 – relatif à une consultation du 1er mars 2022 – dans lequel les docteurs H______ et I______, respectivement chef de clinique et médecin interne, ont diagnostiqué un trouble neurocognitif majeur débutant amnésique, langagier et exécutif, d’origine multiple (vasculaire, thymique, troubles du sommeil). Ils ont précisé que l’origine mixte de ce trouble était probable. Actuellement, on ne pouvait écarter ni une participation de l’infection au VIH à ce tableau, ni la présence d’une maladie dégénérative pour expliquer la perte d’autonomie récente ;

o   un rapport de consultation médicale de psychiatrie initiale du 8 juin 2022, faisant suite à une consultation du même jour, dans lequel le docteur J______, médecin interne auprès du Service de psychiatrie adulte des HUG, a indiqué que l’assurée aurait fait des épisodes de dépression par la passé sans avoir bénéficié de suivi psychiatrique, hormis quelques consultations ponctuelles. Une consultation unique au CAPPI-Servette avait eu lieu 2020 mais n’avait pas débouché sur un suivi. Depuis 2005, elle recevait un traitement de Mirtazapine (7.5 mg/j) et du Stilnox, prescrits par son médecin traitant. Elle rapportait une symptomatologie anxio-dépressive qui évoluait depuis de nombreuses années. Elle était régulièrement angoissée en raison de sa situation de précarité sur le plan social. Elle évoquait sa peur d’être expulsée ou de ne plus bénéficier de son traitement et des soins. Depuis quelques semaines, elle « aurait présenté » une péjoration de son état (durant la période où elle avait été vue par la psychiatrie de liaison) mais au cours de ces derniers jours, elle aurait recommencé à retrouver son état de base. Sans mentionner de diagnostic, le Dr J______ a indiqué que l’examen psychiatrique avait révélé une patiente dont le discours était cohérent, qui arrivait à restituer avec précision et sans trop de difficultés ses éléments biographiques. La thymie était abaissée, les affects congruents à l’humeur. Il n’y avait pas d’idées noires. On notait la présence d’une légère anhédonie et aboulie et un sommeil sous somnifère. Il y avait une diminution de l’élan vital et des ruminations anxieuses. L’examen n’avait révélé ni méfiance ni symptômes psychotiques positifs. L’assurée évoquait des difficultés de concentration et de l’attention ;

o   un rapport de consultation de cardiologie du 9 juin 2022 des docteurs K______ et L______, respectivement chef de clinique et médecin interne au Service de cardiologie des HUG, concluant à une cardiomyopathie hypertrophique asymétrique du septum basal (diagnostic posé le 16 novembre 2020).  ;

d. Par courrier du 11 août 2022, l’association Rebondir a expliqué que l’assurée fréquentait leur structure depuis sa création en 2006. Si jusqu’en 2018, son
état, avec des hauts et des bas, était plus ou moins sans grandes aggravations, l’association avait constaté, depuis 2018, une péjoration évidente de sa santé tant physique que psychologique. Pour illustrer ce point, l’association, soit pour elle Madame M______, a fait état, en substance, d’une perte d’autonomie et d’indépendance de l’assurée dans son quotidien, avec une fatigabilité majeure, des oublis, un ralentissement, une diminution de l’endurance déployant ses effets dans tous les domaines de la vie de l’assurée. Celle-ci recevait de l’aide de la part de bénévoles et de l’IMAD (courses, ménage, démarches administratives et hygiène). Enfin, Mme M______ a précisé qu’elle avait constaté une légère erreur dans le rapport du 8 juin 2022 du Dr J______, en ce sens que la séparation de l’assurée d’avec son compagnon ne remontait pas à une semaine mais à une année. S’agissant de l’état physique, Mme M______ ne pouvait pas se prononcer mais renvoyait à la documentation médicale envoyée par la Prof. D______.

e. Dans un rapport du 6 octobre 2022, le SMR a constaté, à la lumière des documents reçus le 28 juillet 2022, que l’atteinte connue (insuffisance rénale) avait connu une aggravation et qu’il existait également de nouvelles atteintes aux
plans neuropsychologique (troubles cognitifs importants), métabolique (diabète insulinodépendant – en relation avec le traitement immunosuppresseur de greffe rénale – et prurit sine materia) et psychiatrique (dysthymie de longue date). Selon le SMR, les documents au dossier parlaient en faveur d’une péjoration globale de l’état de santé de l’assurée.

Sur la base de ces éléments, le SMR a retenu que la capacité de travail de l’assurée était nulle depuis janvier 2002 dans son activité habituelle. Dans une activité adaptée avec exigence de rendement, cette capacité, qui avait été de 20% jusqu’au 31 décembre 2017, était nulle depuis le 1er janvier 2018. S’agissant des limitations fonctionnelles, le SMR a précisé que l’absence de rendement exigible s’expliquait par le manque d’endurance psychophysique et la nécessité d’un cadre tenant compte d’une fatigabilité majeure, d’une dyspnée à l’effort, d’oublis et d’un manque de flexibilité.

f. Par avis complémentaire du 29 novembre 2022, le SMR a précisé qu’au plan médical, on était en présence d’un tableau polymorbide qui découlait de l’atteinte qui avait fait l’objet de la première demande et/ou des traitements qui avaient suivi. Étant donné que la survenance des diverses atteintes secondaires était difficilement déterminable dans le temps et que probablement, certaines de ces atteintes étaient déjà présentes et incapacitantes dans le cadre de la première voire de la deuxième demande, il convenait de conclure qu’on était en présence d’un tableau clinique en aggravation.

E. a. Par projet de décision du 6 décembre 2022, l’OAI a envisagé de ne pas octroyer de prestations à l’assurée. Suite au dépôt, le 22 février 2022, de la nouvelle demande, l’instruction médicale avait révélé que les atteintes que l’assurée présentait actuellement découlaient de l’atteinte qui, le 23 mars 2007, avait fait l’objet de la première demande. De ce fait, l’assurée ne remplissait toujours pas les conditions d’assurance pour l’octroi de prestations sous forme de rente.

b. Par courriel du 19 janvier 2023, l’association Rebondir a informé l’OAI, pièces justificatives à l’appui, que la totalité de la fratrie de l’assurée souffrait
des mêmes maladies héréditaires que l’assurée elle-même (insuffisance rénale, insuffisance cardiaque et diabète).

c. Par décision du 26 janvier 2023, l’OAI a refusé d’octroyer des prestations à l’assurée pour les motifs déjà indiqués dans son projet de décision du
6 décembre 2022. Il a également recommandé à l’assurée de faire valoir ses éventuelles prétentions à des prestations complémentaires auprès du Service des prestations complémentaires.

F. a. Le 27 février 2023, l’assurée a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant en substance à son annulation et à l’octroi d’une rente. À l’appui de sa position, elle a fait valoir que depuis son arrivée en Suisse « sous carte verte (ONU) en qualité d’épouse », elle avait obtenu, par la suite, un permis L et cotisé à l’AVS en tant que personne sans activité lucrative. Actuellement, les atteintes qu’elle présentait depuis 2018 ne découlaient pas de ses problèmes de santé et administratifs qui avaient fait l’objet de sa première demande « de 2009 », même si ceux-ci étaient toujours d’actualité mais maîtrisés. Les problèmes cardiaques et rénaux faisaient partie de problèmes héréditaires familiaux qui touchaient la totalité de sa fratrie. Trois de ses membres avaient déjà succombé à ces atteintes et non pas en raison de maladies opportunistes liées au virus HIV que lui avait transmis son mari, décédé le 3 février 2023 à Abidjan. Enfin, la recourante a sollicité l’octroi d’un délai pour lui permettre de compléter son recours par la production de pièces supplémentaires.

b. Le 15 avril 2023, dans le délai prolongé à cet effet, l’association Rebondir a demandé une nouvelle prolongation de délai au nom et pour le compte de la recourante.

c. Par envoi du 26 avril 2023, l’OAI a transmis à la chambre de céans, à titre d’information, une copie d’une demande d’allocation pour impotent AVS – que l’assurée avait formée le 24 avril 2023 – à laquelle étaient jointes une copie de son titre de séjour et d’un certificat médical de décès ivoirien, attestant du décès de son mari, survenu le 3 février 2023 à Cocody (Côte d’Ivoire).

d. Le 30 mai 2023, la recourante a demandé à la chambre de céans l’octroi d’un délai supplémentaire pour produire un certificat d’état civil mentionnant son veuvage.

e. Le 5 juin 2023, la chambre de céans a informé la recourante qu’elle se verrait impartir un délai pour répliquer une fois la réponse de l’intimé reçue.

f. Par réponse du 19 juin 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours en faisant valoir qu’il ressortait de l’instruction médicale que les atteintes présentées par la recourante découlaient de l’atteinte qui avait fait l’objet de la première demande et que de ce fait, elle ne remplissait pas les conditions d’assurance pour l’octroi de prestations sous forme de rente.

g. Le 21 juin 2023, la chambre de céans a transmis à la recourante une copie de cette écriture et l’a invitée à faire parvenir sa réplique d’ici au 19 juillet 2023.

h. Par pli du 26 juin 2023, la recourante a fait parvenir à la chambre de céans une copie du certificat de décès de son époux (correspondant à celui déjà transmis le 26 avril 2023 par l’OAI, à ceci près que ce document comportait à présent des mentions attestant qu’il avait été certifié conforme par les autorités ivoiriennes le 31 mai 2023) et un courrier du 11 mai 2023 par lequel l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS) accusait réception d’une demande de rente de survivante – formée par l’intéressée en avril 2023 –, et indiquait que son droit à la rente avait pris naissance le 1er mars 2023.

i. Le 11 août 2023, la recourante a sollicité l’octroi d’un délai au 15 septembre 2023 pour verser d’autres pièces à la procédure.

j. Par réplique du 18 septembre 2023, la recourante a contesté que ses problèmes rénaux fussent liés au VIH comme indiqué par le Prof. C______ et d’autres médecins par la suite. Selon elle, ces problèmes rénaux relevaient de maladies héréditaires. Il en allait de même de ses troubles cardiaques apparus plus récemment. Elle en voulait pour preuve qu’aucun membre de sa fratrie, composée de treize personnes, n’était infecté par le VIH mais que dix d’entre eux présentaient (ou avaient présenté jusqu’à leur décès) des troubles rénaux et/ou cardiaques. La recourante a également versé à la procédure divers rapports extraits de son propre dossier médical et évoqué les avantages qui découlaient pour elle
de la reconnaissance de son statut de veuve vis-à-vis d’autres institutions ou assurances.

k. Par duplique du 9 octobre 2023, l’intimé a indiqué que les éléments avancés par la recourante ne permettaient pas de remettre en question la décision de refus de rente. En particulier, les rapports médicaux produits avaient déjà été examinés par le SMR. Quant aux éventuels conflits liés à d’autres institutions ou assurances, ils ne faisaient pas l’objet du litige.

l. Par courrier du 30 octobre 2023, la recourante a transmis à la chambre de céans une attestation de résidence établie le 10 octobre 2023 par l’OCPM, mentionnant, entre autres, son statut de veuve ainsi que sa résidence sur le territoire du canton depuis le 16 août 2000.

m. Par pli du 1er novembre 2023, l’intimé a transmis à la chambre de céans, pour information, une copie de cette même attestation de l’OCPM.

n. Le 2 novembre 2023, la chambre de céans a transmis une copie de ce courrier, pour information, à la recourante.

o. Les autres faits seront mentionnés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité (ci-après : AI), à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.3 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

Interjeté en temps utile (art. 60 LPGA), dans le respect des exigences de forme et de contenu prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA ; art. 89B LPA), le recours est recevable.

2.              

2.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ;
RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références).

2.2 En l’occurrence, la décision querellée, datée du 26 janvier 2023, a certes
été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Cependant, étant donné que la recourante a déposé sa demande de prestations en février 2022 en expliquant que sa démarche était motivée par une aggravation de son état de santé survenue
en 2015, le délai d’attente d’une année est arrivé à échéance à une date qui est vraisemblablement antérieure au dépôt de la demande, de sorte qu’un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait avant le 1er janvier 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI). Il s’ensuit que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

3.             L’objet du litige porte sur le droit à une rente d’invalidité dans le cadre d’une nouvelle demande de prestations déposée le 22 février 2022. Il porte plus particulièrement sur le point de savoir si l’intimé était fondé à nier la survenance d’un nouveau cas d’assurance en relation avec l’aggravation de l’état de santé invoquée par la recourante.

4.              

4.1 En vertu de l’art. 6 al. 2 LAI, les étrangers ont droit aux prestations de l’assurance-invalidité, sous réserve de l’art. 9 al. 3, aussi longtemps qu’ils conservent leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse, mais seulement s’ils comptent, lors de la survenance de l’invalidité, au moins une année entière de cotisations ou dix ans de résidence ininterrompue en Suisse. Selon l’art. 36 al. 1 LAI, a droit à une rente ordinaire l’assuré qui, lors de la survenance de l’invalidité, compte trois années au moins de cotisations.

4.2 L’art. 6 al. 2 LAI constitue une règle de droit interne qui s’applique sous réserve des dispositions de l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) avec l’UE ; de la Convention AELE et des autres conventions internationales de sécurité sociale conclues par la Suisse. Demeure également réservé l’arrêté fédéral du 4 octobre 1962 concernant le statut des réfugiés et des apatrides dans l’assurance-vieillesse et survivants et dans l’assurance-invalidité (Aréf.). L’art. 6 al. 2 LAI vise donc les assurés qui ne tombent pas sous le coup de ces réglementations (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 5 ad art. 6). À cet égard, il sied de préciser qu’il n’existe pas, en l’espèce, de règles spéciales qui seraient applicables en lieu et place de l’art. 6 al. 2 LAI, étant relevé en particulier qu’il n’existe pas de convention bilatérale de sécurité sociale entre la Suisse et la Côte d’Ivoire.

4.3 Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références ; concernant la procédure, à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s’applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur [ATF 117 V 93 consid. 6b ; 112 V 360 consid. 4a ; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b]). S’agissant de la durée minimale de cotisation lors de la survenance de l’invalidité, il y a lieu d’appliquer celle de trois ans pour toutes les nouvelles rentes d’invalidité pour lesquelles la survenance de l’invalidité est intervenue à compter du 1er janvier 2008, et celle d’un an pour les nouvelles rentes d’invalidité déduites d’une survenance d’invalidité antérieure à cette date-ci (ATAS/610/2021 du 15 juin 2021 consid. 5b et les références ; ch. 3003 de la Circulaire sur la procédure pour la fixation des prestations dans l’AVS/AI/PC [CIBIL]).

La condition de la durée minimale de cotisation ouvrant doit à la rente doit être remplie au moment de la survenance de l’invalidité (ch. 3004 CIBIL). Les périodes accomplies après ce terme n’entrent pas en ligne de compte (RCC 1959, p. 449). Selon l’art. 4 al. 2 LAI, l’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Ce moment doit être déterminé objectivement, d’après l’état de santé de l’intéressé ; il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et il ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l’assuré apprend, pour la première fois, que l’atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d’assurance ; des facteurs externes fortuits n’ont pas d’importance (ATF 126 V 157 consid. 3a ; ATF 118 V 79 consid. 3a et les références ; ATF 103 V 130 ; ATAS/212/2011 du 21 février 2011 consid. 6c ; ATAS/311/2013 du 26 mars 2013 consid. 9). La survenance de l’invalidité ou du cas d’assurance est ainsi réalisée au moment où une prestation de l’AI est indiquée objectivement pour la première fois (Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité [CIIAI], n. 1028).

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

5.2 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l’art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances
I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

6.             En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au
plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail
(art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à
l’art. 29 al. 1 LPGA.

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et
art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

7.              

7.1 L’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (art. 4 al. 2 LAI). Ce moment doit être déterminé objectivement sur la base de l’état de santé. Il ne coïncide pas forcément avec la date à laquelle une demande a été présentée, ni à celle à partir de laquelle une prestation a été requise ni avec le moment où l’assuré apprend, pour la première fois, que l’atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d’assurance (ATF 126 V 59 consid. 2b et références y citées).

7.2 S’agissant du droit à une rente, la survenance de l’invalidité correspond au moment où celui-ci prend naissance, en application de l’art. 29 al. 1 LAI, soit dès que l’assuré présente une incapacité de gain durable de 40% au moins ou dès qu’il a présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40% au moins pendant une année sans interruption notable, mais au plus tôt le 1er jour du mois qui suit le dix-huitième anniversaire de l’assuré (art. 29 al. 2 LAI ; ATF 126 V 59 consid. 2b et les références citées).

7.3 Le principe de l’unicité de la survenance de l’invalidité n’est pas absolu ; si la personne assurée ne remplit pas à un moment donné les conditions du droit à une prestation, il n’en découle pas qu’elle se verra dans tous les cas et à tout jamais privée du bénéfice de toute prestation. En effet, il peut tout d’abord se produire une succession de causes d’invalidité différentes qui entraînent autant de survenances successives de l’invalidité. D’autre part, une seule et même cause d’invalidité peut entraîner au cours du temps plusieurs cas d’assurance. Ainsi,
le principe de l’unicité cesse d’être applicable lorsque l’invalidité subit des interruptions notables ou que l’évolution de l’état de santé ne permet plus d’admettre l’existence d’un lien de fait et de temps entre les diverses phases, qui en deviennent autant de cas nouveaux de survenance de l’invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2015 du 29 avril 2015 consid. 5.2 et les références ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 9C_697/2015 du 9 mai 2016 consid. 3.2 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI), 2018, n. 37 ad art. 4).

Dans un arrêt du 19 décembre 2018, le Tribunal fédéral a précisé qu’il n’y a pas d’interruption notable de l’invalidité justifiant un nouveau cas d’assurance lorsque la personne concernée présente une invalidité (partielle) qui, même si elle varie dans le temps, ne disparaît pas entièrement pendant une période donnée (arrêt
du Tribunal fédéral 9C_692/2018 du 19 décembre 2018 consid. 4.2.3). Dans ce dernier arrêt, le Tribunal fédéral a confirmé, dans le cas qui lui était soumis, que la récupération d’une capacité totale de travail pendant une période de trois ans et dix mois après deux ans d’incapacité partielle due à des troubles psychiques entraînait une interruption notable de l’invalidité justifiant un nouveau cas d’assurance. En revanche, une aggravation de l’état de santé ne justifie pas en principe un nouveau cas d’assurance (arrêts du Tribunal fédéral 9C_592/2015 du 2 mai 2015 consid. 3.2 et 9C_692/2018 du 19 décembre 2018 consid. 4.2.2).

Si les causes de l’invalidité sont matériellement différentes, un nouvel événement assuré survient (arrêts du Tribunal fédéral 8C_93/2017 du 30 mai 2017 consid. 4.2 et 9C_592/2015, déjà cité, consid 3.2). Cela est le cas lorsque l’atteinte à la santé ne se limite pas à celle qui existait au moment du refus de la première demande
de prestations mais qu’une atteinte à la santé totalement différente, ayant conduit
à une augmentation du degré d’invalidité, s’y est ajoutée (cf. ATF 136 V 369
consid. 3.1.1 in fine). Par « augmentation du degré d’invalidité », il faut comprendre toute augmentation justifiant le passage à un échelon de rente supérieur (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 76/05 du 30 mai 2006 consid. 2, auquel l’ATF 136 V 369 précité renvoie).

7.4 Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation [cf. art. 87 al. 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201)], l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d’un cas de révision au sens de l’art. 17
al. 1 LPGA (ATF 133 V 108 consid. 5 ; 130 V 343 consid. 3.5.2 ; 130 V 71
consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.1).

L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

Selon la jurisprudence, l’autorité de la chose jugée (formelle et matérielle) de décisions portant sur des prestations durables d’assurance sociale, soit notamment des rentes de l’assurance-invalidité, n’est en principe pas limitée dans le temps. Pour autant que la situation de fait ne soit plus susceptible d’évoluer au moment de la décision, cette autorité s’étend aussi bien aux conditions du droit à la prestation qu’aux facteurs qui en fixent l’étendue. Sous réserve d’une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), lesdits éléments ne peuvent pas être remis en question et réexaminés à tout moment, sauf si la loi prévoit expressément une autre réglementation (comme c’est le cas en matière de prestations complémentaires; ATF 128 V 39). Ces principes, qui valent également dans le cadre d’une procédure de révision au sens de l’art. 17 LPGA ou d’une nouvelle demande, ne font toutefois pas obstacle à la prise en compte d’un nouveau cas d’assurance, puisque celui-ci est dépourvu de connexité matérielle avec la situation de fait prévalant au moment du refus de la première demande de prestations (arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2015 du 29 avril 2015 consid. 5.1 et les références ; cf. aussi ci-dessus : consid. 7.3).

En cas de révision au sens de l’art. 17 LPGA, le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; 130 V 343
consid. 3.5.2).

8.             Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

9.              

9.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

9.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas
le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 – Cst. ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

10.         En l’espèce, la procédure clôturée par la décision du 6 février 2009 portait sur
le droit de la recourante à une rente (ordinaire) entière d’invalidité, plus particulièrement sur la réalisation des conditions d’assurance. L’intimé a nié que ces conditions fussent remplies par la recourante, après avoir constaté que cette dernière ne remplissait pas les conditions d’assurance de l’art. 6 al. 2 LAI au moment de la survenance de son invalidité, le 1er janvier 2003. Cette décision n’a pas été contestée par la recourante. Ainsi, la question de savoir si selon l’art. 6
al. 2 LAI, la recourante a cotisé pendant au moins une année entière (cf. aussi l’art. 36 al. 1 LAI dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007) ou séjourné en Suisse de manière ininterrompue pendant dix ans au moment de la survenance de l’invalidité a déjà été tranchée par la décision entrée en force du
6 février 2009. L’intimé et la chambre de céans sont donc liés par cette décision (cf. ATF 136 V 369 consid. 3.2).

Puisque la décision du 6 février 2009 a constaté que la recourante ne satisfaisait pas aux conditions d’assurance au moment de la survenance de l’invalidité, en janvier 2003, celle-ci ne peut prétendre à une rente d’invalidité sauf admission d’un nouveau cas d’assurance, ce qui implique la survenance d’une atteinte à la santé totalement différente de celle qui prévalait au moment du premier refus et propre, par sa nature et sa gravité, à causer une incapacité de travail de 40%
au moins en moyenne sur une année (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_697/2015
du 9 mai 2016 consid. 3.2). Par ailleurs, il est nécessaire que la survenance de
ce nouveau cas d’assurance conduise à une augmentation du degré d’invalidité justifiant le passage à un échelon de rente supérieur (cf. ci-dessus : consid. 7.3 in fine).

Dès lors que le dernier examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents remonte à la décision du 6 février 2009 et qu’il n’est pas contesté que l’invalidité de la recourante n’a pas connu d’interruption depuis sa survenance le 1er janvier 2003, le point décisif consiste, en principe, à déterminer si la comparaison de l’état de santé existant au moment de la décision initiale (insuffisance rénale terminale secondaire à une infection au VIH) avec la situation régnant au moment de la décision litigieuse, met en lumière l’apparition d’une atteinte à la santé totalement différente.

Sachant toutefois que la décision du 6 février 2009, entrée en force, retenait un degré d’invalidité de 83%, correspondant déjà à une rente entière, une éventuelle atteinte à la santé nouvelle, qui serait totalement distincte de l’atteinte initiale, ne pourrait de toute manière pas conduire à un échelon de rente supérieur (cf. art. 28 al. 2 LAI).

Bien qu’il ne soit pas nécessaire, dans ces conditions, d’examiner s’il est établi,
au degré de la vraisemblance prépondérante, que les troubles multiples que la recourante présentait au moment de la décision attaquée découlent de l’atteinte rénale initiale et s’il existe un lien entre le VIH et cette atteinte – qui était de toute façon invalidante au 1er janvier 2003, indépendamment de son étiologie contestée par la recourante –, on relèvera néanmoins qu’il résulte en synthèse du rapport du 22 juillet 2002 de la Prof. D______, que cette atteinte initiale s’est péjorée depuis le rapport du Prof. C______ du 2 avril 2007 (aggravation de la fonction rénale du greffon et développement de complications d’insuffisance rénale chronique)
et que cette évolution s’est accompagnée, à tout le moins d’un point de vue somatique, de divers troubles que la professeure précitée ne considère pas comme totalement distincts de l’atteinte initiale mais en rapport avec celle-ci, tant d’un point de vue neuropsychologique (troubles cognitifs), cardiaque (insuffisance cardiaque) que métabolique (diabète insulino-dépendant et prurit sine materia).

11.         Dans ces circonstances, le recours ne peut qu’être rejeté.

12.         Un émolument de CHF 200.- est mis à charge de la recourante, qui n’obtient pas gain de cause (art. 69 al. 1bis LAI).

 

*****

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le