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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3736/2020

ATAS/98/2022 du 11.02.2022 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3736/2020 ATAS/98/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d'expertise 11 février 2022

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à ONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Karin BAERTSCHI

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après l’assuré), né en 1965, a obtenu un certificat fédéral de capacité de serrurier en 1985. Il a essentiellement accompli des missions intérimaires, ce jusqu’en 2002, date à partir de laquelle il a cessé toute activité.

2.        En juin 2007, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après l’OAI), invoquant une atteinte à la main droite et à la colonne vertébrale depuis 2003.

3.        Le 13 février 2008, les docteurs B______ et C______, spécialistes FMH en rhumatologie et psychiatrie et médecins auprès du service médical régional de l’assurance-invalidité (SMR), ont examiné l’assuré. Ils ont posé les diagnostics, avec répercussions sur la capacité de travail, d’importantes séquelles fonctionnelles du membre supérieur droit, status après paralysie médio-cubitale haute droite avec griffe cubitale D2, D3, D4, D5 avec lésions nerveuses à la suite d’injections d’héroïne dans le canal huméral, traitées chirurgicalement en 2004 (T 92.4), de lombalgies chroniques, status après spondylodiscite L4-L5 en 2003 (M 51.8), de trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission (F 33.4), et les diagnostics, sans répercussion sur la capacité de travail, d’hépatite C chronique, de personnalité émotionnellement labile de type borderline (F 60.31) et de dépendance aux opiacés (suit actuellement un régime de substitution sous surveillance médicale).

Les médecins ont relevé les limitations fonctionnelles suivantes : pas de travail impliquant la dextérité de la main droite (même la manipulation d’une souris d’ordinateur ou sur un clavier posait problème), pas de travail imposant le soulèvement ou le port de charges de plus de quelques kilos et nécessité d’alterner régulièrement les positions assise et debout. Ces limitations devaient être réévaluées sur le plan neuropsychologique. L’incapacité de travail remontait à 2002, selon les indications de la doctoresse D______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin traitant.

Les médecins ont constaté que l’activité de serrurier n’était plus possible. Au plan purement somatique, ils ont admis qu’une activité professionnelle respectueuse des nombreuses limitations fonctionnelles aurait pu être possible dès l’été 2005 environ, soit neuf mois après l’intervention chirurgicale. Sur le plan psychiatrique, une amélioration était constatée fin 2007. Toutefois, dans l’attente des résultats de l’examen neuropsychologique, une amélioration globale ne pouvait pas encore être confirmée.

4.        La Professeure E______, spécialiste FMH en neurologie, et Madame F______, psychologue au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), ont procédé à l’examen neuropsychologique de l’assuré.

Elles ont conclu à l’absence de troubles cognitifs significatifs susceptibles d’avoir des répercussions sur le taux d’activité, mais à un ralentissement et à un défaut d’attention pouvant infléchir le rendement. Du point de vue neuropsychologique, la capacité de travail exigible était d’environ 80% en raison de la diminution de rendement, mais une réorientation professionnelle (apprentissage de nouvelles données simples) était possible, même si des difficultés motivationnelles en limiteraient les chances de succès. Les orientations évoquées étaient celles de concierge ou magasinier. Il faudrait s’assurer d’un bon encadrement.

5.        Après plusieurs tentatives de convocation s’étant soldées par une sommation à l’assuré, l’OAI a pris en charge un stage d’observation auprès de PRO Entreprise sociale privée du 23 février au 24 mai 2009.

Dans leur rapport du 16 juin 2009, les maîtres de stage ont indiqué que le rendement était situé entre 60% et 70% dans les activités fines, et de l’ordre de 80%, lorsque celles-ci l’étaient moins. Le rendement en qualité était toujours de 100%.

6.        Le 22 mars 2011, l’OAI a transmis à l’assuré un projet d’acceptation de rente entière du 1er juin 2006 au 31 mars 2008. Dès janvier 2008, l’état de l’assuré s’était amélioré, et il disposait d’une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée, de sorte que le degré d’invalidité de 21.5% dès cette date n’ouvrait plus le droit à une rente.

7.        L’OAI a confié une expertise au docteur G______, spécialiste FMH en médecine interne. Ce dernier a établi son rapport le 5 décembre 2011.

À la suite des courriers de la Dresse D______ des 3 mai et 1er juillet 2011, selon lesquels une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée était surestimée, l’expert a retenu les diagnostics, avec répercussions sur la capacité de travail, de parésie sur lésion bi-tronculaire des nerfs médian et cubital droits (aiguille d’injection en place dans le canal huméral), de lombalgies résiduelles après spondylodiscite L4-L5, et d’insuffisance veineuse du membre inférieur gauche avec status variqueux et incontinence de la veine saphène interne tronculaire et syndrome post-thrombotique sur fibrose de la veine fémorale superficielle. Les diagnostics, sans incidence sur la capacité de travail, étaient une polytoxicomanie (héroïne) en cure de substitution, une consommation d’alcool susceptible de nuire à la santé, et une hépatite C non traitée.

Dans son appréciation, le Dr G______ a relevé que sur le plan des atteintes physiques, l’évaluation de l’examen bi-disciplinaire du SMR gardait toute sa valeur. L’atteinte du membre supérieur droit ne s’était pas aggravée. Il était même permis de penser à une légère amélioration, la main ne présentant plus une allure en griffe et une minime extension active étant possible. L’aggravation de l’état de santé mentionnée par le médecin traitant dans un rapport de juillet 2011 n’était pas argumentée. Les limitations fonctionnelles induites par le syndrome post-thrombotique du membre inférieur gauche étaient pratiquement les mêmes que celles de l’appareil locomoteur : il convenait d’éviter la station debout ou assise prolongée. Sur le plan psychologique, l’assuré paraissait stable. Une réadaptation était certainement envisageable. L’assuré était apte à travailler à un établi (réparation, entretien de matériel), mais aussi à la distribution de courrier, la marche n’étant de loin pas exclue. La profession de serrurier était définitivement proscrite. Une activité adaptée devait éviter les mouvements fins et répétitifs de la main droite, les stations debout et assise prolongées, la sollicitation du tronc de manière répétitive (flexion/extension) et le port répété de charges de plus de 10 kg. Des activités exigeant responsabilité et anticipation n’étaient pas compatibles avec la consommation d’alcool. Il était raisonnable de ne pas faire travailler l’assuré dans un environnement où de l’alcool était consommé. Une activité adaptée pouvait être exercée à 80%, sans diminution de rendement dans les meilleures conditions.

8.        Par décision du 7 février 2013, l’OAI a confirmé les termes de son projet du 22 mars 2011.

9.        En décembre 2014, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI. Il a joint un certificat du 1er décembre 2014 du docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie, attestant d’une incapacité de travail totale depuis le 1er juin 2007.

10.    Le 21 juillet 2015, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision refusant d’entrer en matière sur sa nouvelle demande.

11.    Par courrier du 8 septembre 2015 au SMR, le Dr H______ a déclaré soutenir la demande de révision de l’assuré. Sa dépendance à l’alcool et aux opiacés était connue depuis le début de l’âge adulte. Ses troubles de la personnalité, de type borderline et dyssocial, étaient apparus à la même époque. Ils avaient leur origine dans l’adolescence de l’assuré, après plusieurs séparations traumatiques qui l’avaient conduit à développer une personnalité dépressive avec la consommation de toxiques dans un but d’automédication. L’expertise de 2008 avait mis en évidence une problématique psychiatrique qui ne l’empêchait pas de travailler et de bénéficier de mesures de réadaptation professionnelle. Partant, son état s’était aggravé depuis, puisque plusieurs tentatives de réinsertion occupationnelle s’étaient soldées par des échecs.

12.    Le professeur I______, spécialiste FMH en psychiatrie, et Madame J______, psychologue, ont été mandatés par l’OAI.

Dans leur rapport du 15 août 2016, ils ont retenu des troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation des opiacés, syndrome de dépendance, utilisation continue (F 11.25) dès 1986 ; des troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation d’alcool, utilisation nocive pour la santé (F 10.1) dès 1995, et un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique (F 32.11) dès septembre 2015. Les diagnostics primaires étaient sans aucun doute ceux du champ addictologique. Le trouble dépressif actuel de sévérité moyenne devait être compris comme une réaction à la prise de conscience au seuil des 50 ans de la faillite du projet d’une vie dominée par l’addiction. La thérapie addictologique avait été suivie selon les règles de l’art. L’assuré avait bien collaboré aux thérapies dès 2005. L’introduction d’un traitement antidépresseur était nécessaire. Les efforts de réadaptation avaient échoué compte tenu de la mauvaise coopération de l’assuré, pris dans la spirale de ses consommations compulsives. Les problèmes rencontrés lors de la réadaptation dépendaient entièrement de la toxicodépendance et du trouble dépressif récurrent. Avant l’amendement des symptômes dépressifs, aucune mesure de réadaptation n’était envisageable. Par la suite, une réadaptation à un taux maximum de 80% était atteignable par paliers.

La capacité de travail dans l’activité exercée était nulle, et serait de 80% après amendement de la symptomatologie dépressive.

13.    Dans un avis du 6 décembre 2016, le médecin du SMR a retenu un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique (F 32.1) dès septembre 2015, et des séquelles fonctionnelles du membre supérieur droit avec lésions nerveuses médio-cubitales. L’aggravation psychiatrique remontait à 2015. La capacité de travail était nulle dans toute activité. Un suivi psychiatrique était exigible, avec introduction d’un traitement antidépresseur et un suivi addictologique.

L’assuré a alors été mis au bénéfice d’un suivi psychothérapeutique et pharmacothérapeutique stable.

Le 7 février 2018, le médecin du SMR a considéré qu’il n’y avait pas d’aggravation de l’état de santé, dès lors que l’assuré présentait déjà des polytoxicomanies d’origine primaire lors de sa demande en 2007. Le diagnostic de trouble récurrent, épisode actuel moyen retenu par l’expert, ne semblait finalement pas avoir eu de retentissement majeur sur l’activité quotidienne de l’assuré « qui jouait au squash et aux échecs chaque semaine ». De plus, l’expert avait admis que les diagnostics primaires relevaient de l’addiction. L’évolution satisfaisante sous sevrage corroborait cette hypothèse. Par conséquent, les conclusions du SMR du 30 juillet 2008 restaient valables.

Le 7 mai 2018, le médecin du SMR a retenu que le trouble dépressif était une réaction à la dépendance à l’alcool, et en a conclu qu'après une prise en charge adéquate, la dépendance à l’alcool était seule responsable des incapacités de travail, lesquelles ne pouvaient être prises en compte par l’OAI.

14.    Par décision du 21 août 2018, l'OAI a rejeté la demande, se fondant sur l'avis du SMR selon lequel il n’existait aucune atteinte reconnue entraînant une incapacité de gain propre à ouvrir le droit à une rente. Des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées, car elles ne seraient pas de nature à améliorer la capacité de gain.

15.    Le 14 novembre 2018, le Dr H______ a déclaré soutenir le recours interjeté par l'assuré contre ladite décision. Il a réaffirmé que la capacité de travail restait nulle. Il a en outre indiqué qu'il avait pu mettre en évidence un syndrome de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), contrairement à l’expertise. La consommation de toxiques avait débuté dans ce contexte, notamment pour pallier l'état anxieux, et le manque de motivation était secondaire. Un syndrome oppositionnel s’y était ajouté. Les symptômes du TDAH s’étaient produits tout au long de la vie de l’assuré, avec une grande difficulté à investir une activité professionnelle.

16.    Par arrêt du 21 mai 2019 (ATAS/455/2019), la chambre de céans a admis partiellement le recours, annulé la décision du 21 août 2018 et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

Elle a en effet considéré qu’elle ne disposait pas des éléments nécessaires pour statuer sur le droit aux prestations de l’assuré, au motif que l’expertise du
Pr I______ et de Mme J______ ne se prononçait pas sur les indicateurs nouvellement applicables selon la jurisprudence pour déterminer le caractère invalidant d’une pathologie psychiatrique. Aussi le contenu de cette expertise ne suffisait-il pas pour trancher la question de la capacité de travail et de gain de l’assuré.

Constatant que les autres rapports médicaux, notamment ceux établis par le Dr H______, ne lui permettaient pas non plus de déterminer l’incapacité de gain de manière conforme aux nouvelles exigences jurisprudentielles, elle a renvoyé la cause à l’OAI, à charge pour lui de compléter l’instruction, étant précisé que dès lors que le Pr I______ et Mme J______ avaient déjà pris connaissance de l’anamnèse et du dossier de l’assuré, un complément d’expertise analysant la capacité de gain de l’assuré à l’aune des nouveaux indicateurs, et motivant l’exclusion ou l’admission d’un éventuel trouble de la personnalité, pourrait s’avérer suffisant.

17.    Se fondant sur l'arrêt de la chambre de céans du 21 mai 2019, l’OAI a confié au docteur K______, spécialiste FMH en psychiatrie, le soin d’expertiser l’assuré sur la base de l'avis du SMR du 16 juillet 2019.

Dans son rapport d'expertise du 28 mai 2020, le Dr K______ a retenu une personnalité à traits état limite plutôt du registre impulsif et abandonnique, actuellement non décompensé, à l’utilisation d’alcool (consommation continue), à l’utilisation d’opiacés (sans dépendance actuellement, en partie abstinent) sous traitement de substitution, à l’utilisation de dérivés du cannabis (actuellement abstinent), à l'utilisation épisodique de drogue, un trouble de l’adaptation ou un trouble dépressif récurrent en rémission ou subclinique et une dysthymie. Le trouble de la personnalité n’était pas assimilable à une atteinte à la santé mentale et ne justifiait pas une incapacité de travail. Selon le Dr K______, l’assuré présente une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée (limitation moyenne sur le plan de la flexibilité et capacité d’adaptation des contacts avec les tiers, de l’évolution dans un groupe, dans les relations familiales et intimes) depuis au moins le 1er mars 2017, date du rapport du Dr H______. Le Dr K______ a considéré que la toxicomanie était primaire, même si elle n'avait pas empêché l'assuré de travailler et la dépendance à l’alcool en partie secondaire. L’expert a relevé une aggravation possible transitoire en 2018, mais sans répercussion durable.

18.    Le SMR, dans un avis du 10 août 2020, a fait siennes les conclusions de l’expert et a conclu, du point de vue psychiatrique, à une capacité de travail entière, et du point de vue somatique, à une capacité de travail entière également, mais avec une baisse de rendement de 20%, dans une activité adaptée, dès 2008.

19.    L’OAI a transmis à l’assuré un projet de décision le 11 août 2020, aux termes duquel sa demande était rejetée. Il reconnait que la capacité de travail est nulle dans l’activité habituelle, mais souligne qu’elle est entière dans une activité adaptée à son atteinte à la santé avec une baisse de rendement de 20%, étant précisé que cette exigibilité de travail est inchangée depuis 2008. Aussi le degré d’invalidité est-il le même que celui mentionné dans la décision du 7 février 2013, à savoir 22%. Par ailleurs, des mesures professionnelles ne s’avèrent ni adéquates, ni nécessaires, car elles ne seraient pas de nature à diminuer le dommage économique.

Par décision du 19 octobre 2020, l’OAI a confirmé son refus de prestations.

20.    L’assuré, représenté par Maître Karine BAERTSCHI, a interjeté recours le 17 novembre 2020 contre ladite décision. Il conclut à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 16 décembre 2013, soit une année avant le dépôt de sa deuxième demande de prestations AI du 16 décembre 2014.

Il s'étonne de ce que l’expert K______ considère qu’il ne présente aucune incapacité de travail, alors qu'il retient des troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation d’opiacés et à la consommation d’alcool et un trouble dépressif. Il produit à cet égard un certificat du Dr H______ daté du 16 octobre 2020, selon lequel son incapacité de travail est entière, même s’il peut maintenir ses actifs face à sa qualité de vie. Le médecin traitant juge notamment que l’expert fait erreur s'agissant de la conduite auto-dommageable de l’assuré, dès lors que celui-ci a régulièrement recours à des scarifications. Il relève également que le traitement préconisé par l’expert pour réduire la consommation d’alcool est inadapté pour l’assuré, qui bénéficie d’un autre traitement qu’il lui prescrit et qui contribue à une diminution significative.

21.    Invité à se déterminer sur le certificat du Dr H______, le médecin du SMR a, dans un avis du 30 novembre 2020, considéré qu'il n'amenait pas de nouveau diagnostic ou de description clinique permettant de remettre en question les conclusions du
Dr K______, aux motifs que :

-          s'agissant des comportements auto-dommageables de l'assuré dont l'expert n'aurait pas tenu compte, d'anciennes cicatrices ont été décrites lors de l’expertise du 5 décembre 2011 du Dr G______. Les circonstances exactes de ces cicatrices ne sont toutefois pas connues, de sorte que ces constatations ne modifient pas l’appréciation de l’expert « de traits de personnalité qui est actuellement stabilisée » ;

-          les idées suicidaires qui, selon le Dr H______, se sont améliorées sous antidépresseurs, sont à mettre sur le compte du trouble dépressif que l’assuré présentait notamment en 2018. L'expert a quant à lui évalué le trouble dépressif comme étant en rémission ;

-          le Dr H______ indique que l’assuré ne consomme plus de cannabis. Or, l'expert a retenu une utilisation épisodique de cannabis dans l’anamnèse ; aussi le terme syndrome de dépendance est-il toujours mentionné ;

-          il est vrai que le Dr H______ explique pourquoi il s’éloigne de la proposition de modification de traitement proposée par l'expert, notamment en raison d’incompatibilité pharmacologique. Il s'agit-là toutefois d'appréciations divergentes d’experts et ne concerne en aucun cas l’évaluation de la capacité de travail résiduelle ;

-          Il n'est pas contesté que le Dr H______ connait bien son patient qu’il suit depuis douze ans. Les experts doivent toutefois apprécier la capacité de travail selon les indicateurs standards de la jurisprudence, ce à quoi le Dr K______ s'est conformé ;

22.    Dans sa réponse du 7 décembre 2020, l’OAI s'est fondé sur l'avis du SMR du 30 novembre 2020 et a conclu au rejet du recours.

23.    Le 13 janvier 2021, l’assuré a indiqué que l’avis du Dr H______ ne saurait être purement et simplement écarté et qu’il lui paraissait opportun, dans ces conditions, d’ordonner une expertise judiciaire, ce à quoi l’OAI s’est opposé le 2 février 2021, considérant qu’une nouvelle expertise ne se justifiait pas.

24.    La chambre de céans a ordonné la comparution personnelle des parties et l'audition du Dr H______ le 29 juin 2021. Par courrier du 6 juin 2021, le médecin a informé la chambre de céans qu’il ne pourrait assister à l’audience et s’en est excusé.

Entendu le 29 juin 2021, l’assuré a déclaré que

« J'essaie de régler mes problèmes de dépendances. Je souffre toujours de dépression. J'en souffre depuis toujours. Je me souviens d'un enseignant à l'école secondaire qui m'avait dit que je donnais l'impression d'avoir à porter tout le poids du monde. Malgré les médicaments que me prescrit le Dr H______, j'ai des hauts et des bas. Je suis parfois incapable de faire quoi que ce soit pendant 4-5 jours d'affilée, je suis complètement vidé, ensuite, je commence plein de choses que je ne finis pas. J'ai un problème de concentration. Pour mes différentes addictions, je prends des médicaments : le Campral pour l'alcool, le Subutex pour les opiacées, un antidépresseur pour le trouble dépressif (Trittico), du Tranxilium pour mes crises d'angoisse et le Subutex pour l'Héroïne. Pour l'alcool, j'ai encore un peu de peine. Pour le reste, on peut dire que je suis sevré, je dirais depuis environ une année. Je précise que je prends toujours les médicaments. Je vois le Dr H______ une fois par mois depuis environ deux ans. Avant, c'était une fois par semaine.

J'ai eu un entretien avec le Dr K______. Je relève que je n'avais que peu de temps pour répondre à ses questions. Il enchaînait très rapidement les questions l'une après l'autre, comme s'il voulait arriver à un résultat défini au préalable. S'agissant de la sculpture par exemple, j'ai en réalité expliqué que j'avais essayé d'en faire, sans plus.

Le Dr K______ m'a posé la question des scarifications. Je lui ai répondu que j'en avais sur le torse. Il ne m'a pas posé d'autres questions à ce sujet.

Je ne peux m'imaginer travailler, même dans une activité adaptée à mes limitations fonctionnelles. Je répète que je suis parfois durant plusieurs jours totalement incapable de faire quoi que ce soit. Je ne suis même pas capable d'appeler quelqu'un ou même de répondre au téléphone.

Lorsque je travaillais, je prenais plutôt des missions temporaires, alors qu'à l'époque, je n'avais pas ces périodes durant lesquelles je me sens comme écrasé ».

25.    Le 15 décembre 2021, la chambre de céans a informé les parties de sa décision de confier une mission d’expertise au docteur L______, ainsi que les questions qu'elle avait l'intention de lui poser. Elle a imparti aux parties un délai pour qu’elles se prononcent sur une éventuelle récusation de l’expert et sur les questions libellées dans la mission d’expertise.

26.    Respectivement les 5 et 6 janvier 2022, l’assuré et l’OAI ont indiqué ne pas avoir de motif de récusation à l’encontre du Dr L______. L’OAI a en revanche sollicité que des questions supplémentaires soient intégrées dans la mission d’expertise. Celle-ci a dès lors été complétée en ce sens.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 83 LPGA).

4.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.        Le litige porte sur le droit de l'assuré à des prestations AI.

Il s’agit de comparer les faits prévalant au moment de la décision du 7 février 2013 avec ceux existants lors de la décision litigieuse du 19 octobre 2020. Il y a à cet égard lieu de rappeler que dans la première décision, l’OAI avait reconnu le droit de l’assuré à une rente entière du 1er juin 2006 au 31 mars 2008, considérant que dès janvier 2008, l’assuré avait une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée, et un degré d’invalidité de 21.5%. Dans la seconde, il a retenu le même degré d’invalidité.

6.        Aux termes de l’art. 8 al. 1er LPGA, est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Selon l'art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité. En vertu de l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d'activité, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles. Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

En vertu de l’art. 28 al. 1er LAI, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a); il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b); au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c). L’art. 28 al. 2 LAI dispose que l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

7.        Selon la jurisprudence applicable jusqu’ici, un syndrome de dépendance primaire à des substances psychotropes (dont l’alcool) ne pouvait conduire à une invalidité au sens de la loi que s’il engendrait une maladie ou occasionnait un accident ou s’il résultait lui-même d’une atteinte à la santé physique ou psychique ayant valeur de maladie. Cette jurisprudence reposait sur la prémisse que la personne souffrant de dépendance avait provoqué elle-même fautivement cet état et qu'elle aurait pu, en faisant preuve de diligence, se rendre compte suffisamment tôt des conséquences néfastes de son addiction et effectuer un sevrage ou à tout le moins entreprendre une thérapie par (cf. notamment ATF 124 V 265 consid. 3c).

Dans un arrêt du 11 juillet 2019 (ATF 145 V 215), le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que sa pratique en matière de syndrome de dépendance ne peut plus être maintenue. D’un point de vue médical, les syndromes de dépendance et les troubles liés à la consommation de substances diagnostiqués lege artis par un spécialiste doivent également être considérés comme des atteintes (psychiques) à la santé significatives au sens du droit de l’assurance invalidité (consid. 5.3.3 et 6).

Le caractère primaire ou secondaire d’un trouble de la dépendance n’est plus décisif pour en nier d’emblée toute pertinence sous l’angle du droit de l’assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1). Par conséquent, il s’agit, comme pour toutes les autres troubles psychiques, de déterminer selon une grille d’évaluation normative et structurée (à cet égard, ATF 141 V 281) si, et le cas échéant, dans quelle mesure un syndrome de dépendance diagnostiqué par un spécialiste influence dans le cas concret la capacité de travail de l’assuré. La gravité de la dépendance dans un cas particulier peut et doit être prise en compte dans la procédure de preuve structurée (ATF 145 V 215 consid. 6.3). Ceci est d'autant plus important que dans le cas des troubles de la dépendance – comme dans celui d'autres troubles psychiques – il y a souvent un mélange de troubles ayant valeur de maladie ainsi que de facteurs psychosociaux et socio-culturels. L’obligation de diminuer le dommage (art. 7 LAI) s'applique également en cas de syndrome de dépendance, de sorte que l’assuré peut être tenu de participer activement à un traitement médical raisonnablement exigible (art. 7 al. 2 let. d LAI). S’il ne respecte pas son obligation de diminuer le dommage, mais qu’il maintient délibérément son état pathologique, l’art. 7b al. 1 LAI en liaison avec l'art. 21 al. 4 LPGA permet le refus ou la réduction des prestations (consid 5.3.1).

Selon une jurisprudence constante, la dépendance - qu’elle prenne la forme de l'alcoolisme, de la pharmacodépendance ou de la toxicomanie - ne constitue pas en soi une invalidité au sens de la loi. Elle joue en revanche un rôle dans l'assurance-invalidité lorsqu'elle a provoqué une maladie ou un accident qui entraîne une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique nuisant à la capacité de gain, ou si elle résulte elle-même d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui a valeur de maladie (ATF 124 V 265 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_395/2007 du 15 avril 2008 consid. 2.2). La situation de fait doit faire l'objet d'une appréciation globale incluant aussi bien les causes que les conséquences de la dépendance, ce qui implique de tenir compte d'une éventuelle interaction entre dépendance et comorbidité psychiatrique. Pour que soit admise une invalidité du chef d'un comportement addictif, il est nécessaire que la comorbidité psychiatrique à l'origine de cette dépendance présente un degré de gravité et d'acuité suffisant pour justifier, en soi, une diminution de la capacité de travail et de gain, qu'elle soit de nature à entraîner l'émergence d'une telle dépendance et qu'elle contribue pour le moins dans des proportions considérables à cette dépendance. Si la comorbidité ne constitue qu'une cause secondaire à la dépendance, celle-ci ne saurait être admise comme étant la conséquence d'une atteinte à la santé psychique. S'il existe au contraire un lien de causalité entre l'atteinte maladive à la santé psychique et la dépendance, la mesure de ce qui est exigible doit alors être déterminé en tenant compte de l'ensemble des limitations liées à la maladie psychique et à la dépendance (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 169/06 du 8 août 2006 consid. 2.2 et les références).

L'existence d'une comorbidité psychiatrique - dont le diagnostic a été posé  lege artis - ne constitue pas encore un fondement suffisant pour conclure sur le plan juridique à une invalidité du chef d'une dépendance. Il est nécessaire que l'affection psychique mise en évidence contribue pour le moins dans des proportions considérables à l'incapacité de gain présentée par la personne assurée. Une simple anomalie de caractère ne saurait à cet égard suffire. En présence d'une pluralité d'atteintes à la santé, l'appréciation médicale doit décrire le rôle joué par chacune des atteintes à la santé sur la capacité de travail et définir à quel taux celle-ci pourrait être évaluée, abstraction faite des effets de la dépendance. Si l'examen médical conduit à la conclusion que la dépendance est seule déterminante du point de vue de l'assurance-invalidité, il n'y a pas lieu d'opérer une distinction entre les différentes atteintes à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2014 du 9 janvier 2015 consid. 5.4).  

Dans un arrêt récent concernant les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a retenu que la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d’une part et les ressources de compensation de la personne d’autre part. Il y a désormais lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (consid. 3.6). Ces indicateurs concernent deux catégories, à savoir celle du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence.

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic et des symptômes

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Par exemple, sur le plan étiologique, la caractéristique du syndrome somatoforme douloureux persistant est, selon la CIM-10 (F 45.5), qu’il survient dans un contexte de conflits émotionnels ou de problèmes psycho-sociaux. En revanche, la notion de bénéfice primaire de la maladie ne doit plus être utilisée (consid.  4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l’attitude de l’assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l’atteinte à la santé. Le refus de l'assuré d'y participer est un indice sérieux d'une atteinte non invalidante. À l’inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d’une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d’un examen global tenant compte des circonstances du cas particulier (consid. 4.3.1.2).

3. Comorbidités

La comorbidité psychique ne joue plus un rôle prépondérant de manière générale, mais ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble somatoforme douloureux avec l’ensemble des pathologies concomitantes (consid. 4.3.1.3). Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1), mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Il s’agit d’accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées (consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (consid. 4.3.3).

II. Catégorie « cohérence »

Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (consid. 4.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple ses loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée (consid. 4.4.2).

Le juge vérifie librement si l’expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l’atteinte à la santé et si son évaluation de l’exigibilité repose sur une base objective (ATF 137 V 64 consid. 1.2 in fine).

Dans un arrêt de 2017, le Tribunal fédéral a étendu la jurisprudence précitée à toutes les maladies psychiques (ATF 143 V 409 consid. 4.5).

Il convient encore de préciser que même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais elle peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

Une nouvelle jurisprudence ou un changement de celle-ci s'applique immédiatement et vaut pour les cas futurs, ainsi que pour les affaires pendantes devant un tribunal au moment de l'adoption de la nouveauté ou du changement (ATF 140 V 154 consid. 6.3.2). Toutefois, le changement de jurisprudence précité ne justifie pas en soi de retirer toute valeur probante aux expertises psychiatriques rendues à l'aune de l'ancienne jurisprudence. Ainsi que le Tribunal fédéral l'a précisé, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d'un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d'espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a ainsi lieu d'examiner dans chaque cas si les expertises administratives ou judiciaires - le cas échéant en les mettant en relation avec d'autres rapports médicaux - permettent ou non une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs déterminants. En fonction du degré de clarification, un complément ponctuel peut suffire (ATF 141 V 281 consid. 8).  

8.        a. Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

c. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le fait qu'une expertise psychiatrique n'a pas été établie selon les nouveaux standards - ou n'en suit pas exactement la structure - ne suffit cependant pas pour lui dénier d'emblée toute valeur probante. En pareille hypothèse, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d'un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d'espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a lieu d'examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies - le cas échéant en les mettant en relation avec d'autres rapports médicaux - permettent ou non une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs déterminants. Selon l'étendue de l'instruction déjà mise en oeuvre, il peut s'avérer suffisant de requérir un complément d'instruction sur certains points précis (ATF 141 V 281 consid. 8; ATF 137 V 210 consid. 6 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2. et 9C_109/2018 du 15 juin 2018 consid. 5.1).

d. Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

e. Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

f. Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

g. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

h. On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

9.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.    Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

11.    Les frais qui découlent de la mise en œuvre d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire confiée à un Centre d'observation médicale de l'assurance-invalidité (COMAI) peuvent le cas échéant être mis à la charge de l'assurance-invalidité (cf. ATF 139 V 496 consid. 4.3). En effet, lorsque l'autorité judiciaire de première instance décide de confier la réalisation d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire à un COMAI parce qu'elle estime que l'instruction menée par l'autorité administrative est insuffisante (au sens du consid. 4.4.1.4 de l'ATF 137 V 210), elle intervient dans les faits en lieu et place de l'autorité administrative qui aurait dû, en principe, mettre en œuvre cette mesure d'instruction dans le cadre de la procédure administrative. Dans ces conditions, les frais de l'expertise ne constituent pas des frais de justice au sens de l'art. 69 al. 1 bis LAI, mais des frais relatifs à la procédure administrative au sens de l'art. 45 LPGA qui doivent être pris en charge par l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 6.2).

Cette règle, qu'il convient également d'appliquer dans son principe aux expertises judiciaires mono et bidisciplinaires (cf. ATF 139 V 349 consid. 5.4), ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu'elle a laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents (voir par exemple arrêt du Tribunal fédéral 8C_71/2013 du 27 juin 2013 consid. 2). En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 précité consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 6.3).

12.    En l’espèce, l’OAI, se fondant sur l’expertise du Dr K______, a retenu que depuis 2008 la capacité de travail de l’assuré était entière dans une activité adaptée à ses atteintes somatiques avec une baisse de rendement de 20%.

13.    Il s’agit ainsi de déterminer si cette expertise a ou non valeur probante.

a.    Le rapport d'expertise du Dr K______, daté du 28 mai 2020, remplit sur le plan formel la plupart des exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante d'un tel document. Il contient un résumé du dossier, une anamnèse détaillée, les indications subjectives de l’assuré, des observations cliniques, ainsi qu’une discussion générale du cas, et des conclusions.

b.    La chambre de céans y relève toutefois, à l’instar du Dr H______, des erreurs importantes, s’agissant de l’environnement familial et psychosocial de l’assuré, ainsi que de nombreuses contradictions et incohérences.

c.    La chambre de céans s’étonne ainsi que l’expert, après avoir indiqué que l’assuré avait vécu chez ses grands-parents maternels en Espagne, et rejoint ses parents à Genève à l’âge de 7 ans, avec ce souvenir précis : « je vivais à la campagne, c'était un véritable choc, j'étais tranquille et là je me suis retrouvé dans un appartement, la première chose que mon père a fait c'est me donner une baffe, après j'ai toujours eu peur de lui, cela a cassé quelque chose », puisse sans autre qualifier l'enfance de celui-ci « plutôt heureuse » et conclure que « rien ne laisse supposer que l'assuré ait été victime d'autre forme de grave maltraitance ou de carence affective majeure, ni qu'il ait souffert de troubles psychologiques de la petite enfance, de l'enfance ou de l'adolescence », ce tout en relevant que « le questionnaire des attitudes parentales de YOUNG suggère un vécu de carence affective tant dans la valence paternelle que maternelle ».

Le Dr K______ fait état en page 28 de son rapport d'expertise d'une personnalité du registre état limite abandonné et d'un vécu de carence affective, ce qui ne l'empêche pas de conclure en page 38 à une enfance « plutôt heureuse ».

Le Dr K______ considère que la toxicomanie est primaire pour l'essentiel et qu’elle seule n'est pas susceptible de diminuer la capacité de travail de l’assuré, sans motiver particulièrement ce point de vue, alors que le Dr H______ insiste sur le fait que la toxicomanie n'est pas primaire, mais secondaire à un malaise intérieur très profond.

Il est intéressant de relever à cet égard que selon l'expertise du 15 août 2016 du Pr I______, « en somme, le parcours de vie de l’assuré avait été conditionné par une toxicodépendance lourde, installée dès son jeune âge dans un contexte de privation affective et de violences. Dans un premier temps, il avait su compenser l’addiction, qui était allée en s’aggravant jusqu’en 2001, date de la perte de son emploi. Par la suite, on assistait à la cascade classique de désinsertion psycho-sociale qui le conduirait à l’assistance publique et à un isolement croissant. Sa réaction à cette détérioration de sa qualité de vie était celle d’un trouble dépressif récurrent, dont l’apparition était difficile à dater avec précision ».

d. L'expert note à plusieurs reprises que l’assuré ne se souvient pas de faits en particulier, ne se rappelle pas quand il a rencontré tel ou tel psychologue, ou quand il a effectué des tentatives de sevrage à Belle-Idée, par exemple. Il en conclut toutefois que l’assuré peut reconstituer son historique personnel sans aucune difficulté et qu’il ne présente partant aucun trouble patent de la concentration, de la mémoire d’évocation ou de la fixation.

e. L'expert n’exclut pas que l’assuré puisse dramatiser s’agissant de sa symptomatologie dépressive, ce qui expliquerait, selon lui, « la discordance potentielle d’appréciation entre l’expert et le médecin traitant, le second faisant le plus souvent le postulat de sincérité de son patient » (exp. p. 27). Il ajoute toutefois, quelques pages du rapport plus loin, que « les symptômes sont cohérents et plausibles. L'assuré n'est pas dramatique et n'amplifie pas ses problèmes à l'examen clinique ».

f. S'agissant des idées suicidaires, le Dr K______ n'en fait pas mention, alors que selon le Dr H______, l'assuré en a souffert, mais a vu son état s’améliorer grâce aux antidépresseurs. Le médecin du SMR, dans son avis du 30 novembre 2020, a indiqué qu'elles étaient à mettre sur le compte du trouble dépressif présenté par l'assuré, notamment en 2018.

g. Le Dr K______ souligne à maintes reprises que sa consommation addictive n’a pas empêché l’assuré d’exercer une activité lucrative jusqu’en 2002. Celui-ci a toutefois précisé, ce dont le Dr K______ avait pourtant pris note, qu’il ne travaillait que dans le cadre de missions temporaires (cf. PV CP du 29 juin 2021). Le Dr K______ se contente à cet égard de relever que selon l’assuré, « c’était la mode », sans investiguer davantage.

h. Il relève que l’assuré n’a aucun antécédent de conduite auto-dommageable, ce que conteste le Dr H______, dans la mesure où l’assuré s’est précisément infligé des scarifications, surtout sur le torse et la partie supérieure des bras. Celui-ci l’a confirmé lors de son audition devant la chambre de céans. À cet égard, le médecin du SMR a indiqué que d’anciennes cicatrices avaient été décrites lors de l’expertise du 5 décembre 2011 par le Dr G______. Il constate toutefois que les circonstances exactes de ces cicatrices ne sont pas connues et en déduit curieusement que ces constatations ne modifient en rien l’appréciation du Dr K______ de traits de personnalité actuellement stabilisés !

Le Dr K______ retient que le trouble de la personnalité, soit une personnalité avec des traits état limite plutôt du registre impulsif et abandonnique actuellement non décompensée, n’est pas assimilable à une atteinte à la santé mentale, puisque l’assuré n’a aucun antécédent de conduite auto-dommageable, ce qui démontre, selon lui, que le trouble de la personnalité ne saurait justifier ni la toxicodépendance, ni l’incapacité de travail.

i. Il a ainsi considéré que six mois après l'expertise du Pr I______, l'évolution avait été favorable après le début de la prise de l'antidépresseur, en tous les cas dès le 1er mars 2017, date du rapport du Dr H______ signalant une évolution favorable. Or, ce médecin a affirmé le 14 novembre 2018 que la capacité de travail restait nulle et indiqué que l’assuré souffrait d’un TDAH, ce dont l’expert ne parle pas.

j. Ces éléments suffisent à susciter des doutes sur les conclusions de l’expertise du Dr K______ qui n’apparaissent pas convaincantes. Son rapport ne peut dès lors se voir reconnaître valeur probante.

Force est de constater que le dossier ne permet pas dans ces conditions à la chambre de céans de trancher le droit de l’assuré aux prestations AI.

Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une nouvelle instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise (ATF 137 V 210). Il se justifie en l’occurrence d’ordonner une expertise psychiatrique.

Elle sera confiée au docteur L______, à l’encontre duquel les parties n’ont fait valoir aucun motif de récusation.

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

1.             Ordonne une expertise psychiatrique de Monsieur A______.

2.             Commet à ces fins le Docteur L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du CAPPI à Genève.

3.             Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

a)        prendre connaissance du dossier de la cause ;

b)        si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité l’assuré ;

c)        examiner et entendre l’assuré, après s’être entouré de tous les éléments utiles, au besoin d’avis d’autres spécialistes ;

d)       si nécessaire, ordonner d’autres examens.

4.             Charge l’expert d’établir un rapport détaillé et de répondre aux questions suivantes :

1.        Anamnèse détaillée.

2.        Plaintes et données subjectives de la personne.

3.        Status clinique et constatations objectives.

4.        Diagnostics selon la classification internationale.

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).

5.        Depuis quand les différentes atteintes sont-elles présentes ?

6.        Les plaintes sont-elles objectivées ?

7.        Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

8.        Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

9.        Quels ont été les traitements entrepris et avec quel succès (évolution et résultats des thérapies) ?

10.    L’assuré a-t-il fait preuve de résistance à l’égard des traitements proposés ? La compliance est-elle bonne ? Quel est le dosage plasmatique des médicaments psychotropes en cours de traitement ?

11.    Dans quelle mesure les traitements ont-ils été mis à profit ou négligés ?

12.    En cas de dépendances à des substances psychoactives, une abstinence est-elle exigible ? Si oui, prière de préciser, notamment en ce qui concerne l'effet de l'exigibilité sur la capacité de travail.

13.    Décrire les activités quotidiennes de l'assuré, notamment une journée-type.

14.    Analyser les critères jurisprudentiels de gravité.

15.    Quelle est la capacité de travail de l’assuré :

a)        dans l’activité habituelle

b)        dans une activité adaptée.

16.    Dater la survenance de l’incapacité de travail durable, le cas échéant, indiquer l'évolution de son taux et décrire son évolution.

17.    Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

18.    De quelles ressources mobilisables l’assuré dispose-t-il ?

19.    Quel est le contexte social ? L’intéressé peut-il compter sur le soutien de ses proches ?

20.    Pour le cas où il y aurait refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie recommandée et accessible : cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de l’assuré à reconnaître sa maladie ?

21.    Quelle est l’influence des facteurs psychosociaux ?

22.    Formuler un pronostic global.

23.    Commenter et discuter les avis médicaux du SMR, des experts s’étant déjà prononcés et des médecins traitants et indiquer - cas échéant - pour quelles raisons ces avis sont confirmés ou écartés.

24.    Toute remarque utile et proposition de l’expert.

5.             Invite l’expert à déposer à sa meilleure convenance un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans.

6.             Réserve le fond.

 

La greffière

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le