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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2276/2021

ATAS/701/2022 du 11.08.2022 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2276/2021 ATAS/701/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 août 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, à BERNEX

 

recourant

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, Service juridique, rue des Gares 12, case postale 2595, 1211 Genève 2

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré) est affilié auprès de la CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION (ci-après : la caisse) en qualité d’indépendant exerçant l’activité de conseil juridique depuis le 1er janvier 2015.

b. Le 15 décembre 2017 et le 3 avril 2018, l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC) a transmis à la caisse les communications fiscales concernant l'intéressé relatives aux années 2015 et 2016, années durant lesquelles l'assuré avait été taxé d’office sur la base d’un revenu de l’activité économique de CHF 100'000.- pour chaque année.

c. Par décision du 25 septembre 2020, la caisse a procédé à la fixation définitive des cotisations personnelles dues par l’assuré pour 2015 et 2016.

d. Le 14 septembre 2020, l’intéressé a formé opposition à l’encontre de cette décision en arguant que le revenu pris en compte par l’AFC était erroné et avait été contesté.

e. Par courrier du 25 septembre 2020, la caisse lui a expliqué qu’elle était liée par les données de l’AFC, y compris lorsque celle-ci avait procédé à une taxation d’office. En cas de désaccord avec les revenus retenus, il lui appartenait dès lors de contester les décisions de l'AFC.

B. a. Par décision du 17 mars 2021, la caisse a procédé à la fixation définitive des cotisations personnelles dues pour les années 2018 et 2019. Concernant cette dernière, les cotisations étaient à nouveau calculées sur la base d’une taxation d’office de l’AFC prenant en compte des revenus de l’activité indépendante à hauteur de CHF 105'000.-.

b. Le 20 avril 2020, l’assuré s’est opposé à la décision de cotisation relative à 2019, toujours au motif que les revenus retenus par l’AFC étaient erronés.

c. Par courriels des 19 et 21 avril 2021, l’AFC a confirmé à la caisse que les taxations d’office de l’assuré relatives à 2015, 2016 et 2019 étaient entrées en force.

C. a. Par décision du 3 juin 2021, la caisse a rejeté les deux oppositions de l’assuré et confirmé les termes de ses décisions de cotisations relatives aux années 2015, 2016 et 2019.

Elle a rappelé être liée par les décisions de taxations fiscales entrées en force, sous réserve d’erreurs manifestes et dûment prouvées pouvant être rectifiées d’emblée.

Elle a constaté que, dans le cas présent, l’assuré s’était contenté d’indiquer que les chiffres retenus par l’AFC, faisant l’objet de taxations entrées en force, étaient erronés, sans même expliquer en quoi consisterait l'erreur manifeste. Les conditions d’une rectification n’étaient dès lors pas réunies.

D. a. Le 5 juillet 2021, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant à l'annulation de cette décision et au renvoi de la cause à l’intimée pour « examen de la réalité de la situation des revenus de 2015 à 2019 », subsidiairement, à ce que la Cour fixe elle-même les cotisations dues.

Il argue que le revenu annuel retenu sur la base d’une taxation d’office est par définition arbitraire et ne correspond pas à la réalité de sa situation, laquelle ne peut être établie que sur la base des revenus aboutissant sur le seul compte de l’Etude, dont il s'est dit disposé à produire un extrait.

b. L’intimée a répliqué le 5 août 2021, persistant dans les termes de sa décision.

c. Le 11 novembre 2021, le recourant a produit le relevé d’un compte à son nom auprès de la Banque cantonale de Genève pour la période du 15 juin 2015 au 31 décembre 2019.

d. Invitée à se déterminer sur cette nouvelle pièce, l’intimée a indiqué, par courrier du 23 décembre 2021, qu’elle ne modifiait en rien sa position.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans les formes et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé des décisions de cotisations rendues par l’intimée pour les années 2015, 2016 et 2019.

4.             Selon l’art. 3 al. 1 LAVS, les assurés sont tenus de payer des cotisations tant qu’ils exercent une activité lucrative.

Les personnes sans activité lucrative sont tenues de payer des cotisations à compter du 1er janvier de l’année qui suit la date à laquelle elles ont eu 20 ans; cette obligation cesse à la fin du mois où les femmes atteignent l’âge de 64 ans, les hommes l’âge de 65 ans.

Une cotisation de 8.1 % est perçue sur le revenu provenant d’une activité indépendante (art. 8 al. 1 LAVS).

4.1 Selon l'art 17 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 31 octobre 1947 (RAVS ; RS 831.101), est réputé revenu provenant d’une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 9 al. 1 LAVS, tout revenu acquis dans une situation indépendante provenant de l’exploitation d’une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l’exercice d’une profession libérale ou de toute autre activité, y compris les bénéfices en capital et les bénéfices réalisés lors du transfert d’éléments de fortune au sens de l’art. 18 al. 2 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, du 14 décembre 1990 (LIFD ; RS 642.11), et les bénéfices provenant de l’aliénation d’immeubles agricoles ou sylvicoles conformément à l’art. 18 al. 4 LIFD, à l’exception des revenus provenant de participations déclarées comme fortune commerciale selon l’art. 18 al. 2 LIFD.

L'art 22 RAVS précise que l’année de cotisation correspond à l’année civile et que les cotisations se calculent sur la base du revenu découlant du résultat de l’exercice commercial clos au cours de l’année de cotisation et du capital propre investi dans l’entreprise à la fin de l’exercice commercial.

4.2 En vertu de l'art. 23 RAVS, les autorités fiscales cantonales se fondent sur la taxation passée en force de l'impôt fédéral direct pour établir le revenu déterminant le calcul des cotisations (al. 1). Les caisses de compensation sont liées par les données des autorités fiscales cantonales (al. 4). Elles le sont en principe également par les communications fiscales fondées sur des taxations d’office passées en force, bien que celles-ci soient moins précises que des taxations établies selon la procédure ordinaire, c’est-à-dire par rapport à des données concrètes (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 17/00 du 5 décembre 2000 consid. 2 ; RCC 1988 p. 321 et les références ; ATAS/775/2014 du 25 juin 2014 consid. 6)

4.3 D'après la jurisprudence, toute taxation fiscale est présumée conforme à la réalité; cette présomption ne peut être infirmée que par des faits. Dès lors que les caisses de compensation sont liées par les données fiscales et que le juge des assurances sociales examine, en principe, uniquement la décision de la caisse quant à sa légalité, le juge ne saurait s'écarter des décisions de taxations entrées en force que si celles-ci contiennent des erreurs manifestes et dûment prouvées, qu'il est possible de rectifier d'emblée, ou s'il s'impose de tenir compte d'éléments de fait sans pertinence en matière fiscale mais déterminants sur le plan des assurances sociales. A cet égard, de simples doutes sur l'exactitude d'une taxation fiscale ne suffisent pas. La détermination du revenu est, en effet, une tâche qui incombe aux autorités fiscales, et il n'appartient pas au juge des assurances sociales de procéder lui-même à une taxation. L'assuré doit donc faire valoir ses droits en matière de taxation - avec les effets que celle-ci peut avoir sur le calcul des cotisations AVS - en premier lieu dans la procédure judiciaire fiscale (ATF np H 87/06du 21 mars 2007; ATF 110 V 86110 V 86 consid. 4 et 370 s.; 106 V 130106 V 130 consid. 1; 102 V 30102 V 30 consid. 3a; VSI 1997 p. 26 consid. 2b et la référence).

4.4 Selon les directives de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) sur les cotisations des travailleurs indépendants (DIN ; état au 1er janvier 2011), la communication fiscale est également contraignante lorsque la taxation entrée en force aurait probablement été corrigée si elle avait été attaquée à temps par les voies de recours du droit fiscal (no 1233). Les principes relatifs à la force contraignante des taxations fiscales sont également valables pour les taxations fiscales d’office (no 1235). Les caisses de compensation ne sont pas liées par les communications indiquant des éléments de revenu, qui en vertu de la LAVS, ne font pas partie du revenu provenant d'une activité indépendante. Si la communication fiscale est manifestement erronée, la caisse de compensation prend contact avec l'autorité fiscale compétente. Si celle-ci ne procède à aucune rectification, la caisse n'est pas habilitée à s'écarter de la communication fiscale (no 1236 et 1237).

4.5 Le juge n’est pas lié par la communication fiscale, mais il ne s’en écarte toutefois que si la taxation fiscale passée en force contient des erreurs manifestes et qui peuvent être corrigées d’emblée ou lorsqu’il s’agit d’apprécier des faits sans importance du point de vue fiscal mais décisifs en matière du droit des assurances sociales (no 1239).

5.             Le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs reprises, concernant la détermination du revenu et du capital propre engagé dans une entreprise au regard des taxations fiscales passées en force selon l’art. 23 RAVS, que les données fiscales lient les caisses de compensation, mais que le caractère obligatoire des données fiscales que prévoit l’art. 23 al. 4 RAVS ne concerne que la fixation desdits revenu et cu capital propre et n’englobe pas la question de savoir si et dans quelle mesure ceux-ci sont soumis à cotisation, question qu’il incombe aux caisses de compensation d’examiner au regard du droit de l’AVS sans être liées par les communications fiscales, étant toutefois précisé qu’elles doivent en général se fier à ces dernières et ne procéder à leurs propres investigations que lorsqu’il y a des doutes sérieux quant à l’exactitude des données dont l’autorité fiscale fait état (arrêt du Tribunal fédéral 9C_162/2014 du 31 juillet 2014 consid. 3.1 ; ATF 134 V 250 consid. 3.3 ; 121 V 80 consid. 2c ; 114 V 72 consid. 2 ; 111 V 289 consid. 3 ; 102 V 27 consid. 3b). De plus, sur les questions liant en principe les caisses de compensation, ces dernières doivent néanmoins s’écarter des données résultant de la taxation fiscale lorsque celles-ci contiennent des erreurs manifestes susceptibles d’être corrigées aisément ou lorsqu’il s’agit d’apprécier des faits non pertinents d’un point de vue fiscal mais décisifs au regard du droit des assurances sociales (ATF 111 V 289 consid. 3 ; 110 V 369 consid. 2a ; 102 V 27 consid. 3a ; ATAS/903/2015 du 24 novembre 2015 consid. 8b).

6.             La loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA) s’applique à la prise de décision par la Cour de céans (art. 1er cum 6 al. 1er let. b LPA). Selon l’art. 22 LPA, les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu’elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas prévus par la loi. Cette réglementation cantonale est conforme aux exigences posées à l’art. 61 LPGA (ATFA non publié du 21 juillet 2005, I 453/04, consid. 2.2.3).

Dans le domaine des assurances sociales, la procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par le juge. Mais ce principe n’est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire (art. 61 let. c LPGA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l’administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2, 128 III 411 consid. 3.2).

Autrement dit, si la maxime inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, elle ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3), sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à son adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3). Au demeurant, il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322, consid. 5a).

En présence d’un refus de collaborer, le juge est fondé à procéder à une appréciation des preuves sur la base des éléments du dossier (KIESER, ATSG-Kommentar, Zürich 2003, n. 59 ad art. 61). Il ne peut toutefois se contenter d’examiner la décision attaquée sous l’angle du refus de collaborer de l’intéressé et s’abstenir de tout examen matériel de ladite décision sous l’angle des faits retenus par l’assureur (ATFA non publié du 6 mai 2004, I 90/04, consid. 4 ; voir aussi RCC 1985 p. 322).

7.             En l'espèce, il est établi que les cotisations pour les années 2015, 2016 et 2019 ont été fixées sur la base du revenu net pris en compte par la taxation fiscale d'office relative à ces années. Cette taxation d'office est définitive, les réclamations formées par l'intéressé ayant été rejetées par l'AFC.

Conformément à la jurisprudence, les autorités et le juge sont liés par le revenu ressortant d'une taxation fiscale, même d'office, et ils ne s'en écartent que si dite taxation contient des erreurs manifestes du point de vue du droit des assurances sociales. À cet égard, il sied de souligner que le recourant s’est pour l’essentiel contenté, depuis le début de la procédure, tant non contentieuse que contentieuse, d’indiquer que les taxations d’office, de manière générale et par définition, sont arbitraires et ne correspondent pas à la réalité. À aucun moment il n’a fait état du revenu sur lequel il estime devoir être taxé, ni n’a produit le moindre document comptable permettant de l’établir (pas même un compte de pertes et profits). Il s'est contenté de produire, très tardivement (soit au stade de la duplique), l’extrait d’un compte bancaire à son nom auprès de la BCGE pour la période de 2015 à 2020, sans la moindre explication, si ce n'est qu’il s’agirait du seul compte relatif à son activité d’indépendant et que les revenus qui y figurent sont inférieurs à ceux retenus par l’AFC.

La Cour de céans aurait éventuellement pu s'écarter des taxations fiscales d’office si le recourant, avocat de surcroît, avait collaboré à l'instruction de la cause et démontré par pièces que le revenu de l'activité indépendante pris en compte pour la fixation des cotisations était manifestement erroné. A défaut de preuve, et même de l’allégation par le recourant du montant du revenu d'indépendant, il ne saurait être tenu pour établi que le revenu retenu par l’AFC comporte des erreurs manifestes susceptibles d’être corrigées aisément.

C’est ainsi à juste titre que l’intimée a fixé les cotisations définitives de l’assuré pour les années 2015, 2016 et 2019 sur la base des montants retenus par l’AFC dans ses avis de taxations.

8.             Au vu de ce qui précède, le recours ne peut qu'être rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le