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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1492/2022

ATAS/346/2023 du 19.05.2023 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1492/2022 ATAS/346/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 mai 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par Me Agrippino RENDA, avocat

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1980, a travaillé à temps partiel dès 2010 pour la société B______ SA en tant que nettoyeur. Dès le 15 mai 2014, il a été engagé pour une durée de trois mois comme aide-monteur en échafaudages par l'entreprise C______ SA. A ce titre, il était assuré auprès de la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée) contre les risques d'accidents.

b. Le 6 août 2014, alors qu’il se trouvait sur un chantier, l’assuré a fait une chute de 15 m. Il a subi un polytraumatisme qui a notamment entraîné une paraplégie incomplète AIS D. Il a subi plusieurs interventions chirurgicales et a séjourné à plusieurs reprises à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR).

La SUVA a pris en charge les frais de traitement et versé des indemnités journalières jusqu’au 28 février 2018.

c. Selon les informations recueillies en janvier 2018 auprès des employeurs de l’assuré, celui-ci aurait réalisé, en 2018, un revenu horaire en tant que nettoyeur de CHF 19.85, indemnités pour vacances et 13ème salaire de 8.33% chacune non incluses, l’horaire étant de 18.15 heures par semaine. L’activité d’aide-monteur aurait été rémunérée CHF 28.35 par heure, indemnités pour vacances (10.6%), jours fériés (3%) et 13ème salaire (8.30%) incluses, avec une durée hebdomadaire de travail de 40 heures.

d. Dans une appréciation du 30 janvier 2017, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a évalué l’atteinte à l'intégrité à 30% conformément à la table n° 21.2 pour atteinte à l'intégrité résultant de troubles fonctionnels et par analogie.

e. Dans son appréciation du 6 décembre 2017, le Dr D______ a noté que lors de la prise en charge aux ateliers professionnels de la CRR, l'assuré avait travaillé jusqu'à quatre heures consécutives dans des activités à faibles contraintes physiques et permettant l'alternance des positions. Les limitations fonctionnelles étaient le port de charges supérieures à 10 kg, la marche en terrain accidenté et les longs déplacements, et les stations statiques prolongées. Une activité adaptée à ces limitations était exigible à raison de quatre heures par jour. L'état était stabilisé.

f. Dans un document du 5 avril 2018, la SUVA a sélectionné cinq descriptifs de postes de travail (ci-après : DPT) procurant un salaire moyen de CHF 55'715.60, dont quatre ne pouvaient être exercés à temps partiel selon les descriptifs détaillés. Elle a fixé le gain assuré en qualité d’aide-monteur à CHF 22.73, plus 8.3%, multiplié par 2112 heures, soit CHF 51'991.-

g. Par décision du 16 avril 2018, la SUVA a alloué à l’assuré une rente d’invalidité de 61% dès le 1er mars 2018. Le gain annuel assuré se montait à CHF 70'508.- et donnait droit à une rente mensuelle de CHF 2'867.35. L’activité exigible à 50% selon le Dr D______ permettrait de réaliser un revenu annuel de CHF 27'858.-. Comparé au revenu de CHF 72'061.- sans accident, la perte de gain était de 61%. La SUVA a également alloué une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 30% à l’assuré.

h. Saisie d’une opposition, la SUVA a fait établir une appréciation par son médecin-conseil, le docteur E______, spécialiste FMH en neurologie, qui a confirmé, dans son avis du 11 décembre 2018, l’évaluation de l’atteinte à l'intégrité et de la capacité de travail de l’assuré déterminées par le Dr D______.

i. Par décision du 12 décembre 2018, la SUVA a écarté l’opposition.

j. Saisie d’un recours de l’assuré, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) l’a partiellement admis par arrêt du 6 mai 2021 (ATAS/417/2021). Elle a annulé la décision de la SUVA dans le sens des considérants et lui a renvoyé la cause pour nouveau calcul du droit à la rente et nouvelle décision.

Elle a reconnu une pleine valeur probante aux rapports des Drs D______ et E______, et s’est ralliée à leur appréciation de la capacité de travail résiduelle dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenues. S’agissant du trouble dépressif allégué par l’assuré au stade du recours, elle a constaté que celui-ci avait consulté une psychiatre à deux reprises en mars et mai 2016, laquelle avait uniquement diagnostiqué des antécédents de troubles de l’adaptation, avec une perturbation des émotions, une anxiété et une humeur dépressive, et précisé que l’assuré était stable. Partant, l’existence de troubles psychiques au moment de la décision sur opposition du 12 décembre 2018 n’était pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante. La chambre de céans a en revanche retenu que le calcul du degré d’invalidité par la SUVA était critiquable. D’une part, plusieurs des DPT de 2017 n’étaient pas adaptés, puisqu’ils excluaient un temps partiel. De plus, le salaire d’invalide retenu correspondant à la moyenne des DPT n’était pas indexé à 2018. S’agissant du revenu sans invalidité, la SUVA s’était fondée sur les salaires cumulés des deux activités durant l’année avant le sinistre, soit CHF 70'508.-. L’évolution de ces salaires était difficilement vérifiable en l’absence de toute explication. De surcroît, l’intimée avait mentionné pour C______ SA un salaire horaire de CHF 22.73 et une indemnité de 8.30%, alors que le contrat de travail mentionnait des indemnités pour jours fériés, pour vacances et un 13ème salaire, qui portaient le revenu de base à CHF 28.09. Partant, le degré d’invalidité de 61% établi par la SUVA ne pouvait être confirmé, et la décision entreprise devait être annulée sur ce point. Dans la mesure où les parties ne s’étaient pas déterminées sur l’application de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS), la cause a été renvoyée à la SUVA, afin que celle-ci complète son enquête économique et procède à une nouvelle comparaison des revenus.

B. a. Par décision du 25 mai 2021, l’assurance-invalidité a alloué trois-quarts de rente à l’assuré dès le 1er mai 2018.

b. Dans un document du 16 septembre 2021, la SUVA a calculé le degré d’invalidité de l’assuré. Elle a retenu pour l’activité d’aide-monteur un salaire de CHF 22.98 x 2190 heures par année selon la convention collective de travail (ci-après : CCT), plus 8.33% pour les vacances, soit CHF 54'518.37. Pour l’activité dans le nettoyage, le revenu était de CHF 19.85 x 18 heures 15 x 52 semaines + 8.33%, soit CHF 20'295.- Le gain de valide était ainsi de CHF 74'813.- Le revenu après invalidité était fondé sur l’ESS 2018, TA1_skill_level, niveau 1, soit CHF 5'417.- par mois et CHF 65'004.- par an. Adapté à la durée normale de travail de 41.7 heures par semaine, il s’élevait à CHF 67'766.67 et à CHF 40'930.- compte tenu d’une capacité de travail de 50%. La comparaison aboutissait à une perte de gain de 54.71%, arrondie à 55%.

c. Par décision du même jour, la SUVA a fixé le degré d’invalidité à 55%, ce qui donnait droit à une rente mensuelle de CHF 2'585.30, compte tenu du gain annuel assuré de CHF 70'508.-. La capacité de travail de 50% dans une activité adaptée permettait selon les statistiques de réaliser un revenu de CHF 33'883.-. Le revenu sans invalidité était de CHF 74'813.-, soit CHF 54'518.- pour l’activité d’aide-monteur plus CHF 20'295.- en qualité de nettoyeur.

A la même date, la SUVA a adressé à l’assuré un décompte exigeant le remboursement de CHF 12'128.50 correspondant aux excédents de rentes versés, montant qui serait compensé avec les futures mensualités, à hauteur de CHF 2'585.30 par mois du 1er octobre 2021 au 31 janvier 2022 et de CHF 1'786.95 en février 2022.

d. L’assuré s’est opposé à la décision de la SUVA le 14 octobre 2021. Il lui a reproché de retenir un degré d’invalidité insoutenable au vu de ses atteintes. Il a requis un délai afin de compléter son opposition. Il contestait de plus la compensation mensuelle décidée par la SUVA, laquelle entamait son minimum vital. Il proposait une compensation de CHF 200.- par mois.

e. La SUVA a adressé un nouveau décompte à l’assuré, aux termes duquel le montant à restituer de CHF 9'542.85 était compensé par 47 retenues mensuelles de CHF 200.- sur les rentes du 1er novembre 2021 au 30 septembre 2025, puis une retenue de CHF 142.85 en octobre 2025. Ce décompte était assorti d’une reconnaissance de dette portant sur la somme à restituer de CHF 9'542.85 selon le décompte et la décision du 16 septembre 2021, que l’assuré lui a retournée signée le 7 novembre 2021.

f. Après plusieurs prolongations de délais, l’assuré a requis une nouvelle prolongation de délai dans son écriture du 14 février 2022. Il a persisté dans son opposition, concluant à l'annulation de la décision querellée et à l'octroi de l'intégralité des rentes et des prestations dues. Il a reproché à l’intimée une violation flagrante du principe de l'interdiction de l'arbitraire, répétant que le taux d’invalidité retenu était insoutenable au vu de son atteinte.

g. Après avoir imparti un ultime délai à l’assuré au 7 mars 2022, la SUVA a écarté son opposition par décision du 21 mars 2022 et a retiré l’effet suspensif à un éventuel recours.

Elle a précisé que l’activité d’aide-monteur était soumise à une CCT prévoyant 2190 heures de travail par an. Elle a repris son calcul du 16 septembre 2021, précisant que le salaire horaire selon cette méthode de calcul ne devait pas intégrer les indemnités pour vacances et pour jours fériés, car le temps de travail était annualisé. Elle a détaillé les calculs des suppléments pour vacances et jours fériés et a procédé à un calcul alternatif, qui démontrait, selon elle, que les différentes modalités de calcul n’avaient pas d’incidence sur le résultat. Le revenu d’invalide avait été établi en référence aux ESS, dès lors que la SUVA était dans l’impossibilité de rechercher de nouveaux DPT, du fait de l’abandon de cette méthode au 1er janvier 2019. Le revenu tiré d’activités simples et répétitives s’élevait, selon ces statistiques, à CHF 33'883.- pour un taux de travail de 50%. Cette capacité de travail réduite tenait déjà compte des limitations fonctionnelles imputables aux séquelles de l'accident, de sorte qu’aucun abattement supplémentaire ne se justifiait à ce titre.

C. a. Par écriture du 9 mai 2022, l’assuré a interjeté recours contre la décision sur opposition de la SUVA auprès de la chambre de céans. Il a conclu, sous suite de dépens, préalablement, à son audition et à ce qu’une expertise pluridisciplinaire soit ordonnée, et principalement à l’annulation de la décision et à ce qu’il soit dit que sa capacité de gain était nulle et que son atteinte à l’intégrité était de 100%.

b. Dans sa réponse du 3 juin 2022, l’intimée a conclu au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. Elle a soutenu que les conclusions tendant à la mise en œuvre d’une expertise et à la reconnaissance d’une capacité de travail nulle et d’une indemnité pour atteinte à l'intégrité totale étaient irrecevables, ces questions étant définitivement tranchées.

c. Par réplique du 20 septembre 2022, le recourant a persisté dans les conclusions de son recours, concluant en outre, subsidiairement, à ce qu’il soit dit que son degré d’invalidité était au moins égal, voire supérieur, à 61%. Il a répété que le taux d’invalidité retenu était arbitraire et insoutenable. Il a reproché à l’intimée de ne pas avoir tenu compte, dans son revenu, du 13ème salaire et des indemnités pour vacances. Le revenu d’invalide aurait dû être indexé à l’évolution des salaires selon les DPT (sic) et il ne saurait être établi sur la seule base des revenus statistiques de l’ESS. Le revenu d’invalide était manifestement excessif, et l’intimée avait versé dans l’arbitraire en s’écartant dans une telle mesure du revenu initialement retenu à ce titre. S’agissant de l’expertise réclamée, elle était justifiée par la dégradation de son état de santé. Il a produit une pièce établie en portugais, intitulée Atestado Médico de Incapacidade Multiuso du ministère de la santé portugaise, mentionnant une incapacité de travail permanente globale de 65%.

d. Par duplique du 28 septembre 2022, l’intimée a persisté dans ses conclusions. Elle avait détaillé le calcul du revenu sans invalidité, et les indemnités de vacances ne devaient pas être incluses en cas d’annualisation du revenu. Le recours aux ESS n’était pas arbitraire, et l’arrêt du 6 mai 2021 n’exigeait pas la production de nouveaux DPT. Enfin, on distinguait mal l’opportunité d’une audience.

e. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture au recourant le 30 septembre 2022.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021.

Dès lors que le présent recours n’était pas pendant devant la chambre de céans à cette date, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA).

3.             S’agissant de la recevabilité du recours, la chambre de céans rappelle ce qui suit.

3.1 L'autorité de la chose jugée (ou force de chose jugée au sens matériel) interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure entre les mêmes parties, une prétention identique à celle qui a été définitivement jugée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_685/2019 du 9 juin 2020 consid. 5.1.2). L'autorité de chose jugée signifie que l’arrêt est obligatoire et ne peut plus être remis en question ni par les parties, ni par les autorités judiciaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_346/2007 du 23 janvier 2008 consid. 4.2). En règle générale, seul le dispositif d'un jugement est revêtu de l'autorité de chose jugée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_20/2020 du 5 mai 2020 consid. 1.4). Toutefois, lorsque le dispositif se réfère expressément aux considérants, ceux-ci acquièrent eux-mêmes la force matérielle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_58/2012 du 8 juin 2012 consid. 4.2 et les références citées). Une conclusion portant sur un élément sur lequel l’autorité s’est déjà prononcée par un jugement entré en force est irrecevable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_808/2017 du 12 mars 2018 consid. 5.2).

3.2 Dans son arrêt du 6 mai 2021, la chambre de céans a tranché la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée en se ralliant à l’appréciation des médecins d’arrondissement de l’intimée sur ce point. Dans la mesure où le dispositif dudit arrêt se réfère à ses considérants, ceux-ci ont également acquis force de chose jugée. Partant, les conclusions du recourant tendant à la mise en œuvre d’une expertise et à la reconnaissance d’une pleine incapacité de gain et d’une atteinte à l'intégrité entière sont irrecevables, ce point ayant déjà été tranché. On relèvera, de plus, que selon leur formulation, ces conclusions sont de nature constatatoire et non condamnatoire, et sont dès lors en principe irrecevables, car elles ont un caractère subsidiaire par rapport à des conclusions condamnatoires (ATF 129 V 289 consid. 2.1, arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 149/06 du 11 juin 2007 consid. 5.2). On peut préciser qu’une éventuelle dégradation de l’état de santé postérieure à la décision attaquée – que l’attestation portugaise produite ne suffit nullement à établir – devra, cas échéant, faire l’objet d’une demande de révision du droit à la rente.

3.3 Pour le surplus, le recours, déposé dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), est recevable en tant qu’il porte sur le calcul du degré d’invalidité.

4.             Le litige, tel que circonscrit par la décision litigieuse, dont la portée a elle-même été définie par l’arrêt de renvoi de la chambre de céans, porte sur les modalités de calcul du degré d’invalidité, en particulier sur les revenus avant et après invalidité.

La compensation des rentes à restituer faisant l’objet du décompte du 16 septembre 2021, qui accompagnait la décision soumise à opposition, n’est pas litigieuse au vu de l’accord intervenu entre les parties. Compte tenu des circonstances, il n’est toutefois pas inutile de relever qu’on peut s’étonner qu’elle soit intervenue avant même que la décision tranchant les prestations à restituer ne soit entrée en force et qu’une éventuelle demande de remise (cf. art. 4 al. 4 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales [OPGA - RS 830.11]) ne soit examinée.

5.             Aux termes de l’art. 18 al. 1 LAA, si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite.

6.             On peut rappeler ce qui suit au sujet du calcul du degré d’invalidité.

6.1 L’art. 16 LPGA prévoit que, pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Il s'agit là de la méthode dite de comparaison des revenus, qu'il convient d'appliquer aux assurés exerçant une activité lucrative (ATF 128 V 29 consid. 1). Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient en principe de se placer au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 128 V 174 consid. 4a).

6.2 Le revenu sans invalidité se détermine pour sa part en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce que l’intéressé aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant s’il était en bonne santé (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à sa santé, en tenant compte de l’évolution des salaires (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 428/06 du 25 mai 2007 consid. 7.3.3.1). On n'admettra d'exceptions à ce principe que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Les revenus réalisés dans des activités accessoires sont pris en compte dans le revenu sans invalidité si l'on peut admettre que l'assuré aurait continué, selon toute vraisemblance, à les percevoir sans la survenance de l'atteinte à la santé. En d'autres termes, la prise en compte d'un revenu accessoire suppose un lien entre l'atteinte à la santé et la cessation de l'activité s'y rapportant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_274/2009 du 3 décembre 2009 consid. 6 et les références).

6.3 S'agissant de la fixation du revenu d'invalide, ce n'est pas le fait que l'assuré mette réellement à profit sa capacité résiduelle de travail qui est déterminant, mais bien plutôt le revenu qu'il pourrait en tirer dans une activité raisonnablement exigible. Le caractère raisonnablement exigible d'une activité doit être évalué de manière objective, c'est-à-dire qu'on ne peut simplement tenir compte de l'appréciation négative par l'assuré de l'activité en cause. Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé, la jurisprudence considère que le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de statistiques salariales (ATF 126 V 75 consid. 3b), singulièrement à la lumière de celles figurant dans l'ESS, ou de données salariales résultant de DPT (ATF 139 V 592 consid. 2.3).

6.4 La détermination du revenu d'invalide sur la base des DPT suppose, en sus de la production d'au moins cinq DPT, la communication du nombre total des postes de travail pouvant entrer en considération d'après le type de handicap, ainsi que du salaire le plus haut, du salaire le plus bas, et du salaire moyen du groupe auquel il est fait référence. Lorsque le revenu d'invalide est déterminé sur la base des DPT, une réduction du salaire, eu égard au système même des DPT, n'est ni justifiée ni admissible (ATF 129 V 472 consid. 4.2.3). Les activités décrites dans les DPT ayant servi de référence dans la décision initiale doivent être exigibles de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_430/2014 du 21 décembre 2015 consid. 4.4). Il appartient à la juridiction cantonale d'examiner si les DPT produits satisfont aux conditions posées par la jurisprudence et, dans la négative, de renvoyer la cause à l'assureur pour compléter son enquête économique, ou de procéder elle-même à la détermination du revenu d'invalide sur la base des données statistiques issues de l’ESS (arrêt du Tribunal fédéral 8C_199/2017 du 6 février 2018 consid. 5.2). 

6.5 En ce qui concerne le recours aux DPT plutôt qu’aux salaires des ESS, le Tribunal fédéral a souligné qu’il n’apparaissait guère satisfaisant que la SUVA puisse définir le degré d’invalidité en fonction des DPT ou de l’ESS selon sa propre appréciation (ATF 139 V 592 consid. 6.2). La jurisprudence ne laissait pas le choix de la méthode à la SUVA, mais lui imposait de recourir aux DPT, à moins que les circonstances du cas d'espèce n’y fassent obstacle et qu'il ne lui soit pas possible de trouver, parmi la documentation disponible, le nombre requis de postes de travail pouvant entrer en ligne de compte pour l'assuré concerné (arrêts du Tribunal fédéral 8C_171/2021 du 14 décembre 2021 consid. 3.2 et 8C_607/2020 du 6 mai 2021 consid. 5.2).

Cela étant, la SUVA ne met plus à jour la base de données des DPT. Les principes énoncés ci-dessus s'appliquent toutefois toujours au contrôle des décisions de rentes fondées sur les DPT (arrêt du Tribunal fédéral 8C_315/2020 du 24 septembre 2020 consid. 3.2). La jurisprudence a souligné que l’abandon des DPT ne suffit pas à justifier un réexamen du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_517/2019 du 26 septembre 2019 consid. 6.1).

6.6 Lors du recours aux données statistiques des ESS, il y a lieu de procéder à une réduction des salaires statistiques lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité ou catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) que le revenu que pourrait toucher l'assuré en mettant en valeur sa capacité résiduelle de travail est inférieur à la moyenne. Un abattement global maximal de 25% permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b).

L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3). Savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières liées au handicap de la personne ou d'autres facteurs est une question de droit. L'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue en revanche une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_633/2016 du 28 décembre 2016 consid. 5.2). Il y a excès ou abus du pouvoir d’appréciation si l'autorité cantonale a retenu des critères inappropriés, n'a pas tenu compte de circonstances pertinentes, n'a pas procédé à un examen complet des circonstances pertinentes ou n'a pas usé de critères objectifs (ATF 130 III 176 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_847/2018 du 2 avril 2019 consid. 6.2.3).

Les tribunaux cantonaux des assurances au sens de l'art. 57 LPGA, qui constituent l'autorité de recours ordinaire dans la très grande majorité des cas relevant des assurances sociales, doivent disposer d'un pouvoir d'examen identique à celui du Tribunal administratif fédéral, et ce notamment au regard du principe constitutionnel de l'égalité de traitement de tous les assurés. Cela s'impose d'autant plus que le domaine des assurances sociales comprend de nombreuses situations – dont l’abattement sur le revenu d'invalide constitue un exemple flagrant – dans lesquelles l'administration dispose d'une marge d'appréciation importante, dont l'application doit pouvoir être contrôlée par l'autorité de recours de première instance (ATF 137 V 71 consid. 5.2). Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est ainsi pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (Angemessenheitskontrolle). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité a adoptée dans un cas concret dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. À cet égard, le juge des assurances sociales ne peut sans motif pertinent substituer sa propre appréciation à celle de l'administration. Il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (arrêts du Tribunal fédéral 9C_690/2016 du 27 avril 2017 consid. 3.2 et 9C_855/2014 du 7 août 2015 consid. 4.2 et 4.3). Ainsi, lorsque la juridiction cantonale examine l'usage qu'a fait l'administration de son pouvoir d'appréciation pour fixer l'étendue de l'abattement sur le revenu d'invalide, elle doit porter son attention sur les différentes solutions qui s'offraient à l’assureur et voir si un abattement plus ou moins élevé serait mieux approprié et s'imposerait pour un motif pertinent, sans toutefois substituer sa propre appréciation à celle de l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 9C_637/2014 du 6 mai 2015 consid. 4.2).

7.             En l’espèce, il convient, en premier lieu, de souligner que le recourant ne saurait faire grief à l’intimée d’avoir procédé au nouveau calcul du degré d’invalidité en fonction des ESS. En effet, si l’abandon des DPT n’implique pas ipso facto l’annulation d’une décision de rente déterminée sur la base de ces données – pour autant que les conditions auxquelles la jurisprudence subordonne leur application soient respectées – on ne saurait à l’inverse exiger que tout nouveau calcul du degré d’invalidité s’opère selon les DPT, lorsque ces données ont été initialement utilisées, alors même que la base de données correspondante n’est plus mise à jour par l’intimée. Du reste, comme cela ressort de la jurisprudence citée, lorsque les DPT ayant servi à déterminer le revenu d’invalide ne sont pas adaptés aux limitations fonctionnelles de l’assuré, le juge est fondé à établir ce revenu en fonction des ESS – ce qui démontre qu’un assuré ne peut se prévaloir de droits acquis en lien avec les bases applicables au calcul de la rente qu’il peut prétendre.

7.1 Ceci étant établi, il convient de vérifier le calcul de l’intimée, et en premier lieu le revenu sans invalidité.

L’intimée s’est fondé sur les deux revenus que le recourant réalisait avant son accident établis sur la base des indications données par ses employeurs. Dans son calcul du revenu en qualité d’aide-monteur, elle n’a certes pas intégré les indemnités annoncées par l’employeur pour les vacances et les jours fériés, au motif qu’elle avait annualisé ce revenu en fonction de l’horaire stipulé dans la CCT. Elle a retenu un revenu à ce titre de CHF 54'518.- Un tel chiffre est légèrement favorable au recourant, puisque, si l’on tient compte du salaire horaire de CHF 28.35 incluant les diverses indemnités, tel que communiqué par l’employeur en janvier 2018, on aboutit à un revenu hebdomadaire de CHF 1'134.- et à un revenu annuel de CHF 53'298.- une fois multiplié par 47 semaines par année, étant rappelé qu’une indemnité de vacances de 10.64% correspond à cinq semaines, qui doivent être déduites de la durée annuelle de travail (cf. notamment le calcul dans l’arrêt 8C_310/2018 du 18 décembre 2018 consid. 5.2). Quant au revenu tiré de l’activité accessoire, l’intimée l’a fixé à CHF 20'295.- Ce chiffre se révèle également légèrement supérieur au montant de CHF 20'286.- que l’on obtiendrait en prenant le salaire horaire de CHF 19.85, en y ajoutant deux indemnités de 8.33% pour vacances et 13ème salaire, et en le multipliant par 18.25 heures et 48 semaines – l’indemnité de vacances de 8.33% correspondant à quatre semaines.

Partant, on ne s’écartera pas du revenu sans invalidité de CHF 74'813.- retenu par l’intimée.

7.2 Quant au revenu après invalidité, il est conforme au droit de le fixer en référence aux ESS plutôt qu’à des DPT, comme on l’a vu, plus particulièrement au revenu tiré d’activités simples et répétitives correspondant au TA1_skill_level, Ligne Total. On peut préciser que le Tribunal fédéral a considéré que cette valeur statistique s'applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1). Ce revenu selon l’ESS 2018 était de CHF 5'317.- par mois, et s’élevait à CHF 67'767.- une fois annualisé et adapté à la durée normale de travail de 41.7 heures. Il est de CHF 33'834.-, compte tenu d’une capacité de travail de 50%.

L’intimée n’a procédé à aucun abattement sur ce revenu, ce qu’elle a motivé au stade de la décision sur opposition par le fait que la capacité de travail de 50% tiendrait déjà compte des limitations fonctionnelles imputables aux séquelles de l’accident.

Elle ne peut pas être suivie sur ce point. En effet, la diminution du taux de travail est certes dictée par des raisons médicales, mais il n’en reste pas moins que le recourant présente d’autres limitations quant à la nature de l’activité qu’il est encore capable d’exercer, puisqu’elle doit être peu contraignante physiquement selon les limitations fonctionnelles retenues par le Dr D______. Or, selon la jurisprudence, il est notoire que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations, même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d'une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels ; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2013 du 22 août 2013 consid. 5.3). De plus, le critère du taux d'occupation réduit peut être pris en compte pour déterminer l'étendue de l'abattement à opérer sur le salaire statistique d'invalide lorsque le travail à temps partiel se révèle proportionnellement moins rémunéré que le travail à plein temps. A cet égard, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de constater que le travail à plein temps n'est pas nécessairement proportionnellement mieux rémunéré que le travail à temps partiel ; dans certains domaines d'activités, les emplois à temps partiel sont en effet répandus et répondent à un besoin de la part des employeurs, qui sont prêts à les rémunérer en conséquence. Cela étant, le travail à temps partiel peut, selon les statistiques, être synonyme d'une perte de salaire pour les travailleurs de sexe masculin (arrêt du Tribunal fédéral 9C_18/2022 du 9 novembre 2022 consid. 3.2 et les références).

Partant, eu égard tant au taux de travail réduit de moitié qu’aux restrictions dans les activités qui peuvent encore être exercées par le recourant, la chambre de céans considère qu’un abattement de 10% doit être appliqué dans le cas d’espèce. Le revenu d’invalide est ainsi réduit à CHF 30’450.-.

7.3 La comparaison des revenus aboutit ainsi à une perte de gain de 59.29%, qui doit être arrondie selon les règles mathématiques (ATF 130 V 121 consid. 3.2) à 59%.

C’est ainsi à une rente de ce taux qu’a droit le recourant, dès le 1er mars 2018.

8.             Eu égard à l’issue du présent litige, il est inutile d’examiner si le fait de ne pas avoir interpellé le recourant sur la possibilité de retirer son recours dans l’éventualité d’une réformation de la décision à son détriment à la suite du renvoi de la cause à l’intimée relève d’une violation de son droit d’être entendu (ATF 137 V 314 consid. 3.2).

8.1 Par appréciation anticipée des preuves, la chambre de céans considère qu’une audience de comparution personnelle n’est pas nécessaire compte tenu du fait que les éléments de calcul figurent au dossier.

9.             Le recours est partiellement admis.

Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause et est assisté d’un avocat, a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 800.- (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Admet partiellement le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

2.        Annule la décision sur opposition de l’intimée du 21 mars 2022.

3.        Dit que le recourant a droit à une rente de 59%, dès le 1er mars 2018.

4.        Condamne l’intimée à verser au recourant une indemnité de dépens de CHF 800.-.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le