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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1678/2023

ATAS/748/2023 du 04.10.2023 ( AJ ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1678/2023 ATAS/748/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 octobre 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______

représentée par Me Marlyse CORDONIER, avocate

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______1991, au bénéfice d’une maturité gymnasiale obtenue en 2015, a débuté des études universitaires de sociologie et de psychologie, qu’elle n’a pas achevées. En 2020, elle s’est inscrite pour suivre des cours d’histoire, à distance.

b. L’assurée, qui vit chez sa mère, a effectué quelques emplois temporaires, le dernier en 2019 en tant que nettoyeuse. Depuis août 2022, elle perçoit des prestations de l’Hospice général.

B. a. Suite à la demande de prestations déposée par l’assurée le 4 novembre 2021 auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé), ce dernier a requis des informations auprès de plusieurs médecins.

c. Par rapport du 22 décembre 2021, le docteur B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et psychiatre traitant depuis mai 2020, a diagnostiqué un épisode dépressif récurrent, épisode actuel léger, un trouble anxieux généralisé, un trouble panique avec agoraphobie, une phobie sociale, une personnalité émotionnellement labile type borderline, et un TDAH probable, à investiguer. La capacité de travail de l’assurée était nulle. Elle pourrait toutefois s’élever à 50 % en cas d’amélioration de l’état de santé, dans une activité totalement adaptée aux troubles fonctionnels.

L’assurée, qui avait des difficultés pour suivre ses études, sortait difficilement de chez elle. Depuis environ six ans, elle souffrait d’une dépendance à l’alcool, apparue comme une solution à ses angoisses. En début d’année, elle avait eu des difficultés à contrôler la prise d’alcool et avait dû être hospitalisée à la clinique de Crans-Montana du 21 avril au 11 mai 2021 (cf. rapport du 2 août 2021 du docteur C______, médecin chef de clinique).

d. Dans un questionnaire relatif à son statut daté du 11 janvier 2022, l’assurée a notamment indiqué qu’en bonne santé, elle aurait travaillé en tant que sociologue, archiviste ou journaliste.

e. Par rapport du 1er février 2022, le docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne générale et en addiction auprès des hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG), a diagnostiqué, avec répercussion sur la capacité de travail, une dépendance à l’alcool et un trouble anxieux généralisé. La patiente, en traitement depuis 2014, tentait de suivre une formation universitaire. Elle présentait des difficultés de concentration, d’adaptabilité et de sociabilité. Sa capacité pour suivre des études ou une formation était de 50 %. Les atteintes entraînaient peu de répercussions sur les besoins primaires de l’assurée. Par contre, elle présentait des difficultés sociales ainsi que des problèmes à suivre des études, et partant, à obtenir un revenu. Elle n’avait pas acquis de profession, mais pouvait se former, si elle était soutenue par la mise en place de mesures.

f. Le 5 avril 2022, lors d’un entretien téléphonique avec la division de réadaptation professionnelle de l’OAI, l’assurée a expliqué notamment qu’elle subissait de grandes difficultés, depuis plus de dix ans, en raison de ses problèmes de santé. Au vu de son impossibilité à suivre les cours à distance, elle prévoyait d’arrêter ses études universitaires. L’obtention d’un bachelor était cependant capital pour elle.

g. Le 29 avril 2022, le Dr D______ a attesté que l’assurée n’avait pas été apte à travailler durant l’année 2021 ; son incapacité se poursuivait.

h. Lors d’un entretien le 9 mai 2022 avec le service de réadaptation de l’OAI, l’assurée a estimé qu’il était trop tôt pour suivre une mesure de réadaptation à 100 %. Elle était cependant disposée à suivre une mesure de réinsertion auprès de l’entreprise sociale privée PRO.

i. En raison de ses angoisses, l’assurée a annulé plusieurs entretiens fixés avec l’entreprise sociale privée PRO (notes téléphoniques établies par l’OAI les 28 juin et 25 juillet 2022 et rapport du 1er septembre 2022 de l’OAI).

j. Par avis du 6 septembre 2022, le service médical régional AI (ci-après : le SMR) a estimé que la sévérité des atteintes n’était pas claire. Une expertise était nécessaire.

k. Le 15 septembre 2022, l’OAI a informé l’assurée qu’une expertise psychiatrique allait être effectuée par le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

l. Le 31 octobre 2022, l’OAI a informé l’assurée que la mise en place de mesures de réadaptation n’était pas indiquée. L’octroi d’une rente allait être examiné.

m. Par rapport du 12 janvier 2023, le Dr E______ a diagnostiqué, sans répercussion sur la capacité de travail, des troubles dépressifs récurrents légers depuis janvier 2021 (sans indice de gravité), un trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif (actuellement non décompensé), une dépendance à plusieurs substances (alcool, cannabis) actuellement utilisation épisodique, ainsi qu’un trouble de l’attention avec hyperactivité durant l’enfance. La capacité de travail de l’assurée était totale depuis janvier 2021 dans une activité adaptée, avec une baisse de rendement de 30 % en raison de la fatigue due à la consommation de toxiques. Une activité adaptée impliquait l’absence de relations sociales complexes ou stressantes, la réalisation de l’administratif complexe et les activités multi-tâches. L’assurée n’avait pas pu se former à la hauteur de son potentiel intellectuel, en lien avec des troubles psychiques plus importants durant l’enfance et l’adolescence. L’évolution était stationnaire et dépendait de la mise en place d’un sevrage.

n. Le 19 janvier 2023, le SMR a considéré que les conclusions de l’expertise pouvaient être suivies. En l’absence d’atteinte à la santé sévère et durable, l’assurée ne présentait aucune incapacité de travail déterminante. Sa capacité était entière dans toute activité, avec une diminution de rendement de 30 %.

o. Par projet de décision du 2 février 2023, l’OAI a informé l’assurée qu’il entendait lui nier le droit à une rente. A l’issue de l’instruction médicale, il constatait que l’assurée ne présentait pas d’atteinte à la santé invalidante au sens de la loi. Par conséquent, les conditions d’octroi de prestations n’étaient pas réunies.

p. Le 20 février 2023, l’OAI a transmis au Dr B______ une copie du dossier.

q. Le 1er mars 2023, l’assurée a sollicité l’assistance juridique aux fins de formuler ses observations à l’encontre du projet de décision. Elle n’avait pas les compétences juridiques et médicales nécessaires et une assistance se justifiait d’autant plus au vu de la jurisprudence en matière de troubles psychiques.

r. A la demande du conseil de l’assurée, Maître Marlyse CORDONIER, avocate, l’OAI a prolongé le délai pour formuler les observations.

s. Par décision du 22 mars 2023, l’OAI a rejeté la demande d’assistance juridique au motif que la cause n’était pas suffisamment complexe. En l’occurrence, dans le cadre de la procédure d’audition de l’assurée, les éléments susceptibles d’être soulevés, suite à l’évaluation de sa capacité de travail, relevaient du domaine médical et non juridique. Partant, la situation n’était pas particulièrement complexe sous l’angle des faits ou du droit, d’autant moins que le médecin traitant était plus à même d’apporter des éléments médicaux objectifs potentiels en faveur d’une évaluation différente, étant relevé que le dossier lui avait été transmis en février 2023. La condition de la complexité n’étant pas remplie, l’examen portant sur les deux autres conditions pouvait rester ouvert.

t. Le 28 avril 2023, l’assurée, par l’intermédiaire de son conseil, a déposé ses observations à l’encontre du projet de décision du 2 février 2023. En substance, elle a contesté la valeur probante de l’expertise, précisant qu’elle n’avait pas eu accès aux enregistrements avec l’expert. Elle sollicitait la mise en œuvre d’une nouvelle expertise.

À ses observations, l’assurée a joint un avis du 27 avril 2023 du Dr B______. Selon lui, les différences de diagnostics pouvaient être dues au fait que certains troubles s’étaient améliorés. Depuis le début de la prise en charge, l’évolution était légèrement favorable, mais la capacité de travail restait nulle. Certaines consultations avaient eu lieu par téléphone car sa patiente était dans l’incapacité de sortir. Elle présentait notamment des difficultés d’adaptation majeures et d’intégration ; ses limitations fonctionnelles étaient en lien avec les divers diagnostics retenus et pas uniquement avec la consommation d’alcool.

u. Par avis du 15 mai 2023, le SMR a estimé que le rapport du psychiatre traitant n’apportait pas d’élément médical objectif nouveau. Les précédentes conclusions étaient par conséquent maintenues.

C. a. Par acte du 15 mai 2023, l’assurée, représentée par son conseil, a interjeté recours contre la décision de l’OAI du 22 mars 2023, concluant à son annulation, à l’octroi de l’assistance juridique à compter du 1er mars 2023 et à la nomination d’office de Me CORDONIER. Selon la recourante, la situation de fait apparaissait complexe puisqu’elle présentait de nombreuses atteintes psychiques, lesquelles avaient justifié la mise en œuvre d’une expertise. Il en allait de même des questions juridiques puisqu’en présence de troubles psychiques, la capacité de travail devait être examinée selon les indicateurs développés par la jurisprudence. Or, la question du caractère invalidant des atteintes psychiques était particulièrement délicate et nécessitait l’intervention d’un avocat. De plus, elle n’avait pas pu terminer ses études et les revenus réalisés jusqu’à ce jour n’étaient que des revenus d’appoint. Enfin, les conditions relatives aux chances de succès et à l’indigence étant aussi remplies, elle avait droit à l’assistance gratuite d’un défenseur.

b. Par réponse du 31 mai 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours pour les motifs indiqués dans sa décision litigieuse. Par ailleurs, la recourante, qui avait fait des études universitaires, était en mesure de s’orienter seule dans la procédure. L’expertise faisait état de fonctions cognitives conservées et d’un isolement social partiel chez une expertisée ayant de bonnes ressources et gérant son quotidien sans limitations. L’intervention du conseil n’avait d’ailleurs pas conduit à une instruction complémentaire. Le conseil avait opposé à l’expertise une appréciation divergente des médecins traitants concernant un même état de fait, ce qui aurait pu être effectué par la recourante, en sollicitant l’aide de ses médecins ou de son assistante sociale. Les circonstances du cas n’étaient donc pas exceptionnelles.

c. Par réplique du 14 juin 2023, la recourante a fait valoir qu’elle n’était pas en mesure de s’orienter seule dans la procédure. Si elle avait certes fait des études universitaires, l’expert avait toutefois retenu l’exercice d’une activité sans réalisation de tâches administratives complexes. Enfin, contrairement à ce qu’avançait l’intimé, la procédure d’audition n’était pas terminée puisqu’un délai au 30 juin 2023 lui avait été accordé pour d’éventuelles observations, étant donné qu’elle n’avait pas eu accès à l’enregistrement sonore de l’entretien avec l’expert.

d. Le 21 juin 2023, l’intimé a confirmé que le délai au 30 juin 2023 était maintenu et que l’ensemble des éléments apportés allait faire l’objet d’un examen avant qu’une décision sujette à recours ne soit rendue.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 


 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Les décisions qui accordent ou refusent l'assistance gratuite d'un conseil juridique (art. 37 al. 4 LPGA) sont des décisions d'ordonnancement de la procédure au sens de l'art. 52 al. 1 LPGA (ATF 131 V 153 consid. 1), de sorte qu'elles sont directement attaquables par la voie du recours devant les tribunaux des assurances institués par les cantons (art. 56 al. 1 et 57 LPGA).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a, 56 ss LPGA et art. 89C let. a loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]), le recours est recevable.

3.             Est litigieux le droit de la recourante à l’assistance juridique dans le cadre de la procédure d’audition consécutive au projet de refus de prestations d’invalidité rendu par l’intimé le 2 février 2023.

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 29 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. -  RS 101), toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.

L'octroi de l'assistance juridique gratuite signifie que la personne indigente est dispensée de payer les avances de frais et les sûretés exigées par l'autorité et que les frais d'avocat sont couverts par l'Etat. La dispense concerne également les frais inhérents à l'administration des preuves, comme les indemnités de témoins, d'interprètes ou les expertises (Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3e éd., 2013, n. 1619).

4.2 Dans la procédure administrative en matière d'assurances sociales, l'assistance gratuite d'un conseil juridique est accordée au demandeur lorsque les circonstances l'exigent (art. 37 al. 4 LPGA).

La LPGA a ainsi introduit une prétention légale à l'assistance juridique pour ce type de procédure (ATF 131 V 153 consid. 3.1 et les références). La jurisprudence y relative rendue dans le cadre de l'art. 4 aCst. (art. 29 al. 3 Cst.) sur les conditions de l'assistance judiciaire en procédure d'opposition (partie dans le besoin, conclusions non dépourvues de toute chance de succès, assistance objectivement indiquée d'après les circonstances concrètes) continue de s'appliquer, conformément à la volonté du législateur (ATF 132 V 200 consid. 4.1 et les références).

4.3 La réglementation cantonale a une teneur identique à la législation fédérale. Elle prévoit que l’assistance juridique est octroyée conformément aux prescriptions fédérales en matière de contentieux dans l’assurance-vieillesse et survivants, dans l’AI, dans les allocations perte de gain et dans les prestations complémentaires. Elle ne peut être octroyée que si la démarche ne paraît pas vouée à l’échec, si la complexité de l’affaire l’exige et si l’intéressé est dans le besoin ; ces conditions sont cumulatives (art. 27D al. 1 de la loi relative à l’office cantonal des assurances sociales du 20 septembre 2002 [LOCAS - J 4 18] et art. 19 al. 1 et 2 du règlement d'exécution de la loi relative à l'office cantonal des assurances sociales du 23 mars 2005 [ROCAS - J 4 18.01]).

4.4 Les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite sont en principe remplies si les conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec, si le requérant est dans le besoin et si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée (ATF 125 V 201 consid. 4a ; 125 V 371 consid. 5b et les références).

Un procès est dénué de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et qu'elles ne peuvent être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une partie disposant des moyens nécessaires renoncerait, après mûre réflexion, à s'y engager en raison des frais auxquels elle s'exposerait. Le procès ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou que les perspectives de succès ne sont que légèrement inférieures (ATF 129 I 129 consid. 2.3.1 ; 128 I 225 consid. 2.5.3 et la référence). Dans tous les cas, les chances de succès ne peuvent pas être déniées lorsque la démarche pose des questions complexes et que son issue apparaît incertaine (ATF 124 I 304 consid. 4b). L'autorité procédera à une appréciation anticipée et sommaire des preuves, sans toutefois instruire une sorte de procès à titre préjudiciel (ATF 124 I 304 consid. 2c).

Une partie est dans le besoin lorsque ses ressources ne lui permettent pas de supporter les frais de procédure et ses propres frais de défense sans entamer les moyens nécessaires à son entretien et à celui de sa famille (ATF 128 I 225 consid. 2.5.1 ; 127 I 202 consid. 3b). Les besoins vitaux selon les règles de procédure se situent au-dessus de ce qui est strictement nécessaire et excèdent le minimum vital admis en droit des poursuites (ATF 118 Ia 369 consid. 4). Pour que la notion d'indigence soit reconnue, il suffit que le demandeur ne dispose pas de moyens supérieurs aux besoins normaux d'une famille modeste (RAMA 1996 p. 208 consid. 2). Les circonstances économiques au moment de la décision sur la requête d'assistance judiciaire sont déterminantes (ATF 108 V 265 consid. 4).

Le point de savoir si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée doit être tranché d'après les circonstances concrètes objectives et subjectives. Pratiquement, il faut se demander pour chaque cas particulier si, dans des circonstances semblables et dans l'hypothèse où le requérant ne serait pas dans le besoin, l'assistance d'un avocat serait judicieuse, compte tenu du fait que l'intéressé n'a pas lui-même des connaissances juridiques suffisantes et que l'intérêt au prononcé d'un jugement justifierait la charge des frais qui en découlent (arrêt du Tribunal fédéral 8C_297/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.2 et les références).

5.             Ces conditions d'octroi de l'assistance judiciaire sont applicables à l'octroi de l'assistance gratuite d'un conseil juridique dans la procédure d'opposition (Revue de l'avocat 2005 n. 3 p. 123), respectivement de décision. Toutefois, le point de savoir si elles sont réalisées doit être examiné au regard de critères plus sévères dans la procédure administrative (arrêts du Tribunal fédéral 9C_440/2018 du 22 octobre 2018 consid. 5 ; 8C_297/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.3 et les références).

L’assistance par un avocat s’impose uniquement dans les cas exceptionnels où il est fait appel à un avocat parce que des questions de droit ou de fait difficiles rendent son assistance apparemment nécessaire et qu’une assistance par le représentant d’une association, par un assistant social ou d’autres professionnels ou personnes de confiance d’institutions sociales n’entre pas en considération (ATF 132 V 200 consid. 4.1 et les références). À cet égard, il y a lieu de tenir compte des circonstances du cas d’espèce, de la particularité des règles de procédure applicables, ainsi que des spécificités de la procédure administrative en cours. En particulier, il faut mentionner, en plus de la complexité des questions de droit et de l’état de fait, les circonstances qui tiennent à la personne concernée, comme sa capacité de s’orienter dans une procédure. Dès lors, le fait que l’intéressé puisse bénéficier de l’assistance de représentants d’associations, d’assistants sociaux ou encore de spécialistes ou de personnes de confiance œuvrant au sein d’institutions sociales permet d’inférer que l’assistance d’un avocat n’est ni nécessaire ni indiquée. En règle générale, l’assistance gratuite est nécessaire lorsque la procédure est susceptible d’affecter d’une manière particulièrement grave la situation juridique de l’intéressé (ATF 130 I 180 consid. 2.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_297/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.3 et la référence).

6.             Un litige sur le droit éventuel à une rente d’invalidité n’est pas susceptible d’affecter de manière particulièrement grave la situation juridique de l’intéressé ; en revanche, il a une portée considérable. La nécessité de l’assistance gratuite ne peut donc être admise d’emblée, mais n’existe que lorsqu’à la relative difficulté du cas s’ajoute la complexité de l’état de fait ou des questions de droit, à laquelle le requérant n’est pas apte à faire face seul (arrêt du Tribunal fédéral 9C_786/2017 du 21 février 2018 consid. 4.2 et les références).

7.             En l'espèce, l’intimé a estimé que le dossier ne comportait pas de problématiques complexes nécessitant l’assistance d’un avocat, dans le cadre de la procédure d’audition consécutive à son projet de refus de prestations d’invalidité du 2 février 2023, ce que la recourante conteste.

7.1 On relèvera déjà qu’au vu de la jurisprudence susmentionnée, la nature du litige concernant le droit éventuel à une rente d'invalidité ne permet pas d'admettre que la situation juridique de la recourante est susceptible d'être touchée gravement, de sorte que l'assistance juridique n'apparaît pas d'emblée comme nécessaire.

7.2 Par ailleurs, si l’on peut certes retenir que la recourante n’a pas les connaissances juridiques et médicales nécessaires pour appréhender la situation dans sa globalité, ce fait ne constitue toutefois pas une circonstance particulière qui permette de considérer qu’elle doit nécessairement être assistée d'un avocat. Il faut en effet encore déterminer, au regard de la difficulté du cas du point de vue objectif (complexité des questions de droit et de fait), s’il s’agit d’un cas exceptionnel justifiant l’intervention d’un avocat ou si une assistance fournie par un assistant social ou un autre professionnel ou une personne de confiance se serait révélée suffisante.

7.3 Le litige porte sur l’évaluation de la capacité de travail de la recourante ainsi que sur le droit de celle-ci à une rente d’invalidité, à la suite d’une première demande de prestations. Il s’agit-là de questions qui se posent dans la plupart des procédures ayant pour objet le droit à des prestations de l’assurance-invalidité et qui ne comportent en principe pas de difficulté singulière. On relèvera en outre qu’il ne ressort du dossier aucune particularité sur le plan procédural.

Sur le plan médical, se posent notamment les questions des diagnostics incapacitants, de la détermination de la capacité de travail de la recourante, de l’évolution de son état de santé et de sa capacité de travail. Il n’est, en l’occurrence, pas contesté par l’intimé, ni contestable, que la recourante souffre de plusieurs troubles psychiques, lesquels ont nécessité la mise en œuvre d’une expertise. Si la détermination du caractère invalidant des troubles psychiques peut certes, dans certains cas, soulever des questions de droit ou de fait susceptibles de rendre nécessaire l'intervention d'un mandataire professionnel, on ne saurait toutefois en déduire, contrairement à ce qu’avance la recourante, que la nécessité du recours à un avocat doit être admise du seul fait qu’un assuré présente des troubles psychiques (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_577/2019 du 21 janvier 2020 consid. 6.3).

Cela étant, il résulte des pièces versées à la procédure qu’aux troubles psychiques que présente la recourante, s’ajoute une dépendance à plusieurs psychotropes (l’alcool et le cannabis) qui est apparue comme une solution aux atteintes psychiques (rapport du 22 décembre 2021 du Dr B______) et qui a débuté à l’adolescence, sur un fond psychologique fragile (rapport d’expertise du Dr E______, pp. 7 et 8). Or, comme l’a relevé le Tribunal fédéral, l’évaluation de l’invalidité d’une personne souffrant d’une addiction est un sujet qui peut poser des questions complexes sur les plans médical et juridique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_668/2009 du 25 mars 2010 consid. 4.2 et les références).

Qui plus est, les rapports font état non seulement d’atteintes psychiques, mais également d’un isolement social partiel, de difficultés de sociabilité et d’adaptabilité ainsi que de limitations fonctionnelles relationnelles, ayant des répercussions sur la poursuite des études menées par la recourante et, partant, sur l’obtention d’un revenu et d’un logement propre, essentiels à son bon développement et à sa santé (rapport du 1er février 2022 du Dr D______ et rapport d’expertise du Dr E______ pp. 16 et 41).

L’état de fait était donc caractérisé par une intrication de problèmes de nature psychique, dont une dépendance à plusieurs psychotropes, et de problèmes ayant pour origine le contexte socio-économique dans lequel se trouvait la recourante, de sorte que l’évaluation médicale de ses atteintes revêtait une importance d’autant plus grande pour apprécier correctement son état de santé. A cet égard, il convient d’ajouter que si l’instruction médicale a certes porté sur la réalisation d’une expertise psychiatrique uniquement, il n’en demeure pas moins que les droits de participation des assurés acquièrent une importance certaine lors de la mise en œuvre d'une expertise monodisciplinaire (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_436/2017 du 14 décembre 2017 consid. 3.6.1).

En outre, l'état de fait n'était pas dépourvu d'une certaine complexité sur le plan économique étant donné que les médecins ont attesté l’impossibilité, pour la recourante, de se former à la hauteur de son potentiel intellectuel (lequel est nettement au-dessus de la norme) en raison de ses atteintes psychiques présentes durant l’enfance et l’adolescence (rapport d’expertise du Dr E______, p. 28) et à l’âge adulte (rapport du 1er février 2022 du Dr D______). De plus, la recourante n’a jamais réellement travaillé, mis à part quelques activités en tant qu’étudiante exercées en parallèle à ses études et sur de courtes périodes (fiche de l’intimé du 12 mai 2022). Or, force est de constater que ces circonstances sont à même de soulever des questions juridiques complexes en lien notamment avec la détermination éventuelle du revenu sans invalidité qui serait à prendre en compte au sens des art. 25 et 26 règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) dans leur nouvelle teneur en vigueur dès le 1er janvier 2022 (cf. développement continu de l’AI ; modification du 3 novembre 2021 ; RO 2021 706), le nouveau droit étant, en l’occurrence, applicable. En effet, la demande de prestations ayant été déposée le 4 novembre 2021, la naissance du droit éventuel à une rente serait, quoi qu’il en soit, postérieure au 31 décembre 2021 (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

 

Il résulte de ce qui précède que la complexité de l'état de fait et des questions de droit nécessitaient une aide juridique déjà au stade de la procédure d’instruction de la demande de prestations, la recourante n'étant pas apte à y faire face seule ou avec l’aide de sa mère, d’un assistant social ou de ses médecins. En effet, ceux-ci ne disposent pas des connaissances juridiques nécessaires pour vérifier que le degré d’invalidité de la recourante a été déterminé en conformité avec la jurisprudence applicable.

7.4 S'agissant de la condition relative aux chances de succès, question que l’intimé a laissé ouverte, on rappellera que celles-ci ne peuvent être déniées lorsque la démarche pose des questions complexes et que son issue apparaît incertaine. En l’occurrence, la recourante a sollicité la reprise de l’instruction concernant ses atteintes à sa santé et les griefs invoqués n’apparaissaient pas, prima facie, dénués de pertinence. Qui plus est, au vu de la complexité de la situation médicale et juridique de la recourante, l’évaluation de son degré d’invalidité apparaissait comme une question délicate, de sorte que les chances de succès de sa démarche, dont l’issue était incertaine, ne pouvaient pas être déniées.

7.5 Aussi, on se trouve en présence de circonstances exceptionnelles rendant objectivement nécessaire l’assistance d’un avocat durant la procédure administrative, étant relevé que la situation économique de la recourante, qui était au bénéfice de prestations de l’Hospice général depuis août 2022, n’est pas contestée par l’intimé, ni contestable.

7.6 Étant donné que toutes les conditions cumulatives requises pour l’octroi de l’assistance juridique sont réalisées, il y a lieu de mettre la recourante au bénéfice de cette assistance dès le dépôt de sa requête (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_923/2009 du 10 mai 2010 consid. 4.1.3), soit le 1er mars 2022.

8.              

8.1 La recourante conclut également à la nomination de sa mandataire en tant qu'avocate d’office.

8.2 Lorsque les circonstances l'exigent, l'assistance gratuite d'un conseil juridique est accordée au demandeur (art. 37 al. 4 LPGA), en la personne d'un avocat ou d'une personne brevetée qui remplit (par analogie) les conditions personnelles pour être inscrite au registre au sens de l'art. 8 al. 1 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 ([LLCA - RS 935.61] ; ATF 132 V 200 consid. 5.1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_241/2008 du 27 mai 2008 consid. 4.5). Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. qui avait déduit de cette disposition un droit, subsidiaire et minimal, à l'assistance judiciaire gratuite, l'autorité chargée de désigner un défenseur d’office ne peut arbitrairement refuser de tenir compte dans la mesure du possible des vœux du justiciable quant à la personne du défenseur. Toutefois, vu la diversité des situations, l'art. 4 aCst. n'accorde pas au plaideur un droit inconditionnel au choix de son défenseur d’office (ATF 114 Ia 101 consid. 3. 4 ; 105 Ia 296 consid. 1d ; SJ 1986 349 consid. 3).

8.3 En l'espèce, Me CORDONIER est inscrite au registre cantonal des avocats (http://justice.ge.ch/apps/dbl/fr/avocats/search) et connaît déjà le dossier, de sorte qu’il n’y a aucune raison de ne pas tenir compte des vœux de la recourante quant à la personne de son défenseur. Aussi, il y a lieu de nommer celle-ci en tant que défenseur d’office.

9.             Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision de l’intimé du 22 mars 2023 annulée.

La recourante étant représentée par un avocat et obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 1'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), à charge de l'intimé.

Le litige ne portant pas sur l'octroi ou le refus de prestations de l'AI, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 69 al. 1bis LAI a contrario).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 22 mars 2023.

4.        Dit que la recourante a droit à l’assistance juridique pour la procédure administrative depuis le 1er mars 2023.

5.        Nomme Maître Marlyse CORDONIER en tant qu’avocate d’office de la recourante depuis le 1er mars 2023.

6.        Condamne l’intimé à verser à la recourante CHF 1'000.- à titre de dépens.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le