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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2026/2021

ATAS/90/2022 du 02.02.2022 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2026/2021 ATAS/90/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 février 2022

4ème Chambre

 

En la cause

 

A______ SA, sise à TROINEX, représentée par Monsieur B______

 

recourante

contre

 

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION,
sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

 

intimée

 


 

EN FAIT

 

A. a. L’entreprise A______ SA (ci-après : l’entreprise ou la recourante), inscrite au registre du commerce de Genève depuis le ______ 1967, a notamment pour but l’importation, l’exportation, la fabrication, l’achat, la vente et la représentation de matériel de lutte contre l’incendie ainsi que le service et l’entretien de ce matériel. Elle est affiliée, depuis le 1er janvier 2013, auprès de la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée) pour le paiement des cotisations sociales de ses salariés.

Le 26 janvier 2017, une réviseuse-contrôleuse de la caisse a procédé à un contrôle d’employeur de l’entreprise, portant sur la période du 1er janvier 2013
au 31 décembre 2015. Dans son rapport du même jour, elle a constaté,
pour les années 2013 et 2014, que des reprises devaient être effectuées non
seulement pour un indépendant affilié pour une activité autre que celle exercée
dans l’entreprise – qui avait perçu une rémunération de CHF 34’280.- en 2013 et de CHF 35’386.- en 2014 –, mais aussi pour une personne non indépendante qui s’était vu verser CHF 3’725.- en 2013 et CHF 5’336.- en 2014. Pour l’année 2015, plus particulièrement pour la personne indépendante affiliée pour une activité autre que celle exercée dans l’entreprise, des reprises de cotisations devaient être effectuées sur une rémunération de CHF 37’576.-.

b. Se fondant sur le rapport de contrôle du 26 janvier 2017, la caisse a adressé à l’entreprise, le 14 février 2017, trois décisions distinctes se rapportant aux années 2013, 2014, respectivement 2015.

Il en ressortait que la masse salariale initialement retenue pour l’entreprise en 2013 (CHF 827’208.55) devait être majorée de CHF 38’005.- (soit CHF 34’280.- et CHF 3’725.-), de sorte que le solde de cotisations salariales (AVS/AI/APG, AC, AC Solidarité, SCAF et AMat), intérêts moratoires et frais d’administration compris, représentait un montant de CHF 6’482.60 que l’entreprise était invitée à régler jusqu’au 16 mars 2017.

Pour 2014, un montant de CHF 40’722.- (soit CHF 35’386.- et CHF 5’336.-) devait être ajouté à la masse salariale de l’entreprise précédemment arrêtée à
CHF 612’251.70. Une fois ce correctif apporté, le solde de cotisations salariales, comprenant les intérêts moratoires et les frais d’administration, s’élevait à montant de CHF 6’824.85 que l’entreprise était invitée à régler jusqu’au 16 mars 2017.

Pour 2015, la masse salariale de l’entreprise précédemment fixée à CHF 610’643.- devait être majorée de CHF 37’576.-. Cela fait, le solde de cotisations salariales, intérêts moratoires et frais d’administration compris, représentait un montant de CHF 6’052.55 que l’entreprise était invitée à régler également dans le même délai.

c. Par décision du 14 février 2017, notifiée à Monsieur C______ (ci-après l’intéressé), la caisse a informé ce dernier qu’elle avait exigé de l’entreprise, par décisions du même jour, le paiement de cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC/Amat sur la somme de CHF 34’280.- pour 2013, CHF 35’386.- pour 2014 et CHF 37’576.- pour 2015. Sur cette somme, un montant de CHF 2’156.- pour 2013, CHF 2’226.- pour 2014 et CHF 2’364.- pour 2015 correspondait à la part des cotisations à la charge du salarié. Dès lors qu’il était précisément le salarié en question pour les montants précités et que l’entreprise n’avait retenu aucune cotisation sur le salaire versé, celle-ci pouvait, dès l’entrée en force desdites décisions et dans les limites de la prescription, lui réclamer par la voie civile le remboursement de la part des cotisations lui incombant. Enfin, il était précisé que si l’intéressé entendait contester la nature ou le montant de la rémunération sur laquelle le paiement de cotisations paritaires était exigé, il avait la possibilité de former opposition à la décision du 14 février 2017 dans les trente jours dès sa notification – ce dont l’intéressé s’est abstenu.

d. Par jugement n° JTPH/191/2018 rendu le 6 juillet 2018 dans la cause opposant l’intéressé à l’entreprise en qualité de demandeur, respectivement défenderesse, le Tribunal des Prud’hommes a considéré que le demandeur n’avait pas réussi à démontrer l’existence d’un contrat de travail auquel il aurait été partie avec la défenderesse. Aussi ce Tribunal a-t-il déclaré irrecevable la demande formée le
14 septembre 2017.

e. Par pli du 7 juillet 2017, l’entreprise, assistée d’un mandataire, a informé la caisse qu’à la suite de la décision du 14 février 2017 notifiée à l’intéressé, ce dernier avait saisi la juridiction des Prud’hommes d’une demande en justice par laquelle il réclamait une somme d’environ CHF 19’000.- à l’entreprise. Lors de l’audience de conciliation qui s’était tenue le 22 juin 2017, l’intéressé avait affirmé avoir toujours payé ses cotisations, y compris celles relatives aux
années mentionnées dans les décisions du 14 février 2017 notifiées à l’entreprise.
En conséquence, l’entreprise a invité la caisse à confirmer ou infirmer les propos que l’intéressé avait tenus à l’audience précitée.

f. Le 24 juillet 2017, la caisse a répondu à l’entreprise que l’intéressé avait bien payé « ses cotisations concernant son activité d’indépendant ».

g. Par pli du 26 novembre 2018, UNIA caisse de chômage a fait savoir à la caisse que selon les informations portées oralement à sa connaissance par l’intéressé, le Tribunal des Prud’hommes avait retenu un statut d’indépendant et non de salarié à son endroit. En conséquence, UNIA caisse de chômage a invité la caisse à lui indiquer si elle avait reconsidéré ses décisions du 14 février 2017 ou si elle entendait le faire.

h. Le 3 décembre 2018, la caisse a informé UNIA caisse de chômage que dans la mesure où le jugement du Tribunal des Prud’hommes du 6 juillet 2018 ne la liait pas quant à la qualification de l’activité lucrative de l’intéressé, elle n’entendait pas reconsidérer ses décisions du 14 février 2017. Au demeurant, ces décisions étaient entrées en force et les montants réclamés avaient été entièrement réglés par l’entreprise.

i. Par pli du 4 décembre 2018, l’entreprise a fait observer à la caisse qu’il ressortait des considérants du jugement du Tribunal des Prud’hommes du 6 juillet 2018 que l’intéressé s’était toujours acquitté du paiement de ses cotisations sociales en tant qu’indépendant. Cependant, l’entreprise n’avait pas été en mesure d’obtenir de celui-ci une copie de l’attestation d’indépendant correspondante une fois le jugement devenu exécutoire, raison pour laquelle elle demandait de confirmer la présence de cette attestation au dossier ainsi que la reconsidération ou la révision des décisions du 14 février 2017. Enfin, l’entreprise a précisé que si elle n’avait pas formé opposition à ces dernières et payé les montants réclamés, c’était pour « éviter tout souci avec l’administration genevoise pouvant avoir un impact négatif sur l’adjudication des marchés publics, nécessaires à sa santé financière ».

j. Le 13 décembre 2018, la caisse a informé l’entreprise qu’elle n’entendait entrer en matière ni sur la demande de reconsidération ni sur la demande de révision. S’agissant de ce deuxième objet, force était de relever, d’une part, que le jugement du Tribunal des Prud’hommes du 6 juillet 2018 ne liait pas la caisse quant à la qualification de l’activité lucrative et, d’autre part, que les faits énoncés dans ledit jugement ne constituaient pas des éléments nouveaux permettant de revenir sur les décisions du 14 février 2017. Par ailleurs, sur le fond du dossier, l’activité lucrative pour laquelle l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : l’OCAS) avait été délivré une attestation d’indépendant n’était pas celle exercée pour le compte de l’entreprise, mais celle réalisée dans l’industrie du bois et du liège. En effet, l’intéressé n’avait jamais été affilié comme indépendant pour son activité d’installateur d’extincteurs et aucun élément ne permettait de considérer qu’il était actif dans ce secteur particulier.

k. Par courriel du 1er octobre 2019 au mandataire de l’entreprise, la caisse a encore précisé que pour des « raisons évidentes de protection des données », elle ne pouvait lui transmettre de copie ni de l’attestation d’indépendant ni du dossier de l’intéressé.

l. Par pli du 13 juillet 2020, l’entreprise a invité la caisse à formaliser par voie
de décision son refus de reconsidérer, subsidiairement de réviser ses décisions
du 14 février 2017 et de confier le prochain contrôle d’employeur à un autre réviseur-contrôleur. Elle a en outre réitéré sa demande d’accès au dossier
de l’intéressé et l’obtention d’une copie de l’attestation d’indépendant de ce dernier.

m. Le 27 juillet 2020, la caisse a fait savoir, en substance, à l’entreprise qu’elle n’entendait accéder qu’en partie à sa requête, en ce sens qu’un autre réviseur serait nommé pour le prochain contrôle AVS. Pour le reste, elle a maintenu sa position en renvoyant à ses précédentes explications.

n. Le 28 septembre 2020, la caisse a procédé à un contrôle d’employeur de l’entreprise portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2019. Dans son rapport rendu le même jour, la réviseuse-contrôleuse a constaté, pour l’année 2016, qu’une reprise devait être effectuée sur le montant de CHF 34’155.- nets, soit CHF 36’438.- bruts, versé à l’intéressé pour son activité exercée dans l’entreprise, à savoir l’entretien d’extincteurs. Dans ce même rapport, elle a par ailleurs mentionné que ce dernier avait été affilié comme indépendant dans l’industrie du bois et du liège jusqu’en février 2017 et qu’il avait annoncé à l’entreprise avoir inscrit, dans son bilan d’indépendant relatif à son autre activité, les revenus versés par l’entreprise. Aussi cette dernière ne comprenait-elle pas pourquoi la caisse encaissait deux fois des cotisations sur un même revenu.

B. a. Par décision du 28 septembre 2020, la caisse a adressé à l’entreprise une attestation des salaires complémentaire 2016, relative à l’activité déployée par
l’intéressé sur l’ensemble de cette année pour un montant de CHF 36’438.-.
Ce montant s’ajoutait à la masse salariale de l’entreprise précédemment arrêtée à
CHF 615’795.65. Une fois ce correctif apporté, le solde de cotisations salariales, intérêts moratoires et frais d’administration compris, représentait un montant de CHF 6’520.25 que l’entreprise était invitée à régler jusqu’au 28 octobre 2020.

b. Par décision du 28 septembre 2020, la caisse a informé l’intéressé qu’elle avait exigé de l’entreprise, par décision du même jour, le paiement de cotisations salariales sur la somme de CHF 36’438.- qu’il avait perçue à titre de paiement d’une prestation fournie dans le cadre d’une activité dépendante durant l’année 2016. Sur cette somme, un montant de CHF 2’283.- correspondait à la part des cotisations à la charge du salarié. Dans la mesure où l’entreprise n’avait retenu aucune cotisation sur la rémunération en cause, elle pouvait, dès l’entrée en force desdites décisions et dans les limites de la prescription, lui réclamer par la voie civile le remboursement de la part des cotisations lui incombant. Enfin, il était précisé que si l’intéressé entendait contester la nature ou le montant de la rémunération sur laquelle le paiement de cotisations paritaires était exigé, il avait la possibilité de former opposition à la décision dans les trente jours dès sa notification.

c. Le 5 octobre 2020, la caisse a reçu en retour la décision du 28 septembre 2020 notifiée à l’intéressé, revêtue de la mention manuscrite « je fais opposition ».

d. Par pli du 29 octobre 2020, l’entreprise a formé opposition à la décision du
28 septembre 2020 la concernant en concluant, principalement, à son annulation, à la reconnaissance du statut d’indépendant de l’intéressé pour la période
du 1er janvier au 31 décembre 2016 et, subsidiairement, à l’exonération de tout paiement. Préalablement, elle a conclu à ce que la caisse l’autorise à consulter
le dossier de l’intéressé entre janvier 2013 et mai 2017 et lui octroie un délai pour se déterminer sur celui-ci et, dans la négative, qu’elle lui octroie un délai supplémentaire pour compléter son opposition.

Elle a indiqué qu’il ressortait des faits établis par le Tribunal des Prud’hommes dans son jugement du 6 juillet 2018 qu’elle avait fait appel aux services de
l’intéressé dès 2005 et que les travaux effectués en sa faveur par l’intéressé,
qui étaient distincts de son activité indépendante d’ébéniste, avaient pour objet l’entretien des appareils pour les « cours-feu » (formation), le remplissage des appareils (CO2, poudre, eau pulvérisée), le contrôle client, le remplissage des cartouches de propulsion, la destruction des appareils en vue de leur recyclage, l’entretien de l’atelier, etc. L’entreprise avait reçu un courrier de l’intéressé, daté du 3 avril 2017, à la lecture duquel elle avait appris qu’il n’avait pas
d’autres prestataires (que l’entreprise) depuis 2013 et n’avait pas été informé
de son changement de statut vis-à-vis de l’entreprise avant la mi-février 2017.
Il ressortait enfin des faits établis par le tribunal précité que l’intéressé avait produit, à l’appui de sa demande du 14 septembre 2017, un courrier de l’OCAS du 9 mai 2017, attestant qu’il avait été affilié à la caisse du 1er janvier 1980 au
28 février 2017 en qualité d’assuré de condition indépendante.

À l’appui des conclusions de son opposition, l’entreprise a fait valoir en substance que le défaut de motivation de la décision, de même que le refus de consulter
le dossier de l’intéressé ne lui permettaient pas de savoir sur quels critères
la caisse s’était fondée pour qualifier de dépendante l’activité exercée par
l’intéressé, de sorte que son droit d’être entendue avait été violé. Par ailleurs, même si le fait de retenir une activité dépendante s’avérait fondé, force était
de constater que par décisions du 14 février 2017, la caisse avait nié le statut d’indépendant de l’intéressé avec effet au 1er janvier 2013. Comme tout indépendant était censé produire ses comptes chaque année – soit le chiffre d’affaires et les charges –, pour permettre à la caisse d’ajuster les cotisations provisoires avant de fixer les cotisations définitives en fonction du revenu déterminé par l’administration fiscale cantonale, la caisse aurait pu et dû se rendre compte plusieurs années avant les décisions du 14 février 2017 que l’intéressé ne remplissait pas les conditions du statut d’indépendant vis-à-vis de l’entreprise. En omettant d’en informer plus tôt l’entreprise, la caisse avait violé son devoir de renseigner, ce qui justifiait, à titre de réparation du dommage, l’exonération de tout paiement des CHF 6’520.25 réclamés.

e. Le 6 novembre 2020, l’intéressé a complété son opposition du 5 octobre 2020 en expliquant qu’il avait payé des cotisations personnelles à concurrence de CHF 2’578.30 sur un revenu déterminant de CHF 21’600.- nets en 2016. Étant donné qu’il n’avait perçu aucun autre revenu en 2016, il estimait n’avoir pas à payer deux fois des cotisations sociales sur le même revenu.

f. Le 10 novembre 2020, la caisse a imparti un délai à fin décembre 2020 à l’entreprise pour compléter son opposition, tout en maintenant son refus de consultation du dossier de l’intéressé pour des raisons de protection des données.

g. Par décision du 5 mai 2021, la caisse a rejeté l’opposition formée par l’entreprise, motif pris que dans le cadre de l’activité déployée pour l’entreprise, l’intéressé ne pouvait pas se prévaloir d’un statut d’indépendant. Concernant les autres griefs que l’entreprise lui avait adressés, la caisse a précisé qu’elle avait demandé à l’administration fiscale genevoise (ci-après : AFC), par courriel du
24 mars 2021, de l’éclairer sur la nature des revenus d’indépendant déclarés par
l’intéressé dans ses déclarations 2013 à 2017. L’AFC lui avait répondu le même jour que l’intéressé avait mentionné une activité de « restaurateur de meubles anciens » de 2011 à 2015, respectivement « d’ébéniste » de 2016 à 2018. Or, même si l’on comprenait à la lecture du « courrier d’opposition » (recte : complément d’opposition du 6 novembre 2020) que les revenus perçus par
l’intéressé dans le cadre de son activité pour l’entreprise auraient été déclarés par le biais de son activité indépendante, les montants ayant fait l’objet des reprises et ceux déclarés à titre de revenu à l’AFC n’étaient absolument pas identiques. L’AFC confirmait également que les revenus avaient toujours été déclarés sous la rubrique « indépendant ». Quand bien même cela serait le cas, ces revenus n’auraient jamais dû être déclarés sous cette rubrique et il incomberait alors à l’intéressé de corriger sa situation fiscale afin que la caisse puisse revenir sur ses décisions de cotisations d’indépendant. Ce point ne changeait toutefois rien ni au bien-fondé des reprises ni à la qualification de l’activité exercée par l’intéressé pour le compte de l’entreprise.

Concernant le dossier de l’intéressé, tous les éléments déterminants pour
la reprise de l’année 2016 avaient été communiqués à l’entreprise. Cette reprise
ne constituait pas, au demeurant, une surprise pour l’entreprise puisque la requalification des revenus était identique à celle déjà effectuée le 14 février 2017 pour les années 2013 à 2015. Il convenait de rappeler également qu’il était tout
à fait possible qu’une même personne exerce en parallèle une activité salariée et une activité indépendante.

S’agissant enfin de l’attestation d’indépendant, la caisse ne pouvait pas suivre l’argumentaire de l’entreprise. En effet, l’attestation d’affiliation de l’intéressé à la caisse en tant qu’indépendant avait été délivrée par l’OCAS en mai 2017, soit plus d’un an après l’année visée par les reprises. L’entreprise aurait dû, avant d’employer l’intéressé, lui demander une attestation valide et vérifier qu’il était indépendant dans le domaine d’activité qu’elle souhaitait lui confier. L’entreprise ne pouvait donc pas avoir été induite en erreur par une attestation d’indépendant qui avait été émise après 2016.

C. a. Le 7 juin 2021, l’entreprise a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision et conclu, principalement, à son annulation, à la reconnaissance du statut d’indépendant de l’intéressé pour l’activité déployée en faveur de la recourante durant la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, subsidiairement, à l’exonération de tout paiement et, plus subsidiairement encore, à ce qu’il soit ordonné à l’intimée de rembourser à la recourante les acomptes de cotisations versés par l’intéressé au titre d’indépendant. Elle a également conclu, à titre préalable, à l’ouverture des enquêtes, à l’apport du dossier de l’intéressé entre janvier 2011 et mai 2017 ainsi qu’à l’octroi d’un délai substantiel pour se déterminer sur ledit dossier, le tout sous suite de frais et dépens.

À l’appui de ses conclusions, la recourante a repris en substance les arguments développés dans son opposition.

b. Par réponse du 24 juin 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours en renvoyant pour l’essentiel à la motivation de la décision sur opposition attaquée.

c. Par pli du 8 juillet 2021, l’intimée a transmis à la chambre de céans :

- un courrier de l’intéressé, daté du 1er juillet 2021, autorisant le mandataire de la recourante à consulter son dossier d’indépendant pour la période du
1er janvier 2005 au 31 mai 2017 ;

- un extrait du dossier d’indépendant de l’intéressé auprès de l’intimée, contenant les décisions de cotisations 2013 à 2017 et les communications fiscales relatives à ces mêmes années ;

- une copie de la décision sur opposition du 5 mai 2021, notifiée par l’intimée à
l’intéressé, qui n’avait pas fait l’objet d’un recours.

Il ressort de cette dernière décision qu’elle ne se distingue de la décision sur opposition attaquée que dans la mesure où elle précise qu’à la suite de la réception des communications fiscales transmises par l’AFC, la caisse avait fixé le montant des cotisations personnelles de l’intéressé par décisions :

- du 25 novembre 2014 pour l’année 2013, en prenant en compte le revenu
de CHF 27’855.- communiqué le 19 septembre 2014 par l’AFC pour l’année 2013 ;

- du 22 mars 2016 pour l’année 2014, en prenant en compte le revenu de
CHF 20’442.- communiqué le 21 mars 2016 par l’AFC pour l’année 2014 ;

- du 6 avril 2017 pour l’année 2015, en prenant en compte le revenu de
CHF 24’680.- communiqué le 27 janvier 2017 par l’AFC pour l’année 2015 ;

- du 3 juillet 2018 pour l’année 2016, en prenant en compte le revenu de
CHF 20’535.- communiqué le 25 avril 2018 par l’AFC pour l’année 2016.

d. Par pli du 13 juillet 2021, la recourante a informé la chambre de céans qu’après avoir reçu l’autorisation de l’intéressé de consulter son dossier d’indépendante auprès de l’OCAS, cet office le lui avait transmis le 7 juillet 2021 tout en y joignant les pièces qui accompagnaient la réponse du 24 juin 2021 au recours. Compte tenu du nombre de pièces adressées, la recourante a sollicité un délai supplémentaire pour répliquer.

e. Le 14 juillet 2021, la chambre de céans a prolongé au 30 juillet 2021 le délai imparti à la recourante pour produire son écriture.

f. Par réplique du 30 juillet 2021, la recourante a indiqué que l’intéressé avait exercé son activité pour le compte de l’entreprise dès 2004 et qu’au cours de toutes ces années, les caisses de compensation successives (l’intimée de 2004
à 2009 et la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des entreprises romandes FER CIAM 106.1 de 2010 à 2012) n’avaient pas remis en cause la qualification d’indépendant pour la même activité. La requalification de cette activité n’était intervenue qu’en 2017 mais avec un effet rétroactif au 1er janvier 2013.

La recourante aurait certes pu ou dû demander à l’intéressé une attestation valide en 2004 et vérifier qu’il était bien indépendant dans le domaine d’activité qu’elle souhaitait lui confier. Toutefois, après douze ans d’activité « sans réaction des caisses de compensation », la recourante n’avait aucune raison de douter
de l’indépendance de l’intéressé. Aussi la recourante s’étonnait-elle que le changement factuel survenu en 2013 – soit le fait que l’entreprise était devenue l’unique « cliente » de l’intéressé dès 2013 –, qui avait alors été passé sous silence par l’intéressé, pût lui être préjudiciable. À cet égard, l’intimée soutenait qu’on ne pouvait lui reprocher un manque de diligence dans l’administration des comptes des personnes indépendantes étant donné qu’elle gérait plus de 13’000 comptes d’indépendants, qu’elle ne pouvait interroger chaque affilié en cas de modification de son revenu et en informer ses éventuels clients qu’elle ne connaissait du reste pas. Selon la recourante, l’argumentaire de l’intimée revenait à permettre aux caisses de compensation de ne vérifier qu’a posteriori, soit
dans le cadre d’une révision quinquennale « potentiellement dommageable » pour l’entreprise visée, si l’activité d’une personne à son service pouvait être requalifiée en activité dépendante. Aussi, « afin de connaître l’ampleur du dommage subi par les victimes [de ces requalifications] », qui étaient synonymes d’insécurité juridique et de coûts pour les entreprises, il existait une « impérieuse nécessité de mettre un terme à cette pratique de contrôle » et de « connaître les montants totaux des reprises ordonnées par [l’intimée] ces dernières années dans des cas similaires ». Sur la base de ces éléments, la recourante a persisté dans ses conclusions et conclu, en outre, à ce que la chambre de céans ordonne « la production de ces chiffres sur les cinq dernières années ».

g. Le 11 août 2021, une copie de cette écriture a été transmise, pour information, à la recourante.

h. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ –  E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS – RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celles du titre IVA (soit les art. 89B à 89l) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que ses articles précités n’y dérogent pas (art. 89A LPA), les dispositions spécifiques que la LAVS contient sur la procédure restant réservées (art. 1 al. 1 LAVS).

1.3 Le délai de recours est de tente jours (art. 60 al. LPGA et art. 62 al. 1 let. a LPA. Lorsque le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, son terme est reporté au premier jour ouvrable qui suit (art. 38 al. 3 LPGA et 17 al. 3 LPA).

Après réception de la décision sur opposition au plus tôt le 6 mai 2021, le délai de recours a commencé à courir le lendemain et est arrivé à échéance le 7 juin 2021, le dernier jour du délai tombant un samedi (5 juin 2021). Posté le 7 juin 2021, le recours a été interjeté en temps utile. Respectant également les exigences de forme prévues par l’art. 61 let. b LPGA (cf. aussi l’art. 89B al. 3 LPA), le recours est recevable, sous réserve de ce qui suit :

1.3.1 Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l’autorité administrative compétente s’est prononcée préalablement d’une manière qui la lie, sous la forme d’une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n’a été rendue, la contestation n’a pas d’objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; ATF 125 V 414 consid. 1a ; ATF 119 Ib 36 consid. 1b et les références citées).

L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui (dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision) constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige
(ATF 125 V 414 consid. 1b et 2 et les références citées).

1.3.2 Selon l’art. 59 LPGA, quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d’être protégé à ce qu’elle soit annulée ou modifiée a qualité pour recourir.

1.3.3 En l’espèce, la recourante est sans conteste touchée par la décision sur opposition du 5 mai 2021 – qui constitue l’objet de la contestation – et a un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification en tant qu’elle met à sa charge un montant de CHF 6’520.35 à titre de cotisations salariales (intérêts moratoires et frais d’administration compris), en fonction de la rémunération de CHF 36’438.- versée à l’intéressé en 2016. Cependant, dans la mesure où il est incontesté – et incontestable – que la connaissance des montants totaux des reprises décidées par l’intimée à l’encontre d’autres entreprises dans des cas similaires au cours des dernières années n’a pas d’incidence sur le montant de CHF 6’520.35 qui lui est réclamé, la recourante n’a pas d’intérêt digne de protection à ce que la chambre de céans ordonne la production des chiffres afférents aux montants totaux des reprises ordonnées par l’intimée sur ces cinq dernières années dans des causes opposant d’autres sociétés à l’intimée. Une telle conclusion est par conséquent irrecevable.

2.             Le litige porte sur le droit de l’intimée de réclamer à la recourante le paiement
de CHF 6’520.35 à titre de cotisations salariales (intérêts moratoires et frais d’administration compris) pour l’activité exercée pour elle par l’intéressé en 2016, singulièrement sur la question du statut de ce dernier (salarié ou indépendant).

3.             Au préalable, la recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendu, motif pris que la décision du 28 septembre 2020 reposait sur l’affirmation péremptoire selon laquelle l’activité déployée par l’intéressé en 2016 était considérée comme étant salariée. Elle précise que même s’il était vrai que lors
du contrôle d’employeur du même jour, la réviseuse-contrôleuse avait annoncé oralement que l’attestation d’indépendant de l’intéressé ne concernait que son activité d’ébéniste, que celui-ci n’avait plus que la recourante comme prestataire, et que de ce seul fait, son activité en faveur de cette dernière devait être qualifiée de dépendante, aucun de ces éléments n’avait pu être vérifié par la recourante du fait du refus d’accès – même partiel – d’accès au dossier de l’intéressé.

Ce grief de nature formelle, doit être examiné en premier lieu (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa; ATF 124 V 90 consid. 2 notamment).

3.1 La jurisprudence a déduit du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), en particulier, le droit pour le justiciable de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d’avoir accès au dossier, celui de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; 135 II 286 consid. 5.1 ; 132 V 368 consid. 3.1).

Selon l’art. 47 al. 1 LPGA, ont notamment le droit de consulter le dossier, dans la mesure où les intérêts privés prépondérants sont sauvegardés : l’assuré, pour les données qui le concernent (let. a) ; les parties, s’agissant des données qui leur sont nécessaires pour exercer un droit ou remplir une obligation qui découle d’une loi sur les assurances sociales ou pour faire valoir un moyen de droit contre une décision foncée sur cette même loi (let. b).

3.2 Le droit de consulter le dossier se rapporte en principe à tous les documents relatifs à la procédure ; en sont exclus, selon la pratique, les documents purement internes, destinés exclusivement à la formation interne de l’opinion et qui n’ont pas de caractère probatoire (ATF 125 II 473 consid. 4a et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_50/2011 du 11 août 2011 consid. 2.2). Il n’est pas nécessaire que le dossier puisse effectivement influencer la décision sur le fond. La consultation des dossiers établis ou consultés pour une procédure déterminée ne peut donc pas être refusée au motif que les documents en question sont sans importance pour l’issue de la procédure ; il faut au contraire laisser à l’intéressé lui-même le soin d’évaluer la pertinence des dossiers (ATF 132 V 387 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2012 du 2 novembre 2012 consid. 6.2).

Si la personne assurée ou son avocat reçoit toujours tous les documents déterminants pour la procédure (cf. dans ce sens également l’art. 47 al. 1 let. a LPGA [droit de la personne assurée de consulter le dossier]), il faut veiller, lors de l’envoi à des tiers, à ce que certains documents ou informations ne puissent pas être communiqués pour des raisons de protection des données (art. 47 al. 1 let. b - d LPGA [droit d’autres personnes ou autorités de consulter le dossier] ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_319/2010 du 15 décembre 2010 consid. 2.3.2).

Selon la jurisprudence, la violation du droit d’être entendu – pour autant qu’elle ne soit pas d’une gravité particulière – est réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours jouissant d’un plein pouvoir d’examen. Au demeurant, la réparation d’un vice éventuel ne doit avoir lieu qu’à titre exceptionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_181/2013 du 20 août 2013 consid. 3.3 et la référence).

3.3 En l’espèce, la question de savoir si pour des motifs tenant à la protection des données, l’intimée pouvait, avant de rendre les décisions des 28 septembre 2020
et 5 mai 2021, se contenter de relater les éléments pertinents du dossier de
l’intéressé sans en permettre la consultation à la recourante souffre de rester indécise dans la mesure où cette dernière, bénéficiant d’une autorisation ad hoc de
l’intéressé du 1er juillet 2021, a eu tout le loisir de consulter l’intégralité de son dossier et de se déterminer à ce sujet. Aussi le moyen tiré de la violation du droit d’être entendu s’avère infondé.

4.             Selon l’art. 1a al. 1 LAVS, sont notamment assurées à titre obligatoire à l’AVS, les personnes physiques domiciliées en Suisse (let. a) et celles qui exercent en Suisse une activité lucrative (let. b).

Est réputé salarié celui qui fournit un travail dépendant et qui reçoit pour ce travail un salaire déterminant au sens des lois spéciales (art. 10 LPGA). Cette disposition renvoie aux lois spéciales et n’a aucun effet sur celles-ci : elle ne prévoit ni une annulation de ces dernières, ni n’introduit d’éventuelles dérogations dans les lois spéciales (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 2/06 du 10 avril 2006, consid. 6).

Aux termes de l’art. 12 LPGA, est considéré comme exerçant une activité lucrative indépendante celui dont le revenu ne provient pas de l’exercice d’une activité en tant que salarié (al. 1). Une personne exerçant une activité lucrative indépendante peut simultanément avoir la qualité de salarié si elle reçoit un salaire correspondant (al. 2).

Chez une personne qui exerce une activité lucrative, l’obligation de payer des cotisations dépend notamment de la qualification du revenu touché dans un certain laps de temps; il faut se demander si cette rétribution est due pour une activité indépendante ou pour une activité salariée (art. 5 et 9 LAVS, et art. 6 ss du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS – RS 831.101).

Selon l’art. 5 al. 2 LAVS, on considère comme salaire déterminant toute rétribution pour un travail dépendant effectué dans un temps déterminé ou indéterminé; quant au revenu provenant d’une activité indépendante, il comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (art. 9 al. 1 LAVS).

5.              

5.1 Selon la jurisprudence, le point de savoir si l’on a affaire, dans un cas donné,
à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d’après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui est déterminant,
bien plutôt, ce sont les circonstances économiques (ATF 140 V 241 consid. 4.2 et les références). Les rapports de droit civil peuvent certes fournir, éventuellement, quelques indices, mais ils ne sont pas déterminants. D’une manière générale,
est réputé salarié celui qui dépend d’un employeur quant à l’organisation du
travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, et ne supporte pas le risque encouru par l’entrepreneur (ATF 123 V 161 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_796/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.2). Ces principes ne conduisent cependant pas, à eux seuls, à des solutions uniformes, applicables de manière schématique. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu’il faut décider dans chaque cas particulier si l’on est en présence d’une activité dépendante ou d’une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d’activité; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (ATF 140 V 108 consid. 6; ATF 123 V 161 consid. 1 et les références). Il n’existe toutefois aucune présomption juridique en faveur de l’activité salariée ou indépendante (Directives sur le salaire déterminant dans l’AVS, AI et APG [DSD] édictées par l’OFAS, ch. 1020). La notion de dépendance englobe les rapports créés par
un contrat de travail, mais elle les déborde largement (GREBER, DUC, SCARTAZZINI, Commentaire des art. 1 à 16 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, 1997, n. 94 ad art. 4 LAVS et les références). Il peut
en effet arriver qu’un tribunal civil qualifie une relation juridique de mandat ou
de contrat d’entreprise, alors que l’assureur ou le juge social la considère
comme un cas d’activité lucrative dépendante (cf. ATF 97 V 134 consid. 3 ;
Jean-Philippe DUNAND, in Commentaire romand de la LPGA, n. 56 ad art. 10).

5.2 Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise sont le droit de l’employeur de donner des instructions, le rapport de subordination du travailleur à l’égard de celui-ci, l’obligation de ce dernier d’exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée. On citera également la prohibition de faire concurrence et le devoir de présence (cf. DSD, ch. 1015).
Un autre élément permettant de qualifier la rétribution compte tenu du lien de dépendance de celui qui la perçoit est le fait qu’il s’agit d’une collaboration régulière, autrement dit que l’employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 334/03 du 10 janvier 2005 consid. 6.2.1). En outre, la possibilité pour le travailleur d’organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’une activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 6/05 du 19 mai 2006 consid. 2.3).

5.3 Le risque économique encouru par l’entrepreneur peut être défini comme
étant celui que court la personne qui doit compter, en raison d’évaluations ou de comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance économique de l’entreprise. Constituent notamment des indices révélant l’existence d’un risque économique d’entrepreneur le fait que l’assuré opère des investissements importants, subit les pertes, supporte le risque d’encaissement et de ducroire, supporte les frais généraux, agit en son propre nom et pour son propre compte, se procure lui-même les mandats, occupe du personnel et utilise ses propres locaux commerciaux (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 6/05 du 19 mai 2006 consid. 2.3).

On peut donner une importance prépondérante soit au critère du risque économique soit à celui du rapport de dépendance, ou à leurs manifestations respectives, suivant les circonstances (DSD, ch. 1024). Ainsi, certaines activités économiques, notamment dans le domaine des services, n’exigent pas, de par leur nature, d’investissements importants ou de faire appel à du personnel. En pareilles circonstances, il convient d’accorder moins d’importance au critère du risque économique de l’entrepreneur et davantage à celui de l’indépendance économique et organisationnelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_364/2013 du 23 septembre 2013 consid. 2.2).

5.4 Un autre facteur concourant à la reconnaissance d’un statut d’indépendant est l’exercice simultané d’activités pour plusieurs sociétés sous son propre nom, sans qu’il y ait dépendance à l’égard de celles-ci (RCC 1982 p. 208). À cet égard, ce n’est pas la possibilité juridique d’accepter des travaux de plusieurs mandants qui est déterminante, mais la situation de mandat effective (cf. RCC 1982 p. 176 consid. 2b).

En revanche, on part de l’idée qu’il y a activité dépendante quand des caractéristiques typiques du contrat de travail existent, c’est-à-dire quand l’assuré fournit un travail dans un délai donné, est économiquement dépendant de
l’« employeur » et, pendant la durée du travail, est intégré dans l’entreprise de celui-ci, et ne peut ainsi pratiquement exercer aucune autre activité lucrative (REHBINDER, Schweizerisches Arbeitsrecht, 12ème éd. p. 34 ss ; VISCHER, Der Arbeitsvertrag, SPR VII/1 p. 306). Les indices en ce sens sont l’existence d’un plan de travail déterminé, la nécessité de faire rapport sur l’état des travaux, ainsi que la dépendance de l’infrastructure sur le lieu de travail (RCC 1986 p. 126 consid. 2b, RCC 1986 p. 347 consid. 2d) ou, en cas d’activité régulière, dans le fait qu’en cas de cessation de ce rapport de travail, il se retrouve dans une situation semblable à celle d’un salarié qui perd son emploi (ATF 122 V 169 consid. 3c ; Pratique VSI 5/1996 p. 258).

5.5 Lorsqu’un assuré exerce simultanément plusieurs activités, on se demandera, à propos de chacun des revenus touchés, s’il provient d’une activité indépendante ou d’une activité salariée. Il est parfaitement possible qu’un assuré travaille en
même temps pour une entreprise en qualité de salarié et pour une autre comme indépendant. Par conséquent, il se peut aussi que l’assuré travaille pour la même entreprise, mais dans des secteurs différents, comme salarié et comme indépendant. On ne considère donc pas le caractère prédominant de l’activité dans son ensemble. Une telle manière de qualifier celle-ci n’est pas prévue par la loi,
et n’est pas non plus nécessaire pour des raisons pratiques. Il faut, bien plutôt, examiner séparément les diverses activités, et les cotisations en cause seront perçues d’après la qualification de ces activités (RCC 1979 p. 149 consid. 3b). Sont toutefois réservés les aspects relatifs à la coordination dans le cas de personnes exerçant la même activité lucrative pour différents employeurs ou mandants ou exerçant différentes activités lucratives pour le même employeur ou le même mandant. Dans ces situations, il y a lieu d’éviter autant que possible que ces activités soient qualifiées de manière différente, c’est-à-dire en partie comme une activité salariée et en partie comme une activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral H 194/05 du 19 mars 2007 consid. 7.4 ; Michel VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et de l’assurance-invalidité (AI), Commentaire thématique, p. 96 n. 297).

6.              

6.1 Les cotisations des indépendants sont fixées pour chaque année de cotisation
(art. 22 al. 1 RAVS). Pendant l’année de cotisation, les personnes tenues de payer des cotisations doivent verser périodiquement des acomptes de cotisations (art. 24 al. 1 RAVS). Sur la base de la communication fiscale, les caisses de compensation fixent ensuite les cotisations dues pour l’année de cotisation dans une décision de cotisation et établissent le solde entre les cotisations dues et les acomptes versés (art. 25 al. 1 RAVS). Si une caisse de compensation a connaissance du fait qu’une personne soumise à l’obligation de payer des cotisations n’a pas payé de cotisations ou n’en a payé que pour un montant inférieur à celui qui était dû, elle doit réclamer, au besoin par décision, le paiement des cotisations dues (art. 39
al. 1 RAVS). Cela concerne les cotisations pour des revenus sur lesquels aucune cotisation n’a été versée jusqu’à présent. En revanche, si le statut de cotisant a
déjà été fixé par une décision entrée en force pour un revenu déterminé,
le changement de statut de cotisant pour la part de revenu concernée nécessite une révision procédurale ou une reconsidération (art. 53 al. 1 ou 2 LPGA ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_1094/2009 du 31 mai 2010 consid. 2.4 et les arrêts cités). En cas de révision ou de reconsidération, les cotisations déjà payées en tant qu’indépendant doivent être imputées sur les cotisations paritaires réclamées à l’employeur à concurrence de la part incombant à l’employé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_459/2011 du 26 janvier 2012 consid. 6.3.2 et les références ; cf. aussi les Directives sur la perception des cotisations dans l’AVS, AI et APG [DP],
ch. 3026).

6.2 Si le changement de statut n’a pas d’effet rétroactif mais déploie ses effets
que pour le futur, l’examen du statut doit alors être effectué en toute liberté tout en observant une certaine retenue dans les cas limites (RCC 1989, p. 465 consid. 2b). Si la question du changement de statut porte à la fois sur des revenus pour lesquels des cotisations sociales ont déjà été versées et également sur d’autres
qui n’ont pas encore fait l’objet d’une décision, il y a lieu d’examiner, pour
la partie sur laquelle porte la décision passée en force, si les conditions d’une reconsidération ou d’une révision sont réunies, alors que la question du statut du statut de cotisant doit être examinée librement pour la part des rémunérations au sujet desquelles aucune décision n’a été rendue (ATF 121 V 1 consid. 6 ; Michel VALTERIO, op. cit., p. 78, n. 231).

6.3 En l’espèce, il est constant que l’intéressé était affilié auprès de la caisse en tant qu’indépendant dans le domaine de l’industrie du bois et du liège du
1er janvier 1980 au 28 février 2017, que l’activité et les travaux effectués
en faveur de la recourante par l’intéressé dès 2005 étaient distincts de son activité indépendante d’ébéniste. En effet, ils avaient pour objet l’installation et l’entretien
des extincteurs installés chez les clients de la recourante, qui était l’unique prestataire de l’intéressé à partir de 2013, à tout le moins pour l’installation et l’entretien d’extincteurs. Étant donné que la décision sur opposition litigieuse ne revient pas sur la décision de cotisations personnelles pour personnes exerçant une activité lucrative indépendante du 3 juillet 2018 – qui vise une activité, exercée en 2016, autre que celle effectuée dans l’entreprise au cours de la même année en faveur de la recourante – mais qu’elle concerne des revenus qui, pour 2016, n’avaient pas encore fait l’objet d’une décision, il convient d’examiner librement la question de savoir si les revenus en question proviennent d’une activité indépendante ou dépendante.

Pour contester le caractère dépendant de l’activité de l’intéressé, la recourante se fonde principalement sur le jugement n° JTPH/191/2018 du 6 juillet 2018 précité, plus particulièrement sur l’absence de lien de subordination – élément clé dans la qualification du contrat de travail – sous les angles personnel, fonctionnel, temporel et économique. On rappellera néanmoins que l’absence de contrat de travail au sens du droit des obligations ne fait pas obstacle au fait que la même relation juridique soit considérée comme un cas d’activité dépendante par la
caisse de compensation de l’employeur affilié (ci-dessus : consid. 5.1), à l’instar de la qualification retenue par l’intimée dans ses décisions – non contestées – du
14 février 2017, s’agissant des prestations fournies en faveur de la recourante
par l’intéressé au cours des années 2013, 2014 et 2015. Par ailleurs, le fait que celui-ci a continué, en 2016, à réaliser tous les revenus tirés de l’installation et
de l’entretien d’extincteurs des prestations fournies à la seule recourante démontre – autant qu’il perpétue – l’existence d’un lien de dépendance économique entre eux. Le risque encouru dans une telle situation s’apparente dès lors à celui d’un salarié dont l’employeur ne s’acquitte pas du salaire pour un travail accompli et non à celui d’un indépendant qui s’expose à une perte de la substance économique de son entreprise (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 8). L’existence d’un lien de dépendance aussi étroit avec la recourante est un indice que l’intéressé ne traitait pas sur un pied d’égalité avec cette dernière comme le feraient deux entreprises qui entretiendraient des liens commerciaux. Partant, la décision litigieuse ne prête pas le flanc à la critique en tant qu’elle retient que l’activité exercée par l’intéressé en faveur de la recourante en 2016 doit être qualifiée de dépendante. Au demeurant, la recourante en convient à juste titre dans sa dernière écriture (cf. réplique, p. 1, dernier §).

7.             Dans un deuxième moyen, la recourante soutient en substance que même en admettant que l’intéressé exerçait effectivement une activité dépendante en sa faveur, le fait que ni elle-même ni l’intéressé n’aient eu connaissance, avant les décisions du 14 février 2017, du changement de statut de ce dernier avec effet rétroactif à 2013 serait contraire à la bonne foi dans la mesure où l’intimée aurait laisser perdurer, dès 2013, une situation éveillant à tout le moins des doutes quant à la conformité du statut de cotisant de l’intéressé dès cette année-là, sans pour autant interpeller les personnes directement concernées à ce sujet, méconnaissant ainsi son devoir de conseil « au profit d’une juteuse révision à venir ». Invoquant l’art. 78 LPGA, la recourante ajoute que cette absence d’interpellation justifierait une obligation de l’intimée de réparer le dommage résultant de sa passivité et que cette réparation devrait prendre la forme d’une exonération de tout paiement des CHF 6’520.35 réclamés par l’intimée à titre de cotisations salariales (intérêts moratoires et frais d’administration compris) pour l’année 2016.

7.1 L’art. 27 LPGA prévoit que dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d’exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1). Chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations. Sont compétents pour cela les assureurs à l’égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations. Le Conseil fédéral peut prévoir la perception d’émoluments et en fixer le tarif pour les consultations qui nécessitent des recherches coûteuses (al. 2). Si un assureur constate qu’un assuré ou ses proches ont droit à des prestations d’autres assurances sociales, il les en informe sans retard (al. 3).

7.1.1 L’art. 27 al. 1 LPGA pose une obligation générale et permanente de renseigner indépendante de la formulation d’une demande par les personnes intéressées. Cette obligation peut être respectée par la mise à disposition de brochures, fiches, instructions et autres notices (cf. Rapport de la Commission du Conseil national, in FF 1999 IV 4168, 4229 ; cf. ég. arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 187/06 du 13 novembre 2006 consid. 2.1 ; Guy LONGCHAMP, in Commentaire romand de la LPGA, 2018, n. 11 et 13 ad art. 27 LPGA).

7.1.2 À la différence de l’obligation de renseigner statuée à l’art. 27 al. 1 LPGA, l’obligation de conseiller se rapporte à un cas précis. Elle implique nécessairement qu’il y ait une demande préalable de la personne intéressée ou, à tout le moins, que l’assureur ait constaté ou eût dû constater qu’il y avait un besoin de conseiller (Guy LONGCHAMP, op. cit., n. 24 ad art. 27 LPGA). Le devoir de conseil et d’information selon l’art. 27 al. 2 et 3 LPGA n’existe donc pas sans condition, mais seulement lorsqu’il existe une raison suffisante d’informer. On ne peut pas exiger de l’assureur qu’il informe les assurés de tous les droits, même théoriques, auxquels ils peuvent prétendre. En l’absence d’indices permettant de conclure qu’une personne entre dans le cercle des personnes couvertes par une autre assurance, l’absence d’information sur cette forme de couverture d’assurance ne constitue pas une violation de l’art. 27 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 187/06 du 13 novembre 2006 consid. 3.1). Enfin, on ne peut pas attendre de l’administration qu’elle fournisse des informations dont on peut supposer qu’elles sont connues de tous, car cela aurait pour conséquence de submerger les assurés d’informations qui ne sont ni nécessaires ni souhaitées.
Une telle démarche irait à l’encontre de tout effort visant à garantir une activité administrative rationnelle et favorable aux citoyens (arrêt du Tribunal fédéral 9C_894/2008 du 18 décembre 2008 consid. 3.2).

Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l’assureur, est assimilé à une déclaration erronée qui peut, sous certaines conditions, obliger l’autorité à consentir à un administré un avantage auquel il n’aurait pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101; ATF 131 V 472 consid. 5). Ce principe protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 141 V 530). Il faut que (a) l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, (b) qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et (e) que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée (ATF 131 V 472 consid. 5; ATF 131 II 627 consid. 6.1 et les réf. citées). Ces principes s’appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante : que l’administré n’ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu’il n’avait pas à s’attendre à une autre information
(ATF 131 V 472 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_601/2009 du 31 mai 2010 consid. 4.2).

7.2 Aux termes de l’art. 20 al. 1 RAVS, les cotisations perçues sur le revenu provenant d’une activité indépendante obtenu dans une entreprise doivent être payées par le propriétaire, en cas de fermage ou d’usufruit par le fermier ou l’usufruitier. Dans le doute, elles doivent être payées par la personne qui est imposable pour le revenu considéré, ou en l’absence d’obligation fiscale, par celle qui assume la responsabilité de l’exploitation.

La solution consacrée par l’art. 20 al. 1 RAVS correspond aux donnée de la vie économique. Elle signifie que quiconque exploite ou fait exploiter une entreprise à son propre compte et en prenant lui-même le risque économique exerce une activité indépendante et doit payer les cotisations sur le revenu réalisé dans l’entreprise. L’idée exprimée à l’art. 20 al. 1 RAVS est que le genre et l’intensité de l’activité personnelle ne sont pas décisifs, tout comme le rôle éventuellement joué par des facteurs étrangers au travail, tels la haute conjoncture ou l’abondance d’une récolte. Le fait de se fonder sur le travail personnellement effectué conduirait non seulement à des difficultés insurmontables dans les cas-limite, mais à des inégalités de traitement. Par ailleurs, on ne voit pas pourquoi des exploitants actifs et soucieux de leur affaire devraient payer des cotisations AVS alors que l’entrepreneur ne s’intéressant que peu ou pas du tout à son entreprise pourrait jouir d’un revenu franc de cotisations. En conséquence, le titulaire d’une entreprise est considéré comme exerçant une activité lucrative même lorsqu’il ne s’occupe plus personnellement de son entreprise depuis des années, mais en abandonne la direction à un fondé de pouvoir. L’art. 20 al. 1 RAVS dispense ainsi le juge et l’administration de devoir élucider dans chaque cas l’activité réelle
du titulaire de l’entreprise. Il leur suffit de déterminer s’il est propriétaire ou usufruitier, subsidiairement s’il est imposable pour le revenu considéré, plus subsidiairement s’il assume la responsabilité de l’exploitation (VALTERIO, op. cit., pp. 192-193, n. 639 et les références citées).

7.3 En l’espèce, il ressort des pièces du dossier de l’intéressé versées à la procédure qu’à la suite de la réception des communications fiscales transmises par l’AFC, l’intimée a taxé l’intéressé en tant qu’indépendant pour les années 2013 à 2016. En lien avec les revenus d’indépendant de l’intéressé, sur la base desquels le montant des cotisations a été fixé, notamment par décision du 3 juillet 2018, la recourante relève que de manière générale, tout indépendant est censé produire ses comptes chaque année, soit au moins le chiffre d’affaires et les charges, pour permettre à la caisse d’ajuster les cotisations provisoires avant de fixer les cotisations définitives en fonction du revenu que l’AFC aura déterminée. La recourante en déduit qu’il devait nécessairement ressortir de ces comptes et/ou des communications successives de l’AFC que des modifications notables, affectant la situation de l’intéressé (dont l’unicité de sa clientèle), s’étaient produites et qui auraient appelé, de la part de l’intimée, une information ou à tout le moins une interpellation de l’intéressé et/ou de la recourante.

La chambre de céans constate pour sa part que les revenus d’indépendant que
l’intéressé a déclaré à l’AFC ne diffèrent pas de manière significative entre 2013 et 2016, avec une fourchette de revenus comprise entre CHF 20’535.- pour l’année 2016 et CHF 27’855.- pour l’année 2013. En revanche, ces montants sont assez nettement inférieurs aux versements effectués par l’intimée en faveur de
l’intéressé entre 2013 et 2016.

Bien que la jurisprudence et la doctrine restent muettes sur le point de savoir si, cas échéant, les principes jurisprudentiels tirés du défaut de renseignement (ci-dessus : consid. 7.1.2) permettent de retenir à la charge de l’administration une obligation d’élucidation de l’activité réelle du titulaire de l’entreprise que la jurisprudence rendue à propos de l’art. 20 RAVS (qui est antérieure à la LPGA) ne prévoit précisément pas (cf. ci-dessus : consid. 7.2), cette question souffre de rester indécise. On ne voit pas en effet sur la base de quel(s) indice(s), dans le
cas particulier, l’intimée aurait pu et dû s’apercevoir, en dehors d’un contrôle d’employeur (art. 162ss RAVS), qu’il était possible de conclure que l’intéressé exerçait, depuis 2013, une activité dépendante en faveur de la recourante.
Il s’ensuit qu’en n’informant et/ou en n’interpellant pas l’intéressé et/ou la recourante à ce sujet, l’intimée n’a pas violé l’art. 27 LPGA.

Dans ces circonstances, la chambre de céans se dispensera d’examiner si cette prétendue violation engage la responsabilité de l’intimée pour le dommage qu’elle aurait ainsi causé à la recourante.

8.             Dans un ultime moyen, la recourante soutient que l’intimée aurait omis de
déduire des montants qui lui sont réclamés les cotisations versées par
l’intéressé au titre d’indépendant au cours de l’année 2016. Aussi conclut-elle
à ce que l’intimée soit condamnée à lui rembourser les acomptes versés par
l’intéressé au titre d’indépendant.

Sans prendre précisément position à ce sujet, l’intimée considère néanmoins en synthèse, dans la décision litigieuse et sa réponse au recours, que les montants ayant fait l’objet des reprises et ceux déclarés à titre de revenu à l’AFC n’étaient absolument pas identiques, notamment en 2016, et que même si l’on comprenait
à la lecture du complément d’opposition du 6 novembre 2020 que les revenus perçus par l’intéressé dans le cadre de son activité pour la recourante auraient été déclarés par le biais de son activité indépendante – affirmation partiellement corroborée par l’AFC dans la mesure où cette dernière a confirmé que les revenus de l’intéressé avaient toujours été déclarés sous la rubrique « indépendant »
en tant qu’ébéniste –, il n’en demeurait pas moins que même dans l’hypothèse
(non démontrée à ce jour) dans laquelle les revenus payés par la recourante à
l’intéressé auraient été déclarés à l’AFC par ce dernier en tant que revenus provenant de son activité indépendante, ces revenus n’auraient jamais dû être déclarés à ce titre et il incomberait alors à l’intéressé de corriger d’abord sa situation fiscale afin que l’intimée puisse, dans un second temps, revenir sur les décisions de cotisations d’indépendant. Elle ajoute que ce point ne changerait toutefois rien ni au bien-fondé de la reprise 2016, ni à la qualification de l’activité exercée par l’intéressé pour le compte de la recourante.

La chambre de céans rappellera pour sa part que lorsque pour un revenu déterminé, le statut de cotisant a déjà été fixé par une décision entrée en force,
le changement de statut de cotisant pour la part de revenu concernée nécessite une révision procédurale ou une reconsidération et que ce n’est qu’une fois les conditions d’une telle révision ou reconsidération réalisées que les cotisations
déjà payées en tant qu’indépendant doivent être imputées sur les cotisations paritaires réclamées à l’employeur à concurrence de la part incombant à l’employé (cf. ci-dessus : consid. 6.1). Or, dans la mesure où il a été admis plus haut que
la décision sur opposition litigieuse ne revient pas sur la décision de cotisations personnelles pour personnes exerçant une activité lucrative du 3 juillet 2018 (cf. ci-dessus : consid. 6.3), il n’y a pas lieu de déduire des montants réclamés à
la recourante les cotisations versées par l’intéressé en tant qu’indépendant au cours de l’année 2016.

9.             Compte tenu de ce qui précède, le recours, en tous points infondé, sera rejeté.

10.         La procédure est gratuite (art. 61 LPGA et 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours partiellement recevable.

Au fond :

2.        Le rejette pour le surplus.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le