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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2400/2023

ATAS/57/2024 du 31.01.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2400/2023 ATAS/57/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 janvier 2024

Chambre 4

 

En la cause

Monsieur A______
représenté par Me Jaroslaw GRABOWSKI, avocat

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1958, a travaillé en tant que gérant de portefeuille, pour la B______ SA du 18 novembre 2013 au 31 décembre 2021 date pour laquelle son contrat de travail a été résilié.

b. Il a été en incapacité totale de travailler dès le 28 avril 2021 en raison d’un état dépressif sévère notamment.

c. Le Groupe Mutuel Assurances GMA SA (ci-après : le Groupe Mutuel ou l’assureur perte de gain) a versé des indemnités journalières, en sa qualité d’assureur perte de gain maladie selon la LCA.

B. a. Le 12 octobre 2021, l’assureur perte de gain a transmis à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) une demande de prestations remplie et signée par l’assuré, précisant dans le courrier d’accompagnement qu’en cas de décision d’octroi de rente, il désirait obtenir la restitution de ses prestations, raison pour laquelle il sollicitait la transmission de cette requête à la caisse de compensation compétente, ce qui allait entraîner la transmission du formulaire intitulé «  compensation avec des paiements rétroactifs de l’AVS/AI » permettant de faire valoir ses droits.

En annexe figuraient notamment, outre la demande de prestations précitée, le dossier médical et administratif de l’assuré, ainsi qu’une procuration signée par celui-ci, dont il ressort qu’il autorisait l’assureur précité à « obtenir le remboursement (…) de ses avances directement auprès d’un autre assureur privé ou social (LAI, LAA, LAM ou LPP), ainsi qu’à faire recours contre ces assureurs ».

b. Le 4 février 2022, faisant suite à la demande de prestations précitée, l’OAI a requis de l’assuré la transmission d’un certain nombre de pièces complémentaires, telles que des documents médicaux ou la copie de diplômes et certificats.

c. Par courriel du 11 février 2022, l’assuré a informé l’OAI que s’il avait effectivement été en incapacité de travail pour cause de maladie et licencié, il était désormais inscrit auprès de l’assurance-chômage et se trouvait en reconversion pour une nouvelle activité devant lui permettre de s’établir à son compte. Aussi, il sollicitait la confirmation qu’il n’était pas nécessaire qu’il complète la demande de prestations qu’il ne souhaitait pas formuler.

d. Lors d’un entretien téléphonique du 15 février 2022, l’assuré a encore expliqué à l’OAI qu’il ne contestait pas la capacité de travail établie par l’expert et qu’il avait entrepris, de lui-même, une formation en tant que chauffeur de poids-lourds. Il s’était d’ailleurs renseigné pour se mettre à son compte. Il ne souhaitait pas solliciter de prestations de l’assurance-invalidité, étant donné qu’il allait percevoir des prestations de son assurance perte de gain jusqu’à janvier 2023.

e. Faisant suite à une demande de l’OAI, l’office cantonal de l’emploi (OCE) a expliqué ne plus avoir aucune donnée visible dans le système informatique, la dernière inscription datant de 2008.

f. Le 12 octobre 2022, au cours d’un entretien téléphonique, l’assuré a demandé à l’OAI s’il pouvait renoncer à sa demande de prestations. Le représentant de l’OAI lui a alors expliqué qu’il devait obtenir l’accord de son assureur perte de gain, dès lors que celui-ci lui versait des indemnités journalières.

g. Par courrier du 19 août 2022, l’assureur perte de gain a une nouvelle fois demandé à l’OAI de transmettre à la caisse de compensation compétente sa demande de restitution de ses prestations, afin que le formulaire intitulé « Compensation avec des paiements rétroactifs de l’AVS/AI » lui soit transmis et qu’il puisse faire valoir ses droits.

h. Le 21 octobre 2022, l’assureur perte de gain a réitéré sa demande du 19 août 2022.

i. Dans une note de travail du 31 octobre 2022, l’OAI a examiné le cas de l’assuré et a considéré qu’une rente entière devait lui être reconnue dès le 28 avril 2022, au vu de son incapacité de travail depuis le 28 avril 2021, étant encore relevé qu’à compter du 1er février 2023, le droit à cette rente allait s’éteindre vu l’entrée dans l’âge AVS du recourant.

j. Par projet de décision du 7 novembre 2022, l’OAI a informé l’assuré qu’il entendait le mettre au bénéfice d’une rente entière à compter du 1er avril 2022.

k. Par courrier du 24 janvier 2023, l’assureur perte de gain a informé l’assuré que le versement des indemnités journalières allait cesser au 31 janvier 2023 compte tenu de son entrée dans l’âge AVS le 24 janvier 2023.

l. Le 8 février 2023, l’assuré a une nouvelle fois informé l’OAI qu’il renonçait à toute prestation d’invalidité. Il venait en effet de terminer une longue formation pour acquérir de nouvelles compétences et une nouvelle profession. Il n’était par conséquent pas invalide, raison pour laquelle il sollicitait l’annulation du projet de décision précité.

m. Par pli du 15 février 2023, l’OAI a adressé la demande de renonciation à la rente à l’office fédéral des assurances sociales (OFAS), pour avis.

n. Le même jour, il a demandé à la caisse suisse de compensation de suspendre le calcul de la rente et la notification de la décision y relative jusqu’à droit connu sur la demande de renonciation aux prestations.

o. Dans un courriel du 7 mars 2023, l’assureur perte de gain a rappelé à l’OAI qu’il n’avait toujours pas reçu le formulaire intitulé « Compensation avec des paiements rétroactifs de l’AVS/AI » afin de faire valoir ses droits.

p. Le 8 mars 2023, l’OAI a informé l’assureur perte de gain qu’une renonciation aux prestations était en cours d’analyse auprès de l’OFAS.

q. Par courrier du 10 mars 2023, dont une copie a été adressée à l’OAI, l’assureur perte de gain a indiqué à l’assuré qu’il s’opposait à sa demande de renonciation. En effet, l’assureur précité avait versé des indemnités journalières jusqu’au 31 janvier 2023. Or, le droit à la rente de l’assuré était ouvert depuis le 1er avril 2022. Par conséquent, la demande de renonciation à des prestations était nulle, vu le versement de prestations entre le 1er avril 2022 et le 31 janvier 2023. Si la demande de renonciation devait être prise en considération, l’assureur perte de gain requérait le remboursement, par l’assuré, des rentes d’invalidité hypothétiques.

r. Le 4 avril 2023, l’OFAS a informé l’OAI que la demande de renonciation aux prestations d’invalidité ne pouvait être admise, dès lors qu’elle priverait l’assureur perte de gain de son droit à compenser les avances fournies.

s. Par décision du 13 avril 2023, l’OAI a rejeté la demande de renonciation aux prestations formulée le 8 février 2023, pour les motifs évoqués ci-dessus.

t. Le 28 juin 2023, l’OAI a invité la caisse suisse de compensation à reprendre le calcul de la rente et à notifier une décision, compte tenu du rejet de la demande de renonciation par décision formelle adressée à l’assuré le 13 avril 2013.

C. a. Le 15 mai 2023, sous la plume de son conseil, l’assuré a interjeté recours auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF) contre la décision du 13 avril 2023, concluant à son annulation, avec suite de frais et dépens, dès lors qu’il n’existait aucune décision exécutoire ordonnant le versement d’une rente en sa faveur. Or, pour renoncer à un droit, fallait-il encore que celui-ci existe et tel n’était pas le cas, puisqu’il ne présentait pas d’incapacité de travail permanente, celle-ci étant étroitement liée à la situation professionnelle délétère qu’il subissait. Il était désormais en pleine capacité de travailler. En tous les cas, la position de l’OAI était choquante, puisque cet office tentait de forcer le versement d’une rente en contradiction avec le texte et l’esprit de la loi qui demandait que tout soit entrepris pour éviter une telle situation.

Le TAF a transmis à la chambre de céans le recours précité comme objet de sa compétence.

b. L’OAI a répondu en date du 15 août 2023 et a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, au vu notamment de la position de l’OFAS du 4 avril 2023.

c. Par réplique du 5 septembre 2023, le recourant a, préalablement, sollicité la suspension de la procédure jusqu’à ce qu’il ait pu fournir à l’OAI des attestations médicales démontrant qu’il ne souffrait plus de la dépression à l’origine de son incapacité de travail du mois d’avril 2021. Cela étant, il a expliqué ne jamais avoir souhaité déposer une demande de rente d’invalidité, ayant compris que le formulaire devait être rempli dans le contexte de la réinsertion professionnelle et le maintien en emploi. S’y ajoutait le fait qu’il n’avait jamais été atteint de manière permanente dans son activité professionnelle habituelle.

d. Dans sa duplique du 26 septembre 2023, l’intimé s’est en remis à justice quant à la question de la suspension de la procédure. Pour le surplus, il a persisté dans les termes de sa réponse du 15 août 2023.

e. Le 11 décembre 2023, le recourant a transmis à l’intimé, avec copie à la chambre de céans, un rapport établi le 29 août 2023 par la docteure C______ spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, dans lequel cette dernière a notamment expliqué qu’il avait suivi avec succès un traitement avec la Psilocybine. Cette thérapie, expérimentale mais autorisée par l’office fédéral de la santé publique (OFSP), avait été entreprise en raison de sa résistance aux molécules antidépressives classiques. D’octobre à décembre 2022, il avait suivi ladite thérapie, laquelle avait été couronnée de succès, puisqu’en décembre 2022, il avait recouvré sa santé psychique et par voie de conséquence sa pleine capacité de travailler dans son activité professionnelle habituelle. C’était donc à tort qu’une invalidité avait été prononcée.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a LPA), le recours est recevable.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

3.2 En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt en avril 2022, dès lors que le délai d’attente d’une année est venu à échéance le 27 avril 2022 et que la demande de prestations a été déposée le 12 octobre 2021 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

4.             Le litige porte uniquement sur la possibilité du recourant de renoncer aux prestations d’invalidité, à l’exclusion de son droit à une rente, lequel a fait l’objet d’un projet de décision séparé et, selon toute vraisemblance, d’une décision postérieurement au dépôt du recours.

5.              

5.1 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins (art. 28 al. 1 LAI).

Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA).

5.2 La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

La quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (art. 28b al. 1 LAI) et est déterminée en fonction de l’incapacité de gain au moment où le droit à la rente prend naissance (cf. art. 28 al. 1 let. c LAI).

Pour évaluer le taux d'invalidité d’un assuré exerçant une activité lucrative, le revenu qu’il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).

5.3 Aux termes de l’art. 88a al. 1 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), si la capacité de gain de l’assuré s’améliore, ce changement n’est déterminant pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu’à partir du moment où on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre.

6.              

6.1 Quiconque exerce son droit aux prestations de l’assurance-invalidité doit présenter une demande (art. 29 al. 1 LPGA).

En déposant une demande de prestations à l’AI, l’assuré sauvegarde en principe tous ses droits existant à ce moment-là, même s’il ne les indique pas nommément dans la formule de demande (RCC 1976, p. 45 ; VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], 2018, n° 36 ad Art. 55).

6.2 Selon l’art. 23 LPGA, l’ayant droit peut renoncer à des prestations qui lui sont dues ; la renonciation peut être en tout temps révoquée pour l’avenir ; la renonciation et la révocation font l’objet d’une déclaration écrite (al. 1). La renonciation et la révocation sont nulles lorsqu’elles sont préjudiciables aux intérêts d’autres personnes, d’institutions d’assurance et d’assistance ou lorsqu’elles tendent à éluder des dispositions légales (al.2).

6.3 En pratique, la renonciation aux prestations des assurances sociales peut prendre trois formes différentes : la renonciation aux prestations au sens de l’art. 23 LPGA, le retrait de la demande et enfin, le fait de s’abstenir de déposer une demande (VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et de l’assurance-invalidité (AI), 2011, n° 2849 p. 780).

La situation en cas de retrait de la demande étant similaire à celle d’une renonciation, les conditions de l’art. 23 LPGA sont applicables par analogie (VALTERIO, op. cit., n° 37 ad Art. 55).

Selon la jurisprudence se rapportant à ce concept juridique, il ne peut être renoncé à des prestations qu'exceptionnellement, à condition que le bénéficiaire des prestations y ait un intérêt digne de protection et que la renonciation ne lèse pas les intérêts d'autres personnes impliquées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_576/2010 du 26 avril 2011 consid. 4.3.2 et les références).

6.4 En vertu de l’art. 22 LPGA, le droit aux prestations est incessible; il ne peut être donné en gage. Toute cession ou mise en gage est nulle (al. 1). Les prestations accordées rétroactivement par l'assureur social peuvent en revanche être cédées, selon l’alinéa 2, à l'employeur ou à une institution d'aide sociale publique ou privée dans la mesure où ceux-ci ont consenti des avances (let. a), ainsi qu’à l'assureur qui a pris provisoirement à sa charge des prestations (let. b).

Selon l’art. 85bis al. 1 RAI, dont la base légale est l'art. 22 LPGA (ATF 136 V 381 consid. 3.2), les employeurs, les institutions de prévoyance professionnelle, les assurances-maladie, les organismes d’assistance publiques ou privés ou les assurances en responsabilité civile ayant leur siège en Suisse qui, en vue de l'octroi d'une rente de l'assurance-invalidité, ont fait une avance, peuvent exiger qu'on leur verse l'arriéré de cette rente en compensation de leur avance et jusqu'à concurrence de celle-ci. Les organismes ayant consenti une avance doivent faire valoir leurs droits au moyen d'un formulaire spécial, au plus tôt lors de la demande de rente et, au plus tard, au moment de la décision de l'office AI.

L’art. 85bis al. 2 RAI prévoit que sont considérées comme une avance les prestations librement consenties, que l'assuré s'est engagé à rembourser, pour autant qu'il ait convenu par écrit que l'arriéré serait versé au tiers ayant effectué l'avance (let. a), de même que les prestations versées contractuellement ou légalement pour autant que le droit au remboursement, en cas de paiement d’une rente, puisse être déduit sans équivoque du contrat ou de la loi (let. b). Les arrérages de rente peuvent être versés à l’organisme ayant consenti une avance jusqu’à concurrence, au plus, du montant de celle-ci et pour la période à laquelle se rapportent les rentes (al. 3).

Les avances librement consenties selon l'art. 85bis al. 2 let. a RAI supposent le consentement écrit de la personne intéressée pour que le créancier puisse en exiger le remboursement. Dans l'éventualité de l'art. 85bis al. 2 let. b RAI, le consentement n'est pas nécessaire ; celui-ci est remplacé par l'exigence d'un droit au remboursement « sans équivoque ». Pour que l'on puisse parler d'un droit non équivoque au remboursement à l'égard de l’assurance-invalidité, il faut que le droit direct au remboursement découle expressément d'une norme légale ou contractuelle (ATF 133 V 14 consid. 8.3 et les références). L'art. 85bis RAI n'est pas simplement destiné à protéger les intérêts publics en général. Il vise certes à favoriser une bonne coordination des assurances sociales, notamment par la prévention d'une surindemnisation pour une période pendant laquelle l'assuré reçoit rétroactivement une rente. Mais il vise aussi à sauvegarder les intérêts de tiers qui ont versé des avances à l'assuré en attendant qu'il soit statué sur ses droits (ATF 133 V 14 consid. 8.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2010 du 4 août 2011 consid. 3.2).

De jurisprudence constante, les prestations des assurances d’indemnités journalières conformément à la loi sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1) sont des prestations au sens de l'art. 85bis al. 2 RAI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2010 du 4 août 2011 consid. 4.2 et les références).

6.5 Les offices AI traitent directement les retraits, qui peuvent être admis seulement s’ils ne sont pas préjudiciables à l’intérêt légitime de l’assuré lui-même, d’autres personnes concernées (par ex. enfants, conjoint) ou d’institutions d’assurance ou d’assistance et ne tendent pas à contourner des dispositions légales (ch. 1044 de la Circulaire sur la procédure dans l’assurance-invalidité [CPAI]). Lors de situations où un tiers responsable est impliqué, l’office AI, avant de décider, soumet le retrait ainsi que les actes au service de recours compétent pour avis (ch. 1045 CPAI). Si le retrait de la demande est admis, cette décision est communiquée par écrit à l’assuré (art. 23, al. 3, LPGA). Si le retrait de la demande ne peut pas être admis (intérêt de tiers ou intérêt propre dignes de protection), une décision formelle est rendue (ch. 1046 CPAI).

Quant aux renonciations à la rente, elles sont envoyées directement avec le dossier au domaine AVS, prévoyance professionnelle et PC de l’OFAS (ch. 1049 CPAI). L’admission ou le refus de la renonciation doit faire l’objet d’une décision. L’assuré est informé des conséquences de la renonciation (ch. 1050 CPAI).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.              

8.1 En l’espèce, le recourant justifie sa demande de renonciation aux prestations d’invalidité par le fait que, selon lui, il n’existait aucun droit à des prestations de l’assurance-invalidité, dès lors qu’il ne présentait pas d’incapacité de gain permanente, son incapacité de travail étant étroitement liée à sa situation professionnelle, étant relevé qu’il était désormais pleinement capable de travailler (recours du 15 mai 2023 p. 4 ; réplique du 5 septembre 2023 p. 5 ; observations spontanées du 11 décembre 2023). En tout état, il n’avait jamais eu la volonté de demander une rente d’invalidité, ayant au demeurant refusé de signer le nouveau formulaire de demande envoyé par l’OAI (réplique du 5 septembre 2023 p. 4).

8.2 En premier lieu, le recourant demande à renoncer à ses prestations, considérant qu’il n’est pas invalide, faute d’incapacité de travail permanente ou de longue durée.

Il s’agit là d’une question de fond, qui fait l’objet du projet de décision puis de la décision que la caisse suisse de compensation est amenée à rendre.

Cela étant, la chambre de céans rappellera tout de même que l’invalidité n’est pas une notion médicale mais une notion théorique et qu’elle est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Or, en matière de rente d’invalidité, la personne assurée doit présenter une incapacité de travail d’au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable (art. 28 al. 1 let. b LAI), pour être considérée comme invalide (MOSER-SZELESS, in Commentaire Romand de la LPGA, 2018, n° 25 ad Art. 8 LPGA.

De prime abord, cela semble être le cas du recourant, lequel a été totalement incapable de travailler du 28 avril 2021 jusqu’à la fin d’année 2022 au moins, ce qu’il admet du reste. Bien plus, il a perçu des indemnités journalières pour cause de maladie jusqu’au 31 janvier 2023, ce qu’il ne conteste pas. Le recourant a donc été incapable de travailler pendant près de deux ans, ce qui est susceptible de constituer une durée suffisante pour le reconnaître comme étant invalide. C’est également le lieu de préciser qu’une rente d’invalidité peut être limitée dans le temps et ne couvrir que quelques mois de l’incapacité de travail postérieure au délai d’attente (rente limitée dans le temps).

Quoi qu’il en soit, la question de l’existence d’une incapacité de gain et, partant, d’une invalidité, a fait l’objet du projet de décision du 13 avril 2023, laquelle ne fait pas l’objet de la présente procédure. Cette question sort par conséquent de l’objet du litige.

Par ailleurs, la demande de suspension de la présente procédure afin de produire des pièces susceptibles de démontrer l’absence d’invalidité doit être rejetée, le recourant ayant eu l’occasion, entretemps, de produire le rapport de la Dre KING OLIVIER du 29 août 2023.

Cela étant précisé, force est de constater que si le recourant a, à plusieurs reprises, formulé une demande de renonciation aux prestations, la seule demande écrite et signée a toutefois été effectuée le 7 février 2023, suite au projet de décision lui octroyant une rente entière dès le 1er avril 2022. Dès lors que la demande a été formulée après le projet de décision, soit à un stade où l’instruction médicale était terminée et où les prestations qui lui revenaient étaient connues, il s’agit d’une demande de renonciation aux prestations, et non d’une demande de retrait. Quoi qu’il en soit, l’art. 23 LPGA est applicable tant à la renonciation qu’au retrait de la demande.

Dans tous les cas, une renonciation aux prestations ne doit pas porter préjudice à un tiers.

Or, force est de constater que la renonciation du recourant au versement d’une rente d’invalidité, si elle devait être admise, porterait préjudice à l’assureur perte de gain, le Groupe Mutuel. En effet, celui-ci a versé des indemnités journalières au recourant dans l’attente que l’intimé statue sur le droit à des prestations d’assurance-invalidité et a expliqué, à plusieurs reprises, vouloir une compensation en cas d’octroi d’une rente pour la même période. Conscient du préjudice qui pourrait lui être causé, l’assureur perte de gain s’est d’ailleurs opposé à la demande de renonciation à la rente.

Dans ces conditions, c’est à juste titre que l’office intimé n’a pas admis la demande de renonciation formulée par le recourant le 7 février 2023.

9.             Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, doit être rejeté et la décision entreprise confirmée.

Le recourant, bien qu’ayant été représentée par un avocat, n’a pas droit à une indemnité de procédure dans la mesure où il succombe (art. 61 let. g LPGA a contrario).

La procédure n'étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), il y a lieu de condamner le recourant au paiement d'un émolument de CHF 200.-.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le