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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3406/2022

ATAS/794/2023 du 19.10.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3406/2022 ATAS/794/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 octobre 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______
représentée par l’APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés, soit pour elle Roman SEITENFUS, mandataire

recourante

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1986, est arrivée en Suisse en octobre 2003.

b. Mariée depuis le 25 septembre 2009, elle est mère de deux garçons, B______, né en ______ 2011, et C______, né en ______ 2016.

c. L’assurée a exercé diverses activités et notamment plusieurs emplois temporaires en 2005 (vente textile, électroménager et parfumerie) et divers stages (cordonnerie en 2005, dessinatrice en bâtiment en 2006, gainerie en 2007). En 2008 et 2009, elle travaillait en tant qu’aide de bureau pour D______ (ci-après : D______). Son contrat a été résilié suite au départ à la retraite de son employeur et l’assurée s’est annoncée à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) le 1er décembre 2009. Dès décembre 2010, elle a travaillé, à temps partiel, pour le compte de la fondation genevoise pour l’animation socio-culturelle (ci-après : FASE) en qualité de monitrice et accompagnante socio-éducative. En 2011 et 2012, l’assurée a bénéficié d’indemnités de perte de gain suite à la naissance de son deuxième enfant. En 2012 et 2013, elle a, à nouveau, travaillé quelques heures pour le compte d’D______, en parallèle à son activité pour la FASE. D’août 2013 à juillet 2017, elle ne travaillait plus que pour la FASE, à temps partiel, avant d’être engagée par l’État de Genève en tant qu’assistante socio-éducative auxiliaire d’août 2017 à juillet 2019, étant inscrite à OCE dès le 2 juillet 2019.

B. a. Le 14 décembre 2009, l’assurée a saisi l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) d’une demande de prestations, en raison d’une dysplasie post-traumatique de la hanche gauche suite à un accident survenu au Kosovo en 1996, traitée chirurgicalement sur place avec reprise chirurgicale en 2004 en Suisse.

b. Après avoir récolté divers rapports médicaux, l’OAI a mandaté, pour expertise, la docteure E______ spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Dans son rapport du 28 juin 2011, l'experte psychiatre précitée a retenu les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, de personnalité émotionnellement labile de type borderline, mal compensée (F60.31), présente depuis l’adolescence, et de trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger, sans syndrome somatique (F33.0) présent depuis 2007. Sans répercussion sur la capacité de travail, la Dre E______ a évoqué le diagnostic de syndrome de dépendance, lié à l’utilisation de Tramadol®, en cours (F11.24), présent depuis 2004. Selon l’experte, la capacité de travail était de 70% dans l’activité habituelle d’aide de bureau.

c. Afin de connaître l’évolution de l’état de santé de l’assurée, l’OAI a, après avoir récolté de nouveaux rapports des médecins traitants de l’assurée, mandaté la policlinique médicale universitaire (ci-après : PMU) pour expertise. Selon le rapport du 14 juillet 2015, les diagnostics incapacitants étaient ceux de prothèse totale de la hanche gauche avec acétabuloplastie en 2004, consécutive à une fracture du cotyle gauche traumatique, coxarthrose gauche secondaire (Z96.6 et M16.6), trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger (F33.0), trouble de la personnalité borderline (F60.31) et problèmes orthopédiques séquellaires à une fracture de hanche en 1996. À titre de diagnostics sans influence sur la capacité de travail, les médecins de la PMU ont évoqué des dorso-lombo-inguinalgies gauches chroniques avec troubles statiques sous forme de bascule du bassin du côté gauche secondaire à un raccourcissement du membre inférieur gauche et syndrome douloureux chronique des membres inférieurs. Ces atteintes entraînaient des limitations fonctionnelles (position assise ou semi-assise, à mi-temps, pas de port de charges, pas de travaux lourds, diminution de la résistance au stress, difficultés relationnelles, pas de travail à genou ou accroupie), et une capacité de travail réduite de 50% dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée depuis 2007, à l’exception de la période du 27 janvier au 1er septembre 2010, où l’incapacité de travail était de 100% en raison de la pose de la prothèse totale de la hanche et de ses suites.

d. Sur la base de cette expertise, par décision du 23 mars 2016, l’OAI a mis l’assurée au bénéfice d’une rente extraordinaire entière du 1er mars au 31 décembre 2010 et d’une demi-rente extraordinaire dès le 1er janvier 2011.

C. a. Le 27 janvier 2021, l’assuré a sollicité la révision de la rente qui lui était versée en raison d’une aggravation progressive depuis 2017.

b. Par courrier du 24 février 2021, le docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, médecin traitant, a informé l’OAI, au nom des autres médecins traitants et de lui-même, de l’existence d’une aggravation, notamment sur le plan psychique avec la persistance d’une symptomatologie anxieuse majeure, avec des passages à l’acte impulsifs et des crises clastiques (violence ou négligence envers ses enfants pris en charge par leur pédiatre et leurs pédopsychiatres) et dépression récurrente, invalidante. Cette évolution psychopathologie entraînait désormais une incapacité de travail de 100% depuis septembre 2019.

c. Afin de clarifier la question de l’aggravation de l’état de santé de l’assurée, l’OAI a mandaté G______ (ci-après : G______) pour expertise pluridisciplinaire. Celle-ci a été confiée à la docteure H______, spécialiste FMH en médecine interne générale, ainsi qu’aux docteurs I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, et K______, spécialiste FMH en médecine physique et réhabilitation, spécialiste FMH en maladies rhumatismales et médecine du sport.

Dans leur rapport du 22 juin 2022, les médecins précités ont retenu les diagnostics incapacitants de trouble dépressif récurrent, épisode léger, sans syndrome somatique (F33.10), trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline (F60.31), douleur de la hanche gauche après fracture à l’âge de 10 ans, acétabuloplastie en 2004 et prothèse totale de hanche gauche en 2010, avec ankylose persistante, possible syndrome sous acromial gauche et chondropathie fémoro-patellaire bilatérale. Du point de vue psychiatrique, il existait des limitations liées à la difficulté de gestion des émotions, à l’instabilité affective et émotionnelle et au faible niveau de tolérance au stress. En raison, principalement, du trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline, la capacité de travail était de 50% dans une activité adaptée, impliquant des consignes simples et claires, un coaching bienveillant et un milieu de travail non conflictuel. Par ailleurs, le trouble de la personnalité était susceptible de décompenser si le stress devenait plus important. En outre, les analyses sanguines avaient montré une mauvaise compliance à la prise de médicaments.

d. Se fondant sur le rapport précité, l’OAI a considéré, par décision du 13 septembre 2022, que l’état de santé de l’assurée ne s’était pas modifié de manière significative, raison pour laquelle il a rejeté la demande de révision de la rente, confirmant par-là le maintien d’une demi-rente d’invalidité extraordinaire.

D. a. Le 14 octobre 2022, l’assurée, sous la plume de son Conseil, a interjeté recours contre la décision précitée par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et, cela fait, principalement à l’octroi d’une rente entière, subsidiairement à ce qu’une expertise pluridisciplinaire soit ordonnée. À l’appui de ses conclusions, elle a contesté la valeur probante du rapport du G______ du 22 juin 2022, considérant, pour diverses raisons qu’elle a précisées dans son écriture, que les experts n’avaient pas respecté le mandat donné et qu’ils ne s’étaient pas appuyés sur les constatations médicales ayant donné lieu à la décision d’octroi de la demi-rente, à tel point qu’ils avaient complètement remis en question l’octroi de cette demi-rente.

b. Par réponse du 15 novembre 2022, l’OAI a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, considérant que les critiques de la recourante portaient majoritairement sur la forme du mandat d’expertise et qu’elles ne remettaient pas en question les constatations des experts sur le plan médical et clinique.

c. Dans ses déterminations du 12 décembre 2022, la recourante a expliqué qu’elle contestait le fond de l’expertise et non la forme. Elle a notamment relevé que les experts avaient présumé que l’activité d’assistante socio-éducative (ASE) était exercée depuis 2008 et que celle-ci était celle sur laquelle les experts de la PMU s’étaient prononcés en 2016, ce qui n’était pas le cas. La recourante s’est également prononcée sur l’absence de compliance qui lui était reprochée par les experts du G______.

d. L’intimé s’est déterminé par écriture du 18 janvier 2023 et a relevé qu’il n’appartenait pas au médecin de désigner concrètement les métiers envisageables mais au conseiller en réadaptation. L’OAI s’est également prononcé sur la question de la compliance.

e. Le 20 février 2023, l’OAI a transmis à la chambre de céans, pour information, le rapport de la docteure L______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation.

f. Par courrier du 30 mars 2023, la recourante a transmis un nouveau rapport du Dr F______, daté du 5 janvier 2023, et un courrier de la docteure M______, médecin traitant, du 17 janvier 2023.

g. L’OAI a soumis à son service médical régional (ci-après : le SMR) les trois rapports précités. Pour le SMR, lesdits rapports ne permettaient pas de s’écarter des conclusions des experts du G______ (cf. avis du 19 mai 2023, transmis à la chambre de céans par l’OAI le même jour).

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

i. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), y compris les ordonnances correspondantes, sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

La réglementation légale concernant la révision et le réexamen de décisions ou de décisions sur opposition entrées en force (art. 53 LPGA) n'a pas été modifiée dans le cadre du développement de l'AI susmentionné, raison pour laquelle aucune question de droit intertemporel ne se pose à cet égard (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.2).

3.2 En l’occurrence, la décision litigieuse a certes été rendue après le 1er janvier 2022. Toutefois, il n’est pas contesté qu’une modification des circonstances est survenue avant cette date, conformément à l’art. 88a RAI. Par conséquent, les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimé de procéder à la révision de la rente versée à la recourante, singulièrement sur l’existence d’une aggravation de son état de santé. Dans ce contexte, se pose la question de la valeur probante du rapport d’expertise pluridisciplinaire du G______.

6.              

6.1 L’art. 17 al. 1er LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

6.2 Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

6.3 Il y a plus particulièrement un motif de révision sous la forme d’une modification du revenu d’invalide lorsque la capacité de prestation reste inchangée, mais que les possibilités de gain ou la situation professionnelle ont changé. Tel peut être le cas, par exemple, lorsque l’assuré a achevé une formation, lorsqu’un revenu d’invalide effectif doit être remplacé par un revenu hypothétique ou vice versa, lorsque l’assuré quitte son emploi et commence une activité lucrative indépendante ou lorsqu’il développe une activité accessoire antérieure. De même, la suppression d’un emploi de niche permettant une exploitation particulièrement avantageuse de la capacité résiduelle de travail peut constituer un motif de révision. Il en va également de même du cas inverse, à savoir lorsque l’assuré trouve un emploi mieux rémunéré, pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un cas de chance absolument unique. Il est en outre possible que le marché du travail subisse une modification structurelle qui crée des possibilités de gain supplémentaires pour les personnes soumises à certaines restrictions ou supprime des possibilités de gain existantes (Thomas Flückiger, in Basler Kommentar ATSG, 2020, n°27 ad Art. 17 LPGA).

7.              

7.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (Ulrich MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, 1997, p. 8).

7.2  

7.2.1 Le marché du travail équilibré est une question théorique, de sorte que l'on ne peut pas supposer à la légère que la capacité restante est inutilisable (arrêts du Tribunal fédéral 8C_442/2019 du 20 juillet 2019 consid. 4.2 et 9C_485/2014 du 28 novembre 2014 consid. 3.3.1). Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'œuvre (VSI 1998 p. 293). On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail irréalistes. Il est certes possible de s'écarter de la notion de marché équilibré du travail lorsque, notamment l'activité exigible au sens de l'art. 16 LPGA, ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu'elle n'existe quasiment pas sur le marché général du travail ou que son exercice impliquerait de l'employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (cf. RCC 1991 p. 329 ; RCC 1989 p. 328 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3.2). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l'atteinte à la santé – puisqu'une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance d'une invalidité (cf. art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.2).

7.2.2 D'après ces critères, il y a lieu de déterminer dans chaque cas et de manière individuelle si l'assuré est encore en mesure d'exploiter une capacité de travail résiduelle sur le plan économique et de réaliser un salaire suffisant pour exclure une rente. Ni sous l'angle de l'obligation de diminuer le dommage, ni sous celui des possibilités qu'offre un marché du travail équilibré aux assurés pour mettre en valeur leur capacité de travail résiduelle, on ne saurait exiger d'eux qu'ils prennent des mesures incompatibles avec l'ensemble des circonstances objectives et subjectives (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1066/2009 du 22 septembre 2010 consid. 4.1 et la référence).

7.2.3 Ont notamment été considérées, par le Tribunal fédéral ou les offices de l'assurance-invalidité, comme étant des activités légères, ne requérant pas de formation particulière : les tâches simples de surveillance, de vérification, de contrôle ou encore les tâches d'approvisionnement de machines ou d'unités de production automatiques ou semi-automatiques (voir arrêt du Tribunal fédéral 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3.3) ; les activités de vendeur(euse) / caissier(ère) dans un kiosque (arrêts du Tribunal fédéral 9C_502/2014 du 5 septembre 2014 ; 9C_659/2014 du 13 mars 2015 et 9C_474/2016 du 8 février 2017), les activités dans le domaine du bureau, réceptionniste, caissier(ère) en kiosque ou en station-service (arrêts du Tribunal fédéral 9C_502/2014 du 5 septembre 2014 et 9C_474/2016 du 8 février 2017), les emplois sur une chaîne de montage en position assise, les métiers de gardien de musée, de surveillant de parking, de vendeur de billets (arrêt du Tribunal fédéral 9C_21/2008 du 29 septembre 2008), les professions d'auxiliaires dans un magasin, dans une entreprise de lavage de voitures ou de gardien (de musée, de parking, sur un chantier) (arrêt du Tribunal fédéral I 836/02 du 14 février 2003) ; ou encore les métiers de surveillants de chantier, gardiens de musée, portiers, chauffeurs de taxi, opérateurs sur machines, garçons de course ou encore ouvriers à l'établi pour des travaux légers (arrêt du Tribunal fédéral I 482/00 du 21 mai 2001).

7.2.4 Le Tribunal fédéral a été amené à examiner à plusieurs reprises le caractère réaliste des activités adaptées envisageables.

Notre Haute Cour a ainsi considéré, dans un arrêt 9C_279/2008 du 16 décembre 2008 que les limitations fonctionnelles présentées par une assurée, souffrant de lombosciatalgies gauches irritatives L5 sur hernie intraforaminale L5‑S1 gauche (pas de port de charges supérieur à 10 kg de façon répétitive, pas de position en antéflexion ou en porte-à-faux du tronc de façon répétitive ou contre résistance, pas de position statique assise au-delà de 40 mn, diminution du périmètre de marche à 20 mn, pas de position statique debout au-delà de 20 mn, possibilité d'alterner les positions assise/debout au minimum deux fois par heure (de préférence à sa guise), pas d'activité en terrain instable, pas de montée ou descente d'escaliers à répétition, pas d'activité en hauteur, pas d'exposition à des machines ou outils provoquant des vibrations de 5 Herz ou moins) représentaient des mesures classiques d'épargne lombaire en vue d'éviter les douleurs provoquées par la pathologie susmentionnée. Pour le Tribunal fédéral, il convenait néanmoins d'admettre que le marché du travail offrait un éventail suffisamment large d'activités légères, dont on devait convenir qu'un nombre significatif étaient adaptées auxdites limitations et accessibles sans aucune formation particulière (consid. 4).

Dans un autre arrêt, le Tribunal fédéral a également considéré qu'il y avait suffisamment d'opportunités réalistes sur un marché du travail équilibré pour les personnes qui ne pouvaient exercer que des travaux légers de type mono-manuel, à l'instar de simples activités de surveillance, d'essais et d'inspection, ainsi que du fonctionnement et de la surveillance de machines (semi-) automatiques ou d'unités de production qui ne nécessitent pas l'utilisation des deux bras et des deux mains. De tels emplois existent également dans les entreprises liées à la production, raison pour laquelle il a jugé qu'une restriction du marché du travail à considérer ne s'imposait pas au secteur des services (arrêt du Tribunal fédéral 8C_100/2012 du 29 mars 2012 consid. 3.4 et les références).

En revanche, dans l'arrêt 9C_313/2007 du 8 janvier 2008, le Tribunal fédéral voyait mal comment une assurée qui devait éviter le port de charges supérieures à 1 kg et les mouvements de bras au-dessus de l'horizontale et ne disposait que d'une force de préhension et de serrage limitées, pourrait travailler dans le secteur de la vente. Il en allait de même des tâches de vérification ou de contrôle (par exemple de machines automatiques utilisées dans le travail à la chaîne) qui supposaient le maintien d'une même position pendant une certaine durée, ce qui était difficilement compatible avec la restriction mise en évidence par les médecins au niveau de la nuque. Enfin, les empêchements au niveau des bras et des mains limitaient également l'action de l'assurée sur des objets ou machines dont elle devrait contrôler la destination ou le fonctionnement. Quant à l'activité de surveillance proprement dite - exceptée celle de gardien de musée -, elle impliquait dans la plupart des situations la faculté de réagir physiquement à un imprévu (emploi de la force ou courir après quelqu'un), dont l'assurée était dépourvue. Le Tribunal fédéral avait donc considéré qu'il n'y avait pas d'activité adaptée à l'état de santé de l'assurée (consid. 5.3).

Il en va de même dans l'arrêt 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 dans lequel le Tribunal fédéral a considéré que compte tenu des limitations fonctionnelles retenues (pas de port de charges de plus de 10 kg de façon répétitive, pas de travail nécessitant le port de charges avec respiration bloquée et activité en force, pas de position statique assise au-delà de 40 mn sans possibilités de varier les positions assise et debout, diminution du périmètre de marche à environ 20 mn, pas de marche sur terrain instable, ni de montées ou descentes d'escaliers à répétition, pas de position en génuflexion ou accroupie, pas d'activité requérant un rendement imposé au niveau des membres supérieurs ou la pince pouce-index au niveau du membre supérieur droit contre résistance, pas d'activité minutieuse au niveau du membre supérieur droit), on devait admettre que, même en prenant en considération le large éventail d'activités simples et répétitives ne nécessitant pas de formation dans les secteurs de la production et des services, les possibilités d'un emploi adapté aux importantes limitations (en particulier au niveau des membres supérieurs) de l'assuré n'apparaissaient pas suffisantes pour qu'il put mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle sur le plan économique dans une mesure significative (consid. 3 et 4.2.4).

Enfin, le Tribunal fédéral a considéré, dans son arrêt 9C_984/2008 du 4 mai 2009, que l’assuré, qui souffrait d’une personnalité borderline et qui avait besoin de pouvoir fonctionner de manière parfaitement autonome et en dehors de toute pression extérieure, dans un environnement protégé et confiné, ne pouvait offrir ce que l’on est en droit d’attendre d’un travailleur dans des rapports de travail qualifiés de normaux. Bien plus, notre Haute Cour a rappelé qu’à la différence de simples fluctuations conjoncturelles (arrêt du Tribunal fédéral I 198/76 du 4 octobre 1976 consid. 2, in RCC 1977 p. 206), les modifications structurelles que peut connaître le marché du travail sont des circonstances dont il y a lieu de tenir compte en matière d'assurance-invalidité (ATF I 436/92 du 29 septembre 1993 consid. 4c et 5b). La structure actuelle du marché du travail n'offre plus les conditions qui permettaient encore à une personne comme l'assuré, à l'aube des années nonante, de trouver un emploi et d'exercer par intermittence une activité lucrative. L'augmentation de la productivité au sein des entreprises, la pression sur la rentabilité ou encore les nécessités liées à la maîtrise des coûts salariaux pèsent sur les salariés qui doivent désormais faire preuve d'engagement et d'efficacité, s'intégrer dans une structure d'entreprise et, partant, montrer des facultés d'adaptation importantes. Si le marché du travail présentait par le passé une souplesse suffisante permettant, tant bien que mal, d'intégrer en son sein la personne de cet assuré, la nature et l'importance du trouble de la personnalité constitue, au regard des conditions actuelles du marché du travail, des obstacles irrémédiables à la reprise d'une activité lucrative salariée.

8.              

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable, en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

8.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

8.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.3.2 En application du principe de l'égalité des armes, l'assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance. Il s'agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d'un autre médecin mandaté par l'assuré. Ces avis n'ont pas valeur d'expertise et, d'expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l'assuré, afin de voir s'ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 8C_408/2014 et 8C_429/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.2). À noter, dans ce contexte, que le simple fait qu'un avis médical divergent - même émanant d'un spécialiste - ait été produit ne suffit pas à lui seul à remettre en cause la valeur probante d'un rapport médical (arrêt du Tribunal fédéral U 365/06 du 26 janvier 2007 consid. 4.1).

8.3.3 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

9.              

9.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.2 Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel il appartient au juge d'établir d'office l'ensemble des faits déterminants pour la solution du litige et d'administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires (cf. art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA). En principe, les parties ne supportent ni le fardeau de l'allégation ni celui de l'administration des preuves. Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués (ATF 138 V 86 consid. 5.2.3 ; ATF 125 V 193 consid. 2). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse (ATF 124 V 372 consid. 3 ; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3). Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

9.3 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

10.         En l’espèce, pour savoir si la demi-rente doit être augmentée à une rente entière, il faut examiner s’il y a eu une modification du degré d’invalidité, soit en raison d’une aggravation de l’état de santé, soit consécutivement à une modification des circonstances économiques ou personnelles de la recourante.

 

10.1  

10.1.1 Lors du dépôt de la demande, en mars 2010, la recourante ne travaillait pas (cf. extrait du compte individuel de la recourante, p. 440 du dossier AI). En décembre 2010, elle a travaillé quelques heures, en tant que monitrice et accompagnante socio-éducative pour le compte de la FASE. Cette activité s’est prolongée, de manière irrégulière et à temps partiel, jusqu’en août 2017. En 2013, la recourante a encore travaillé quelques heures pour D______, travaux de secrétariat (cf. extrait du compte individuel de la recourante, p. 440 du dossier AI), étant précisé que tant l’activité pour D______ que celle pour la FASE ont été exercées dans des environnements qualifiées de très tolérants par les experts de la pMU (cf. rapport d’expertise de la PMU du 14 juillet 2015 p. 11, p. 330 du dossier AI).

Lors de l’expertise de la PMU, en 2015, la recourante travaillait justement encore pour la FASE.

Dans leur rapport du 14 juillet 2015, les médecins de la PMU ont retenu les diagnostics incapacitants de prothèse totale de la hanche gauche avec acétabuloplastie en 2004, consécutive à une fracture du cotyle gauche traumatique (Z96.6, M16.6), de trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger (F33.0) et de trouble de la personnalité de type borderline (F60.31). En raison des troubles psychiques, la capacité de travail était de 50% dans une activité adaptée depuis 2007, compte tenu d’une diminution de la tolérance au stress et des difficultés relationnelles. Les experts étaient toutefois d’avis que l’activité habituelle de salariée d’une maison de quartier n’était pas adaptée à l’état de santé de la recourante tant sur le plan orthopédique (montée et descente d’escaliers pour entrer dans le bus scolaire, interventions potentielles dans le bus alors que celui-ci n’est pas à l’arrêt) que sur le plan psychiatrique (agressivité des enfants).

L’OAI a rendu sa décision du 23 mars 2016 sur la base de cette expertise de la PMU.

À ce stade, la chambre de céans relèvera que le dossier de l’OAI ne comporte aucune explication concernant la comparaison des revenus. On ne sait par conséquent pas sur quels éléments cet office s’est fondé pour retenir une invalidité de 50%.

10.1.2 La recourante a quitté l’emploi auprès de la FASE pour un poste d’assistante socio-éducative auxiliaire auprès de l’État de Genève, poste dont on ne connait rien. Tout au plus peut-on déduire de l’extrait du compte individuel de la recourante que le changement d’employeur a eu lieu vraisemblablement en août 2017 (p. 440 du dossier AI), étant précisé que seul un contrat signé le 21 septembre 2018, conclu pour une durée limitée, du 27 août 2018 au 2 juillet 2019 figure au dossier de l’OAI (p. 398ss du dossier AI), et que la recourante s’est inscrite auprès de l’OCE dès juillet 2019 (p. 443 du dossier AI). Aucune information concernant la situation professionnelle de la recourante, entre août 2017 et juillet 2019, ne ressort des pièces soumises à la chambre de céans.

Dans un courriel du 25 mars 2021, la recourante a expliqué que depuis juillet 2019, elle avait tenté de faire des petites missions, lesquelles s’étaient soldées par des échecs, en raison de sa santé physique et psychique. Par ailleurs, l’OCE l’aurait adressée à une cellule de collaboration interinstitutionnelle, son gestionnaire se questionnant sur son employabilité (p. 442 du dossier AI). À nouveau, à l’exception de la confirmation d’inscription (p. 443 du dossier AI), le dossier de l’OAI ne comporte aucun document relatif à la situation professionnelle dès juillet 2019.

En somme, le dossier soumis à la chambre de céans ne permet pas de se prononcer sur l’évolution de l’activité professionnelle de la recourante depuis la décision du 23 mars 2016.

10.1.3 En février 2021, lors de l’ouverture de la procédure de révision, la recourante ne travaillait donc plus.

Dans le cadre de cette procédure de révision, l’OAI a mandaté le G______ pour expertise. La recourante conteste l’appréciation de la capacité de travail faite par les médecins de cet organisme, ce qui implique un examen de la valeur probante du rapport d’expertise.

À cet égard, force est de constater que, sur le plan formel, le rapport du G______ répond à plusieurs des réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante. Il contient en effet le résumé du dossier, une anamnèse, les indications subjectives de la recourante, des observations cliniques, ainsi qu'une discussion générale du cas. En revanche, on peut se demander si les conclusions des médecins résultent effectivement d'une analyse complète de la situation médicale comme cela ressort des considérations qui suivent.

En effet, sur le fond, les médecins du G______ ont retenu les diagnostics incapacitants de trouble dépressif récurrent, épisode léger, sans syndrome somatique (F33.10), trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline (F60.31), douleur de la hanche gauche après fracture à l’âge de 10 ans, acétabuloplastie en 2004 et prothèse totale de hanche gauche en 2010, avec ankylose persistante, possible syndrome sous acromial gauche et chondropathie fémoro-patellaire bilatérale. Du point de vue psychiatrique, il existait des limitations liées à la difficulté de gestion des émotions, à l’instabilité affective et émotionnelle, au faible niveau de tolérance au stress. En raison, principalement, du trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline, la capacité de travail était de 50% dans une activité avec des consignes simples et claires, un coaching bienveillant et un milieu de travail non conflictuel. Par ailleurs, le trouble de la personnalité de la recourante était susceptible de décompenser si le stress devenait plus important.

Pour l’expert psychiatre, le trouble de la personnalité était partiellement compensé, la recourante ayant pu « pendant toutes ces années réussir à rester en Suisse, s’entourer des aides nécessaires pour régulariser sa situation administrative, ayant pu suivre l’école obligatoire, faire un préapprentissage, valider et obtenir un CFC par la validation des acquis. Elle a pu travailler dans différents milieux professionnels sans problème particulier sur le plan relationnel ou disciplinaire. Elle a travaillé à 50% pendant au moins 10 ans et a même postulé pour un poste permanent à la (recte : au) DIP, mais qui ne lui a pas été octroyé car le poste devait être pourvu à 65% ».

La question n’est toutefois pas celle de savoir quelles sont les capacités d’adaptation de la recourante depuis son arrivée en Suisse mais celle de savoir si son état de santé s’est aggravé depuis 2015. Or, la situation semble avoir évolué depuis lors, avec des changements d’emplois dont on ne connaît rien et plusieurs missions avortées pour des raisons inconnues également.

Dans le même contexte de lacunes, les experts évoquent une relation de famille stable. Or, à nouveau, ils ne semblent pas avoir pris en considération le fait que les enfants de la recourante bénéficient d’un suivi pédopsychiatrique et que, selon les explications de la recourante, la relation avec son époux est tendue.

Par ailleurs, d’autres éléments anamnestiques n’ont jamais été évoqués par les experts, ou alors tellement brièvement qu’on peut se demander s’ils ont vraiment été pris en considération. Il en va ainsi du tentamen médicamenteux, de la dépression post-partum, du soutien intensif au Centre de thérapies brèves (CTB) dans le contexte du départ au Kosovo du mari en 2013-2014 avec l’aîné, avec la menace de ne plus rentrer.

L’expert psychiatre estime, en outre, que le trouble de la personnalité de la recourante était susceptible de décompenser si le stress devenait plus important. L’expertise ne s’intéresse toutefois à aucun moment aux différentes activités professionnelles exercées par la recourante. Or, les précédents experts ont constaté qu’à tout le moins l’activité d’aide comptable et celle auprès de la FASE s’exerçaient dans un milieu très tolérant mais qu’elles n’étaient malgré tout pas adaptées. On ne connaît en revanche rien de la dernière activité exercée, à savoir celle d’assistante socio-éducative auxiliaire auprès de l’État de Genève. Il paraît dès lors surprenant que l’expert psychiatre puisse se prononcer sur la capacité de travail de la recourante en lien avec le trouble borderline et le risque de décompensation alors qu’il ne connaît rien des activités professionnelles exercées. Bien plus, lors de l’examen, la recourante ne travaillait plus et les médecins traitants ont constaté une amélioration de son mode relationnel et un rééquilibrage du climat familial depuis qu’elle avait cessé son activité (cf. rapport du Dr F______ du 5 janvier 2023).

En l’absence d’éléments sur les activités effectivement exercées par la recourante et au vu des lacunes dans l’anamnèse, les conclusions de l’expertise psychiatrique ne sont pas convaincantes et la chambre de céans ne saurait s’y fier pour apprécier la validité de la décision de refus de l’intimé concernant l’augmentation de la rente sollicitée par la recourante.

Se pose donc la question d’une instruction complémentaire.

L’opportunité d’une telle mesure dépendra toutefois des conclusions de l’OAI quant à l’existence d’une activité adaptée, comme cela ressort des considérations qui suivent.

10.2 Selon l’expertise du G______, les limitations fonctionnelles sont les suivantes :

-          du point de vue psychique : difficultés de gestion émotionnelle, difficultés d’adaptation et de contrôle émotionnel et du stress, impulsivité partiellement contrôlée (expertise p. 9). L’activité adaptée doit impliquer des consignes simples et claires, un coaching bienveillant et un milieu de travail non conflictuel ;

-          du point de vue orthopédique : travail sédentaire en position assise, éventuellement assise haute, avec changements de position non limités, pas de port de charges de plus de 5 kg, pas de marche en terrain inégal, pas d’échelle, pas d’échafaudage, pas d’escalier, pas de flexion antérieure, pas d’effort au-dessus de la ceinture scapulaire à gauche ;

-          du point de vue rhumatologique : alternance des positions assise et debout, avec limitation du port de charges à 5 kg, en évitant la position agenouillée ou accroupie prolongée, et toutes les activités demandant une sécurité augmentée sur des échafaudages et des échelles. Du côté gauche, pas de gestes au-dessus de l’horizontal.

Étant donné que du point de vue psychique, l’activité adaptée doit impliquer des consignes simples et claires, seules des activités simples et répétitives sont susceptibles d’entrer en considération à titre d’activités adaptées.

La chambre de céans voit toutefois mal comment une assurée qui ne peut marcher et ne peut rester longtemps debout (position sédentaire évoquée par les médecins) pourrait exercer des activités de surveillance, lesquelles impliquent notamment des positions debout statiques (gardien de musée, etc.) ou de la marche (rondes), voire, comme l'a retenu le Tribunal fédéral, la faculté de réagir physiquement à un imprévu. Il en va de même des tâches de bureau, de réceptionniste, de vérification ou de contrôle, lesquelles supposent le port de charges ou, pour certaines, à tout le moins des manœuvres de soulèvement au-dessus de l’horizontale. En outre, il paraît difficile pour une assurée qui ne saurait porter des charges de plus de 5 kg et qui doit éviter de lever son bras au-dessus de la ceinture scapulaire, de travailler dans le secteur de la vente, en tant qu'ouvrière en usine, à l'établi ou encore sur une chaîne de montage, en tant qu'opératrice sur machines ou encore d'effectuer des tâches d'approvisionnement de machines ou d'unités de production automatiques ou semi-automatiques, ces activités nécessitant par définition des mouvements des bras. S’y ajoute le fait que l’activité adaptée doit être exercée dans un milieu bienveillant et non conflictuel, soumis à un stress professionnel restreint.

Au vu des considérations qui précèdent, se pose la question de l’existence de suffisamment d’activités simples et répétitives adaptées aux nombreuses limitations fonctionnelles et n’impliquant pas de stress. La chambre de céans est d’avis que, dans un cas aussi particulier et compte tenu des nombreuses limitations fonctionnelles, l’OAI aurait dû déterminer si la recourante était concrètement encore en mesure d’exploiter une capacité de travail résiduelle sur le plan économique et de réaliser un salaire suffisant pour exclure une rente (cf. supra). Or, de toute évidence, l’intimé n’a pas procédé à cet examen. C’est pourquoi la chambre de céans lui renverra la cause afin qu’il détermine les activités concrètement envisageables au vu de la situation particulière de la recourante et des limitations fonctionnelles retenues. Si l’office intimé devait arriver à la conclusion qu’il en existe suffisamment, un complément d’expertise devra être ordonné pour combler les lacunes constatées précédemment. En revanche, si l’OAI devait arriver à la conclusion qu’il n’existe pas suffisamment d’activités raisonnablement envisageables, une rente entière devra être accordée à la recourante et une instruction médicale complémentaire s’avérera superflue.

11.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision querellée sera annulée. La cause est par ailleurs renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire quant à l’existence de suffisamment d’activités adaptées aux limitations fonctionnelles retenues et, en cas de réponse positive, complément d’expertise au sens des considérants avant nouvelle décision, voire, en cas de réponse négative, augmentation à une rente entière dès le 1er décembre 2021.

12.         La recourante, qui obtient partiellement gain de cause et est assistée d’un mandataire professionnellement qualifié, a droit à des dépens, fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).

13.         La procédure en matière d'assurance-invalidité n'étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), un émolument de CHF 200.- est mis à la charge de l'intimé.

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement au sens des considérants.

3.        Annule la décision du 13 septembre 2022.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire sur l’existence d’activités adaptées aux limitations fonctionnelles retenues et, le cas échéant, complément d’expertise, avant une nouvelle décision au sens des considérants.

5. Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de dépens de CHF 2'000.-.

6. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le