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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2877/2022

ATAS/213/2023 du 28.03.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2877/2022 ATAS/213/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 mars 2023

8ème Chambre

 

En la cause

A______ SA, sise à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Carol TISSOT

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ SA (ci-après : la société), avec siège à Genève, a pour but la fourniture de conseils en matière d’investissements selon son inscription au registre du commerce. Elle fournit des conseils en matière d’investissements, de fusions et d’acquisitions, de collectes de fonds et de placements privés, de réévaluations et de restructurations de sociétés, dans les domaines des lignes aériennes, de l’aviation et de l’industrie aérospatiale.

b. La société a sollicité auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) des indemnités pour réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) du 2 au 30 novembre 2020, lesquelles lui ont été refusées par décision du 6 novembre 2020, faute de perte de travail avérée. La décision sur opposition rendue le 21 janvier 2021 par l'OCE a fait l'objet d'un recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) qui l'a admis par arrêt du 7 décembre 2021 (ATAS/1251/2021). La recourante avait droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, du 2 au 30 novembre 2020, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions prescrites par la loi. Cet arrêt n’a pas été contesté devant le Tribunal fédéral.

c. Par décision du 4 février 2021, l'OCE a refusé le préavis du 15 janvier 2021 déposé par la société annonçant une perte de travail dès le 15 janvier 2021. Le traitement de l'opposition de la recourante a été suspendue par décision du 22 avril 2021, en raison de la procédure de recours pendante auprès de la chambre de céans susceptible d'avoir une incidence directe. Par décision sur opposition du 13 janvier 2022, l'OCE a accepté l'octroi d'indemnité RHT à la société pour la période allant du 15 janvier 2021 au 14 avril 2021.

B. a. Le 4 janvier 2022, la société a déposé auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) un formulaire de demande et décompte d'indemnité en cas de RHT pour les périodes de novembre et décembre 2020.

b. Par décision du 13 janvier 2022, la caisse a refusé l’indemnité en cas de RHT à la société ; le décompte de novembre 2020 avait été adressé hors délai et la société n'avait aucun droit ouvert pour décembre 2020.

c. Le 24 janvier 2022, la société a adressé à la caisse une demande d'indemnité en cas de RHT pour les périodes de décompte des mois de janvier à avril 2021.

d. Par décision du 27 janvier 2022, la caisse a refusé la demande de RHT de la société pour les périodes de décompte des mois de janvier à avril 2021, en raison de l'envoi tardif des décomptes en cause.

e. Par acte du 16 février 2022, la société, représentée par un avocat, s’est opposée à la décision du 13 janvier 2022 et à celle du 27 janvier 2022, en concluant à leur annulation et à l’octroi d’indemnités en cas de RHT de novembre à décembre 2020 et de janvier à avril 2021. Au vu de sa petite taille, les aides RHT étaient d'une importance majeure. Il avait été, durant la pandémie du COVID-19, très compliqué, voire impossible, de joindre les administrations compétentes afin d'obtenir des informations éclairées. De plus, pendant la procédure, les décisions n'indiquaient pas que, nonobstant l'existence d'un recours (ou de toute autre démarche de contestation), elle devait tout de même déposer ses demandes de RHT pour sauvegarder ses droits. Dans la procédure d'opposition ainsi que dans le cadre du recours devant la chambre de céans, elle n'avait jamais été rendue attentive et informée que le délai de trois mois était un délai de péremption et qu'il courait nonobstant les procédures d'opposition et de recours. La caisse aurait pu invoquer que le recours était devenu sans objet du fait de l'absence de dépôt de demande d'indemnité RHT. La société avait de bonne foi estimé qu'elle pouvait prétendre auxdites indemnités, en se fondant sur les décisions des 7 décembre 2021 et 13 janvier 2022.

f. Par décision sur opposition du 8 juillet 2022, la caisse a confirmé sa décision. Tout d'abord s'agissant de la période de décembre 2020, aucune autorisation de RHT n'avait jamais été octroyée à la société. Concernant ensuite les périodes de décompte des mois de novembre 2020 et de janvier à avril 2021, les décisions de l'OCE des 30 mars 2020, 6 novembre 2020, 4 février 2021, 21 janvier 2021 et 22 avril 2021 spécifiaient clairement qu'une opposition ou un recours ne suspendait ni ne prolongeait le délai pour faire valoir le droit à l'indemnité en cas de RHT. Dans le contexte de la pandémie du COVID-19, le Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO) avait rappelé qu'il était possible, à certaines conditions, que le dies a quo de trois mois commence à courir au plus tard dès l'octroi de l'autorisation de RHT. Toutefois, cette dérogation concernait uniquement les cas de traitement tardif de la demande et ne trouvait application que si l'entreprise en question n'avait jamais bénéficié de l'indemnité en cas de RHT par le passé. Par ailleurs, la société n'avait pas reçu de renseignements erronés et, au demeurant, elle avait formé opposition aux décisions des 6 novembre 2020 et 4 février 2021, ainsi qu'un recours contre la décision du 21 janvier 2021, par l'intermédiaire d'un avocat.

C. a. Par acte du 12 septembre 2022, la société a recouru contre cette décision devant la chambre de céans, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à la caisse pour qu’elle fixe le montant de l’indemnité due pour la période du 2 au 30 novembre 2020 et du 15 janvier au 15 avril 2021. L'exigence de la caisse selon laquelle les formulaires de demande d'indemnisation devaient lui parvenir dans les trois mois qui suivent la période de décompte concernée ne reposait sur aucune base légale valable. En outre, la pandémie du COVID-19 justifiait que les demandes de RHT formulées durant cette période soient traitées avec plus de souplesse qu'en temps normal. Il convenait ainsi de s'écarter des jurisprudences passées. Il apparaissait d'ailleurs que l'exigence de remise dans le délai de trois mois en cas d'opposition était injustifiable et devait être considérée comme un formalisme excessif. À cela s'ajoutait que par souci d'économie de procédure, il aurait incombé à la chambre de céans de vérifier, lors du recours contre la décision du 21 janvier 2021, si les conditions donnant droit au paiement de RHT étaient réalisées ou non avant d'entrer en matière et de statuer sur le fond de la demande. En lui donnant gain de cause, la chambre de céans avait ainsi confirmé que le délai de trois mois pour soumettre le formulaire n'était pas un délai de péremption.

b. L’OCE a conclu à la confirmation de la décision attaquée et au rejet du recours, par pli du 11 octobre 2022.

c. Le 9 novembre 2022, la recourante a informé la chambre qu'elle n'avait pas d'observations à formuler.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA), le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimée du droit à l’indemnité en cas de RHT pour les périodes de décompte du 2 novembre au 30 novembre 2020 et de janvier à avril 2021.

4.              

4.1 Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI).

4.2 S’agissant plus particulièrement de la procédure, l’art. 36 al. 1 LACI, dans sa version en vigueur jusqu'au 30 juin 2021, prévoit que lorsqu’un employeur a l’intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d’en aviser l’autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la RHT. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels.

La décision de l'autorité cantonale accordant l'ouverture du droit au sens de l'art. 36 LACI se rapporte au principe du droit à l'indemnité en cas de RHT. La requête d'indemnité en cas de RHT et le versement de celle-ci (plus précisément le remboursement de cette indemnité, l'employeur devant en faire l'avance) interviennent ultérieurement, dans une deuxième phase (art. 38 et 39 LACI). L'ouverture de principe du droit à l'indemnité ne veut pas encore dire que les indemnités seront versées. Encore faut-il que l'employeur subisse réellement une perte de travail indemnisable et qu'il exerce son droit auprès d'une caisse de chômage (art. 38 LACI). En toute hypothèse, l'indemnisation implique que l'étape de la communication du préavis ait été franchie (RUBIN, op cit., n. 5 ad art. 36 LACI).

4.3 Selon l'art. 38 al. 1 LACI, dans le délai de trois mois à compter de l’expiration de chaque période de décompte, l’employeur fait valoir auprès de la caisse qu’il a désignée l’ensemble des prétentions à indemnité pour les travailleurs de son entreprise. L'art. 61 de l'ordonnance du 31 août 1983 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (OACI – RS 837.02) précise que le délai de trois mois pour exercer le droit à l'indemnité commence à courir le premier jour qui suit la fin de la période de décompte.

Aux termes de l'art. 39 al. 3 LACI, les indemnités que l’employeur ne prétend pas, dans le délai prévu à l’art. 38 al. 1, ne lui sont pas remboursées. Il résulte de cette dernière règle que le délai de trois mois pour exercer le droit à l'indemnité constitue un délai de péremption, dont le non-respect a pour conséquence l'extinction du droit (ATF 119 V 370 consid. 4b ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances C13/06 du 20 juin 2006 consid. 2.1 ; C 201/06 du 25 juillet 2007 consid. 3.3).

Selon la jurisprudence, ce délai de trois mois commence à courir à l'expiration de la période de décompte en cause, indépendamment du point de savoir si l'autorité cantonale ou le juge a déjà statué sur le droit aux prestations. Il ne se justifie pas de ne faire courir ce délai qu'après que l'office a décidé de ne pas s'opposer au versement de l'indemnité. Cela est également valable en cas d'opposition. Le but recherché du délai de péremption est de permettre à l'administration de vérifier si les conditions d'indemnisation sont remplies, à savoir de garantir la possibilité de contrôle (ATF 124 V 75).

4.4 Par période de décompte, il faut entendre le mois civil durant lequel l'horaire de travail a été réduit et non une période définie contractuellement et qui prend fin au moment du paiement du salaire. Il s'agit d'un délai de déchéance, qui ne peut être ni prolongé, ni suspendu. Par contre, il peut être restitué, aux conditions de l'art. 41 LPGA (RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 38 LACI). Lorsque l'autorité cantonale tarde à statuer ou s'oppose à l'indemnisation, elle doit rendre l'employeur attentif à son obligation de faire valoir le droit dans le délai précité de trois mois (art. 27 LPGA). Ce délai commence en effet à courir après l'expiration de chaque période de décompte, que l'autorité cantonale ait rendu sa décision ou non (RUBIN, op. cit., n. 5 ad art. 38 LACI et les références citées).

Selon l’art. 61 OACI, le délai pour exercer le droit à l’indemnité commence à courir le premier jour qui suit la fin de la période de décompte. Est réputée période de décompte, un laps de temps d’un mois ou de quatre semaines consécutives (art. 32 al. 5 LACI).

Selon la jurisprudence citée par Boris RUBIN, in Commentaire de la loi sur l’assurance chômage ad. art. 38 ch. II 4, p. 38, le délai de trois mois de l’art. 38 al. 1 LACI court à compter de l’expiration de la période de décompte jusqu’au jour du troisième mois suivant qui correspond au terme de la période de décompte (DTA 2003, page 251). B. RUBIN cite comme exemple « l’employeur devait avoir envoyé son décompte pour juin au plus tard le 30 septembre de la même année. Le délai de l’art. 38 al. 1 LACI court dans ce cas du 1er juillet au 30 septembre (à minuit) ». Le délai de l’art. 38 al. 1 LACI étant un délai de péremption, il ne peut être prolongé ou suspendu.

5.              

5.1 Parallèlement aux restrictions imposées pour lutter contre la pandémie du COVID-19, le Conseil fédéral a édicté l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020 (ordonnance COVID-19 assurance-chômage - RS 837.033), avec une entrée en vigueur rétroactive au 17 mars 2020 (art. 9 al. 1 ; RO 2020 877), qui prévoyait à son art. 8b al. 1 que l’employeur n’était pas tenu de respecter un délai de préavis, lorsqu’il avait l’intention de requérir l’indemnité en cas de RHT en faveur de ses travailleurs. Cette disposition a été abrogée avec effet au 1er juin 2020 (RO 2020 1777). Quant à l’art. 8c de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage, il prévoyait qu’en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis devait être renouvelé lorsque la réduction de l’horaire de travail durait plus de six mois. Cette disposition a été également abrogée par modification du 12 août 2020, avec effet au 1er septembre 2020 (RO 2020 3569).

Cette ordonnance ne prévoyait cependant aucune dérogation concernant l’art. 38 al. 1 LACI pour l’exercice du droit à l’indemnité auprès de la caisse de chômage compétente (arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud ACH 214/21 - 216/2021 du 2 décembre 2021 consid. 5c).

5.1.1 Le 19 mars 2021, l’Assemblée fédérale a adopté l’art. 17b de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (loi COVID-19 - RS 818.102).

D’après son al. 1er, en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la réduction de l’horaire de travail. Le préavis doit être renouvelé lorsque la réduction de l’horaire de travail dure plus de six mois. À partir du 1er juillet 2021, une réduction de l’horaire de travail pour une durée de plus de trois mois ne peut être autorisée que jusqu’au 31 décembre 2021 au plus tard. Toute modification rétroactive d’un préavis existant doit faire l’objet d’une demande auprès de l’autorité cantonale jusqu’au 30 avril 2021 au plus tard.

D’après le ch. III al. 7 de la modification du 19 mars 2021 à la loi COVID-19 (RO 2021 153), l’art. 17b al. 1 entre en vigueur rétroactivement le 1er septembre 2020 et a effet jusqu’au 31 décembre 2021, cet alinéa a une nouvelle teneur en vigueur du 18 décembre 2021 au 31 décembre 2022 (ch. IV al. 2 de la modification du 17 décembre 2021 à la loi COVID-19 [RO 2021 878]).

Selon l'art. 17b al. 2 de la loi COVID-19, pour les entreprises concernées par une réduction de l’horaire de travail en raison des mesures ordonnées par les autorités depuis le 18 décembre 2020, le début de la réduction de l’horaire de travail est autorisé, à leur demande, avec effet rétroactif à la date de l’entrée en vigueur de la mesure correspondante, en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI. La demande doit être déposée le 30 avril 2021 au plus tard auprès de l’autorité cantonale.

Selon l'art. 17b al. 3 de la loi COVID-19, en dérogation à l’art. 38 al. 1 LACI, l’entreprise doit faire valoir le nouveau droit aux indemnités découlant des al. 1 et 2 le 30 avril 2021 au plus tard auprès de la caisse de chômage compétente.

Les al. 2 et 3 de l'art. 17b de la loi COVID-19 étaient en vigueur du 20 mars 2021 au 31 décembre 2021 (RO 2021 153). La modification rétroactive du début de la réduction de l’horaire de travail se limitait aux mesures prises par les autorités entre le 18 décembre 2020 et l’entrée en vigueur de cette disposition (FF 2021 285 p. 30).

Hormis l'al. 3 de cette disposition (pour une durée limitée dans le temps), aucune modification n'a été apportée à l'exercice du droit à l'indemnité selon l'art. 38 al. 1 LACI (ATAS/1191/2022 du 23 décembre 2022 consid. 9.2).

5.1.2 Le SECO a adopté plusieurs directives concernant les règles spéciales s’appliquant à la pandémie. En tant qu'elles prévoyaient une prolongation du délai de péremption pour exercer le droit à l'indemnité en cas de RHT, les directives précitées du SECO ne pouvaient pas être tenues pour conformes aux dispositions législatives, même compte tenu de la situation très particulière en printemps 2020 et des nombreuses modifications adoptées par l'État afin de venir en aide aux entreprises, et ne pouvaient pas avoir pour effet de déroger à la disposition légale contenant un délai de péremption. En outre, l'assuré ne pourrait pas se prévaloir de la protection de la bonne foi en s'appuyant sur les informations contenues dans les directives administratives, car celles-ci ne constituent pas un renseignement erroné fourni par une autorité compétente dans une situation individuelle et concrète (arrêt du Tribunal fédéral 8C_73/2022 du 26 janvier 2023 consid. 4.3 et consid. 7.4 et les références citées).

 

6.              

6.1  

6.1.1 En l'espèce, la recourante soutient qu'en cas d'opposition, l'exigence du délai de trois mois à compter de la période de décompte concernée ne repose sur aucune base légale valable. Selon elle, les caisses de chômage croulaient sous les demandes de RHT et avaient du mal à leur donner suite, si bien que le respect du délai peut être difficilement justifié par la nécessité d'effectuer des contrôles. Elle fait également valoir que si l'administration n'avait pas à tort refusé les RHT pour les périodes du 2 au 30 novembre 2020 et du 15 janvier au 14 avril 2021, elle aurait déposé les formulaires de demande de remboursement à temps.

C'est le lieu de rappeler que le remboursement de l'indemnité en cas de RHT se déroule en deux étapes : la procédure de préavis auprès de l'autorité cantonale (art. 36 LACI), soit l'OCE, et la requête d'indemnité à faire valoir auprès de la caisse désignée, en l'occurrence l'intimée, dans le délai prévu à cet effet (art. 38 al. 1 LACI en relation avec l'art. 61 OACI), que l'autorité cantonale ait statué ou non. Ces deux procédures sont indépendantes, raison pour laquelle l'autorité cantonale rend attentif l'employeur à ce délai d'exercice du droit.

Conformément à la jurisprudence précitée, même en cas d'opposition, il ne se justifie pas de faire courir le délai de trois mois seulement à la fin de la procédure d'opposition contre la décision de l'OCE. Selon la répartition des compétences entre la caisse et l'OCE, indépendamment d'une décision ou non de l'autorité cantonale, la caisse examine si les conditions personnelles de l'assuré sont remplies pour qu'il puisse prétendre à un remboursement. Le délai de trois mois a pour but de permettre à la caisse d'examiner la situation au moment approprié, raison pour laquelle le report du début du délai à la fin de la procédure d'opposition contre la décision de l'OCE n'apparait pas conforme à l'objectif visé.

Certes, les caisses étaient à l'époque surchargées et n'avaient éventuellement plus de temps de procéder aux contrôles. Il n'en demeure pas moins que la loi ne fait aucune exception et qu'il n'appartient pas à la personne assurée de juger si oui ou non l'autorité est en mesure de vérifier l'exactitude des informations.

Partant, les décomptes en cause devaient être adressés à l'intimée dans le délai de trois mois dès l'expiration de la période de décompte concernée, quand bien même ce délai est arrivé à échéance à une date antérieure à l'arrêt du 7 décembre 2021 rendu par la chambre de céans dans la cause opposant la recourante à l'OCE.

6.1.2 La législation adoptée durant la pandémie du COVID-19 ne permet pas de déroger aux dispositions légales précitées.

En effet, s'agissant des périodes de décompte de novembre 2020, de janvier et de février 2021, l'art. 17b al. 3 de la loi COVID-19, en vigueur du 20 mars 2021 au 31 décembre 2021, ne trouve pas application.

En ce qui concerne les périodes de décompte de mars et avril 2021, l'art. 17b al. 3 de la loi COVID-19 aurait pu s'appliquer. Toutefois, la recourante n'a transmis les formulaires que le 24 janvier 2022, de sorte qu'elle était hors du délai accordé au plus tard jusqu'au 30 avril 2021 pour faire valoir son droit auprès de la caisse de chômage.

6.2 La recourante soutient également qu'il incombait à la chambre de céans de vérifier, lors du recours contre la décision de l'OCE du 21 janvier 2021, si les conditions donnant droit au paiement de RHT étaient réalisées avant d'entrer en matière et de statuer sur le fond de la demande.

Le litige tranché par arrêt du 7 décembre 2021 par la chambre de céans se limitait à la décision de l'OCE qui s'était prononcé sur la demande de préavis de la recourante. En cas de recours, le juge est certes tenu d'établir d'office les faits de manière complète et approfondie, mais uniquement dans le cadre défini par la décision querellée et les conclusions des parties. Or, la vérification du respect du délai prescrit à l'art. 38 al. 1 LACI pour faire valoir l'indemnité auprès de la caisse dépassait l'objet du litige.

Partant, ce grief est infondé.

7.             La recourante se plaint enfin d'un formalisme excessif.

7.1 Il y a formalisme excessif lorsque les exigences de formes exigées par la loi ou la pratique n'ont aucun but ou n'ont pas de justification objective pour leur sévérité ou lorsque ces exigences entravent la mise en œuvre du droit matériel (ATF 145 I 201 consid. 4.2.1 ; ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 ; ATF 142 I 10 consid. 2.4.2). L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 125 I 170 consid. 3a ; arrêt I 191/04 du 11 janvier 2005 consid. 1.3).

7.2 En l'espèce, l'intimée a sanctionné le non-respect d'un délai pour agir, dont le strict respect s'impose pour des motifs d'égalité de traitement et de sécurité du droit (ATAS/1191/2022 du 23 décembre 2022 consid. 11.1). Le délai de trois mois est un moyen permettant de prévenir les abus dans le cadre d'indemnité en cas de RHT. Ce délai représente une garantie dans le temps de la possibilité de contrôle par caisse.

Par ailleurs, l’intimée a appliqué les dispositions légales pertinentes en vigueur et rien ne justifie de ne pas les appliquer, y compris dans le contexte de la pandémie du COVID-19 (ATAS/1191/2022 du 23 décembre 2022 consid. 11.1 ; ATAS/1238/2021 du 1er décembre 2021 consid. 5.3.1 et 5.3.2 ; arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel CDP.2020.402 [INT.2021.631] du 30 novembre 2021 consid. 3b).

Partant, l'exigence de respect du délai de trois mois de l'art. 38 al. 1 LACI et la sanction pour son non-respect prévue à l'art. 39 al. 3 LACI ne relèvent pas d'un formalisme excessif.

8.             Le principe de la bonne foi ni le devoir d'information des autorités administratives (art. 27 LPGA) n'ont non plus été violés. En effet, la recourante ne pouvait ignorer son obligation de faire valoir le droit à l'indemnité en cas de RHT dans le délai précité de trois mois.

Bien que la recourante ait fait opposition à la décision de l'OCE, elle a dûment été renseignée, tant dans les décisions des 6 novembre 2020 et 4 février 2021 de l'OCE, dans lesquelles ce dernier s'opposait à l'indemnisation (sous la mention « Remarque importante » en gras), que dans les décisions sur opposition de l'OCE de 21 janvier 2021 et dans la décision de suspension du 22 avril 2021 (sous la mention « Note Importante » en gras).

Il convient également de souligner que les formulaires de demande et décompte d'indemnité en cas de RHT signés le 4 janvier 2022 pour le décompte du mois de novembre 2020, et le 24 janvier 2022 pour les décomptes de janvier à avril 2021 spécifient également sous la mention « Délai de remise » en gras que ce délai s'applique même en cas d'opposition.

Par conséquent, le cas présent est différent de celui jugé par la chambre de céans le 22 décembre 2022 (ATAS 1181/2022) où celle-ci a admis une violation du devoir d'information de l'OCE. En effet, dans la cause jugée, la décision de l'OCE s'opposant à l'indemnisation ne contenait aucune indication quant au délai de trois mois pour exercer son droit auprès de la caisse.

9.             Infondé, le recours sera ainsi rejeté.

10.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le