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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1719/2022

ATAS/775/2023 du 12.10.2023 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1719/2022 ATAS/775/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 octobre 2023

Chambre 3

 

 

En la cause

A______
représentée par l’Association suisse des assurés (ASSUAS)

recourante

 

contre

VAUDOISE GÉNÉRALE COMPAGNIE D'ASSURANCES SA

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. À compter d’avril 2019, Madame A______ (ci-après : l'assurée), née en 1991, a travaillé en tant qu'infirmière à 50% auprès de B______, société sise dans le canton de Genève. À ce titre, elle était assurée contre le risque d’accident, professionnel ou non, auprès de la VAUDOISE GÉNÉRALE COMPAGNIE D'ASSURANCES SA (ci-après : l'assureur).

b. Le 23 février 2020, l'assurée, droitière, a glissé avec ses chaussures de ski et est tombée sur le côté droit.

c. Le 3 mars 2020, elle a consulté le docteur C______, médecin généraliste en France, qui a fait état de douleurs de l'épaule droite, d’une impotence fonctionnelle et d’une raideur de cette épaule.

d. L'assureur a pris en charge le cas, en versant des indemnités journalières dès le 3 mars 2020 et en s'acquittant des frais médicaux.

e. Une échographie du 5 mars 2020 a révélé une réaction capsulaire post‑traumatique de l'épaule droite correspondant à une capsulite évolutive déjà discrètement rétractile ; la corticale trochitérienne, malgré une petite encoche, était bien régulière, sans fracture en coquille d'œuf.

f. Le 10 mars 2020, le Dr C______ a prescrit à l’assurée quinze séances de rééducation (kinésithérapie) de l'épaule droite dans le cadre d'une capsulite rétractile, prescription qu'il a renouvelée pour neuf séances le 23 mars 2020, puis quinze à nouveau, le 21 avril 2020.

g. L'assurée a également consulté le docteur D______, spécialiste FMH en rhumatologie et en médecine interne générale, les 26 mai, 2 et 11 juin 2020. Il lui a prescrit de la physiothérapie.

h. Une arthro-IRM (imagerie par résonance magnétique) de l'épaule droite du 10 juin 2020 a conclu à l'intégrité des tendons de la coiffe des rotateurs, sans fissuration labrale et sans signe radiologique pour une capsulite rétractile.

i. Dans un rapport du 20 juillet 2020, le Dr C______ a retenu les diagnostics de raideur importante de l'épaule droite post-traumatique et de probable capsulite rétractile.

j. Le 23 juillet 2020, l'assurée a subi une infiltration trans acromio-claviculaire de l'espace sous-acromial.

k. Elle a également bénéficié de séances de rééducation en balnéothérapie.

l. Le 15 septembre 2020, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et médecin-conseil de l'assureur, a posé le diagnostic de contusion de l'épaule droite. Selon lui, l'enraidissement douloureux de l'épaule pouvait être une complication de la contusion, voire être idiopathique. Les troubles étaient en relation de causalité probable avec l'événement concerné.

m. Le 23 octobre 2020, l'assurée a été licenciée avec effet au 31 décembre 2020.

n. Le 10 décembre 2020, une arthrographie avec infiltration de l'épaule droite a été réalisée.

o. Du 4 au 22 janvier 2021, l'assurée a séjourné au Centre Hospitalier Public F______ en France pour une rééducation en raison d'une raideur de l'épaule droite (compte rendu de sortie du 22 janvier 2021 établi par le docteur G______).

p. Dans un rapport du 12 janvier 2021 rédigé à la main, le Dr D______ a retenu le diagnostic de status post contusion de l'épaule droite.

q. Dans un rapport du 15 janvier 2021, le Dr D______ a mentionné avoir examiné l'assurée le 26 mai 2020 et n’avoir trouvé aucun signe de capsulite rétractile cliniquement, mais des dysfonctions vertébrales dorsales. Il l'avait revue le 2 juin 2020, sans constater d'amélioration, ni limitation capsulaire de l'épaule droite. Par contre, la mobilisation active était très douloureuse et ne dépassait pas 145 degrés en élévation antérieure ; les autres axes de mobilité étaient symétriques, normaux et indolores. Il avait fait faire une arthro-IRM de cette épaule le 10 juin 2020 et repéré cliniquement plusieurs « points-gâchette » dans la musculature de la ceinture scapulaire droite. Il avait établi un bon de neuf séances de physiothérapie pour rééducation musculaire et traitement antalgique. La dernière consultation remontait au 11 juin 2020 : la patiente était toujours souffrante et limitée dans les mouvements de cette épaule par les douleurs. Il avait remanipulé quelques dysfonctions dorsales.

r. Le 29 janvier 2021, le docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et médecin‑conseil de l'assureur, a posé les diagnostics de contusion de l'épaule droite et de capsulite rétractile au décours, et estimé que les troubles subsistants n’étaient qu’en relation de causalité possible avec l'événement concerné. Il a expliqué qu'une contusion de l'épaule guérissait en général après quatre-six semaines ; l'imagerie par ultrasons (US) de mars 2020 montrait une capsule traumatisée, mais cet examen n'était pas le bon pour définir une capsulite rétractile ; à raison, le Dr D______ avait demandé une arthro-IRM (examen pour ce genre de diagnostic) qui infirmait la présence d'une capsulite rétractile ou une lésion traumatique de la coiffe ou osseuse. La capsulite rétractile n'était donc mise en évidence ni par l'IRM du 10 juin 2020 ni par le Dr D______, ni par les amplitudes articulaires décrites dans le rapport de sortie de F______ (du 22 janvier 2021). Les amplitudes articulaires dont faisait mention le Dr D______ étaient compatibles avec l'activité d'infirmière. Le médecin-conseil concluait à ce qu’il soit mis fin à la prise en charge avec effet au 30 juin 2020.

B. a. Par décision du 3 février 2021, l'assureur a mis un terme à sa prise en charge du cas avec effet au 30 juin 2020, en invoquant l'absence d'un lien de causalité suffisant entre l'événement du 23 février 2020 et les troubles persistants de l'épaule droite.

b. Par pli du 26 février 2021 complété le 30 avril suivant, l'assurée s'est opposée à cette décision.

Elle a produit un rapport du Dr C______ du 24 février 2021, dans lequel il retenait le diagnostic de capsulite rétractile post-traumatique de l'épaule droite, ayant évolué vers une raideur persistante post-traumatique. Selon lui, les symptômes encore présents étaient imputables à l'accident. L'incapacité de travail était toujours totale dans toute activité.

c. Du 6 au 21 avril 2021, l'assurée a encore séjourné au Centre Hospitalier Public F______ pour une rééducation en raison de la raideur de l'épaule droite (compte rendu de sortie du 21 avril 2021 établi par le Dr G______).

d. Dans un rapport du 29 avril 2021, le docteur I______, chirurgien orthopédique en France, a relevé que, grâce à ce séjour, l'assurée avait récupéré de bonnes amplitudes articulaires, permettant une épaule fonctionnelle. Selon le médecin, l’assurée devrait récupérer la perte de 20 degrés dans tous les secteurs de mobilité avec la poursuite des étirements en auto-rééducation, éventuellement en balnéothérapie.

e. L'assureur a mis en œuvre une expertise auprès du docteur J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, qui a été désigné d'un commun accord. L'expert a examiné l'assurée le 7 juin 2021.

f. L'IRM de l'épaule droite du 27 juillet 2021 a montré de petits foyers d'anomalie de signal au niveau de la tête et du col de l'humérus, sans argument formel en faveur d'une capsulite rétractile, une tendinopathie d'insertion des tendons du sus et du sous-épineux sans argument formel en faveur d'une lésion transfixiante, une bursite sous-acromiale à prédominance nettement sous-acromio-claviculaire, et une suspicion de kyste labral antéro-supérieur.

g. Dans un rapport du 24 août 2021, l'expert a posé le diagnostic d'épaule droite raide post-traumatique évoluant vers une épaule gelée ou capsulite rétractile, en lien de causalité certain avec l'accident.

h. Dans un rapport du 4 mars 2022, le docteur K______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et médecin-conseil de l'assureur, a considéré pour sa part que le diagnostic de capsulite rétractile n'était qu'en relation de causalité possible avec l'accident.

i. Par lettre du 15 mars 2022, l'assureur a informé l'assurée de la nécessité de mettre en œuvre une nouvelle expertise bidisciplinaire (orthopédique et rhumatologique), vu la divergence d'opinion entre l'expert et le médecin-conseil. Il a proposé à cet effet deux noms de médecins dans chacune des disciplines médicales concernées.

j. Par courrier du 22 mars 2022, l'assurée a sollicité une décision sujette à recours, arguant que l'appréciation du médecin-conseil ne permettait pas de remettre en cause celle, probante, de l'expert.

k. Par décision incidente du 20 avril 2022, l'assureur a maintenu sa position, en exposant les motifs pour lesquels il niait toute valeur probante à l'expertise.

L'expert n'abordait que brièvement l'arthro-IRM du 10 juin 2020, qui concluait à l'« absence de signe radiologique pour une capsulite rétractile », tout en indiquant que la précision de l'IRM quant au diagnostic de certitude de la présence ou de l'absence d'une épaule gelée se situait entre 50 et 80%, ce qui constituait tout de même un taux non négligeable.

Par ailleurs, l'expert relevait au sujet de la capsulite rétractile qu'il « s'agit d'une perte d'abord de la rotation externe active et passive puis fréquemment aussi d'une perte de l'élévation active et passive ». Or, dans son rapport du 15 janvier 2021 relatif notamment à la consultation du 26 mai 2020, le Dr D______ mentionnait ne pas retrouver de limitation capsulaire de l'épaule droite. Celui-ci ajoutait « [l]a mobilisation active [était] très douloureuse et ne [dépassait] pas 145 degrés en élévation antérieure ; les autres axes de mobilité [étaient] symétriques, normaux et indolores ». La mobilisation active, certes douloureuse, mais possible jusqu'à 145 degrés, ainsi que l'absence de limitation dans les autres axes étaient donc incompatibles avec le diagnostic de capsulite rétractile.

L'expert semblait également occulter le rapport du 15 janvier 2021 précité, puisqu'il n'y faisait jamais mention, ce dont l’assureur tirait la conclusion que l’expert avait rendu son rapport en méconnaissant les constatations faites par le Dr D______, en particulier la mobilisation encore très bonne de l'épaule droite à trois mois du traumatisme. Ce rapport du 15 janvier 2021 corroborait l'appréciation du Dr K______ du 4 mars 2022, selon laquelle le diagnostic de capsulite rétractile ne pouvait être retenu que près d'un an après le traumatisme, ce laps de temps plaidant en faveur d'un lien de causalité seulement possible avec l'accident.

Certes, le Dr C______ dans son rapport du 20 juillet 2020, faisait état d'une « probable capsulite rétractile », mais ce médecin disposait alors uniquement du rapport de l'échographie du 5 mars 2020 et non du rapport de l'arthro-IRM du 10 juin 2020. D'ailleurs, une simple raideur de l'épaule ne permettait pas encore de poser le diagnostic de capsulite rétractile.

Enfin, l'appréciation de l'expert semblait avant tout être basée sur la littérature médicale, ce qui ne permettait pas encore de comprendre les raisons pour lesquelles elle trouverait application aux spécificités du cas d'espèce, compte tenu des éléments soulevés précédemment.

C. a. Par acte du 24 mai 2022, l'assurée a interjeté recours contre cette décision auprès de la Cour de céans, en concluant, sous suite de frais et dépens, principalement, à son annulation et à la constatation que le rapport d'expertise devait se voir reconnaître toute valeur probante, subsidiairement, à l'annulation de la décision du 3 février 2021.

La recourante fait valoir que les conclusions du Dr J______, fondées sur l'anamnèse, les pièces médicales dont il a pris connaissance, l'examen clinique et la littérature médicale, sont motivées et convaincantes.

Elle constate que le Dr K______, qui ne l'a pas examinée, s'appuie quant à lui sur le seul rapport du Dr D______ du 26 mai 2020, et souligne que le Dr J______ a, contrairement à ce que prétend l'intimée, cité et commenté le rapport du Dr D______ du 15 janvier 2021. L'expert s'est par ailleurs également déterminé sur l'IRM du 10 juin 2020 mentionnée par le Dr D______.

Elle en tire la conclusion que l'appréciation du Dr J______ se base sur tous les avis médicaux au dossier, que celle du Dr K______ ne saurait la remettre en cause et que l'intimée a sombré dans l'arbitraire en niant sa valeur probante.

b. Invitée à se déterminer, dans sa réponse du 21 juillet 2022, l'intimée a conclu au rejet du recours.

Elle reproche au Dr J______ de ne pas avoir pris connaissance de l'ensemble des pièces qui lui ont été adressées, dès lors que les rapports du Dr D______ des 12 et 15 janvier 2021 ne figurent ni sous la rubrique « analyse des pièces du dossier » de son rapport d'expertise, ni dans la suite de ce document. L'intimée mentionne que si l'expert s'est référé à une note manuscrite du 26 mai 2020, qui ne figurait pas au dossier, il n'a cependant jamais fait référence au rapport du Dr D______ du 15 janvier 2021 qui constitue bien plus qu'une note manuscrite.

Elle relève que le laps de temps après lequel le diagnostic de capsulite rétractile a été posé et objectivé est incompatible avec l'existence d'un lien de causalité au moins probable avec l'accident, point que le Dr J______ n'a pas discuté.

Elle expose que le Dr J______ n'a pas expliqué de manière circonstanciée les motifs pour lesquels il s'est écarté de l'arthro-IRM du 10 juin 2020 qui concluait à l'absence de signe radiologique pour une capsulite rétractile.

c. Le 23 août 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle indique que le rapport du Dr D______ du 12 janvier 2021 constitue une note manuscrite de ce médecin, et celui du 15 janvier 2021 un bref récapitulatif de trois consultations sur lesquelles le Dr J______ s'est déterminé. Elle en infère que l'expert a pris connaissance de l'ensemble des pièces médicales au dossier et que ses constatations sont claires et objectives.

d. Le 1er septembre 2022, l'intimée a persisté dans ses conclusions.

e. Le 25 octobre 2022, l'intimée a informé la Cour de céans de la mise en œuvre prochaine d'une expertise orthopédique par l'office de l'assurance-invalidité (ci‑après : OAI).

f. Par courriers du 31 octobre 2022, la Cour de céans a demandé aux parties si elles acceptaient la suspension de la procédure dans l'attente de ce rapport d'expertise.

g. Le 23 novembre 2022, la recourante s'est opposée à la suspension de la procédure, au motif que l'expertise orthopédique qui serait mandatée par l'OAI avait pour but non d’évaluer la valeur probante de l'expertise du Dr J______, ni l'éventuel rapport de causalité avec le sinistre assuré, mais sa capacité de travail actuelle, suite à l'échec de trois stages mis en œuvre par l'OAI.

h. Une audience de comparution personnelle des parties a eu lieu le 20 décembre 2022, lors de laquelle les parties se sont accordées sur la nécessité d'entendre le Dr J______ afin de lever les doutes émis par le Dr K______ ‒ dorénavant à la retraite ‒ à l'encontre de son rapport et, cas échéant, d’écarter la nécessité d'une nouvelle expertise.

i. Le 17 janvier 2023, l'intimée a fait savoir à la Cour de céans que son représentant ne pourrait pas être présent à l'audience d'enquête.

Elle a produit :

-          un rapport du docteur L______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et médecin-conseil, du 14 janvier 2023 ; et

-          la liste des questions qu’elle souhaitait voir posées au Dr J______.

j. L'audience d'enquête s'est tenue le 19 janvier 2023. Le Dr J______ a répondu aux questions soumises par écrit par l'intimée et s'est prononcé sur le rapport du Dr D______ du 15 janvier 2021, produit par la recourante à cette occasion.

k. Par écriture du 30 janvier 2023, l'intimée a soutenu que le Dr J______ n'avait pas répondu à l'ensemble des questions qui lui étaient posées. Le rapport du Dr D______, basé sur les notes de consultation, et dont les constatations ne peuvent être écartées, figurait dans le bordereau des pièces qui ont été envoyées au Dr J______, lequel ne pouvait donc affirmer que ce document n'avait pas été porté à sa connaissance avant l'audience d'enquête. D'après l'intimée, le Dr J______ n'a pas été en mesure de justifier les raisons pour lesquelles il retient une causalité probable et non pas seulement possible avec l’accident.

Pour le surplus, l'intimée s’est ralliée au rapport du Dr L______ du 26 janvier 2023 qu’elle a versé au dossier.

l. Dans sa détermination du 24 février 2023, la recourante a rappelé que le Dr J______ avait expliqué lors de son audition que le rapport du Dr D______ du 15 janvier 2021 n'était pas susceptible de modifier ses conclusions.

m. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance‑accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

1.2 Selon l'art. 58 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du dépôt du recours (al. 1). Si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse ; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l’organe d’exécution a son siège (al. 2).

1.3 L'ancien employeur de la recourante, laquelle est domiciliée en France, est situé dans le canton de Genève. Partant, la Cour de céans est compétente à raison de la matière et du lieu pour juger du cas d'espèce.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 24 mai 2022) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.              

4.1 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA).

4.2 Selon l'art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues, à l'exception des décisions d'ordonnancement de la procédure. Ces dernières visent les décisions incidentes que le législateur a soustraites à la procédure d'opposition, afin d'éviter des retards excessifs dans le déroulement de la procédure (ATF 131 V 42 consid. 2.1).

4.2.1 Lorsqu'il y a désaccord quant à l'expertise telle qu'envisagée par l'assureur, celui-ci doit rendre une décision incidente au sens de l'art. 5 al. 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021). Il s'agit d'une décision d'ordonnancement de la procédure contre laquelle la voie de l'opposition n'est pas ouverte (art. 52 al. 1 LPGA ; cf. ATF 131 V 42 consid. 2.1) et qui est directement susceptible de recours devant le tribunal cantonal des assurances, respectivement devant le Tribunal administratif fédéral (art. 56 al. 1 LPGA ; ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 et 3.4.2.7). Postérieurement à l'ATF 137 V 210 précité, le Tribunal fédéral a précisé que dans le domaine de l'assurance-accidents également, il fallait ordonner une expertise en cas de désaccord, par le biais d'une décision incidente sujette à recours auprès du tribunal cantonal, respectivement auprès du Tribunal administratif fédéral (ATF 138 V 318 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 2.4.1).

4.2.2 Le recours contre les décisions incidentes n’est admis qu’à des conditions restrictives pour éviter qu’une multiplication de recours ne ralentisse excessivement le déroulement d’une procédure. Ces conditions reposent sur des motifs d’économie de procédure ou, en cas de risque de préjudice irréparable, sur la nécessité de garantir des voies de droit effectives conformément à l’art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ‑ RS 101). Dans tous les cas, le recours contre la décision incidente rendue séparément n’est recevable qu’à la condition que le recours soit ouvert contre la décision finale à rendre ultérieurement (Jean MÉTRAL, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 28 ad art. 56 LPGA et les références citées).

4.2.3 En vertu de l’art. 45 al. 1 PA, applicable par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA, les décisions incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur une demande de récusation – au sens de l’art. 10 al. 1 PA, respectivement 36 al. 1 LPGA – peuvent faire l’objet d’un recours (ATAS/270/2022 du 22 mars 2022 consid. 4.2.1 ; Jean MÉTRAL, op. cit., n. 31 ad art. 56 LPGA). Ces décisions ne peuvent plus être attaquées ultérieurement (art. 45 al. 2 PA). Selon l’art. 46 al. 1 PA, par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA, les autres décisions incidentes notifiées séparément peuvent faire l’objet d’un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a), ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).

Dans un arrêt de principe portant notamment sur les droits de participation des assurés lors de la désignation d'un expert, le Tribunal fédéral a admis que selon une interprétation conforme à la Constitution fédérale et à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) de la notion de préjudice irréparable en tant que condition de recevabilité d'un recours, cette condition doit être considérée comme réalisée s'agissant d'une décision incidente portant sur une expertise (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.7). Cet arrêt porte certes sur les expertises pluridisciplinaires confiées à des centres d’observation médicale de l’AI (ci‑après : COMAI). Les exigences qui s'en dégagent sont toutefois également applicables aux expertises mono- ou bidisciplinaires (Ulrich KIESER, ATSG‑Kommentar, 3ème éd. 2015, n. 29 ad art. 44 LPGA ; ATF 139 V 349 consid. 3 à 5 ; ATAS/444/2019 du 21 mai 2019 consid. 2).

4.3 En l'espèce, le recours contre la décision incidente du 20 avril 2022 portant sur la mise en œuvre d'une nouvelle expertise a été interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a LPA). La recourante satisfait par ailleurs à la condition du préjudice irréparable (dans ce sens : ATAS/444/2019 précité consid. 2 ; ATAS/489/2016 du 16 juin 2016 consid. 3). Partant, le recours est recevable.

5.             Le litige, tel que circonscrit pas la décision querellée, porte uniquement sur le bien-fondé de la décision de l'intimée de mettre sur pied une nouvelle expertise.

6.              

6.1 L'art. 43 LPGA dispose que l'assureur examine les demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. Les renseignements donnés oralement doivent être consignés par écrit (al. 1). L'assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux‑ci sont nécessaires à l'appréciation du cas et qu'ils peuvent être raisonnablement exigés (al. 2). Si l'assuré ou d'autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l'instruction, l'assureur peut se prononcer en l'état du dossier ou clore l'instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable (al. 3).

6.2 Cette disposition n'a pas pour but d'examiner la faisabilité d'une mesure médicale en obtenant un second avis, mais de déterminer l'ampleur des investigations nécessaires afin d'établir l'état de fait déterminant au degré de la vraisemblance prépondérante. Dans ce contexte, la nécessité de mettre en œuvre une nouvelle expertise résulte de la réponse à la question de savoir si les expertises déjà versées au dossier satisfont aux exigences que doivent revêtir de tels rapports en matière de contenu et de valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral U.571/06 du 29 mai 2007 consid. 4.2 in SVR 2007 UV n° 33 p. 111). L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical est que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

6.3 Le devoir de prendre d'office les mesures d'instruction nécessaires à l'appréciation du cas au sens de l'art. 43 al. 1 LPGA ne comprend pas le droit de l'assureur de recueillir un second avis médical (second opinion) sur les faits déjà établis par une expertise lorsque celle-ci ne lui convient pas. L'assuré ne dispose d'ailleurs pas non plus d'une telle possibilité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_499/2013 du 20 février 2014 consid. 6.4.2.1).

7.              

7.1 En l'espèce, l'expert a constaté que l'examen clinique des épaules montrait des signes d'hyperlaxité avec un signe du sulcus moins marqué à droite, ce qui était typique de l'épaule gelée, et que tous les scores de l'épaule droite mettaient en évidence des résultats médiocres compatibles avec un diagnostic d'une épaule gelée ou d'une capsulite rétractile en évolution (p. 5).

Il a expliqué que le diagnostic de capsulite rétractile ou d'épaule raide post‑traumatique (synonyme : épaule gelée), qui se base en premier lieu sur l'anamnèse et l'examen clinique, correspond à une perte d'abord de la rotation externe active et passive puis fréquemment à une perte de l'élévation active et passive. L'étiologie la plus fréquente de l'épaule gelée post-traumatique est une chute de sa hauteur, qui peut apparaître même après une chute banale (p. 12 et 18).

Il a indiqué que l'imagerie de l'épaule gelée ou capsulite rétractile est souvent décevante ne mettant en évidence que peu de signes, et que parmi les pathologies enraidissantes de l'épaule, seule l'épaule gelée ou capsulite rétractile induit une raideur active et passive de l'épaule sans anomalie radiographique associée (p. 12‑13).

D'après l'expert, l'étude du dossier démontrait la présence d'une raideur importante de l'épaule droite ; les Drs C______, I______ et G______, qui avaient examiné la recourante, avait objectivé une raideur de l'épaule droite (p. 16 et 28). L'épaule droite raide post-traumatique évoluant vers une épaule gelée ou capsulite rétractile était due de façon certaine à l'accident (p. 17-18).

7.2 À l'inverse, dans son rapport du 4 mars 2022, le Dr K______, médecin‑conseil de l'intimée, a considéré que la capsulite rétractile n'était qu'en relation de causalité possible avec l'accident.

Il a expliqué que la capsulite rétractile, d'étiologie inconnue, est le plus souvent idiopathique et touche la femme de la cinquantaine dans près de 60% des cas, que, selon certains auteurs, cette affection peut être associée à un traumatisme direct ou indirect, à un infarctus, à la tuberculose, à un cancer bronchique, à des infections bronchiques, au diabète ou à des troubles psychiques, et que le diagnostic de capsulite, si elle est essentiellement clinique, il est important de mesurer les valeurs de mobilité active et passive des deux côtés, à des fins de comparaison ; la seule mesure d'une rotation active n'est pas suffisante, la douleur pouvant à elle seule restreindre la mobilité, qui s'avère complète passivement, excluant formellement une capsulite rétractile.

Le Dr K______ a admis, à l'instar de l'expert, qu'un traumatisme de l'épaule même léger comme une chute de sa hauteur est une cause favorisante reconnue pour l'apparition d'une épaule gelée. Il a toutefois indiqué qu'il s'agit d'un facteur favorisant, mais pas causal sur le plan étiologique.

Le Dr K______ a mentionné que, d'après le Dr D______, qui avait programmé l'arthro-IRM du 10 juin 2020, effectué cinq mois après l'accident, les mobilités dans les autres axes que l'élévation étaient symétriques, normales et indolores, sans limitation capsulaire en date du 26 mai 2020, et l'arthro-IRM strictement normale avec une coiffe intacte, sans signe radiologique pour une capsulite rétractile. Le médecin-conseil a ajouté que les premières mesures de restriction de rotation passive, active et comparative avaient été objectivées et décrites pour la première fois dans le compte rendu de sortie de l'établissement hospitalier F______ du 22 janvier 2021 (point admis par l'expert lors de l'audience d'enquête), lesquelles montraient une asymétrie en défaveur de la droite compatible avec une capsulite rétractile.

Il en a inféré que cinq mois après l'accident mineur, la recourante présentait une mobilité passive normale particulièrement en rotation externe, excluant une capsulite rétractile. La relation de causalité naturelle entre la capsulite rétractile, objectivée près d'un an après l'accident, n'était que possible avec celui-ci. En lien avec l'événement accidentel, le médecin-conseil a retenu une contusion simple de l'épaule droite, et fixé le statu quo sine au 26 mai 2020.

7.3 Lors de l'audience d'enquête du 19 janvier 2023, l'expert a reconnu n'avoir pas cité ni commenté le rapport du Dr D______ du 15 janvier 2021 (dossier intimée pièce 100), alors qu'il avait reçu ce document (pièce 142). Même s'il a déclaré que ce rapport n'aurait pas modifié ses conclusions, qu'une épaule gelée ne se manifeste pas immédiatement, qu’il s'agit d'un processus qui peut durer plusieurs mois (cf. aussi rapport d'expertise p. 16) et que, lors des consultations des 26 mai et 2 juin 2020 auprès du Dr D______, la limitation de la mobilité active à 145 degrés démontrait que le processus était en cours, il n'empêche que le Dr D______, en dépit de cette limitation, a retenu qu'il n'existait aucun signe de capsulite rétractile cliniquement. Or, l'expert souligne que le diagnostic de capsulite rétractile ou d'épaule raide post-traumatique (synonyme : épaule gelée) se base principalement sur l'examen clinique.

Selon l'expert, la précision de l'IRM quant au diagnostic de certitude de la présence ou de l'absence d'une épaule gelée se situe entre 50 et 80%, et, dans le présent cas, si l'arthro-IRM du 10 juin 2020, trois mois après la chute, concluait à l'absence de signes radiologiques pour une capsulite rétractile, en revanche, cet examen avait révélé des anomalies de signal du spongieux médullaire de la tête humérale, compatibles avec une épaule gelée (rapport d'expertise p. 13 et 16). À ce propos, le Dr L______, médecin-conseil de l'intimée, a relevé que, en cas de choc direct, l'origine de l'anomalie de signal dans l'os spongieux est de manière probable une contusion osseuse (rapport du 14 janvier 2023). Lors de l'audience d'enquête, l'expert a affirmé à ce sujet que la contusion osseuse, directement liée à l'apparition d'une épaule gelée, est la prémisse d'une fracture. À cela, le Dr L______ a répondu que la contusion osseuse témoigne d'un choc d'énergie insuffisante pour créer une fracture. Les traumatismes de haute énergie, même s'ils constituent des facteurs favorisants pour développer une épaule gelée, ne pourraient en aucun cas constituer un facteur causal avéré (rapport du 26 janvier 2023).

L'expert a reconnu que l'ultrasonographie n'est certes pas le meilleur examen pour affirmer et affiner le diagnostic d'épaule gelée post-traumatique, mais de sérieux critères permettent de poser ce diagnostic, à savoir l'épaississement capsulaire, dont l'épaississement du récessus axillaire et du ligament coracohuméral. Il a souligné que cela répondait à la description qu'avait fait le docteur M______, spécialiste FMH en radiologie, après son ultrasonographie – du 5 mars 2020 (rapport d'expertise p. 1 et 13 ; cf. aussi dossier intimée pièce 13). Or, d'après le Dr L______, cette échographie ne décrivait absolument pas l'épaisseur de la capsule du récessus axillaire ni l'intervalle des rotateurs qui sont pourtant les deux éléments à décrire pour rechercher une capsulite rétractile, tout en ajoutant que l'arthro-IRM du 10 juin 2020, deux mois plus tard, venait contredire les conclusions de l'échographie (rapport du 26 janvier 2023).

7.4 Force est de constater que les médecins-conseils de l'intimée ont mis en évidence des éléments médicaux objectifs, qui, à ce stade, mettent en doute les conclusions de l'expert. Par conséquent, la nouvelle expertise préconisée est nécessaire, et ne se révèle pas être uniquement une « second opinion ».

8.             Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

La recourante, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le