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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1830/2023

ATAS/760/2023 du 05.10.2023 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1830/2023 ATAS/760/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 octobre 2023

Chambre 3

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1980, père de deux enfants (B______ et C______, nés en 2011, respectivement en 2016), est au bénéfice de prestations complémentaires familiales depuis 2017.

b. Par courrier du 12 janvier 2022, le service des prestations complémentaires (ci‑après : le SPC) lui a réclamé une copie de la décision de l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) rendue suite à sa demande d’allocation logement pour l’année 2022, à tout le moins un accusé de réception de la demande complète.

c. Par courrier du 9 février 2022, l’assuré a répondu que le dossier relatif à sa demande d’allocation logement 2022 était encore incomplet : il manquait son certificat de salaire 2021 que devait encore produire son employeur, D______ et qui ne pourrait l’être avant le 18 février 2022. Il s’engeait à remettre au SPC l’accusé de réception de sa demande dès que celle‑ci serait complétée.

d. Le 14 février 2022, le SPC a adressé un premier rappel à l’assuré en se référant à son courrier du 12 janvier 2022, avec délai au 13 mars 2022 pour lui faire parvenir les pièces sollicitées.

e. Le 7 mars 2022, l’assuré a transmis au SPC un document de l’OCLPF attestant qu’il avait déposé une demande d’allocation de logement.

f. Le 3 février 2023, le SPC a découvert, suite à la consultation du système informatique du revenu déterminant unifié (ci-après : SI-RDU) que l’allocation logement 2022 avait été accordée à l’assuré pour la période du 1er avril 2022 au 31 mars 2023.

g. Par décision du 3 février 2023, le SPC a donc recalculé le droit aux prestations avec effet au 1er avril 2022, en tenant compte du montant de l’allocation et lui a réclamé la restitution des prestations versées à tort, soit CHF 1'769.-. Cette décision est entrée en force.

h. Par courrier du même jour, le SPC a réclamé plusieurs justificatifs, au nombre desquels la copie des décisions de l’OCLPF relatives à l’allocation logement.

i. Le 24 février 2023, l’assuré lui a transmis :

- une première décision de l’OCLPF lui octroyant une allocation de logement pour la période du 1er avril 2022 au 31 mars 2023 de CHF 151.40/mois (soit CHF 1'816.80/an) ;

- une deuxième décision, avec effet au 1er février 2023, augmentant l’allocation de logement à CHF 259.50/mois.

B. a. Le 14 mars 2023, l’assuré a demandé la remise de l’obligation de restituer le montant de CHF 1'769.- en invoquant sa situation précaire et ses dettes auprès de l’office cantonal des poursuites (qui procède à des saisies sur salaire mensuelles).

b. Par décision du 3 avril 2023, le SPC a rejeté cette demande.

Il a rappelé que la demande en restitution était la conséquence de la prise en compte rétroactive, avec effet au 1er avril 2022, de l’allocation de logement dont il n’avait été informé que par la consultation du SI-RDU, en février 2023, alors que les décisions de l’OCLPF remontaient aux 31 mars 2022 et 23 janvier 2023. L’assuré ayant omis de communiquer ces décisions au SPC, sa bonne foi ne pouvait être admise.

c. L’assuré s’est opposé à cette décision en expliquant son omission par le fait qu’il était alors préoccupé par l’état de santé de ses parents.

d. Par décision du 26 avril 2023, le SPC a rejeté l’opposition. Il a considéré que l’assuré avait bel et bien violé son obligation de renseigner – rappelée pourtant régulièrement chaque année –, malgré plusieurs demandes de justificatifs.

C. a. Par écriture du 29 mai 2023, l’assuré a interjeté recours contre cette décision, en concluant à son annulation.

En substance, il reprend l’argumentation développée dans son opposition.

Il ajoute qu’il n’a jamais voulu intentionnellement dissimuler des informations au SPC et qu’il pensait que ce dernier était automatiquement informé du montant des allocations de logement qui lui avaient été accordées.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 15 juin 2023, a conclu au rejet du recours.

Il rappelle avoir requis du recourant à trois reprises (cf. pièces 8, 13 et 50) des renseignements concernant son allocation logement, en vain.

c. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) concernant les prestations complémentaires familiales au sens de l’art. 36A LPCC en vigueur dès le 1er novembre 2012.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Selon l’art. 1A al. 2 LPCC, les prestations complémentaires familiales sont régies par les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC, les dispositions de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires ; LPC - RS 831.30) auxquelles la LPCC renvoie expressément, les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'État et la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830).

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA‑GE - E 5 10] et art. 43 LPCC).

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance‑invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC).

4.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimé de rejeter la demande de remise de l’obligation de restituer la somme de CHF 1'769.-.

5.              

5.1 S'agissant des prestations complémentaires fédérales, l’art. 25 al. 1 LPGA prévoit que celles indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile (art. 25 al. 1 phr. 2 LPGA). L’art. 24 LPCC applicable en matière de prestations complémentaires familiales prévoit un régime similaire.

5.2 De la même manière, au niveau cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phr. LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile.

5.3 Selon l’art. 31 LPGA, l’ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l’assureur ou, selon le cas, à l’organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation (al. 1). Toute personne ou institution participant à la mise en œuvre des assurances sociales a l’obligation d’informer l’assureur si elle apprend que les circonstances déterminantes pour l’octroi de prestations se sont modifiées (al. 2).

Aux termes de l’art. 24 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI – RS 831.301), l’ayant droit ou son représentant légal ou, le cas échéant, le tiers ou l’autorité à qui la prestation complémentaire est versée, doit communiquer sans retard à l’organe cantonal compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation. Cette obligation de renseigner vaut aussi pour les modifications concernant les membres de la famille de l’ayant droit.

À teneur de l’art. 11 al. 1 LPCC, le bénéficiaire ou son représentant légal doit déclarer au service tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression.

5.4 La question de savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), est réalisée doit être examinée dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).

La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_43/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3 et 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4).

On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2019 précité consid. 4). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2016 du 26 septembre 2016 consid. 3.1 ; Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 69 ad art. 25 LPGA). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).

En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi si son défaut de conscience du caractère indu de la prestation ne tient qu’à une négligence légère, notamment, en cas d’omission d’annoncer un élément susceptible d’influer sur le droit aux prestations sociales considérées, lorsque ladite omission ne constitue qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner sur un tel élément (ATF 112 V 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_16/2019 précité consid. 4 et 9C_14/2007 du 2 mai 2007 consid. 4 ; DTA 2003 n° 29 p. 260 consid. 1.2 et les références ; RSAS 1999 p. 384 ; Ueli KIESER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts - ATSG, 2020, n. 65 ad art. 25 LPGA).

La condition de la bonne foi a notamment été niée dans le cas d’un bénéficiaire de prestations complémentaires qui avait passé sous silence l’augmentation du revenu de son épouse (arrêt du Tribunal fédéral P 17/03 du 3 février 2004 consid. 4.1) ou dans celui d’un assuré qui n’avait pas communiqué les revenus liés à sa nouvelle activité salariée (arrêt du Tribunal fédéral P 32/06 du 14 novembre 2006 consid. 4.3).

En règle générale, les bénéficiaires peuvent se prévaloir de leur bonne foi lorsqu’ils se sont conformés à leur obligation de renseigner ou d’annoncer et à leurs autres devoir légaux de collaboration (Ulrich MEYER-BLASER, Die Rückerstattung von Sozialversicherungsleistungen, ZBJV 1995 p. 481).

6.             Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.             En l’espèce, le SPC fait valoir que la condition de la bonne foi n’est pas réalisée dans la mesure où le recourant a violé son obligation d’annoncer et n’a pas vérifié les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations.

Le recourant reconnaît n’avoir pas communiqué au SPC les décisions de l’OCLPF, ce qu’il justifie par le fait qu’il était préoccupé par l’état de santé de ses parents.

La Cour de céans relève toutefois que, durant la période litigieuse, le recourant a été capable de transmettre à l’intimé de nombreuses pièces (par exemple : ses fiches salaires de mars à novembre 2022).

Quant à l’argument selon lequel il a subodoré que le SPC était automatiquement informé par l’OCLPF, il ne peut non plus être retenu. On rappellera que le recourant a été interpellé à trois reprises par l’intimé sur la question de l’allocation de logement. Quoi qu’il en soit, le recourant, en constatant que la déduction correspondant à ladite allocation ne figurait pas dans les décisions de prestations le concernant, plus spécifiquement dans le plan de calcul desdites prestations, aurait dû réaliser que l’intimé n’en avait pas été informé.

Par conséquent, examiné dans son ensemble, le comportement du recourant est manifestement incompatible avec la bonne foi. Il a manifestement violé son obligation de renseigner et cette violation doit être qualifiée de grave, de sorte que le refus de remise de l’obligation de restituer apparaît bien-fondé.

Pour le surplus, il convient de rappeler que la remise de l’obligation de restituer ne peut être accordée que si les deux conditions cumulatives de la bonne foi et de la situation financière difficile sont réalisées.

Dans le cas présent, la première de ces conditions n’étant pas remplie, il n’y a pas lieu d’examiner la seconde.

Le recours est rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. f bis LPGA a contrario).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le