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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/616/2021

ATAS/1251/2021 du 07.12.2021 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/616/2021 ATAS/1251/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 décembre 2021

15ème Chambre

 

En la cause

A______ SA, sise à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Per PROD’HOM

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L’EMPLOI, sis Service juridique, rue des Gares 16, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A.      A______ SA (ci-après : la société), avec siège à Genève, a pour but la fourniture de conseils en matière d’investissements selon son inscription au registre du commerce. Elle fournit des conseils en matière d’investissements, de fusions et d’acquisitions, de collectes de fonds et de placements privés, de réévaluations et de restructurations de sociétés, dans les domaines des lignes aériennes, de l’aviation et de l’industrie aérospatiale.

B.       a. Le 2 novembre 2020, la société a déposé auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) un formulaire de préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) à raison d’un taux de 80 %, pour deux de ses collaborateurs, du 2 au 30 novembre 2020.

b. Par décision du 6 novembre 2020, l’OCE a refusé l’indemnité en cas de RHT à la société, faute de perte de travail avérée.

c. Par acte du 9 novembre 2020, la société s’est opposée à cette décision au motif qu’elle avait eu droit à des indemnités pour compenser la RHT du 1er avril 2020 au 31 août 2020 (demande de mars 2020) et que sa nouvelle demande était également fondée sur la perte de travail liée à la crise sanitaire, de sorte que le refus ne se justifiait pas. Il avait été impossible à ses collaborateurs de voyager pour acquérir de nouveaux clients et les clients existants étaient réticents à planifier des investissements dans un climat imprévisible. Au surplus, la société n’avait pas pu respecter le délai de préavis, dans la mesure où le Conseil d’État genevois avait prononcé la cessation de plusieurs activités dès le 1er novembre 2020, soit un jour plus tôt que la date à laquelle elle avait déposé son préavis.

d. Par décision sur opposition du 21 janvier 2021, l’OCE a confirmé sa décision. Dans le cadre du déconfinement progressif, la perte de travail en raison des mesures sanitaires prises par les autorités n’était plus une justification valable, les activités devant reprendre normalement dès que possible selon l’obligation de réduire le dommage. La société employeuse n’avait dans ce cas pas démontré une perte de travail mais s’était contentée d’indiquer que ses collaborateurs ne pouvaient plus rencontrer les clients et voyager, sans fournir de preuve d’annulation de mandats et sans avoir démontré avoir pris toutes les mesures nécessaires pour réduire son dommage, notamment les démarches mises en place pour trouver de nouveaux clients en s’adaptant aux changements. Sa charge de travail avait dû être augmentée dans cette période malgré des rentrées d’argent moins importantes.

C.      a. Par acte du 22 février 2021, la société a recouru contre cette décision devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), en concluant à son annulation et à l’octroi d’indemnité en cas de RHT dès le 2 novembre 2020 et au renvoi de la cause à l’OCE pour qu’il fixe le montant de l’indemnité due. La société exerçait son activité quasi-exclusivement à l’étranger, ses employés exerçant leur activité à l’étranger pour une moyenne de temps d’environ 70 %. La société avait obtenu le statut fiscal d’une société auxiliaire par l’Administration fiscale cantonale, le 23 février 2011, statut octroyé qu’aux sociétés de services ayant démontré que leur personnel se déplaçait à raison de plus de 50 % de leur temps à l'étranger. Lorsque les représentants de la société ne pouvaient pas rencontrer les acheteurs et les vendeurs, ni analyser les entreprises qui se trouvaient en général à l’étranger, leur activité devenait presque impossible, ce qui avait conduit la société à demander des indemnités en cas de RHT en avril puis en novembre 2020. Le modèle commercial de la société avait depuis toujours été orienté vers l’étranger, où la société avait « construit sa clientèle » et son expertise. Dans ce contexte, l’on ne pouvait exiger d’elle qu’elle modifie son modèle d’affaires et se tourne, par exemple, vers le marché suisse, de surcroît durant une période de ralentissement économique durant laquelle le marché des acquisitions d’entreprises ou de restructurations était devenu quasi-inexistant en Suisse et le marché global très réduit. La crise du Coronavirus avait ainsi eu pour conséquence de limiter la mobilité des personnes, les États ayant imposé de lourdes contraintes sur les voyageurs, telles que la fermeture des frontières, les quarantaines à l’arrivée et au retour, notamment. Cette crise avait eu un impact important sur les revenus de la société, les honoraires comptabilisés étaient passés de CHF 1'803'638.72 en 2019 à CHF 412'639.30 en 2020. Après avoir obtenu des indemnités en cas de RHT du mois de mars 2020 au mois d’août 2020, la société avait requis une nouvelle aide en novembre 2020. En date du 1er novembre 2020, le Conseil d’État genevois avait déclaré l’état de nécessité et avait mis en place des mesures plus strictes à Genève, en particulier, l’interdiction des manifestations publiques ou privées réunissant plus de cinq personnes. En conséquence de quoi, la société s’était vue contrainte de diminuer le taux d’activité de ses employés de 80 %. Conformément aux instructions qu’elle avait obtenues de la « Task Force RHT », la société avait envoyé sa demande de préavis de RHT à celle-ci par courrier électronique du 2 novembre 2020. Les circonstances relatives à sa demande étaient identiques à celles existant lors de sa demande de mars 2020.

b. L’OCE a persisté dans les termes de sa décision, par pli du 11 mars 2021.

c. La recourante n’a pas usé de son droit de répliquer.

d. Une audience de comparution personnelle des parties et d’enquêtes s’est tenue le 31 août 2021 devant la chambre de céans. L’administrateur de la société a expliqué que la plupart de ses activités se faisaient à l'étranger. La société donnait des conseils en matière de fusions, d’acquisitions et levait des fonds pour des sociétés à l’étranger. Elle était spécialisée en ligne aérienne, en aviation, en espace aérospatial, engineering et en diagnostics. La société comptait peu de clients, et aucun en Suisse. À l’appui de documents, l’administrateur a démontré que les activités de la société étaient principalement à l'étranger. Ses collaborateurs n’ayant pas pu voyager comme en temps normal en 2020, la société n’avait pas pu poursuivre la plupart de ses activités, notamment durant le mois de novembre 2020. Toute l'industrie aérienne avait été arrêtée, sauf les cargos. Il n'y avait ni entretien des avions ni commandes de pièces. Les avions étaient dans des réserves. L'un des clients de la société en Roumanie (ligne aérienne B______) n’avait pas pu faire voler sa flotte pendant la période du confinement. Les collaborateurs avaient travaillé un petit peu par Zoom, mais il était impossible de faire des « due diligence », des négociations entre les sociétés clientes ou d’acquérir de nouveaux clients en 2020, sans voyager et dans des domaines particulièrement affectés par la crise. Les activités de la plupart des clients de la société s’étaient arrêtées. En novembre 2020, compte tenu des annonces du Conseil d’État, les deux collaborateurs de la société avaient repris le télétravail. Il y avait beaucoup de restrictions pour voyager. Un seul voyage avait pu être organisé en novembre 2020 pour permettre à l’administrateur de la société de se rendre au Royaume-Uni pour deux jours, sur permission spéciale. Les choses avaient commencé à s'améliorer fin mars 2021 grâce à la vaccination.

Le témoin entendu, soit une collaboratrice de la société, a indiqué que durant la période de la crise sanitaire, la société avait essayé de trouver des nouveaux clients par internet et par téléphone, mais il était souvent difficile de joindre les gens. S'agissant des clients, la société n’en avait pas beaucoup et ces derniers avaient indiqué vouloir mettre les projets en attente, faute de moyens. L'industrie aérienne avait été durement impactée par la crise. Il n'y avait plus de nouveaux contrats ni de nouvelles demandes. Certains clients avaient suspendu leurs mandats existant pendant la crise. En dehors de la crise, son patron et son collègue avaient l'habitude de se rendre au siège des clients à l'étranger parce qu'il était nécessaire de visiter les installations et de faire des audits de la comptabilité des clients, d’établir parfois des bases de données avec tous les documents relatifs à une société aérienne (tous les contrats conclus par la société, les contrats de travail, etc.). Durant le confinement, chacun avait essayé de faire ce qu’il pouvait à distance. Les autorités genevoises ayant annoncé un « lockdown » en novembre 2020 et certaines mesures ayant impacté le travail, la société avait été contrainte de solliciter des indemnités en cas de RHT alors qu’elle n’en avait pas sollicitées en septembre et octobre 2020.

e. La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.        Le litige porte sur le droit de la recourante à l’octroi d’indemnités en cas de RHT du 2 au 30 novembre 2020.

3.        3.1 Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). En effet, selon l’art. 31 al. 1 let. b et d LACI, les travailleurs, dont la durée normale de travail est réduite ou l’activité suspendue, ont droit à l’indemnité en cas de RHT lorsque la perte de travail doit être prise en considération et la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question. Une perte de chiffre d’affaires ne suffit pas à entraîner une indemnisation. Encore faut-il que cette perte se traduise par une diminution des heures travaillées (cf. RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 32 LACI). L’indemnité s’élève à 80 % de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu’un délai d’attente de deux à trois jours doit être supporté par l’employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02], étant précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été supprimé temporairement en raison de la pandémie de Coronavirus).

3.2 Le but de l’indemnité en cas de RHT consiste, d’une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des réductions de temps de travail et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D’autre part, l’indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l’intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de RHT (ATF 121 V 371 consid. 3a).

Une perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due, entre autres conditions, à des facteurs économiques et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l’entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l’existence d’un facteur économique (DTA 1985 p. 109 consid. 3a). L’art. 32 al. 3, 1ère phrase, prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques où à d’autres circonstances non imputables à l’employeur. L’art. 51 OACI concrétise l’art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d’autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d’importer ou d’exporter des matières premières ou des marchandises [let. a] ; contingentement des matières premières ou des produits d’exploitation, y compris les combustibles [let. b] ; restrictions de transport ou fermeture des voies d’accès [let. c] ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l’approvisionnement en énergie [let. d] ; dégâts causés par les forces de la nature [let. e]). L’art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n’est pas prise en considération tant qu’elle est couverte par une assurance privée.

3.3 Les pertes de travail au sens de l’art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; Rubin, op. cit, n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage voulant que l’employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l’indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s’il existe des mesures que l’employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du Secrétariat d’État à l’économie [ci-après : SECO], état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

La seule présence d’un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n’est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, l’indemnisation est exclue. Ainsi, lorsqu’en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l’employeur au sens de l’art. 51 al. 1 OACI, l’une des conditions de l’art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d’un risque normal d’exploitation, l’indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

Selon la jurisprudence, doivent être considérés comme des risques normaux d’exploitation au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent droit à une indemnité en cas de RHT. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 119 V 498 consid. 1 ; cf. aussi RUBIN, op. cit, n. 10 ad art. 33 LACI et les références citées).

Les pertes de travail liées aux risques économiques ordinaires, tels que le risque commercial, le risque de baisse de compétitivité par rapport à la concurrence, ou le risque de ne pas se voir attribuer un marché public, ne sont pas indemnisables. Dans le domaine de la construction, des délais d’exécution reportés à la demande du maître de l’ouvrage et des annulations de travaux en raison de l’insolvabilité de ce dernier ou à cause d’une procédure d’opposition ne représentent pas des circonstances exceptionnelles. De telles circonstances constituent dès lors des risques normaux d’exploitation. Pour une entreprise qui traite essentiellement avec un seul client important, la perte de ce client ou la perspective certaine d’une réduction des mandats constitue également une circonstance inhérente aux risques normaux d’exploitation (cf. RUBIN, op. cit., n. 13 et 16 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment DTA 1998 consid. 1, p. 292).

3.4 En raison de la propagation de la COVID-19, le Conseil fédéral a, le 28 février 2020, qualifié la situation prévalant en Suisse de « situation particulière » au sens de l’art. 6 al. 2 let. b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies ; LEP - RS 818.101). Sur cette base, le Conseil fédéral a arrêté l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (RO 2020 573) puis l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19 ; RO 2020 773) qui interdisait les manifestations publiques ou privées accueillant simultanément cent personnes (art. 6 al. 1) et qui limitait l’accueil dans les restaurants, les bars, les discothèques et les boîtes de nuit à cinquante personnes (art. 6 al. 2). Après avoir qualifié la situation en Suisse de « situation extraordinaire » au sens de l’art. 7 LEP, le Conseil fédéral a procédé à des modifications de cette ordonnance, notamment en interdisant toutes les manifestations publiques ou privées et en ordonnant la fermeture des magasins, des marchés, des restaurants, des bars, des discothèques, des boîtes de nuit et des salons érotiques (art. 6 al. 1 et 2). Cette modification est entrée en vigueur le 17 mars 2020 (RO 2020 783).

3.5 S’agissant du domaine particulier de l’indemnité en cas de RHT, le Conseil fédéral a adopté, le 20 mars 2020, l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (ordonnance COVID-19 assurance-chômage ; RS 837.033), avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er mars 2020 (art. 9 al. 1), qui prévoit qu’en dérogation aux art. 32 al. 2 et 37 let. b LACI, aucun délai d’attente n’est déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3). Cette disposition a effet jusqu’au 31 mars 2021 (art. 9 al. 6).

Aucune modification n’a toutefois été apportée aux critères relatifs à la perte de travail à prendre en considération (art. 31 al. 1 let. b et 32 al. 1 et 3 LACI).

Le 20 janvier 2021, le SECO a édicté la directive 2021/01 sur l’actualisation « des règles spéciales dues à la pandémie », laquelle remplace la directive 2020/15 du 30 octobre 2020. Il ressort en particulier du ch. 2.5 que l’activité doit reprendre dès que cela est possible. Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage. Toutefois, le droit à l’indemnité en cas de RHT peut être maintenu, notamment lorsque l’entreprise ne peut mettre au travail qu’une partie de ses employés pour des motifs économiques. La perte à prendre en considération est imputable aux conséquences économiques de la pandémie. Le droit à l’indemnité en cas de RHT existe donc, si les autres conditions du droit à l’indemnité sont réalisées.

4.        Dans la décision entreprise, datant du 21 janvier 2021, l’intimé s’est opposé au paiement de l’indemnité en cas de RHT, au motif que la perte de travail n’était pas avérée.

La chambre de céans constate que la recourante a indiqué avoir réduit le travail de ses deux collaborateurs de 80 %, dès le 2 novembre 2020, du fait de la crise et en raison de la décision du Conseil d’État d’interdire notamment les manifestations publiques ou privées de plus de cinq personnes. Les collaborateurs ont travaillé à distance et n’ont pas voyagé. Ils ont néanmoins tenté de contacter leurs clients et d’en trouver d’autres, sans succès, dans la mesure où les clients existants, durement touchés par la crise sanitaire et les mesures prises dans le domaine de l’aviation, suspendaient les mandats confiés et n’investissaient pas. La crise n’était pas propice à trouver de nouveaux mandats dans le domaine d’activité de la recourante. Cette dernière ne pouvait d’ailleurs pas proposer les services habituels nécessitant des voyages et séjours à l’étranger.

La perte de travail exposée apparaît hautement vraisemblable, les domaines d’activité de la recourante ayant notoirement souffert de la crise de la COVID-19.

Le projet de bilan produit par la recourante confirme en outre que l’activité de la recourante a été lourdement touchée par la crise, de sorte qu’elle a connu une perte de CHF 76'293.- pour l’exercice 2020, alors que ses bilans de 2018 et 2019 montraient respectivement un bénéfice de CHF 452'717.- et de CHF 412'370.-. La société a encaissé des honoraires moindres que ceux de 2019 (CHF 1'803'603.72), soit CHF 412'639.30. La perte économique par rapport à l’année précédente semble également avérée.

La recourante n’a pas fait face à un risque normal d’exploitation mais bien aux conséquences graves de la crise sanitaire et des nombreuses mesures prises par les autorités qui ont paralysé de nombreuses sociétés dans le domaine de l’aviation.

Les pertes de travail dont la recourante s’est plainte ne pouvaient pas être évitées. Il n’était pas réaliste pour elle de trouver de nouveaux clients dans des domaines aussi touchés par la crise, malgré les recherches faites par les collaborateurs. Il n’était pas possible de proposer les services habituels nécessitant souvent des déplacements internationaux à des clients qui n’entendaient pas investir en raison de la crise. L’on ne saurait reprocher à la recourante de ne pas avoir trouvé davantage de solutions pour continuer ses activités ou conclure de nouveaux contrats avec des sociétés actives dans des domaines ayant été forcés de suspendre leurs activités en raison de la crise.

En effet, au vu du domaine d’activité de la recourante, on ne voit pas quelles mesures raisonnables elle aurait pu prendre pour éviter la perte de travail. Le droit à l'indemnité en cas de RHT doit partant lui être reconnu.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. L'intéressée a droit à l’indemnité en cas de RHT dès le 2 novembre 2020, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

5.        La recourante, représentée par un avocat, obtient ainsi gain de cause, de sorte qu’elle a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA ; RS E 5 10 ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - RS E 5 10.03).

6.        Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

* * * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 21 janvier 2021.

4.        Dit que la recourante a droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, du 2 au 30 novembre 2020, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions conformément à l’art. 39 LACI.

5.        Alloue à la recourante, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d’État à l’économie par le greffe le