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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1342/2020

ATAS/939/2022 du 26.10.2022 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1342/2020 ATAS/939/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 octobre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, LES AVANCHETS, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Cyril MIZRAHI

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée ou la recourante) est née le ______ 1941, veuve et mère de trois enfants.

b. Avec feu son conjoint, elle a demandé les prestations de l’office cantonal des personnes âgées (ci-après : l’OCPA) le 27 février 2000. Dans le formulaire de demande, ils ont répondu par la négative à la question de savoir s’ils étaient propriétaires d’un bien immobilier.

c. Le 7 mai 2000, l’intéressée a informé l’OCPA qu’elle était dans l’attente d’une rente de l’assurance-invalidité et que son mari était probablement atteint de la maladie d’Alzeimer.

d. Par courrier du 19 octobre 2000 adressé à l’époux de l’intéressée, l’OCPA a informé celui-ci du fait qu’il lui appartenait de lui signaler immédiatement tout changement dans sa situation personnelle et économique.

e. Par décision du 22 novembre 2000 adressé à l’époux de l’intéressée, l’OCPA lui a octroyé des prestations complémentaires précisant que les ayants droit étaient également l’intéressée et la fille du couple.

f. Chaque fin d’année, l’époux de l’intéressée a reçu de l’OCPA, devenu depuis lors le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) une communication importante attirant son attention sur le fait qu’il devait contrôler attentivement les montants figurant dans les plans de calculs de ses prestations pour s’assurer qu’ils correspondaient bien à sa situation actuelle. Au chapitre des ressources, il devait tout particulièrement vérifier les rubriques relatives aux rentes AVS/AI, rentes LPP, caisses de retraites et rentes étrangères, ainsi que la fortune mobilière (comptes bancaires, CPP, titres, etc.) et le produit de la fortune (intérêts). Il devait également signaler au SPC les autres événements dont celui-ci devait tenir compte, tels que les changements d’adresse, la cohabitation avec un tiers, l’augmentation ou la diminution du loyer et/ou des charges locatives, l’absence de plus de trois mois, par année civile du canton de Genève, un héritage, une donation, la naissance d’un enfant, une séparation.

g. Par ordonnance du 23 mai 2005, le Tribunal tutélaire a destitué l’intéressée de ses fonctions de curatrice de son époux et désigné une curatrice.

h. Le 7 juin 2006, le Tribunal tutélaire a prononcé la mainlevée de la mesure de curatelle instaurée le 3 octobre 2002 en faveur du conjoint de l’interessée et relevé en conséquence la tutrice-adjointe du service du tuteur général de ses fonctions de curatrice.

i. L’époux de l’intéressée est décédé le 15 janvier 2015.

j. Suite à l’entrée en vigueur de l’art. 148a du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), le Conseiller d’État Mauro POGGIA a lancé une campagne incitant les bénéficiaires des prestations complémentaires qui n’avaient pas déclaré des avoirs à le faire dans le délai au 31 décembre 2016, pour, le cas échéant, éviter de tomber sous le coup des nouvelles dispositions pénales entrées en vigueur au début octobre 2016.

k. Dans le cadre d’une révision du dossier de l’intéressée, le SPC a appris le 6 juin 2019 que cette dernière et feu son époux étaient propriétaires d’une maison et de terrains agricoles au Portugal, que son époux avait touché une rente étrangère de l’institut de sécurité sociale portugaise (ci-après : l’ISS) du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et que l’intéressée touchait elle une rente de cette institution depuis le 1er février 2015. L’intéressée a produit des attestations indiquant les montants annuels de ces rentes.

l. Le 12 août 2019, elle a transmis au SPC une évaluation de ses biens au Portugal.

m. Le 11 octobre 2019, le SPC a informé l’intéressée que dans le cadre de la révision périodique de son dossier entreprise en mars 2019, il avait appris que feu son époux et elle-même étaient propriétaires de biens immobiliers à B______ au Portugal et qu’ils étaient bénéficiaires d’une rente de l’ISS, éléments qui lui étaient inconnus. Ces éléments ne lui avaient pas été déclarés. En outre, le couple n’avait pas réagi au courrier du Conseiller d’État relatif à l’entrée en vigueur de l’art. 148a CP. Cette omission fautive était constitutive d’une infraction pénale réprimée par l’art. 31 al. 1 let. d de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Compte tenu du fait que la restitution naissait d’un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoyait un délai de prescription plus long, ce délai était déterminant. Le SPC avait repris le calcul de ses prestations complémentaires rétroactivement au 1er février 2015 ainsi que celles du dossier de feu son époux au 1er novembre 2012 en tenant compte des éléments susmentionnés. Il résultait de ces nouveaux calculs un montant en sa faveur de CHF 118'262.-, qui devait lui être remboursé dans les trente jours dès l’entrée en force des décisions de restitution.

Le SPC transmettait en annexe de ce courrier à l’intéressée :

-          une décision de prestations complémentaires du 30 septembre 2019 indiquant que le recalcul de ses prestations laissait apparaître un trop-versé pour la période rétroactive courant du 1er novembre 2012 au 31 janvier 2015 et que le solde en faveur du SPC était de CHF 45'730.- ;

-          une décision de prestations complémentaires du 30 septembre 2019 indiquant que le recalcul des prestations laissait apparaître un trop-versé pour la période du 1er février 2015 au 30 septembre 2019 avec un solde en faveur du SPC de CHF 72'532.- ; l’assurée avait droit dès le 1er octobre 2019 à CHF 438.- de prestations complémentaires mensuelles.

n. Dans un rapport d’entraide administrative interdépartementale du 8 novembre 2019, l’enquêteur a conclu qu’il ressortait de son enquête que l’intéressée habitait à Genève, mais qu’elle partait chaque année pour une durée de trois à quatre mois au Portugal, où elle possédait une maison et plusieurs terrains d’oliviers non déclarés à l’administration fiscale et servant pour la consommation familiale. De plus, elle touchait une rente de veuve mensuelle portugaise de EUR 195.-.

o. Dans un formulaire de révision période, l’intéressée a indiqué, le 5 juin 2019, qu’elle était propriétaire d’une maison au Portugal et de terrains agricoles.

Elle a transmis au SPC des attestations établies à B______ le 15 mai 2019 de l’ISS déclarant avoir payé une pension à feu l’époux de l’intéressée de EUR 758.52 du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ainsi qu’une rente à l’intéressée de EUR 172.07 par mois dès le 1er février 2015. Ce document est annoté par le SPC. Il a indiqué après 172.07 « fois 1.15486 = CHF 199.-).

p. Le 14 novembre 2019, l’intéressée a formé opposition aux décisions rendues par le SPC le 30 septembre 2019.

q. Par décision du 2 décembre 2019, le SPC a établi le droit aux prestations de l’intéressée dès le 1er janvier 2020. À teneur de son plan de calcul, il a pris en compte CHF 82'523.- de fortune immobilière dans les montants présentés.

r. Le 9 janvier 2020, l’intéressée a formé opposition à cette décision, contestant les montants pris en compte à titre de fortune, notamment immobilière, et le montant retenu au titre de rente étrangère.

s. Le 28 avril 2020, l’intéressée a transmis au SPC un certificat de l’autorité fiscale et douanière portugaise qui indiquait qu’elle avait reçu un quart de la valeur totale de l’héritage de feu son mari, décédé le 15 avril 2015. Ce certificat listait ensuite l’ensemble des biens immobiliers détaillant leur valeur fiscale respective pour un montant total de EUR 42'144.68.

Elle annexait un autre document daté du 18 septembre 2015 attestant qu’elle avait cédé à ses enfants la part de l’héritage de son mari qui lui revenait. En substance, elle n’était propriétaire que de la moitié de l’ensemble des biens immobiliers sis au Portugal. Il était ainsi manifestement erroné de retenir, dès 2015 et le décès de son mari, un montant de CHF 88'381.81 au titre de fortune immobilière. Au contraire, seuls les 5/8ème (1/2 auquel s’ajoutait 1/4 dont elle héritait) de la valeur vénale des biens immobiliers sis au Portugal pouvaient lui être imputés entre le décès de son mari et la transmission de sa part d’héritage à ses enfants. Dès cet instant, la part d’héritage de 1/8 était à retrancher dans la catégorie des biens dessaisis pour laquelle le montant retenu devait être réduit de CHF 10'000.- par an dès la deuxième année suivant la date du dessaisissement.

t. Par décision sur oppositions du 11 mars 2020, le SPC a constaté qu’étaient en substance litigieux le délai de prescription, les montants retenus à titre de fortune immobilière et de son produit ainsi que les montants retenus à titre de rente de l’ISS. Le fait qu’une tierce personne avait rempli le formulaire de demande de prestations pour les époux ne déchargeait pas ces derniers de leur responsabilité de transmettre les informations requises par l’administration en vue d’en tirer un droit. En effet, l’éventuel faute ou retard d’un mandataire leur était imputable. La mauvaise maîtrise de la langue française de l’intéressée ne pouvait non plus être prise en considération, dès lors qu’il lui avait été loisible de solliciter, au besoin, l’aide du centre d’action sociale de son quartier, par exemple.

La fortune immobilière du couple était composée de treize terrains et d’une maison, sis au Portugal, d’une valeur totale de EUR 98'006.-, montant ramené à EUR 73'504.50 pour l’intéressée dès janvier 2015, suite au décès de son époux, soit 75% de la valeur des biens immobiliers concernés.

Les pièces produites à l’appui de l’opposition mentionnaient la valeur fiscale desdits biens immobiliers alors que seule leur valeur vénale pouvait être prise en compte. Les valeurs vénales des biens immobiliers sis au Portugal étaient extraites du document établi le 15 juillet 2019 et produits par l’intéressée au SPC le 12 août 2019.

Par ailleurs, il ressortait de l’attestation de l’ISS relative à feu l’époux de l’intéressée produite le 6 juin 2019 qu’un montant total de rente étrangère de EUR 8'758.52 lui avait été versé du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, soit EUR 2'919.50 par an.

Concernant l’intéressée, le SPC avait repris, dès le 1er février 2015, les montants de rente indiqués sur les attestations de l’ISS produites par cette dernière les 6 juin et 19 juillet 2019. En conséquence, il y avait lieu d’admettre que les deux décisions du 30 septembre 2019 et celle du 2 décembre 2019 avaient été correctement établies. Partant, les oppositions étaient rejetées et la somme de CHF 118'262.- restait due.

Dès lors que l’opposition contenait une demande de remise de l’obligation de rembourser, le SPC se déterminerait à ce sujet par décision séparée une fois sa décision sur opposition entrée en force.

B. a. Le 11 mai 2020, l’intéressée, assistée par un conseil, a formé recours contre la décision sur oppositions du SPC auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à l’annulation de la décision sur opposition du 11 mars 2020, au retour du dossier au SPC pour instruction complémentaire et nouvelle décision et à l’allocation d’une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours.

b. Le 5 juin 2020, le SPC a indiqué qu’il avait déposé une plainte pénale contre l’intéressée auprès du Ministère public le 13 mars 2020 en raison des éléments non annoncés et sur la base des conclusions du rapport d’entraide administrative interdépartementale rendu par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l’OCPM) le 8 novembre 2019. Ce dernier concluait que la recourante ne résiderait pas de façon permanente sur le territoire suisse, respectivement genevois, mais qu’elle se rendrait pour une durée de trois à quatre mois par année à B______, au Portugal, lieu de situation de ses biens immobiliers. En conséquence, le SPC sollicitait la suspension de la procédure dans l’attente de l’issue de la procédure pénale et concluait à ce que la décision soit réformée au détriment de la recourante pour les périodes où son absence du territoire suisse serait confirmée.

c. Par arrêt incident du 17 septembre 2020 (ATAS/766/2020), la chambre de céans a suspendu l’instance jusqu’à doit connu dans la procédure pendante au Ministère public.

d. Le 27 août 2020, l’intéressée a transmis à la chambre de céans une traduction de l’acte de donation du 18 septembre 2015 de sa part héréditaire de la succession de feu son époux à ses enfants.

e. Par ordonnance du 11 mars 2021, le Ministère public a ordonné le classement partiel de la procédure ouverte contre l’intéressée s’agissant des faits constitutifs d’infraction à l’art. 31 al. 1 let. d LPC concernant la période s’étendant du 1er octobre 2011 au 31 janvier 2014, au motif que la période pénale était prescrite. Le Ministère public se référait à l’art. 97 al. 1 let. d CP et à l’art. 31 al. 1 LPC, prenant ainsi en compte un délai de prescription de sept ans. Il retenait que la prévenue avait violé son obligation de renseigner le SPC et en avait retiré un profit en percevant des prestations indues. Si une partie des faits avait été atteinte par la prescription, ce n’était qu’en raison de son comportement, puisqu’elle n’avait annoncé que tardivement les éléments de son patrimoine financier. L’ouverture de la procédure pénale lui était ainsi imputable, raison pour laquelle elle a été condamnée au paiement des frais de la procédure et n’a pas obtenu du dépens.

f. Par ordonnance pénale du 11 mars 2021, le Ministère public a déclaré l’intéressée coupable d’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale au sens de l’art. 148a al. 1 et 2 CP et d’infraction à l’art. 31 al. 1 LPC. Elle avait trompé le SPC du 1er novembre 2012 au 30 septembre 2019, en dissimulant le fait qu’elle percevait une rente de veuve portugaise, qu’elle détenait un compte bancaire à la BPI au Portugal et qu’elle était propriétaire de terrains agricoles et d’une maison au Portugal.

g. Le 30 juillet 2021, la recourante a informé la chambre de céans que l’ordonnance de classement partiel était entrée en force, mais pas l’ordonnance pénale, qui avait fait l’objet d’une opposition.

h. Par jugement du 8 avril 2022, non motivé, le Tribunal de police a classé la procédure s’agissant des faits commis entre le 1er mars 2014 et le 8 avril 2015 et déclaré l’intéressée coupable d’infractions à l’art. 148a al. 1 CP pour la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2019 et à l’art. 31 al. 1 let. a et d LPC pour la période du 9 avril 2015 au 30 septembre 2016.

i. Le 30 mai 2022, la recourante a fait valoir que selon la jurisprudence, le juge administratif était lié par une décision pénale portant condamnation ou acquittement. Le Tribunal de police avait constaté l’absence de punissabilité pour la période précédant le 9 avril 2015. Dans ces circonstances, l’intimé ne pouvait se prévaloir du délai de prescription de sept ans prévu par le Code pénal. Il convenait en conséquence d’annuler la décision du SPC du 11 mars 2020 en tant qu’elle fondait le calcul du montant à restituer sur une période erronée. Pour le surplus, la recourante persistait dans ses conclusions.

j. Le 24 mai 2022, le SPC a maintenu ses précédentes conclusions en rejet du recours. Concernant une éventuelle reformatio in pejus de la décision litigieuse, sur la base des conclusions du rapport d’entraide interdépartementale rendu le 8 novembre 2019, force était de constater que la durée exacte des absences de Genève de la recourante et leur fréquence n’avaient pas été établies dans le cadre de la procédure pénale. L’intimé s’en rapportait à la chambre de céans sur l’opportunité de réformer la décision litigieuse au détriment de la recourante.

k. La recourante a encore fait valoir que si le juge avait l’intention de réformer la décision querellée à son détriment, elle devait en être avertie, afin de pouvoir retirer son recours.

S’agissant du rapport d’enquête, elle indiquait que ses séjours au Portugal coïncidaient avec les démarches liées à la vente de sa maison. Elle avait été tenue de produire de nombreux documents qu’elle ne pouvait se procurer à distance.

La recourante a transmis à la chambre de céans le procès-verbal établi le 1er septembre 2020 par le Procureur en charge de la procédure pénale ouverte à son encontre, dont il ressort notamment que les époux avaient acheté une maison et un terrain au Portugal en 1986 et que sa fille l’aidait à gérer ses affaires administratives.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dès lors que le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA).

Dans la mesure où elle porte sur les prestations perçues à tort entre le 1er novembre 2012 et le 30 septembre 2019, soit sur une période antérieure à l'entrée en vigueur le 1er janvier 2021 des modifications des 22 mars, 20 décembre 2019 et 14 octobre 2020, la demande de restitution est soumise à l'ancien droit, en l'absence de dispositions transitoires prévoyant une application rétroactive du nouveau droit. Les dispositions légales seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020.

4.             Le litige porte sur le bien-fondé des décisions du 30 septembre 2019 et de celle du 2 décembre 2019.

5.             Il convient d’examiner en premier lieu si l’intimé pouvait demander la restitution des prestations versées en trop à la recourante et à feu son conjoint du 1er novembre 2012 au 30 septembre 2019.

5.1  

5.1.1 La recourante a fait valoir qu’elle était âgée, qu’elle parlait le français avec grande difficulté et qu’il en allait de même pour feu son époux. Dès leur arrivée en Suisse, ils avaient été dépendants de l’aide d’autrui pour la gestion de leurs affaires administratives. Une curatrice de représentation avait été nommée entre 2005 et 2006, ce qui avait conforté le couple dans la certitude d’être en règle avec la loi. Le couple avait prouvé sa volonté d’agir honnêtement en refusant de faire appel à l’aide sociale, dès son arrivée en Suisse, malgré un niveau de vie en dessous du minimum vital. Cette volonté d’agir en toute honnêteté s’était confirmée lors de la révision périodique de mars 2019, la recourante s’étant dénoncée elle-même et ayant coopéré largement avec l’intimé. On ne pouvait raisonnablement attendre d’elle qu’elle se soit rendu compte d’erreurs faites dans les formulaires qu’elle n’avait pas remplis elle-même et dont elle ne comprenait pas le contenu. Il ne pouvait lui être imputé une intention ou une négligence concernant les faits qui lui étaient reprochés et aucune restitution ne pouvait être exigée d’elle.

5.1.2 L’intimé a constaté que la recourante faisait principalement valoir sa bonne foi pour justifier qu’aucune restitution ne soit exigée. Or, il s’agissait là d’une condition de la remise qui ne pouvait être examinée avant que le fond du litige soit tranché par un arrêt entré en force.

5.2  

5.2.1 S'agissant des prestations complémentaires fédérales, selon l'art. 25 al. 1 phr. 1 LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), les prestations indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers.

L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références; ATF 138 V 426 consid. 5.2.1 et les références). A cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 122 V 19 consid. 3a; ATF 122 V 134 consid. 2c; ATF 122 V 169 V consid. 4a; ATF 121 V 1 consid. 6), de la reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose décidée sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable. Ainsi, par le biais d'une reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit (ATF 147 V 167 consid. 4.2 et la référence). En ce qui concerne plus particulièrement la révision, l'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps n’est pas liée à une violation de l'obligation de renseigner (ATF 122 V 134 consid. 2e). Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 8C_120/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.1).

5.2.2 Au niveau cantonal, l'art. 24 al. 1 phr. 1 LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées.

L'art. 14 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) précise que le SPC doit demander la restitution des prestations indûment touchées au bénéficiaire, à ses héritiers ou aux autres personnes mentionnées à l'art. 2 OPGA appliqué par analogie (al. 1). Il fixe l'étendue de l'obligation de restituer par décision (al. 2).

Selon l’art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile.

L’art. 4 OPGA précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l’intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s’il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2). Les autorités auxquelles les prestations ont été versées en vertu de l’art. 20 LPGA ou des dispositions des lois spéciales ne peuvent invoquer le fait qu’elles seraient mises dans une situation difficile (al. 3). La demande de remise doit être présentée par écrit. Elle doit être motivée, accompagnée des pièces nécessaires et déposée au plus tard 30 jours à compter de l’entrée en force de la décision de restitution (al. 4). La remise fait l’objet d’une décision (al. 5).

Dans la mesure où la demande de remise ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force, la remise et son étendue font l'objet d'une procédure distincte. Intrinsèquement, une remise de l'obligation de restituer n'a de sens que pour la personne tenue à restitution (arrêt du Tribunal fédéral 9C_211/2009 du 26 février 2010 consid. 3.1).

5.3 En l’espèce, l’intimé a appris dans le cadre de la révision périodique du dossier de la recourante effectuée en mars 2019, que celle-ci était propriétaire avec feu son époux de biens immobiliers au Portugal et que tous deux avaient touché des rentes de l’ISS, éléments qui lui étaient inconnus. L’intimé devait tenir compte de ces éléments nouveaux et rétablir l’ordre légal en recalculant leur droit aux prestations. Cette correction ne dépendait pas de l’éventuelle bonne foi de la recourante ni d’une violation de l'obligation de renseigner.

5.4 Cela étant, il convient encore d’examiner si c’est à juste titre que l’intimé a fait remonter sa demande de restitution au 1er novembre 2012.

5.4.1 L’intimé a fait valoir que la recourante et feu son époux ne l’avaient pas informé du fait qu’ils étaient propriétaires de biens immobiliers au Portugal ni du fait qu’ils touchaient une rente de l’ISS et que cette omission fautive était constitutive d’une infraction pénale réprimée par l’art. 31 al. 1 let. d LPC. Compte tenu du fait que la restitution naissait d’un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoyait un délai de prescription plus long, ce délai était déterminant. L’intimé avait repris le calcul de ses prestations complémentaires rétroactivement au 1er février 2015 ainsi que celles du dossier de feu son époux au 1er novembre 2012 en tenant compte des éléments parvenus tardivement à sa connaissance. Il résultait de ces recalculs, un montant en faveur de l’intimé de CHF 118'262.-.

La recourante a fait valoir que, selon la jurisprudence, le juge administratif était lié par une décision pénale portant condamnation ou acquittement. Le Tribunal de police avait constaté l’absence de punissabilité pour la période précédant le 9 avril 2015. Dans ces circonstances, l’intimé ne pouvait se prévaloir du délai de prescription de sept ans prévu par le Code pénal

5.4.2 En vertu de l'art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

Les délais de l’art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 140 V 521 consid. 2.1 et les références).

Le délai de péremption relatif d'une année commence à courir dès le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 122 V 270 consid. 5a). L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 146 V 217 consid. 2.1 et les références; ATF 140 V 521 consid. 2.1 et les références). Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires (ATF 133 V 579 consid. 5.1 non publié). À titre d'exemple, le Tribunal fédéral a considéré dans le cas de la modification des bases de calcul d'une rente par une caisse de compensation à la suite d'un divorce qu'un délai d'un mois pour rassembler les comptes individuels de l'épouse était largement suffisant (SVR 2004 IV N°41, consid. 4.3). A défaut de mise en œuvre des investigations, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où l’administration aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle. Dans tous les cas, le délai de péremption commence à courir immédiatement s'il s'avère que les prestations en question étaient clairement indues (ATF 139 V 106 consid. 4 non publié et les références; ATF 133 V 579 consid. 5.1. non publié).

Contrairement à la prescription, la péremption prévue à l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut être ni suspendue ni interrompue et lorsque s’accomplit l’acte conservatoire que prescrit la loi, comme la prise d’une décision, le délai se trouve sauvegardé une fois pour toutes (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 271/04 du 21 mars 2006 consid. 2.5).

En vertu de l'art. 25 al. 2 LPGA, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant.

Lorsqu'il statue sur la créance de l'intimé en restitution de prestations indûment versées, le juge peut examiner, à titre préjudiciel, si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies et, partant, si un délai de prescription plus long que les délais relatifs et absolus prévus par l'art. 25 al. 2 LPGA est applicable. Dans un tel cas, les exigences constitutionnelles en matière d'appréciation des preuves en procédure pénale s'appliquent (ATF 138 V 74 consid. 7; arrêt du Tribunal fédéral 8C_592/2007 du 10 août 2008 consid. 5.3).

Pour que le délai de prescription plus long prévu par le droit pénal s'applique, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction ait été condamné (ATF 140 IV 206 consid. 6.2 et les références).

En matière de prestations complémentaires, ce sont principalement les art. 31 LPC (art. 16 aLPC), 146 et 148a du Code pénal du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) qui entrent en considération lorsqu’il y a lieu de déterminer si le délai pénal doit trouver application.

L'art. 31 LPC - également applicable en matière de prestations complémentaires cantonales conformément à l’art. 1A LPCC - est subsidiaire aux crimes et délits de droit commun (arrêt du Tribunal fédéral 6S.288/2000 du 28 septembre 2000 consid. 2).

Il prévoit qu’est puni, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée par le code pénal, d'une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amende, celui qui manque à son obligation de communiquer au sens de l'art. 31 al. 1 LPGA et prévoit une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amendes en cas de violation du devoir d’informer.

L’art. 31 LPC suppose un agissement intentionnel de l'auteur. Il convient donc d'examiner s'il a agi avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où elle se produirait (art. 12 al. 1 et 2 CP applicable par renvoi de l'art. 333 al. 1 CP). L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction (Michel VALTERIO, op. cit., n. 3 ad art. 31).

L’infraction prévue à l’art. 31 LPC peut aussi être commise par un comportement passif, contraire à une obligation d'agir (art. 11 al. 1 CP). Tel est le cas, lorsque l'auteur n'empêche pas la lésion du bien juridique protégé, bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu de la loi ou d'un contrat (cf. art. 11 al. 2 let. a et b CP ; ATF 136 IV 188 consid. 6.2 p. 192).

Selon l’art. 148a CP, en vigueur dès le 1er octobre 2016, quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d’une assurance sociale ou de l’aide sociale, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). Dans les cas de peu de gravité, la peine est l’amende (al. 2).

Selon l'art. 97 al. 1 CP, l'action pénale se prescrit par 30 ans si l'infraction était passible d'une peine privative de liberté à vie, par 15 ans si elle était passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans, et de sept ans si elle était passible d'une autre peine. Le délai de prescription de l'action pénale pour une infraction telle que celle décrite aux art. 31 LPC et 148a CP est donc de sept ans.

En renvoyant dans l'art. 25 al. 2 LPGA au délai de prescription plus long prévu par le droit pénal, le législateur avait pour but d'éviter la péremption d'une créance en restitution de prestations indûment versées en raison d'un acte punissable, aussi longtemps que l'auteur de l'infraction reste exposé à une poursuite pénale. Il est conforme à cet objectif d'appliquer également, dans ce contexte, les règles de droit transitoire prévues par le droit pénal (ATF 132 III 661 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 8C_592/2007 du 20 août 2008 consid. 5.4.3 et les références).

Il est également conforme à cet objectif que le point de départ du délai, au sens de l'art. 25 al. 2 phr. 2 LPGA, se détermine selon les critères établis à l'art. 98 CP (cf. ATF 138 V 74 consid. 5.2 p. 79; 126 III 382 consid. 4a/bb p. 383; arrêt 8C_592/2007 du 20 août 2008, consid. 5.4.3). Ainsi, le délai commence à courir dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a); dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b); dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (let. c). En cas de délit d'omission, le début de la prescription coïncide avec le moment où l'auteur aurait dû agir (voir FRANZ WERRO, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2 e éd. 2012, n° 35 ad art. 60 CO).  

Lorsque le délai de prescription de plus longue durée prévu par le droit pénal s’applique, le point de savoir si l’administration a agi dans le délai relatif d’une année peut rester ouvert (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_400/2016 du 2 novembre 2016 consid. 4.1 et 5.2).

Dans l’arrêt 8C_213/2016 du 4 novembre 2016, le Tribunal fédéral a jugé que Pour que le délai de plus longue durée prévu par le droit pénal s'applique, on doit être en présence d'un acte punissable. Le juge administratif est lié par une décision pénale portant condamnation ou acquittement. S'il y a eu condamnation, l'existence d'un acte punissable est acquise sans réserve. Un acquittement ne lie en revanche le juge administratif que dans le cas où l'autorité répressive a dénié le caractère pénal d'une affaire. En l'absence d'un jugement pénal, comme c'est le cas en l'espèce, il appartient au juge administratif d'examiner à titre préjudiciel si les circonstances correspondant à une infraction pénale étaient réunies et, partant, si un délai de prescription plus long que ceux prévus à l'art. 25 al. 2, 1ère phrase, LPGA était applicable en l'espèce (cf. ATF 138 V 74 consid. 6.1 p. 80; 118 V 193 consid. 4a p. 197, 113 V 256 consid. 4a p. 258; voir également ATF 122 III 225 consid. 4 p. 226). Un acte punissable au sens de l'art. 25 al. 2, 2ème phrase LPGA, suppose la réunion des éléments tant objectifs que subjectifs de l'infraction.  

Dans un arrêt 9C_171/2014 du 17 septembre 2014 (consid. 6.5.), rendu en matière de prestations complémentaires, le Tribunal fédéral a jugé que, compte tenu des informations demandées dans le formulaire de demande de prestations, lesquelles concernaient aussi bien sa situation personnelle que celles de son épouse ou de ses enfants, l'assuré ne pouvait ignorer l'importance que revêtait la communication de toute information d'ordre économique le concernant lui ou un membre de sa famille. Dans ces conditions, force était d'admettre qu'il était conscient qu'il retenait des informations qu'il avait l'obligation de transmettre à l’administration, commettant ainsi un acte par dol éventuel. Le Tribunal fédéral a ainsi constaté que l'assuré réalisait les conditions objectives et subjectives de l'infraction réprimée à l'art. 31 al. 1 let. d LPC et que le délai de péremption de plus longue durée prévu par le droit pénal, soit en l'occurrence sept ans (art. 97 CP), était par conséquent applicable.

5.4.3 En l'occurrence, il n’est pas contesté que la recourante n’a pas informé l’intimé du fait qu’elle et son époux étaient propriétaires de biens immobiliers au Portugal et qu’ils touchaient une rente de l’ISS, alors qu’elle ne pouvait ignorer son obligation de le faire, au vu des avertissements reçus de l’intimé au moment du traitement de la demande de prestations et à l’occasion des communications annuelles de fin d’année.

Au vu de ce qui précède, on doit conclure que les éléments objectifs et subjectifs de l'art. 31 al. 1 let. d LPC sont réalisés.

Au moment de ses décisions de restitution du 30 septembre 2019, l’intimé n’était pas tenu par les décisions pénales qui sont intervenues par la suite. Il pouvait faire rétroagir sa prétention en restitution sur sept ans, dès lors que sa créance était née d’une infraction à l’art. 31 al. 1 let d LPC, pour lequel le droit pénal prévoit un tel délai de prescription, en application de l’art. 25 al. 2 LPGA.

Contrairement à la prescription applicable dans le cadre du droit pénal, le délai de péremption prévu à l’art. 25 al. 2 LPGA se trouve sauvegardé une fois pour toute au moment de la décision de restitution (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 271/04 du 21 mars 2006 consid. 2.5). La situation était donc différente, sur le plan pénal, de sorte que le fait que le Ministère public, puis le Tribunal de police aient classé partiellement la procédure, en raison de la prescription pénale, ne remet pas en cause le bien-fondé de la décision de l’intimé. Il faut enfin relever que cette dernière n’est pas contraire aux décisions pénales, dans la mesure où le Ministère public a retenu dans son ordonnance de classement que la recourante avait commis une infraction à l’art. 31 al. 1 let. d LPC, en violant son obligation de renseigner, mais qu’il y avait un empêchement de procéder, car la période pénale courant du 1er novembre 2012 au 28 février 2014 était prescrite. Quant au Tribunal de police, il a classé la procédure s’agissant des faits commis entre le 1er mars 2014 et le 8 avril 2015, sans doute en raison de la prescription - ce qu’il n’est toutefois pas possible d’établir faute de jugement motivé - et il a déclaré la recourante coupable d’infraction à l’art. 148a al. 1 CP pour la période courant du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2019 et à l’art. 31 al. 1 let. a et d LPC pour la période courant du 9 avril 2015 au 30 septembre 2016.

La question de savoir si les faits reprochés à la recourante sont constitutifs d’infraction à l’art. 31 al. 1 let. a et d LPC ou à l’art. 148a al. 1 CP peut rester ouverte, puisque dans les deux cas, le délai de prescription pénale est de sept ans.

5.5 En conclusion, les décisions de restitution du 30 septembre 2019, confirmées par la décision sur opposition du 11 mars 2020, étaient bien fondées.

6.              

6.1  

6.1.1 La recourante a fait valoir qu’elle n’avait hérité que d’un quart de l’héritage de feu son mari, décédé le 15 janvier 2015 et que sa situation patrimoniale avait ainsi été constatée de manière inexacte, puisqu’elle avait été considérée comme propriétaire de l’entier des biens immobiliers qui appartenaient au couple. L’intimé avait ainsi établi les faits de manière incorrecte. Elle n’était propriétaire que de 5/8ème (1/2 auquel s’ajoutait le 1/4 de 1/2 dont elle héritait) de la valeur vénale des biens immobiliers sis au Portugal, correspondant à CHF 73'651.50 (5/8 de EUR 98'006.- = EUR 61'253.75 au taux de 1,2024 pour 2015).

6.1.2 L’intimé a fait valoir qu’il avait retenu 75%, soit trois quarts de la valeur vénale des biens immobiliers sis au Portugal dès le 1er janvier 2015, si bien qu’on ne pouvait lui reprocher d’avoir fait fi du fait que la recourante avait hérité, suite au décès de son époux en 2015, un quart des biens immobiliers sis au Portugal dont elle était propriétaire pour moitié du vivant de ce dernier.

6.2 En l’espèce, il est établi par pièce que la recourante était propriétaire de la moitié des biens immobiliers du couple situés au Portugal et qu’elle a hérité d’un quart de la succession de feu son époux. Il en résulte qu’au décès de celui-ci, elle était propriétaire des 5/8ème de ces biens et non de 75%, ce qui aurait été le cas si elle avait hérité de la moitié de la succession de son époux. Le montant retenu par l’intimé à titre de fortune pour la recourante suite au décès de son époux est donc erroné.

La décision sur opposition devra être annulée en conséquence et la cause renvoyée à l’intimé pour nouveaux calculs du montant à restituer pour la période courant du 1er février 2015 au 30 septembre 2019 (seconde décision du 30 septembre 2019) et des prestations dès le 1er octobre 2019 (décision du 2 décembre 2019).

7.              

7.1  

7.1.1 Selon l’intimé, si la recourante avait fait don de sa part d’héritage à ses descendants, la valeur des biens cédés devait être prise en compte dans le calcul de ses prestations en tant que bien dessaisi, en vertu de l’art. 11 al. 1 let. g LPC. Il a confirmé en conséquence les montants retenus concernant les biens immobiliers sis au Portugal.

7.1.2 La recourante a fait valoir qu’elle avait cédé le 18 septembre 2015 à ses enfants la part d’héritage de son époux qui lui revenait. Dès cette année, le montant de sa fortune immobilière devait en conséquence être ramené à CHF 58'921.20 (1/2 EUR 98'006.- au taux de 1.2024), la différence, soit l’héritage de 1/8 cédé à ses enfants, d’un montant de CHF 14'730.30 pour l’année 2015 étant à retrancher parmi les biens dessaisis. Conformément à l’art. 17a de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), le montant devait être réduit de CHF 10'000.- dès la deuxième année suivant le dessaisissement.

Partant, les montants retenus dans la décision sur opposition du 11 mars 2020 étaient manifestement erronés. L’intimé, qui disposait de l’ensemble des éléments topiques à sa disposition avait violé la maxime inquisitoire qui l’obligeait. Les montants retenus à titre rétroactif et pour l’avenir devaient être modifiés et le montant réclamé à la recourante au titre de restitution revu à la baisse.

7.2 En vertu de l'art. 17 al. 5 OPC-AVS/AI, édicté sur la base de la délégation de compétence prévue à l'art. 3a al. 7 let. b aLPC, en cas de dessaisissement d'un immeuble, à titre onéreux ou gratuit, est déterminante la valeur vénale pour savoir s'il y a renonciation à des parts de fortune au sens de l'art. 3c al. 1 let. g LPC; la valeur vénale n'est pas applicable si, légalement, il existe un droit d'acquérir l'immeuble à une valeur inférieure. En lieu et place de la valeur vénale, les cantons peuvent appliquer uniformément la valeur de répartition déterminante pour les répartitions intercantonales (art. 17 al. 6 OPC/AVS-AI). Selon la jurisprudence, lorsque le canton a fait usage de cette faculté, on ne peut en principe s'en écarter que si cette estimation se révèle abusive ou aboutit à un résultat choquant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_591/2008 du 31 juillet 2009 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 55/01 du 8 avril 2002 consid. 3 et les références).

En cas de dessaisissement d'une part de fortune, le calcul de la prestation complémentaire doit se faire comme si l'ayant droit avait obtenu une contre-prestation équivalente pour le bien cédé. Le revenu déterminant est donc augmenté, d'abord, d'une fraction de la valeur de ce bien conformément à l'art. 11 al. 1 let. c LPC. Il est augmenté, ensuite, du revenu que la contre-prestation aurait procuré à l'ayant droit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2008 du 27 janvier 2009 consid. 4.2.2). En règle générale, la jurisprudence se réfère, pour fixer ce revenu, au taux d'intérêt moyen sur les dépôts d'épargne servi par l'ensemble des banques au cours de l'année précédant celle de l'octroi de la prestation complémentaire (ATF 123 V 35 consid. 2a). On présume ainsi que l'ayant droit, à supposer qu'il ne se soit pas dessaisi de sa fortune, en aurait mis une partie à contribution pour subvenir à ses besoins; l'amortissement prévu par l'art. 17a OPC-AVS/AI n'est cependant admis que sous la forme d'un forfait indépendant du montant exact de la fortune dessaisie ou de celle dont dispose encore l'ayant droit (cf. ATF 118 V 150 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2008 du 27 janvier 2009 consid. 4.2.2.).

7.3 En l’espèce, le dessaisissement de la recourante porte sur la part des biens immobiliers héritée de son époux. Il ne s’agit pas d’un dessaisissement d'une part de fortune, selon la jurisprudence précitée, dont on peut présumer que la recourante, si elle ne s’en était pas dessaisie, aurait mis une partie à contribution pour subvenir à ses besoins. Dans ce cas de figure, l’intimé n’avait pas à procéder à l'amortissement prévu par l'art. 17a OPC-AVS/AI.

8.              

8.1  

8.1.1 Le 24 mai 2022, l’intimé a indiqué concernant une éventuelle reformatio in pejus de la décision litigieuse sur la base des conclusions du rapport d’entraide interdépartementale rendu le 8 novembre 2019 par l’OCPM, que force était de constater que la durée exacte des absences de Genève de la recourante et leur fréquence n’avaient pas été établies dans le cadre de la procédure pénale. Le SPC s’en est rapporté à l’appréciation de la chambre de céans.

8.1.2 La recourante a demandé à être avertie en cas de reformatio in pejus afin de pouvoir retirer son recours.

S’agissant du rapport d’enquête, elle a indiqué que ses séjours au Portugal coïncidaient avec les démarches liées à la vente de sa maison et qu’elle avait été tenue de produire de nombreux documents qu’elle ne pouvait se procurer à distance.

8.2 Selon l’art. 4 al. 1 let. c LPC, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu'elles ont droit à une rente ou à une allocation pour impotent de l'assurance-invalidité ou perçoivent des indemnités journalières de l'assurance-invalidité sans interruption pendant six mois au moins.

Selon l’art. 13 LPGA, le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), et une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée.

Cette disposition s’applique en matière de prestations complémentaires fédérales, du fait du renvoi qu’opère la LPC à la LPGA de façon générale comme sur cette question spécifique (art. 1 et 4 al. 1 LPC), mais aussi en matière de prestations complémentaires cantonales, en raison du silence de la LPCC sur le sujet, appelant l’application de la LPGA (art. 1A al. 1 LPCC), ainsi que de motifs de sécurité juridique et d’harmonisation des pratiques administratives (ATAS/1235/2013 du 12 décembre 2013 consid. 5). Les notions de domicile et de résidence habituelle doivent donc être interprétées de la même manière pour les deux prestations considérées.

Le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 CC). Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances (ATF 136 II 405 consid. 4.3 p. 409 ss et les arrêts cités). Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, constituent des indices, qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 125 III 100 consid. 3 p. 101 ss. ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 16 ad art. 4 ; Ueli KIESER, ATSG Kommentar, 3ème éd., 2015, n° 15 s. ad art. 13 LPGA).

Lorsqu'une personne séjourne en deux endroits différents, il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l'endroit, lieu ou pays, où se focalise un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existant avec d'autres endroits ou pays (ATF 125 III 100 consid. 3 p. 101). Selon les DPC en vigueur dès le 1er avril 2011, lorsqu’une personne – également lors d’une période à cheval entre deux années civiles – séjourne à l’étranger plus de trois mois (92 jours) d’une traite sans raison majeure ou impérative, le versement de la prestation complémentaire est suspendue dès le mois suivant. Il reprend dès le mois au cours duquel l’intéressé revient en Suisse (DPC n° 2330.01).

8.3 En l’espèce, il ne ressort pas des conclusions de l’enquête que la recourante n’aurait plus de domicile en Suisse. Le fait qu’elle partait chaque année au Portugal où elle possédait une maison pour une durée de trois à quatre mois ne suffit pas à établir qu’elle se serait constitué un nouveau domicile au Portugal, ce qu’elle conteste. Il n’y a donc pas lieu de nier son droit aux prestations complémentaires au motif qu’elle n’aurait pas été domiciliée à Genève pendant la période en cause.

9.              

9.1 En conclusion, le recours est partiellement admis, la décision sur opposition du 11 mars 2020 sera annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour nouveau calcul du montant à restituer en tenant compte du fait que la recourante n’a touché qu’un quart de la succession de feu son époux et non la moitié.

L’intimé devra également reprendre le calcul du droit aux prestations complémentaires de la recourante dès le 1er janvier 2020 (décision du 2 décembre 2019).

9.2 La recourante obtenant partiellement gain de cause et étant assistée d’un conseil, elle a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).

9.3 La procédure est gratuite.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 11 mars 2020.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Alloue à la recourante, à la charge de l’intimé, une indemnité de dépens de CHF 2'000.-.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le