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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4075/2021

ATAS/270/2022 du 22.03.2022 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4075/2021 ATAS/270/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 mars 2022

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au GRAND-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jacques ROULET

 

recourant

 

contre

HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES SA, Service juridique, sise Wuhrmattstrasse 19, BOTTMINGEN

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Le 1er août 2011, Monsieur A______ (ci-après: l'assuré, l'intéressé ou le recourant), né en 1983 et alors employé – et jusqu'au 31 mai 2017 – comme écailleur par l'entreprise B______ SA et assuré à ce titre contre les accidents (professionnels et non professionnels) et contre les maladies professionnelles auprès de Compagnie d'Assurances Nationale Suisse SA, dont les actifs et passifs ont, par fusion, été repris en 2015 par Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances SA (ci-après: l'assureur-accidents ou l'intimée), s'est, en écaillant un poisson, planté une arête à l'index de la main droite.

Les suites de cet accident professionnel, dont des opérations en 2012 effectuées notamment par le docteur C______, médecin adjoint responsable de l'unité de la chirurgie de la main et des nerfs périphériques des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG), ont été prises en charge, à tout le moins pendant une certaine période, par l'assureur-accidents.

A été évoqué un possible mycobacterium marinum (bactérie aquatique de la famille des mycobactéries atypiques, portée par un poisson).

b. En automne 2016 – plus précisément le 4 novembre 2016 selon les parties – a été annoncée une rechute de l'accident du 1er août 2011.

À la suite d'une opération du 13 septembre 2016 ("exérèse biopsies de lésions de D2, D3 main droite"), le Dr C______ a diagnostiqué une "infection cutanée main droite" dans le cadre d'une "complication post accident" (rapports des 20 septembre et 24 octobre 2016). Le 15 février 2017, ce médecin a procédé à une nouvelle intervention ("neurolyse du nerf médian au tunnel carpien selon la technique AGEE" et "parage plaie para unguéale ulnaire D4 droite"), les diagnostics étant un "tunnel carpien post traumatique de poignet droit" et une "surinfection de plaie digitale D4 droit" (rapport du 20 février 2017).

c. Sur mandat du 21 février 2017 de l'assureur-accidents, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et en chirurgie de la main, a, le 3 avril 2017, établi un rapport d'expertise, à la suite notamment d'un examen clinique réalisé le 3 mars 2017 et d'un examen neurologique effectué le 22 mars 2017 par le docteur E______, neurologue FMH. Il a posé les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, de probable infection à mycobacterium marinum de la main droite (A33.1) multi-opérée ainsi que d'arthrose débutante de l'articulation inter-phalangienne proximale de l'index droit (M19.2), tous deux en rapport de causalité naturelle plus que vraisemblable (plus que 50 %) avec l'accident du 1er août 2011. Sans répercussion sur la capacité de travail étaient les diagnostics de probable syndrome du tunnel carpien droit (G56.0) opéré et d'état après lésion complexe du poignet gauche (S69.7) opérée. Ni le statu quo ante ni le statu quo sine n'étaient atteints, et il y avait lieu d'attendre de la continuation du traitement médical (auto-rééducation quotidienne [malaxage] associée à une cure de chrondroïtine sulfate et à la prise de paracétamol à la demande) une sensible amélioration de l'état de santé, un nouveau bilan étant à envisager après six mois d'un traitement correctement suivi. L'état de la main droite n'étant pas stabilisé, l'évaluation d'une atteinte à l'intégrité susceptible d'être indemnisée (indemnité pour atteinte à l'intégrité ; ci-après: IPAI) était prématurée, la réévaluation du cas d'ici six mois étant à prévoir. Concernant la capacité de travail, l'impotence fonctionnelle actuelle de la main droite (douleurs articulaires, troubles sensitifs, perte de force) interdisait actuellement à l'expertisé toute activité dans son métier – habituel – d'écailleur, et compte tenu du profil de l'assuré (deux mains handicapées, méconnaissance du français), les activités adaptées raisonnablement envisageables à l'heure actuelle se résumaient, sous toute réserve, à celles de surveillant ou de coursier.

d. Sur questions de l'assureur-accidents posées le 14 juillet 2017, le Dr C______ a, le 26 septembre 2017, indiqué qu'à l'heure actuelle, le patient ne présentait plus aucune récidive du processus inflammatoire – et infectieux – qu'il avait subi au niveau de ses mains, mais qu'étaient présents des séquelles persistantes et des déficits fonctionnels importants. Un "bilan 400 points" en ergothérapie réalisé en juillet 2017 – ou le 23 août 2017 – par les HUG retenait, pour la main droite, une mobilité de 51 %, une "prise monomanuelle et déplacement d'objets" de 35 %, la fonction bimanuelle étant évaluée à 40 % et le pourcentage d'utilisation des mains s'élevant à 62 % à gauche et à 42 % à droite.

e. À la demande de l'assureur-accidents et suite à l'accord de l'assuré intervenu dans le cadre d'une transaction au sens de l'art. 50 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) signée le 6 novembre 2017, le Dr D______ a rédigé un rapport de "seconde expertise" (ou rapport "final") le 20 décembre 2017, sur la base d'un examen clinique les 16 novembre et 12 décembre 2017, et se référant entre autres aux rapports récents susmentionnés et à un rapport du Dr E______ du 5 décembre 2017. Il posait le diagnostic, avec répercussion sur la capacité de travail, d'état après probable infection à mycobacterium marinum post-traumatique de la main droite (A33.1) multi-opérée et contractée en août 2011, en rapport de causalité naturelle certain (100 %) avec l'accident, sans que le statu quo ante et le statu quo sine soient atteints. Il n'y avait pas lieu d'attendre une amélioration significative de l'état de santé de l'assuré par la poursuite du traitement de rééducation. L'expert concluait, vu les ressources intellectuelles devant permettre à l'expertisé d'entreprendre une réadaptation professionnelle et un travail physiquement allégé, à une capacité de travail complète dans une activité adaptée et, concernant la main droite et compte tenu des séquelles fonctionnelles douloureuses sous forme de troubles sensitifs, de raideur et de manque de force, par analogie, à une IPAI de 5 % (en référence aux tables de la division médicale de la SUVA).

f. Des demandes de corrections ont été énoncées le 18 janvier 2018 par l'ancien conseil de l'intéressé concernant principalement la question des ressources intellectuelles de celui-ci (divergences au sujet des qualités d'ancien président d'une association regroupant la communauté de sa région et culture d'origine ainsi que d'ancien enseignent de Taekwondo).

g. Le 20 janvier 2018, le Dr C______, après avoir vu le patient la veille, a certifié que ce dernier était toujours dans les "suites de traitement pour [syndrome régional douloureux complexe (ci-après: CRPS)] important post résection granulome infectieux main droite dans le cadre d'un accident", avec de "larges" difficultés d'utilisation de celle-ci, qui était sa main dominante, et une dystonie en cours de rééducation. La perte fonctionnelle d'un membre selon les tables de la SUVA correspondait à 40 %; ceci était sûrement trop évalué, mais, vu son état actuel, la perte de fonction devait être au moins évaluée à 20-25 %.

h. À teneur d'un complément d'expertise médicale réalisé le 9 février 2018, se déterminant sur les demandes de corrections énoncées le 18 janvier 2018 par l'assuré, le Dr D______ a maintenu que celui-ci conservait un potentiel intellectuel suffisant pour lui permettre d'entreprendre une reconversion professionnelle adaptée à sa condition.

Dans un avis du 7 mars 2019, le Dr D______ a contesté les conclusions formulées par le Dr C______ dans son certificat du 20 janvier 2018.

i. Le 27 mars 2019, l'intéressé a contesté cet avis du Dr D______ et a sollicité la mise en place d'une nouvelle expertise par un médecin spécialisé dans la chirurgie de la main, par exemple un médecin du Centre de chirurgie et de thérapie de la main CH8 à Plainpalais (Drs F______, G______, H______ ou I______).

j. A ensuite eu lieu un échange de courriers entre l'assureur-accidents et l'assuré (en particulier courriers du premier du 2 octobre 2019 et du second du 11 octobre 2019), sans qu'une mesure d'instruction (nouvelle expertise) concrète soit prise par l'assureur-accidents, puis, par lettre du 19 mai 2020, l'assuré s'est plaint du délai "inadmissible" pris pour instruire ce dossier et a requis le prononcé d'une décision au fond d'ici au 29 mai suivant.

Par courriel du 20 mai 2020, l'assureur-accidents a fait part à l'assuré de ce qu'il souhaitait solliciter le docteur J______, spécialiste FMH en chirurgie de la main à Lausanne, en vue d'une expertise médicale, avec possibilité pour l'intéressé de formuler des observations concernant le choix de l'expert et le questionnaire à ce dernier qui était joint.

Mandaté par l'assureur-accidents pour une expertise, le Dr J______ a décliné ce mandat au début de l'été 2020 et, sur suggestion de ce médecin, l'assureur-accidents s'est approché de son collègue, le docteur K______ également à Lausanne, lequel, estimant qu'il y avait une composante psychiatrique, a, le 3 juillet 2020, recommandé la mise en œuvre d'une expertise multidisciplinaire, étant au surplus relevé que la collaboratrice de l'assureur-accidents en charge du dossier a établi à la même date une "notice pour le dossier" décrivant le déroulement des faits sans appréciation.

Par pli du 22 juillet 2020, l'assureur-accidents a fait savoir à l'assuré (qui demandait le prononcé d'une "décision finale" au fond) que, sans la réalisation d'un nouvel examen médical, il ne pouvait, à ce stade, pas rendre une décision au fond.

Par courrier du 28 août 2020 de son nouvel avocat (constitué fin juillet 2020), l'intéressé a réitéré la proposition formulée par l'ancien conseil, à savoir la désignation du Dr I______, spécialiste FMH en chirurgie de la main, comme expert, proposition qui a été acceptée par l'assureur-accidents.

k. Dans son rapport d'expertise du 29 décembre 2020, le Dr I______, après avoir examiné l'expertisé le 11 décembre 2020, a diagnostiqué, en relation de causalité naturelle certaine ou plus que vraisemblable avec l'accident, une raideur post-traumatique de l'index droit (status après plusieurs opérations pour probable atteinte pseudo-tumorale post-infectieuse), un trouble fonctionnel d'origine indéterminée de la main droite, un état anxio-dépressif réactionnel chronique. L'existence d'une dystonie était écartée. Le statu quo ante et le statu quo sine n'étaient pas atteints et ne le seraient probablement jamais. Les possibilités de traitement somatique avaient été épuisées et il n'apparaissait pas vraisemblable que la poursuite du traitement physique de réhabilitation ou un nouveau traitement médicamenteux autre que les antalgiques et anti-inflammatoires déjà pris par l'assuré puissent modifier significativement son état de santé. Dans l'activité habituelle d'écailleur, la capacité de travail était nulle depuis le 12 septembre 2016. Dans une activité adaptée tenant compte des limitations fonctionnelles (limitation globale de la mobilité digitale de 10 %, force de serrage n'excédant pas 5 kg, sensibilité pulpaire alléguée faible), sans qu'une certaine forme de simulation et d'exagération des symptômes ne puisse être exclue, la capacité de travail faisait l'objet, pour un temps complet, d'une diminution de rendement de 40 %, rétroactivement dès le 23 août 2017, date du bilan d'ergothérapie. Selon les tables de la SUVA ("atteinte à l'intégrité résultant de troubles fonctionnels de membres supérieurs") et sur la base par analogie d'une paralysie distale complète du nerf médian correspondant à 15 %, l'IPAI était estimée à 10 %; la raideur de l'index en tant que telle et a fortiori celle moins marquée du médius ne donnaient pas droit à une IPAI.

Était joint un rapport du 15 décembre 2020 du docteur L______, neurologue FMH, qui avait vu l'expertisé le même jour, retenant l'absence de problème neurologique et de dystonie.

l. Le 8 janvier 2021, l'intéressé a requis de l'assureur-accidents le prononcé d'une décision sur l'IPAI, qui devait être fixée à 10 %, de même que sur l'octroi d'une rente d'invalidité dès le 1er janvier 2021 sur la base d'une invalidité partielle, en plus du versement rétroactif des indemnités journalières du 1er août 2017 au 31 décembre 2020, pour une capacité de travail de 40 % dans une activité adaptée.

À fin janvier 2021, l'assuré s'est plaint de pas avoir été informé auparavant de ce que le médecin-conseil de l'assureur-accidents, le docteur M______, avait posé le 19 janvier 2021 des questions au Dr I______, dans le cadre de critiques au sujet de l'IPAI et de la capacité de travail dans une activité adaptée retenue, questions auxquelles cet expert avait répondu le lendemain.

À une question du 1er février 2021 de l'assureur-accidents ("En faisant abstraction du contexte psycho-social chargé ainsi que des facteurs non médicaux que vous indiquez dans votre rapport, quelles sont les limitations fonctionnelles objectivables de l'assuré dans une activité adaptée à son état de santé ?"), le Dr I______ a répondu par un écrit du 10 mars 2021.

m. À une demande de prononcé de décision au fond formulée le 25 mars 2021 par l'assuré et suite à un courriel du médecin-conseil du 31 mars 2021, l'assureur-accidents a répondu par courriel du 16 avril 2021 être dans l'attente de réponses de l'ancien employeur de l'intéressé - visant l'obtention de ses fiches de salaire en 2010 et 2011 ainsi que l'indication de ce qui aurait été son salaire en 2021 -, à réception de quoi il pourrait rendre une décision.

B. a. Par décision du 11 mai 2021, l'assureur-accidents a nié le droit de l'intéressé à une rente d'invalidité et lui a octroyé une IPAI de CHF 6'300.-, correspondant à un taux de 5 %.

b. Le 14 juin 2021, l'assuré a formé opposition contre cette décision, reprenant ses conclusions du 8 janvier 2021.

c. Par courriel du 27 août 2021 de la consultante juridique désormais en charge du dossier (suite à l'opposition) ainsi que lors d'un entretien téléphonique du même jour, l'assureur-accidents a informé l'assuré de sa volonté de mettre en œuvre une expertise pluridisciplinaire, proposant que cette expertise soit réalisée, aux plans de la chirurgie de la main, de la neurologie et de la psychiatrie, par Unisanté.

Toutefois, le 17 septembre 2021, l'intéressé s'est opposé à une nouvelle expertise et a sollicité une décision sur opposition (au fond).

d. Le 19 octobre 2021, l'assureur-accidents a maintenu sa position. Elle a précisé qu'Unisanté, puis la Clinique romande de réadaptation (CRR) avaient refusé un mandat d'expertise, pour des raisons de surcharge, respectivement d'organisation. Elle comptait désigner, dans le cadre d'une expertise bidisciplinaire, le docteur N______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur et chirurgie de la main, ainsi que le docteur O______, psychiatre FMH, qui exerçaient tous deux à Lausanne et effectueraient ensemble un concilium. Le questionnaire que l'assureur-accidents entendait soumettre à ces experts était joint et un délai de dix jours était imparti à l'assuré pour formuler d'éventuels motifs de récusation et d'éventuelles questions complémentaires.

e. Le 20 octobre 2021, l'intéressé a contesté cette position et requis le prononcé d'une décision sur opposition au plus tard le 26 octobre 2021.

f. Par décision incidente rendue le 26 octobre 2021 et notifiée le lendemain, l'assureur-accidents, constatant l'absence d'invocation de motifs de récusation par l'assuré et son désaccord quant au principe même de la mise en œuvre d'une expertise bidisciplinaire, a chargé les Drs N______ et O______ de procéder chacun à l'expertise de l'intéressé et, après l'examen de celui-ci, à effectuer un concilium.

C. a. Par acte du 26 novembre 2021, l'assuré a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), concluant, avec suite de frais et dépens, préalablement à la restitution de l'effet suspensif, au fond, à l'annulation de cette décision et, cela fait, principalement à la constatation qu'une expertise pluridisciplinaire était superflue et à ce qu'il soit ordonné à l'intimée de rendre sa décision sur opposition dans un délai de deux mois, subsidiairement, à ce qu'une expertise judiciaire soit ordonnée et un ou plusieurs experts désignés à cette fin, la mission d'expertise étant ensuite décrite dans les grandes lignes, puis, après dépôt du rapport d'expertise en trois exemplaires, au renvoi de la cause à l'assureur-accidents pour le prononcé, dans un délai de deux mois, d'une décision sur opposition sur la base du résultat de l'expertise judiciaire.

b. Sur effet suspensif, l'intimée s'est déterminée le 21 décembre 2021, le recourant a répliqué le 17 janvier 2022 et les parties ont été informées le 20 janvier 2022 par la chambre des assurances sociales que la cause était gardée à juger sur ce point.

c. En parallèle, au fond, l'assureur-accidents a répondu le 11 janvier 2022, l'assuré a répliqué le 3 février 2022 et les parties ont été informées le 7 février 2022 par la chambre de céans que la cause était gardée à juger sur le fond.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 LPGA relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Étant donné qu’en l’espèce, la décision litigieuse a été rendue avant le 1er janvier 2022, il y a lieu d’examiner le litige à la lumière des dispositions de la LPGA dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 (cf. ATF 129 V 113 consid. 2.2 pour une problématique similaire). Sauf précision contraire expresse, les dispositions légales applicables seront donc citées, ci-après, dans leur teneur en vigueur jusqu’à cette date.

4.             4.1 Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, l'acte de recours est recevable sous ces angles (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

4.2  

4.2.1 Lorsqu'il y a désaccord quant à l'expertise telle qu'envisagée par l'assureur, celui-ci doit rendre une décision incidente au sens de l'art. 5 al. 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA – RS 172.021). Il s'agit d'une décision d'ordonnancement de la procédure contre laquelle la voie de l'opposition n'est pas ouverte (art. 52 al. 1 LPGA; cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 29/03 du 25 novembre 2004) et qui est directement susceptible de recours devant le tribunal cantonal des assurances, respectivement auprès du Tribunal administratif fédéral (art. 56 al. 1 LPGA; ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 et 3.4.2.7). Postérieurement à l'ATF 137 V 210 précité, le Tribunal fédéral a précisé que dans le domaine de l'assurance-accidents également, il fallait ordonner une expertise en cas de désaccord, par le biais d'une décision incidente sujette à recours auprès du tribunal cantonal, respectivement auprès du Tribunal administratif fédéral (ATF 138 V 318 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 2.4.1).

Le recours contre les décisions incidentes n’est admis qu’à des conditions restrictives pour éviter qu’une multiplication de recours ne ralentisse excessivement le déroulement d’une procédure. Ces conditions reposent sur des motifs d’économie de procédure ou, en cas de risque de préjudice irréparable, sur la nécessité de garantir des voies de droit effectives conformément à l’art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101). Dans tous les cas, le recours contre la décision incidente rendue séparément n’est recevable qu’à la condition que le recours soit ouvert contre la décision finale à rendre ultérieurement (Jean MÉTRAL, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 28 ad art. 56 LPGA et les références citées).

En vertu de l’art. 45 al. 1 PA, applicable par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA, les décisions incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur une demande de récusation – au sens de l’art. 10 al. 1 PA, respectivement 36 al. 1 LPGA – peuvent faire l’objet d’un recours (ATAS/1181/2020 du 1er décembre 2020 consid. 4; Jean MÉTRAL, op. cit., n. 31 ad art. 56 LPGA). Ces décisions ne peuvent plus être attaquées ultérieurement (art. 45 al. 2 PA). Selon l’art. 46 al. 1 PA, par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA, les autres décisions incidentes notifiées séparément peuvent faire l’objet d’un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a), ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).

Selon la jurisprudence, l’assuré, qui, faute de consensus, entend contester la mise en œuvre d’une expertise médicale satisfait en principe aux conditions de l’intérêt digne de protection et du préjudice irréparable nécessaires (ATF 141 V 330 consid. 2 ; ATF 139 V 339 consid. 4.4 ; ATF 138 V 271 consid. 1 ; ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 et 3.4.2.7 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2012 du 3 juillet 2013 consid. 1.2.6 et 1.2.7). L’assuré ne peut toutefois exiger un choix consensuel de l’expert que s’il oppose des motifs pertinents de nature formelle ou matérielle contre la désignation de l’expert initialement proposé par l’assureur (arrêts du Tribunal fédéral 9C_401/2015 du 30 juin 2015 consid. 3 et 9C_560/2013 du 6 septembre 2013 consid. 2.3; ATAS/1181/2020 précité consid. 4).

4.2.2 En l'occurrence, le recourant ne fait pas valoir de motifs de récusation contre les experts désignés N______ et O______.

En revanche, comme cela découle des considérants qui suivent, il paraît exposer des motifs pertinents de nature matérielle contre la mise en œuvre d'une nouvelle – et troisième – expertise médicale, ce d'autant plus que cette nouvelle expertise serait la troisième et que son cas fait l'objet de rapports d'expertises – divergents – depuis début 2017, donc depuis environ cinq ans. Autre est la question de savoir si ces motifs sont fondés ou non, ce qui fait précisément l'objet du présent litige.

4.3 Quoi qu'il en soit, la recevabilité du recours peut demeurer indécise, vu les considérants qui suivent et l'issue du recours.

5.              

5.1 En vertu de l'art. 43 LPGA – sans le nouvel al. 1bis entré en vigueur le 1er janvier 2022 –, l’assureur examine les demandes, prend d’office les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. Les renseignements donnés oralement doivent être consignés par écrit (al. 1). L’assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux-ci sont nécessaires à l’appréciation du cas et qu’ils peuvent être raisonnablement exigés (al. 2). Si l’assuré ou d’autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction, l’assureur peut se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable (al. 3).

Aux termes de l’art. 44 LPGA, si l’assureur doit recourir aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions.

5.2 Selon le Tribunal fédéral, l’assuré peut faire valoir contre une décision incidente d’expertise médicale non seulement des motifs formels de récusation contre les experts, mais également des motifs matériels, tels que par exemple le grief que l’expertise constituerait une « second opinion » superflue, contre la forme ou l’étendue de l’expertise, par exemple le choix des disciplines médicales dans une expertise pluridisciplinaire, ou contre l’expert désigné, en ce qui concerne notamment sa compétence professionnelle (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.7; ATF 138 V 271 consid. 1.1).

5.3 Le Tribunal fédéral a aussi considéré qu’il convient d’accorder une importance plus grande que cela a été le cas jusqu’ici, à la mise en œuvre consensuelle d’une expertise et que l’assureur social doit rendre une décision incidente susceptible de recours lorsqu’il est en désaccord avec le requérant ou ses proches sur le choix de l’expert. Il est de la responsabilité tant de l’assureur que de l’assuré de parer aux alourdissements de la procédure qui peuvent être évités. Il faut également garder à l’esprit qu’une expertise qui repose sur un accord mutuel donne des résultats plus concluants et mieux acceptés par l’assuré (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6).

S’agissant plus particulièrement de la mise en œuvre d’une expertise consensuelle, le Tribunal fédéral a précisé, dans un arrêt subséquent, qu’il est dans l’intérêt des parties d’éviter une prolongation de la procédure en s’efforçant de parvenir à un consensus sur l’expertise, après que des objections matérielles ou formelles ont été soulevées par l’assuré. Ce n’est que si le consensus ne peut être atteint que l’assureur pourra ordonner une expertise, en rendant une décision qui pourra être attaquée par l’assuré (ATF 138 V 271 consid. 1.1).

Le Tribunal fédéral précise que la recherche de la mise en œuvre consensuelle d’une expertise ne constitue qu’une incombance à la charge des offices AI puisqu’un accord des parties au sujet de la personne de l’expert ne constitue pas une obligation dont l’exécution pourrait être réclamée en justice (ATF 139 V 349 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_513/2013 du 13 janvier 2014). Ainsi, en matière AI, plus particulièrement d’expertises mono- ou bi-disciplinaire(s) – soit les expertises autres que celles visées par l’art. 72bis du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201) –, la recherche d’un consensus est nécessaire lorsqu’un assuré fait valoir des objections « admissibles » de nature formelle, en rapport avec le cas concret, ou matérielle, en rapport avec la spécialité médicale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_560/2013 du 6 septembre 2013 consid. 2.3 et les références ; Massimo ALIOTTA, in Basler Kommentar, ATSG, 2019, n. 47 ad art. 44 LPGA).

Dans un arrêt du 7 octobre 2021, le Tribunal fédéral a jugé que la question de savoir s’il existe un droit justiciable à la désignation consensuelle de l’expert en matière d’assurance-accidents pouvait rester indécise ; il n’est en effet pas contesté que le principe de l’attribution aléatoire des mandats d’expertises pluridisciplinaires développé en matière d’assurance-invalidité (art. 72bis RAI) ne s’applique pas à l’assurance-accidents. Si l’assureur-accidents – comme l’office AI pour les expertises mono- ou bi-disciplinaires – doit s’efforcer de mettre en œuvre une expertise sur une base consensuelle et prendre en considération les objections soulevées par l’assuré quant à la personne de l’expert, le Tribunal fédéral a clairement rejeté la conception selon laquelle un expert ne pourrait être désigné qu’avec le consentement de l’assuré dès que celui-ci émet des objections sur la personne de l’expert, car cela reviendrait à reconnaître un droit de veto à l’assuré ; il a précisé que même en cas d’objection justifiée de l’assuré, l’assureur n’est pas tenu de suivre sans autre les contre-propositions de l’assuré (ATF 139 V 349 consid. 5.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 du 7 octobre 2021 consid. 4.2).

6.              

6.1 En l'espèce, le recourant a, le 27 mars 2019, contesté l'avis du premier expert, le Dr D______, du 7 mars 2019, au motif de son appréciation divergente et pauvrement motivée par rapport à celle du Dr C______. D'après l'intéressé, l'avis de cet expert n'emportait pas la conviction et sous-estimait grandement la gravité de l'atteinte à la main droite consécutive à l'accident, son appréciation ne pouvant dès lors pas être suivie, en particulier lorsqu'il écartait le diagnostic de CRPS pour conclure aux séquelles d'une infection multi-opérée et évoquait un taux d'IPAI de seulement 5 % contre 20-25 % selon le Dr C______. Ceci rendait nécessaire selon lui une nouvelle expertise.

C'est sans aucune motivation, y compris quant au principe même d'une seconde expertise, que l'intimée a, le 2 octobre 2019, proposé le Dr D______ pour une seconde expertise, puis, suite à la récusation formulée par le recourant à l'encontre de cet expert par lettre du 11 octobre 2019 au motif que le fait que celui-ci ait déjà dû se justifier à l'égard de l'intéressé concernant les erreurs relevées relativement à ses anciens rapports ne le plaçait plus dans la situation d'impartialité nécessaire au bon déroulement de l'expertise, elle a, dès le 20 mai 2020, cherché à désigner un autre expert, avant de mandater à ce titre un expert du CH8, le Dr I______, comme proposé initialement par l'assuré.

Le rapport d'expertise du Dr I______, second expert, s'est écarté des conclusions du premier expert D______, en retenant, manifestement, plus de limitations fonctionnelles que le premier concernant la nature de l'activité adaptée exigible et, surtout, une baisse de rendement de 40 % contre une capacité de travail complète selon le premier, de même qu'une IPAI de 10 % contre 5 % d'après le premier.

Dans le cadre de la procédure d'opposition faisant suite au prononcé de la décision initiale du 11 mai 2021, laquelle se fondait sur les conclusions de l'expert D______ jugées plus convaincantes que celles de l'expert I______, l'assureur-accidents a exprimé sa volonté de mettre en œuvre, avant le prononcé sur le fond de sa décision sur opposition, une nouvelle expertise par de nouveaux experts. En effet, selon l'intimée (courriel du 27 août 2021), les expertises au dossier ne donnaient pas satisfaction aux parties, les conclusions du Dr D______ étant contestées par l'assuré, pour les raisons susévoquées, et celles du Dr I______ par l'assureur-accidents, du fait qu'on ne retrouvait pas dans les conclusions de cet expert ce qui avait été développé dans le corps du rapport d'expertise et que ledit expert admettait, dans son écrit du 10 mars 2021, ne pas pouvoir préciser le niveau de baisse de rendement de l'expertisé.

Dans leurs écritures en procédure de recours, les parties précisent et approfondissent leurs arguments respectifs.

6.2 Le devoir de prendre d'office les mesures d'instruction nécessaires à l'appréciation du cas au sens de l'art. 43 al. 1 LPGA ne comprend pas le droit de l'assureur de recueillir un second avis médical (second opinion) sur les faits déjà établis par une expertise lorsque celle-ci ne lui convient pas. L'assuré ne dispose d'ailleurs pas non plus d'une telle possibilité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_133/2021 du 25 août 2021 consid. 4.2, 9C_57/2019 du 7 mars 2019 consid. 3.2, 9C_499/2013 du 20 février 2014 consid. 6.4.2.1 et U 571/06 du 29 mai 2007 consid. 4.2, publié in SVR 2007 UV n. 33 p. 111; ATAS/102/2021 du 10 février 2021 consid. 6; Ueli KIESER, Kommentar ATSG, 2020, n. 81 ad art. 44 LPGA).

L'art. 43 LPGA ayant pour but de déterminer l'ampleur des investigations nécessaires afin d'établir l'état de fait déterminant au degré de la vraisemblance prépondérante, la nécessité de mettre en œuvre une nouvelle expertise résulte de la réponse à la question de savoir si les expertises déjà versées au dossier satisfont – ou non – aux exigences que doivent revêtir de tels rapports en matière de contenu et de valeur probante (arrêts du Tribunal fédéral 8C_133/2021 précité consid. 4.2, 9C_57/2019 précité consid. 3.2 et U 571/06 précité consid. 4.2, publié in SVR 2007 UV n. 33 p. 111). L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical est que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3; ATAS/102/2021 précité consid. 6).

Ainsi, s'il considère, de manière motivée, que l'instruction au plan médical est suffisante et ne nécessite pas la mise en œuvre d'une nouvelle expertise contrairement à ce qui a été décidé par l'assureur social, le tribunal cantonal des assurances annule la décision incidente dudit assureur et lui renvoie la cause pour le prononcé d'une décision au fond (arrêt du Tribunal 9C_57/2019 précité consid. 4.2; Ueli KIESER, op. cit., n. 81 ad art. 44 LPGA).

6.3 Dans le cas présent, sur la base d'un examen quelque peu moins approfondi que celui qui serait destiné à trancher un litige au fond, la chambre de céans considère ce qui suit.

6.3.1 Tout d'abord – et si tant est que cela soit encore pertinent à ce stade –, s'agissant de l'expertise du Dr D______, c'est de manière non critiquable que l'intimée a accepté la demande du recourant de mettre en œuvre une nouvelle expertise.

En effet, par ses rapports, le Dr C______, médecin adjoint responsable de l'unité spécialisée pour la main aux HUG, a fait état d'éléments objectivement pertinents pour mettre en doute à tous les moins certaines les conclusions de l'expert (cf., à ce sujet, arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2), compte tenu notamment de la complexité de cas, des constatations effectuées par les HUG, en particulier leur bilan d'ergothérapie du 23 août 2017, ainsi que de la grande ampleur des divergences d'appréciation. Une nouvelle expertise se justifiait d'autant plus que le Dr D______ n'avait, dans son avis du 7 mars 2019, pas exclu la possibilité que la valeur de l'IPAI puisse atteindre 20-25 %, comme proposé par le Dr C______, si le cas s'était fortement aggravé entre les mois de décembre 2017 et janvier 2018, et que le dernier avis de l'expert D______, du 7 mars 2019, était postérieur déjà de deux ans – une relativement longue durée – par rapport à son rapport d'expertise initial basé sur l'examen clinique.

Il est au surplus relevé que, selon l'avis de l'expert D______ du 7 mars 2019, "à l'examen, quoique plutôt démonstratif, [l'assuré] a fait preuve d'une certaine collaboration en exécutant la plupart des gestes demandés sans qu'on ait pu mettre d'attitude vicieuse en évidence".

6.3.2 Pour ce qui est de la question de la nécessité d'une nouvelle – et troisième – expertise après celle du Dr I______, il est vrai, dans le sens de ce qui est relevé par l'assureur-accidents, que cet expert ne paraît pas motiver suffisamment sa conclusion d'une diminution de rendement de 40 % dans une activité adaptée. En effet, une telle activité devrait déjà tenir compte des limitations fonctionnelles fixées par l'expert (limitation globale de la mobilité digitale de 10 %, force de serrage n'excédant pas 5 kg, sensibilité pulpaire alléguée faible), qui ne sont certes pas négligeables concernant l'usage de la main droite mais ne touchent pas d'autres parties du corps. Le courriel du 20 janvier 2021 de l'expert, qui motive la diminution de rendement de 40 % dans une activité adaptée par le fait qu'il ne connaît guère d'activité qui ne nécessite, à un moment ou à un autre, de pouvoir sentir ce qu'on fait avec ses doigts (en particulier ceux dépendant du nerf médian), de même que son avis du 10 mars 2021, qui énumère des limitations fonctionnelles qui ne semblent prima facie pas particulièrement importantes (la plupart des prises par la main droite permises, ouverture de la main bien conservée et retentissement fonctionnel faible, mais baisse de rendement impossible à préciser concernant des efforts répétés même avec des poids inférieurs à 5 kg, sensibilité du pouce, de l'index et du médius droits diminuée de telle sorte à entraîner une limitations fonctionnelle quant à la manipulation de petits objets, écriture manuscrite limitée à quelques mots à la fois et limites dans l'usage du clavier d'ordinateur), ne paraissent pas permettre de comprendre suffisamment la fixation de 40 % de ladite baisse de rendement. De surcroît, l'expert estime que le trouble fonctionnel (trouble fonctionnel d'origine indéterminée de la main droite) existe mais est de nature mal déterminée; ce manque de clarté et de précision quant à cette affection semble problématique pour déduire de ce diagnostic (considéré comme en lien de causalité naturelle plus que vraisemblable avec l'accident) des effets sur la capacité de travail, le Dr I______ ne précisant du reste pas si de tels effets existent ni lesquels ils seraient.

Par ailleurs, l'expert I______ pose le diagnostic d'état anxio-dépressif réactionnel chronique alors qu'il n'est pas spécialiste en psychiatrie. À la question de l'intimée de savoir si, "parallèlement aux suites de l'accident du 1er août 2011, d'autres maladies, états maladifs ou encore d'autres états ou suites d'autres accidents, influencent l'état de santé de l'assuré", il répond qu'il est très vraisemblable que le lourd passé de l'expertisé lié à son emprisonnement, les sévices subis, l'éloignement de son pays natal et le statut de réfugié, les lombo-sciatalgies droites, les séquelles de la lésion du poignet gauche, etc., influencent et modulent son état de santé. Il relève aussi un envahissement de l'intéressé par son état maladif (absence de séparation entre le "soi" du patient et la maladie). Il estime que la douleur évaluée par le recourant à 8 sur 10 est très élevée en comparaison de ce qu'on peut constater lors d'états douloureux post-traumatiques ou maladifs, mais il ne parvient à établir plus précisément dans quelle mesure. À cet égard, paraît problématique le fait que l'expert n'exclut pas une certaine forme de simulation ou d'exagération des symptômes sans toutefois paraître en tirer des conclusions. En définitive, le contenu de cette seconde expertise ne permet pas de savoir dans quelle mesure (en particulier dans quel pourcentage) ces problèmes, qui ne sont apparemment pas directement liés à la main droite et à l'accident en cause, influenceraient la capacité de travail, voire éventuellement aussi l'IPAI. Ces interrogations importantes et non résolues justifient la mise en œuvre d'une expertise au plan psychiatrique, comme du reste suggéré le 3 juillet 2020 par le Dr K______.

Enfin et par surabondance, il paraît prima facie, en l'état, difficile de se prononcer au fond sur la question – également litigieuse – de l'IPAI, vu notamment les critiques énoncées par le Dr M______, contre le taux de 10 % retenu par I______, ledit médecin-conseil de l'intimée estimant, dans son avis du 31 mars 2021, que ce taux est "difficilement compréhensible, en l'absence d'atteinte neurologique objectivable, faisant l'impasse sur la raideur de l'index et du médius, alors qu'il s'agit justement des seules séquelles objectivables laissées par l'accident".

Contrairement à ce que soutient le recourant, les questions posées le 19 janvier 2021 par le Dr M______ n'apparaissent pas avoir incité le Dr I______ à répondre d'une manière orientée, tronquée. De surcroît, ni les violations du droit d'être entendu de l'assuré qui auraient été commises par le médecin-conseil, ni les éventuels retards pris par l'intimée dans l'instruction de ce cas ne sauraient être de nature à remettre en cause la nécessité d'une nouvelle expertise, quand bien même ces circonstances, y compris le fait qu'il s'agirait d'une troisième expertise, rendent compréhensibles la position et les griefs de l'assuré. Si tant est que cela puisse être pertinent – ce qui paraît douteux –, il ne saurait en tout état de cause être retenu que l'intimée ne serait plus en mesure de procéder à l'instruction du cas de l'assuré.

6.3.3 Vu ce qui précède, ce n'est pas de manière contraire à l'état de fait ou au droit que l'intimée a ordonné la mise en œuvre d'une nouvelle – et troisième – expertise.

7.             Le recours sera en conséquence rejeté, en tant qu'il est recevable.

Cette issue rend sans objet la conclusion du recourant sur effet suspensif, de même que celle, subsidiaire, tendant à ce que la chambre de céans ordonne elle-même une expertise judiciaire et désigne à cette fin un ou plusieurs experts. On voit au demeurant mal sur quelle base la chambre de céans pourrait donner une suite favorable à cette dernière conclusion (ou même entrer en matière sur celle-ci), dans la mesure où elle n'a pas été saisie préalablement du litige au fond par un recours contre une décision sur opposition.

La présente issue ne signifie pas que les rapports d'expertise des Drs D______ et I______ seraient dénués de toute valeur probante ou seraient inutilisables. Elle ne préjuge en rien de l'appréciation qui pourra être effectuée au fond de l'ensemble des avis médicaux, y compris de la nouvelle expertise (bidisciplinaire).

8.             La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Rejette le recours en tant qu’il est recevable.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

Blaise PAGAN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le