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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/544/2023

ATAS/721/2023 du 26.09.2023 ( PC ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/544/2023 ATAS/721/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 septembre 2023

Chambre 15

 

En la cause

A______
représentée par Me Bertrand REICH, avocat

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1983, souffre de la maladie d’Ehlers Danlos. Bénéficiaire de prestations de l’assurance-invalidité, elle a demandé, en 2012, des prestations complémentaires (ci-après : PC), qui lui ont été accordées.

b. Le 25 janvier 2017, l’assurée a indiqué au service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) que son compagnon, Monsieur B______, emménagerait chez elle le 1er mars 2017. Chacun paierait la moitié du loyer s’élevant à CHF 1'400.-. Elle a fourni, en sus, le certificat de salaire 2016 de son compagnon (CHF 12'734.40 pour les mois d’octobre à décembre 2016) et un contrat de travail de durée déterminée valable du 10 octobre 2016 au 31 mai 2017 lequel prévoyait un salaire mensuel brut de CHF 5'200.-. Elle a également joint une attestation de grossesse.

c. Le SPC a sollicité de l’assurée, le 19 mai 2017, des pièces complémentaires telles que son acte de mariage, la décision de rente complémentaire pour enfant en cas de naissance durant la mise à jour du dossier, le certificat d’assurance-maladie de l’assurée, le contrat de travail de son conjoint valable dès le 1er juin 2017 ou les décomptes de chômage, les décisions de l’assurance-invalidité et de la caisse de prévoyance professionnelle consécutives au mariage de l’assurée, les justificatifs concernant les rentes reçues par l’assurée depuis 2013, des formulaires à remplir par le conjoint au sujet de ses avoirs bancaires et ses éventuels biens immobiliers.

d. Le 6 juin 2017, l’assurée a indiqué au SPC qu’elle n’était pas mariée avec M. B______ - elle s’était peut-être trompée dans les termes employés - de sorte qu’elle ne pouvait pas fournir d’acte de mariage ou les pièces relatives à cette union. Elle rappelait qu’elle avait en revanche déjà adressé au SPC les pièces relatives à l’emménagement de son compagnon dans son appartement et à leur changement dans leur situation.

e. Le 19 juin 2017, le SPC a demandé à l’assurée les justificatifs des rentes reçues depuis 2013, copie de la décision de rente complémentaire pour enfant en cas de naissance durant la mise à jour du dossier et son certificat d’assurance-maladie. Le courrier contenait la liste des pièces déjà reçues notamment les nombreuses pièces concernant son compagnon.

f. En réponse à ce courrier, l’assurée a envoyé son attestation de prévoyance professionnelle avec les montants perçus dès 2011.

g. Le 19 juillet 2017, le SPC a adressé un rappel à l’assurée en sollicitant la copie de la décision de rente complémentaire pour enfant en cas de naissance durant la mise à jour du dossier et son certificat d’assurance-maladie, pièces non reçues à cette date. Le courrier contenait à nouveau une liste des pièces déjà reçues (notamment : certificat d’assurance de M. B______, déclarations des biens de ce dernier, relevés bancaires, contrat de travail ou attestation de chômage, etc.).

h. Le 27 juillet 2017, l’assurée a adressé un courrier au SPC dans lequel elle indiquait que les collaborateurs de ce dernier lui avaient assuré qu’elle ne recevrait pas de rappel puisqu’elle avait donné toutes les pièces requises. Concernant son enfant, elle avait accouché le 14 juillet et n’avait pas encore reçu le certificat de naissance, mais adressait d’ores et déjà le certificat d’assurance. Concernant des pièces relatives à son mariage, elle rappelait qu’elle n’était pas mariée. Son compagnon vivait avec elle depuis le mois de mars 2017 et était au chômage depuis le mois de juin 2017. On lui avait dit qu’elle n’avait pas à fournir d’autres pièces concernant son compagnon puisque tous deux n’étaient pas mariés.

i. Le 14 août 2017, le SPC a sollicité des pièces relatives à l’enfant de l’assurée.

j. Par décision du 14 août 2017, le SPC a indiqué à l’assurée avoir recalculé le montant de son droit dès le 1er mars 2017, en joignant un plan de calcul. L’assurée était tenue de rembourser le trop-perçu pour la période du 1er mars au 31 août 2017, soit un montant de CHF 2'406.-. Dès le 1er septembre 2017, elle avait désormais droit à CHF 702.- par mois.

k. Le 6 septembre 2017, le SPC a reçu de l’assurée les informations utiles sur l’assurance de son enfant.

l. Par décision du 14 septembre 2017, le droit aux PC a été arrêté, à nouveau, à CHF 702.- par mois.

m. Par décision du 31 octobre 2017, le SPC a adressé à l’assurée un courrier par lequel il lui indiquait que son droit aux PC était de CHF 231.- dès le 1er octobre 2017 et qu’après recalcul de ses droits depuis 2012 en tenant compte de la rente d’invalidité (reçue rétroactivement) et du nombre de personnes sous son toit, elle avait reçu CHF 40'136.- en trop. Elle était tenue de restituer ce montant dans un délai de trente jours.

n. L’assurée a, par l’intermédiaire de son conseil d’alors, formé opposition à cette décision, puis a retiré son opposition en sollicitant la remise de sa dette, par pli du 30 novembre 2017.

o. Par décision du 13 mars 2018, l’assurée a été informée que son droit serait réduit à CHF 95.- par mois dès le 1er avril 2018.

p. Par courrier de son conseil du 7 mai 2018, l’assurée a demandé au SPC de limiter sa demande de restitution à CHF 36'787.-, somme reçue à titre de rétroactif de l’assurance-invalidité selon décision du 19 janvier 2017. Cette somme avait été dépensée pour rembourser sa famille qui l’avait aidée notamment à financer des traitements contre l’infertilité.

q. Par courrier du 9 août 2018, l’assurée a annoncé au SPC s’être mariée avec M. B______ en date du 7 juillet 2018.

r. Le 5 octobre 2018, le SPC a statué sur la demande de remise du 30 novembre 2017 (supra let. n). La remise était partiellement acceptée à hauteur de CHF 3'349.-, l’assurée ayant reçu CHF 36'787.- à titre rétroactif. La bonne foi était reconnue à l’assurée qui n’avait pas fait preuve de négligence dans la remise des documents utiles au calcul des PC. En revanche, l’assurée n’avait pas démontré que le montant de CHF 36'787.- n’était plus disponible au 1er décembre 2017, de sorte qu’elle devait le restituer. Le SPC allait se prononcer ultérieurement sur un échelonnement de paiement.

s. Par courrier du 12 novembre 2018, le SPC a demandé à l’assurée de lui renvoyer, une fois rempli et signé par son époux, un formulaire joint à son courrier et les justificatifs utiles.

t. Le 5 décembre 2018, l’assurée a fait parvenir ledit formulaire au SPC. Le conjoint de l’assurée y indiquait avoir trouvé un emploi à partir du 15 novembre 2018 pour un revenu annuel de CHF 80'400.-.

u. Le 13 décembre 2018, le SPC a indiqué à l’assurée avoir recalculé son droit à CHF 102.- de PC cantonales par mois. Le plan de calcul n’intégrait ni les besoins vitaux ni le revenu du conjoint.

v. Par décision du 8 janvier 2019, le SPC a adressé une nouvelle décision à l’assurée. Le plan de calcul intégrait désormais les besoins vitaux du conjoint et les revenus de ce dernier. Dans ce nouveau calcul, l’assurée n’avait plus droit à des PC dès le 1er août 2018 et avait perçu à tort CHF 577.- entre le 1er août 2018 et la fin janvier 2019. Le nouveau calcul tenait compte des besoins et ressources de son conjoint.

w. Par décision du 9 janvier 2019, le SPC a demandé le remboursement de CHF 3'748.50 versés indûment à titre de subsides d’assurance-maladie.

x. Le 24 janvier 2019, l’assurée s’est opposée à ces deux décisions qu’elle jugeait contradictoires avec celle du 13 décembre 2018 qui lui reconnaissait des droits, alors que la situation était identique. Elle avait fourni toutes les informations en temps opportun et elle ne pouvait pas rembourser la somme réclamée. Elle ne comprenait pas le tableau mentionnant des montants perçus à titre de subsides de l’assurance-maladie, dans la mesure où il mentionnait des montants de CHF 122.80 (pour sa fille) et de CHF 2'890.- (pour elle-même) en 2018 et de CHF 137.70 pour sa fille en janvier 2019 - alors que sa prime était de CHF 131.30 - et de CHF 598.- pour son conjoint. Elle rappelait que son époux avait été au chômage du mois d’août au mois de novembre 2018.

y. Par courrier d’un nouveau conseil, daté du 9 septembre 2020, il a été rappelé que l’assurée avait informé le SPC sans délai du fait qu’elle allait recevoir un montant de CHF 42'798.- de l’assurance-invalidité pour la période d’octobre 2011 à octobre 2016. Le SPC lui avait alors confirmé qu’il n’y aurait pas de compensation. De manière générale, elle avait toujours spontanément informé le SPC des changements dans sa situation dès leur survenance. « Contrairement à l’engagement pris », le SPC avait exigé la restitution des montants versés depuis 2011, par décision du 8 janvier 2019 [recte : 31 octobre 2017, cf. supra let. m]. Elle s’était opposée à cette demande de restitution en janvier 2019 et s’était renseignée sur un éventuel plan de remboursement. Dans la mesure où le SPC exigeait CHF 1'000.- par mois, ce plan était incompatible avec sa situation financière.

z. À la suite de ce courrier, le conseil de l’assurée a négocié un plan de remboursement d’un montant mensuel de CHF 500.- dans un premier temps puis de CHF 1'000.-.

aa. Par courrier du 5 novembre 2021, l’assurée a informé le SPC qu’en raison de la naissance de ses jumeaux, elle ne pouvait plus honorer son plan de remboursement. Elle sollicitait un arrangement de paiement.

bb. Le SPC a fait notifier un commandement de payer à l’assurée pour un solde de CHF 36'112.50.

cc. Le 10 décembre 2021, le SPC a statué sur l’opposition de l’assurée aux décisions des 8 et 9 janvier 2019 (restitution de CHF 4’325.50 [soit CHF 577.- et CHF 3'748.50] et refus de PC pour la suite) en la rejetant, tout en indiquant qu’il allait statuer ultérieurement sur la demande de remise.

dd. Le 4 janvier 2023, le SPC a statué sur la demande de remise qu’il a rejetée, l’assurée ayant tardé à annoncer (le 14 août 2018) son mariage du 7 juillet 2018. La bonne foi était niée et la situation difficile non abordée.

ee. Par acte du 23 janvier 2023, le conseil de l’assurée a fait opposition à cette décision. L’assurée avait communiqué son mariage le mois suivant celui-ci alors qu’elle était accaparée par son bébé d’un an et que sa maladie est invalidante. Il avait fallu des mois au SPC pour prendre sa décision et ce dernier avait dans l’intervalle continué à verser les PC à l’assurée. Même si l’assurée avait annoncé son mariage le jour de celui-ci, le SPC aurait versé des prestations jusqu’à ce qu’il statue sur le droit aux PC. Elle demandait au SPC de reconnaître sa bonne foi et d’analyser sa situation financière qui ne lui permettait pas de rembourser le montant exigé en sus de sa dette préalable. Sa situation s’était en outre péjorée dans l’intervalle.

ff. Le 8 février 2023, le SPC a rejeté l’opposition en niant la bonne foi de l’assurée, car si cette dernière n’avait pas sciemment voulu dissimuler un fait au SPC, il était exigible d’elle qu’elle fasse preuve de davantage de diligence.

B. a. Par acte du 16 février 2023, l’assurée a saisi la CJCAS d’un recours contre cette décision dont elle demandait l’annulation, que sa bonne foi soit reconnue et que le dossier soit renvoyé au SPC pour instruction concernant sa situation financière précaire, sous suite de dépens.

b. Par acte du 13 mars 2023, le SPC a persisté dans sa décision et a conclu au rejet du recours.

c. L’assurée a répliqué le 24 mars 2023. À la suite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA.

Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 89C let. a LPA), le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur la question de savoir si la recourante peut bénéficier d’une remise de l’obligation de restituer la somme de CHF 4'325.50 (perçus à titre de prestations complémentaires cantonales et subsides à l’assurance-maladie) et, en particulier, si la condition de la bonne foi est remplie.

4.             Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).

L'art. 4 de l'ordonnance fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2).

À teneur de l’art. 24 LPCC, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le règlement fixe la procédure de la demande de remise ainsi que les conditions de la situation difficile (al. 2).

L’art. 15 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) prévoit que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile.

Selon l’art. 31 LPGA, l'ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l'assureur ou, selon le cas, à l'organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation (al. 1). Toute personne ou institution participant à la mise en œuvre des assurances sociales a l'obligation d'informer l'assureur si elle apprend que les circonstances déterminantes pour l'octroi de prestations se sont modifiées (al. 2).

À teneur de l’art. 11 al. 1 LPCC, le bénéficiaire ou son représentant légal doit déclarer au service tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression.

Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du
17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).

La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_43/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3 et 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4).

On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2016 du 26 septembre 2016 consid. 3.1 ; Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 69 ad art. 25 LPGA). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).

En revanche, l’intéressé peut invoquer sa bonne foi si son défaut de conscience du caractère indu de la prestation ne tient qu’à une négligence légère, notamment, en cas d’omission d’annoncer un élément susceptible d’influer sur le droit aux prestations sociales considérées, lorsque ladite omission ne constitue qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner sur un tel élément (ATF 112 V 97 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_16/2019 précité consid. 4 et 9C_14/2007 du 2 mai 2007 consid. 4 ; DTA 2003 n° 29 p. 260 consid. 1.2 et les références ; RSAS 1999 p. 384 ; Ueli KIESER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts - ATSG, 2020, n. 65 ad art. 25 LPGA).

Dans un arrêt récent de la CJCAS (ATAS/667/2023), il a été jugé que le retard d’un peu plus de deux mois dans la transmission d’une information au SPC ne constituait en l’occurrence pas une négligence grave. Les juges avaient d’ailleurs estimé qu’on pouvait admettre, par analogie avec les délais de recours, qu’une information transmise dans un délai d’un mois n’était pas tardive.

Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ;
ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5. En l’espèce, il n’est pas reproché à la recourante d’avoir sciemment voulu dissimuler un fait important, soit son mariage avec son compagnon, mais uniquement de l’avoir annoncé le 14 août 2018 alors que l’union avait été célébrée le 7 juillet 2018.

L'intimé ayant ainsi considéré que la condition de la bonne foi n'était pas réalisée, il n'a pas examiné la condition de la situation difficile.

À titre liminaire, la chambre de céans constate sur la base des pièces au dossier que la recourante a spontanément informé l’intimé des changements dans sa situation personnelle, survenus avant son mariage, notamment son emménagement avec son compagnon, le fait qu’elle était enceinte ainsi que le fait qu’elle allait percevoir des prestations de l’assurance-invalidité à titre rétroactif. Ces éléments ont ainsi été pris en compte par l’intimé au fil du temps et ce dernier a ajusté les prestations conformément aux annonces faites. Dans le cadre de la précédente procédure de restitution, l’intimé a d’ailleurs admis la bonne foi de la recourante qui lui avait indiqué les éléments pertinents qui l’avaient conduit à réduire les prestations allouées et à demander la restitution d’un montant important. Durant la procédure d’instruction portant sur les faits nouveaux annoncés par la recourante, le SPC avait continué à verser des montants indus bien qu’il savait que la recourante partageait son logement et par la suite qu’elle avait donné naissance à son premier enfant. Bien que la bonne foi ait été reconnue, la remise n’avait été admise qu’à hauteur d’un montant que le conseil de la recourante avait lui-même indiqué. Après le retrait de son opposition et la conclusion prise pour le compte de sa mandante, le SPC s’était dès lors contenté de statuer sur la remise dans la mesure des conclusions prises par le conseil d’alors. La décision mentionnait alors que l’assurée n’avait pas démontré que le montant de CHF 36'787.- n’était plus disponible au 1er décembre 2017, de sorte qu’elle devait le restituer. Cette décision est certes entrée en force et ne peut être revue dans le cadre du présent recours. Cela étant, l’on constate que la recourante était de bonne foi et que sa situation financière n’a alors pas fait l’objet d’une instruction complète.

Dans le cas qui nous occupe, la recourante a spontanément annoncé au SPC son mariage quelques cinq semaines après sa célébration, en été 2018.

La décision de restitution porte sur les mois d’août 2018 à janvier 2019 puisque le SPC a continué, malgré l’information concernant le mariage, à verser les mêmes prestations à la recourante. Dans la mesure où il est établi que l’assurée n’a pas sciemment voulu dissimuler un fait important et vu le court délai dans lequel elle a spontanément annoncé son mariage à l’intimé, soit cinq semaines en pleine été, l’on ne se trouve pas dans un cas de négligence grave.

En outre, ce délai de quelques semaines n’a concrètement eu aucune incidence sur la demande de remboursement. En effet, dès lors que ce n’est qu’à partir du mois d’août 2018 que le fait nouveau a eu un effet sur les prestations complémentaires et que c’est durant ce même mois que la recourante a informé le SPC, l’on peine à comprendre ce qu’elle aurait pu faire différemment pour que l’on retienne sa bonne foi. Les mois suivants ont été utiles à l’intimé pour établir les droits et refaire les calculs. Si la recourante avait informé le SPC de son mariage en juillet, l’intimé aurait néanmoins dû instruire les éléments utiles pour fixer le nouveau calcul dans les mois suivants et la modification du droit aurait également pris effet au 1er août 2018. Il n’est d’ailleurs pas reproché à la recourante de ne pas avoir répondu aux demandes du SPC ou d’avoir dissimulé des faits autres que son mariage, de sorte que l’on ne peut pas reprocher à la recourante une violation grave de son obligation d’annoncer tout changement dans sa situation.

Au vu de ce qui précède, la condition de la bonne foi de la recourante doit être admise.

S’agissant de la condition de la situation financière difficile, la question doit être instruite, de sorte que la cause sera renvoyée à l’intimé pour ce faire et pour rendre une nouvelle décision.

Le recours est admis et la décision sur opposition du 8 février 2023 annulée.

La recourante, assistée par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant gain de cause, a ainsi droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - RS E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 8 février 2023, la condition de la bonne foi de la recourante étant admise.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

5.        Alloue à la recourante un montant de CHF 1'500.- à titre de dépens à charge de l’intimé.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le