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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3253/2021

ATAS/654/2022 du 12.07.2022 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3253/2021 ATAS/654/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 juillet 2022

15ème Chambre

 

En la cause

A______, sise à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Romain JORDAN

 

 

recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, Service juridique, rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. L'association A______ (ci-après : l'association) est un ensemble de musiciens baroques, comptant cinq employés administratifs fixes, ainsi qu'un nombre variable de musiciens engagés par contrats de durée déterminée, en fonction des projets de concerts et enregistrements programmés.

B. a. Le 17 avril 2020, l'association a annoncé à l'office cantonal de l'emploi (ci-après : l'OCE), par un formulaire de préavis, son intention d'introduire la réduction de l'horaire de travail (ci-après : RHT) de 37 collaborateurs (sur 37 au total), du 1er mai au 30 septembre 2020, pour un taux de 100% pour le secteur « chanteurs et instrumentistes », en raison des annulations de concerts liées à la pandémie de Coronavirus.

b. Par décision du 24 avril 2020, l'OCE n'a pas fait opposition au paiement de l'indemnité en cas de RHT du 1er mai au 31 octobre 2020 pour « toute l'entreprise ».

c. Dans un deuxième préavis du 4 novembre 2020, l'association a annoncé à l'OCE son intention d'introduire la RHT de 5 collaborateurs (sur 5 au total), du 1er novembre au 29 novembre 2020, pour un taux de 100% pour le secteur « administration/production », en raison de la fermeture des salles de concert.

d. Par décision du 13 novembre 2020, l'OCE a accepté cette demande de RHT pour la période du 4 novembre 2020 au 3 février 2021 pour « toute l'entreprise ».

e. Dans un troisième préavis du 18 janvier 2021, l'association a annoncé à l'OCE son intention de continuer la RHT de 5 collaborateurs (sur 5 au total), du 4 au 28 février 2021, pour un taux de 100% pour « toute l'entreprise », en raison toujours de la fermeture des salles de concert.

f. Par décision du 19 janvier 2021, l'OCE a accepté cette demande de RHT pour la période du 4 février au 3 mai 2021.

g. Par courriel du 29 avril 2021, l'association a transmis à l'OCE un formulaire de demande de modification de l'autorisation de RHT, pour l'ensemble de l'entreprise, sollicitant la prolongation de la durée de validité de l'autorisation (du 19 janvier 2021) à la durée maximale, ainsi que la suppression du délai de préavis. Dans son courriel d'accompagnement, elle a souligné que comme elle engageait des musiciens par contrat de durée déterminée pour chacun de ses projets de concerts, les effectifs de l'entreprise étaient variables selon les mois.

h. Par décision du même jour, l'OCE a accepté cette demande de modification, spécifiant qu'elle portait sur la prolongation de la durée de validité de l'autorisation à la durée maximale et la suppression du délai de préavis. Elle a également mentionné que cette décision annulait et remplaçait sa décision du 19 janvier 2021.

i. Par courriel du 7 juin 2021, l'association a expliqué à l'OCE qu'elle avait transmis à la caisse de chômage son décompte du mois de mai 2021 – lequel comprenait 30 collaborateurs, dont 21 concernés par la RHT suite à l'annulation d'un concert – mais que la caisse lui avait répondu que ce décompte ne coïncidait pas avec l'autorisation de RHT, qui portait uniquement sur 5 personnes, et qu'il fallait qu'elle rectifie cette situation. Elle sollicitait donc de l'OCE que le nombre de ses collaborateurs concernés par la RHT soit rectifié pour que toutes les indemnités pour le mois de mai 2021 lui soient versées. Dans la mesure où le formulaire de demande de modification des RHT ne permettait pas de renseigner sur ce point, elle lui avait expressément indiqué dans son courriel du 29 avril 2021 que les effectifs de l'entreprise étaient variables.

j. Le même jour, l'OCE a indiqué à l'association que les demandes de modification ne pouvaient porter que sur le début de la RHT et sur la durée, mais pas sur le nombre de collaborateurs concernés. Il l'invitait donc à déposer un nouveau préavis, en se référant à la demande de modification déposée, et l'informait qu'il étudierait son dossier.

k. L'association lui a alors immédiatement transmis un formulaire de préavis, daté du 7 juin 2021, annonçant la RHT de 21 collaborateurs (sur 30 au total), du 1er mai au 3 août 2021, pour un taux de 100% pour « toute l'entreprise », en raison des annulations de concerts. Elle a rappelé que l'effectif de l'entreprise était variable.

C. a. Par décision du 8 juin 2021, l'OCE a accepté la nouvelle demande de RHT de l'association pour ses 21 collaborateurs concernés, du 3 juin au 2 décembre 2021.

b. Le 2 juillet 2021, l'association a contesté cette décision, réclamant le paiement des indemnités pour RHT pour 30 de ses collaborateurs (musiciens) à compter du 29 avril 2021, date de sa demande de modification d'autorisation, et non dès le 3 juin 2021.

c. Par décision du 19 août 2021, l'OCE a rejeté cette opposition et confirmé sa décision du 8 juin 2021. La date de remise du décompte à la caisse de chômage valait date de remise du préavis, raison pour laquelle elle autorisait la demande d'indemnité RHT pour 21 collaborateurs dès le 3 juin 2021. Elle ne pouvait cependant pas autoriser la demande d'indemnités RHT pour 21 collaborateurs dès le 29 avril 2021, car, d'une part, la demande de modification du 29 avril 2021 concernait exclusivement la suppression du délai de préavis et la prolongation de la durée de validité de sa décision du 19 janvier 2021 et non pas l'augmentation du nombre de collaborateurs concernés par le RHT et, d'autre part, l'OCE ne pouvait connaître le nombre de collaborateurs concernés par la RHT, élément essentiel pour pouvoir se prononcer sur l'octroi d'indemnités RHT.

D. a. Par acte du 22 septembre 2021, l'association, représentée par un conseil, a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS ou la chambre de céans), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à sa réforme en ce sens que la RHT est octroyée pour la période s'étendant du 1er mai au 2 décembre 2021.

b. Invité à se déterminer, l'intimé a conclu, le 21 octobre 2021, au rejet du recours, la recourante n'apportant aucun élément nouveau permettant de revoir sa décision.

c. Le 16 novembre 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité, à moins que la LACI n’y déroge expressément.

La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable au recours, introduit après cette date (art. 82a LPGA a contrario).

1.3 Interjeté en temps utile et dans les formes, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à des indemnités RHT, en faveur de 21 collaborateurs, pour la période allant du 1er mai 2021 au 2 décembre 2021.

3.              

3.1 Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l'accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l'activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). L'indemnité s'élève à 80% de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L'indemnité en cas de RHT doit être avancée par l'employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l'issue d'une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu'un délai d'attente de deux à trois jours doit être supporté par l'employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l'assurance-chômage, OACI - RS 837.02], étant précisé que l'art. 50 al. 2 OACI a été modifié temporairement en raison de la pandémie de Coronavirus).

3.2 Le but de l'indemnité en cas de RHT consiste, d'une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des réductions de temps partiel et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D'autre part, l'indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l'intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de RHT (ATF 121 V 371 consid. 3a).

3.3 S'agissant plus particulièrement de la procédure, l'art. 36 al. 1 LACI prévoit que lorsqu'un employeur a l'intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d'en aviser l'autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la RHT. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels. Le préavis est renouvelé lorsque la RHT dure plus de trois mois.

L'art. 58 al. 4 OACI précise que lorsque l'employeur n'a pas remis le préavis de RHT dans le délai imparti sans excuse valable, la perte de travail n'est prise en considération qu'à partir du moment où le délai imparti pour le préavis s'est écoulé.

Il en résulte que le respect des délais de préavis est une condition formelle du droit. Il s'agit d'un délai de déchéance (ATF 110 V 335 ; RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36). Le délai de préavis ne peut être ni prolongé ni suspendu, mais il peut être restitué en présence d'une raison valable, c'est-à-dire aux conditions de l'art. 41 LPGA (RUBIN, op. cit., n° 11 ad art. 36 ; Bulletin LACI RHT G7 ad art. 36).

L'al. 2 de l'art. 36 LACI énumère expressément les renseignements que l’employeur doit indiquer dans le préavis, à savoir le nombre des travailleurs occupés dans l’entreprise et celui des travailleurs touchés par la réduction de l’horaire de travail (let. a), l’ampleur de la réduction de l’horaire de travail ainsi que sa durée probable (let. b) et la caisse auprès de laquelle il entend faire valoir le droit à l’indemnité (let. c).

Par ailleurs, l’employeur qui fait valoir le droit à l’indemnité en cas de RHT pour plusieurs secteurs d’exploitation doit présenter un préavis séparé pour chaque secteur et doit prouver la nécessité de la RHT et démontrer que les conditions du droit à l’indemnité sont remplies en répondant de manière complète aux questions figurant sur le formulaire de préavis (art. 28 LPGA ; Bulletin LACI RHT G3 et G4 ad art. 36).

4.                        

4.1 Pour lutter contre l'épidémie de COVID-19 qui a atteint la Suisse début 2020, le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes, en se fondant sur les art. 184 al. 3 et 185 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ainsi que sur plusieurs dispositions de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101) et sur l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (ordonnance COVID-19 – RS 818.101.24), laquelle a été abrogée et remplacée par l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19), puis par l'ordonnance 3 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 19 juin 2020 (ordonnance 3 COVID-19), elle-même ensuite plusieurs fois modifiée.

À la suite de ces mesures, il y a eu différentes restrictions, notamment l'interdiction des manifestations publiques (sous réserves de quelques rares exceptions) et la stricte limitation à quelques personnes des manifestations privées, avec des répercussions dans le domaine culturel. Les salles de concert ont dû fermer durant plusieurs mois et, à certaines périodes, ont vu le nombre de leurs spectateurs être drastiquement limité et la plupart des représentations publiques ont été annulées.

4.2 Le 1er novembre 2020, le Conseil d'État genevois a, par arrêté, imposé la fermeture notamment des salles de concert. Cet arrêté est entré en vigueur le 2 novembre 2020 à 19h00 et les mesures prévues promulguées jusqu'au 29 novembre 2020 à minuit. Cette interdiction a été levée le 26 juin 2021, par arrêté du Conseil d'État du 25 juin 2021, modifiant l'arrêté du 1er novembre 2020.

4.3 En matière d'assurance-chômage, le Conseil fédéral a mis en place un certain nombre de dispositions visant à faciliter l'indemnisation en cas de RHT pendant la situation de crise sanitaire, telle que l'ordonnance sur les mesures dans le domaine de l'assurance-chômage en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020 ([ci-après : ordonnance COVID-19 assurance-chômage] - RO 2020 877). Cette ordonnance a été modifiée à plusieurs reprises et s'applique dans le cas présent dans sa version en vigueur du 1er avril au 30 juin 2021, la décision initiale – confirmée par la décision litigieuse – ayant été rendue le 8 juin 2021 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_53/2021 du 30 juin 2021 consid. 2.1 et 5.1). Dans ses anciennes versions, notamment celle en vigueur jusqu'au 31 mai 2020, l'art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage prévoyait la suppression du délai de préavis (en dérogation à l'art. 36 al. 1 LACI) et, en particulier, que cette règlementation était entrée en vigueur avec effet rétroactif au 1er mars 2020 (art. 9 de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage).

La CJCAS a jugé dans un arrêt de principe du 25 juin 2020 (ATAS/510/2020) qu'il ressortait de l'interprétation de l'art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage, dans son ancienne teneur, que le Conseil fédéral avait supprimé le délai de préavis, mais pas le préavis lui-même. Ainsi, une indemnisation pour RHT devait toujours être annoncée à l'avance, même en application de l'art. 8b précité. L'employeur, bien qu'il ne devait plus respecter le délai de préavis de dix jours avant d'introduire la demande de RHT, était tenu d'aviser l'autorité cantonale, par écrit, avant le début de la RHT en question, le droit aux indemnités ne pouvant naître rétroactivement à l'avis. Pendant cette période particulière, la date de préavis de RHT correspondait au début de la RHT et au début de l'indemnisation (ATAS/542/2021 ; DUNAND / WYLER, Newsletter spéciale du 9 avril 2020, Quelques implications du coronavirus en droit suisse du travail, p. 15 ss. et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_123/2021 du 7 avril 2021 consid. 4.3 et les références citées).

4.4 Le 19 mars 2021, l'Assemblée fédérale a adopté l'art. 17b de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 (loi COVID-19 - RS 818.102), en vigueur rétroactivement du 1er septembre 2020 jusqu'au 31 décembre 2021, et qui s'applique in casu dans sa version en vigueur du 1er avril au 18 juin 2021, la décision initiale (confirmée par la décision litigieuse) ayant été rendue le 8 juin 2021 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_53/2021 du 30 juin 2021 consid. 2.1 et 5.1).

D'après l'al. 1 de cette disposition, en dérogation à l'art. 36 al. 1 LACI, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la RHT. Le préavis doit être renouvelé lorsque la RHT durait plus de six mois. À partir du 1er juillet 2021, une RHT pour une durée de plus de trois mois ne peut être autorisée que jusqu'au 31 décembre 2021 au plus tard. Toute modification rétroactive d'un préavis existant doit faire l'objet d'une demande auprès de l'autorité cantonale jusqu'au 30 avril 2021 au plus tard.

Selon l'al. 2 de l'art. 17b de la loi COVID-19, pour les entreprises concernées par une RHT en raison des mesures ordonnées par les autorités depuis le 18 décembre 2020, le début de la RHT est autorisé, à leur demande, avec effet rétroactif à la date de l'entrée en vigueur de la mesure correspondante, en dérogation à l'art. 36 al. 1 LACI. La demande doit être déposée le 30 avril 2021 au plus tard auprès de l'autorité cantonale.

Il ressort du message du Conseil fédéral relatif à une modification de la loi COVID-19 du 17 février 2021 que l'art. 17b crée une disposition directement applicable qui, après son entrée en vigueur, n'a pas besoin d'être mise en œuvre dans l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage. L'al. 1, 1ère phrase, supprime totalement le délai de préavis pour toutes les entreprises. Le début de la RHT pourra être autorisé à partir de la date du préavis pour autant que toutes les autres conditions dont dépend le droit à l'indemnité soient remplies. L'al. 1, 2ème phrase, de l'art. 17b de la loi COVID-19 prévoit que l'autorisation de RHT émise par l'autorité cantonale sera désormais valable pendant six mois. Autrement dit, l'entreprise ne devra renouveler le préavis que si la RHT dure plus de six mois. Cette réglementation allègera la charge administrative des entreprises et des organes d'exécution. L'al. 2 permet de fixer le début de la RHT – à titre exceptionnel et indépendamment de la date du préavis – avec effet rétroactif à partir de la date d'entrée en vigueur des mesures des autorités. La modification rétroactive a uniquement lieu à la demande de l'entreprise et se limite aux mesures prises par les autorités entre le 18 décembre 2020 et l'entrée en vigueur de cette disposition. Par conséquent, les autorités cantonales ne doivent pas réviser toutes les autorisations de RHT (ce qui entraînerait un net surcroît de travail puisque ce processus ne peut pas être automatisé), mais peuvent réagir à la demande des entreprises. Cette demande doit être déposée par l'entreprise auprès de l'autorité cantonale le 30 avril 2021 au plus tard, par écrit ou par voie électronique (services en ligne). Le délai du 30 avril 2021 est un délai de péremption et son non-respect entraîne pour l'entreprise la perte de son droit à la modification rétroactive du début de la RHT (FF 2021 285, p. 29ss).

Le délai de péremption ne peut être ni interrompu, ni prolongé (ATF 126 II 145). Il peut toutefois, en vertu d'un principe général du droit, être restitué si l'intéressé a été empêché sans sa faute par des circonstances insurmontables d'agir à temps, par exemple pour des motifs tels que la maladie, l'accident, les catastrophes naturelles (ATF 136 II 187 ; ATF 125 V 262 ; ATF 114 V 123).

Les art. 38 à 41 LPGA s'appliquent aux délais de la procédure administrative interne mais ne s'appliquent en revanche pas aux délais de prescription ou de péremption, ni aux délais qui conditionnent la naissance du droit aux prestations d'un assureur social (Anne-Sylvie DUPONT, in Commentaire Romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 4 ad art. 38 LPGA).

5.              

5.1 Aux termes de l'art. 29 LPGA, celui qui fait valoir son droit à des prestations doit s'annoncer à l'assureur compétent, dans la forme prescrite pour l'assurance sociale concernée (al. 1). Les assureurs sociaux remettent gratuitement les formules destinées à faire valoir et à établir le droit aux prestations ; ces formules doivent être transmises à l'assureur compétent, remplies de façon complète et exacte par le requérant ou son employeur et, le cas échéant, par le médecin traitant (al. 2). Si une demande ne respecte pas les exigences de forme ou si elle est remise à un organe incompétent, la date à laquelle elle a été remise à la poste ou déposée auprès de cet organe est déterminante quant à l'observation des délais et aux effets juridiques de la demande (al. 3).

5.2 L’art. 30 LPGA précise que tous les organes de mise en œuvre des assurances sociales ont l’obligation d’accepter les demandes, requêtes ou autres documents qui leur parviennent par erreur. Ils en enregistrent la date de réception et les transmettent à l’organe compétent. Par ailleurs, en vertu de l’art. 39 al. 2 LPGA, lorsqu’une partie s’adresse en temps utile à un assureur incompétent, le délai est réputé observé. Cette disposition rappelle une règle générale en matière de procédure administrative, voulant que le délai soit également considéré comme respecté lorsque l’assuré s’adresse à temps à une autorité incompétente. Il la limite toutefois, dans ce sens que seul le fait de s’adresser à un assureur social incompétent permet de considérer le délai comme respecté, et non pas le fait de s’adresser à n’importe quelle autorité. Il faut cependant interpréter la notion d’« assureur social » dans un sens large et entendre par ces termes toutes les entités organisationnelles qui participent à l’administration d’une ou de plusieurs branches d’assurances sociales. Il peut ainsi s’agir, par exemple, d’une caisse de compensation, d’un office d’assurance-invalidité, d’une caisse de chômage ou d’un assureur-maladie (DUPONT / MOSER-SZELESS, Commentaire romand de la Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, p. 511, n° 12).

5.3 La date de réception de l’annonce joue un rôle en relation avec le respect de l’observation du délai. C’est pourquoi l’assureur et tout autre organe de mise en œuvre de l’assurance sociale - même si l’assuré s’est adressé à lui par erreur - doit enregistrer la date de réception de la demande de prestations et, cas échéant, transmettre celle-ci à l’assureur compétent (art. 29 al. 3 LPGA ; art. 30 LPGA). De manière générale, selon la jurisprudence relative à l’art. 29 al. 3 LPGA, la date déterminante quant à l’observation des délais et aux effets juridiques d’une demande est celle à laquelle la requête a été remise à la Poste ou déposée auprès de l’organe (compétent ou incompétent). Si une demande ne respecte pas les exigences de forme, l’assureur compétent pourra demander, dans un certain délai, de compléter l’annonce (ATAS/346/2021 du 20 avril 2021 consid. 7b ; Guy LONGCHAMP, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 40 ad art. 29 LPGA).

6.              

6.1 En l'espèce, l'intimé a, par décision du 8 juin 2021, autorisé l'octroi d'indemnités RHT en faveur de la recourante, pour 21 collaborateurs, à partir du 3 juin 2021.

6.2 La recourante conteste la période d'autorisation de cette décision, réclamant le droit à des indemnités RHT pour ses 21 collaborateurs dès le 1er mai 2021. Elle fait principalement valoir qu'elle était légitimée à penser que sa demande de modification du 29 avril 2021 portait également sur le nombre de collaborateurs concernés par la RHT. Elle invoque une violation des principes de l'interdiction du formalisme excessif et de la protection de la bonne foi.

7.             En l'occurrence, la demande de modification, à laquelle se rapporte la recourante, portait sur la décision d'autorisation du 19 janvier 2021, elle-même accordée suite au préavis de RHT de la recourante du 18 janvier 2021. Dans ce préavis, elle a annoncé son intention de continuer la RHT pour « toute l'entreprise » du 4 au 28 février 2021, indiquant expressément sur son formulaire que les effectifs totaux du personnel de l'entreprise s'élevaient à 5 personnes et que 5 travailleurs étaient concernés par la RHT. L'intimé a ainsi autorisé la continuation de la RHT par décision du 19 janvier 2021 pour la période du 4 février au 3 mai 2021.

La recourante a ensuite adressé le 29 avril 2021 une demande de modification de cette autorisation, qui a été acceptée par l'intimé par décision du même jour. Cette décision indique expressément qu'elle se rapporte à celle du 19 janvier 2021, concerne la prolongation de la durée de validité de l'autorisation à la durée maximale et la suppression du délai de préavis et est basée sur les art. 17 et suivants de la loi COVID-19 et les modifications entrées en vigueur le 20 mars 2021.

8.             La recourante estime que, dès lors qu'elle a indiqué dans son courriel du 29 avril 2021 d'accompagnement de sa demande de modification que ses effectifs de musiciens étaient variables en fonction des projets de concerts, elle était en droit de penser que l'intimé prendrait en compte également l'augmentation du nombre de collaborateurs concernés par la RHT.

D'emblée, force est de constater que la modification d'une autorisation – telle que l'a requise la recourante par formulaire transmis le 29 avril 2021 – ne pouvait porter que sur la durée des RHT et la suppression du délai de préavis.

En effet, cette possibilité pour une entreprise de demander la modification d'une autorisation de RHT résultait de l'application de l'art. 17b de la loi COVID-19, intitulé « Préavis, durée et octroi rétroactif de la réduction de l’horaire de travail ». Ainsi, cette disposition prévoyait en particulier la possibilité de modifier jusqu'au 30 avril 2021 une autorisation de RHT, afin de, temporairement, supprimer le délai de préavis, augmenter la durée maximale de la RHT et admettre l'effet rétroactif, ce afin d'alléger quelque peu la charge administrative des entreprises et des organes d'exécution.

Comme l'a d'ailleurs justement relevé la recourante, le formulaire de demande de modification prévoyait seulement ces trois options de modification, à choisir alternativement ou cumulativement par l'entreprise qui souhaitait modifier son autorisation de RHT.

Aussi, dès lors que le formulaire ne lui permettait pas d'inscrire une autre modification que celles expressément mentionnées, la recourante ne pouvait légitimement s'attendre à ce que l'intimé prenne en compte, à titre de modification, davantage de collaborateurs que les 5 travailleurs initialement déclarés comme effectifs totaux de l'entreprise, en signalant simplement par courriel que ses effectifs variaient en fonction de ses projets. D'autant plus, que cette simple indication, bien trop vague, ne permet pas de retenir que l'intimé devait y donner suite. Dans ce contexte, la recourante avait, à tout le moins, le devoir de se renseigner auprès de l'intimé, en le questionnant à propos des modifications possibles, voire de lui remettre, dans le doute, un nouveau préavis, contenant des renseignements complets.

Son courriel du 29 avril 2021 ne peut, au demeurant, pas être considéré comme un nouveau préavis de RHT, puisque son contenu ne remplit pas les exigences légales requises (cf. art. 36 al. 2 LACI).

À cet égard, il convient de rappeler que, malgré les modifications légales qui ont eu lieu, l'obligation de préavis demeure en matière de RHT, de sorte que l'employeur est toujours tenu d'aviser l'autorité cantonale, par écrit, avant le début de la RHT, et que, dans le préavis, il doit indiquer le nombre des travailleurs occupés dans l’entreprise et celui des travailleurs touchés par la RHT.

Comme relevé précédemment, dans la mesure de la maigre indication qu'elle lui a transmise dans son courriel du 29 avril 2021, la recourante ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que l'intimé l'interprète comme un préavis.

Elle avait pourtant les moyens de renseigner l'intimé de manière complète. En effet, elle explique avoir demandé le versement d'indemnités RHT au mois de mai 2021, pour ses musiciens engagés par contrat de durée déterminée, car un concert prévu le 11 mai 2021 avait dû être annulé. Or, lorsqu'elle a adressé son courriel, le 29 avril 2021, les concerts du mois de mai (et très probablement également des mois suivants) étaient sans nul doute programmés et les musiciens avaient d'ores et déjà été engagés, de sorte qu'elle connaissait le nombre des effectifs totaux de l'entreprise durant la période litigieuse. Le doute pouvait peut-être demeurer quant à l'annulation ou non de certains concerts, mais le nombre total des travailleurs engagés était connu.

Dès le moment où elle a appris que le concert était annulé, il lui incombait d'annoncer immédiatement à l'intimé que de nouveaux collaborateurs étaient concernés par la RHT, en transmettant des renseignements complets.

C'est en vain que la recourante fait valoir que les décisions du 19 janvier et du 29 avril 2021 indiquent que le secteur concerné par la RHT est « toute l'entreprise », puisque l'intéressée a indiqué elle-même le 18 janvier 2021 dans le formulaire de préavis que la RHT devait être introduite pour « toute l'entreprise », tout en inscrivant que les effectifs totaux du personnel s'élevaient à 5 personnes et que les travailleurs concernés par la RHT étaient également au nombre de 5. Or, les décisions de l'intimé sont basées sur les renseignements communiqués par la recourante par le biais du formulaire précité.

En outre, il convient de rappeler que, conformément au Bulletin LACI RHT, l’employeur qui fait valoir le droit à l’indemnité en cas de RHT pour plusieurs secteurs d’exploitation doit présenter un préavis séparé pour chaque secteur.

Ainsi, à considérer que – comme l'a d'ailleurs initialement indiqué la recourante dans ses premiers préavis RHT – les musiciens engagés par contrat de durée déterminée appartiennent à un secteur d'activité différent des collaborateurs fixes chargés de l'administration et de la production, la recourante devait dans tous les cas présenter un préavis séparé pour chaque secteur.

Quoi qu'il en soit, avec les renseignements qu'elle a transmis à l'intimé par le biais de ses demandes – à savoir que ses effectifs totaux étaient de 5 personnes – puis, son simple courriel – indiquant seulement que ses effectifs variaient en fonction des projets –, elle ne pouvait légitimement s'attendre à ce que l'intimé prenne en compte davantage de collaborateurs pour la RHT.

Le fait que la variabilité de ses effectifs était connue par l'intimé depuis le début de la pandémie et qu'il s'agissait d'un fait notoire dans le milieu culturel, n'est pas non plus pertinent, puisque l'indication du nombre des travailleurs occupés dans l'entreprise et celui de ceux touchés par la RHT sont des éléments essentiels du droit aux indemnités RHT, que l'employeur doit avoir communiqué à l'autorité dans le préavis.

De même, contrairement à ce qu'elle allègue, l'invitation à déposer un nouveau préavis en se référant à la demande de modification et l'indication que son dossier ferait l'objet d'un examen, ne signifiait pas encore que l'intimé donnerait suite à sa demande.

Au vu de ce qui précède et contrairement ce qu'elle prétend, la recourante ne pouvait raisonnablement comprendre du comportement de l'intimé qu'elle serait indemnisée pour toute la période couverte par la décision du 29 avril 2021 pour l'ensemble des travailleurs engagés et concernés par la RHT.

Par ailleurs, c'est à bon droit que l'intimé a considéré que la date de la remise du décompte du mois de mai à la caisse de chômage, valait comme date de remise du préavis, bien que celui-ci lui ait été formellement remis seulement le 7 juin 2021.

La chambre de céans constate donc que l’intimé a appliqué les dispositions légales pertinentes en vigueur, conformément à la jurisprudence développée à leur égard, sans violer le principe de l'interdiction du formalisme excessif, ni celui de la bonne foi.

9.             Partant, le recours sera rejeté.

La recourante, qui succombe, n'a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le