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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/976/2021

ATAS/41/2022 du 25.01.2022 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/976/2021 ATAS/41/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 janvier 2022

15ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis Service juridique, rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

A.      Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1995, a fait un apprentissage d’installateur-électricien au sein de la société B______ SA, à l’issue duquel il a obtenu son certificat fédéral de capacité le 29 juin 2020. Il a ensuite fait son école de recrue du mois de juillet au mois d’octobre 2020.

B.       a. L’assuré s’est inscrit à l’office cantonal de l'emploi (ci-après : l’OCE) le 10 novembre 2020, date à laquelle un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur. À cette même date, il a adressé une candidature spontanée à C______ en proposant ses services d’installateur-électricien.

b. Une conseillère en personnel a établi un plan d’actions le 18 novembre 2020 prévoyant notamment un nombre de six à sept recherches d’emploi à faire d’ici le 5 décembre 2020 et l’instruction de lui remettre les recherches faites entre le 10 août 2020 et le 9 novembre 2020, soit durant les trois mois ayant précédé son inscription au chômage.

c. Le 24 novembre 2020, l’assuré a adressé à sa conseillère une preuve de six recherches d’emploi faites en novembre 2020.

d. Par décision du 30 novembre 2020, l’OCE a prononcé une suspension de neuf jours du droit aux indemnités de chômage de l’assuré au motif que les recherches d’emploi de ce dernier pour la période préalable au chômage, alors fixée du 30 août au 9 novembre 2020, étaient quantitativement insuffisantes.

e. Le 1er décembre 2020, l’assuré a formé opposition contre cette décision en argumentant qu’ayant été au service militaire durant ladite période et confiné en caserne durant les weekends, il n’avait pas pu faire des recherches d’emploi. En outre, il était supposé retrouver un emploi à la fin de son service auprès de son précédent employeur, mais ce dernier n’avait finalement pas pu lui offrir de travail en raison de la situation sanitaire.

f. Par décision sur opposition du 26 février 2021, l’OCE a rejeté l’opposition et confirmé sa décision du 30 novembre 2020 en rappelant que le service militaire n’était pas un motif de libération de l’obligation de faire des recherches d’emploi et qu’avec les moyens actuels, ces recherches pouvaient être faites en tout temps et partout. La sanction fondée sur le barème du Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO) était justifiée et proportionnée.

C. a. Par acte du 14 mars 2021, l’assuré a recouru contre cette décision devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) en concluant, de manière implicite, à l’annulation de la décision de sanction. Il avait eu une discussion avec son employeur avant son service militaire lors de laquelle tous deux avaient conclu qu’à la fin du service, l’assuré serait mis au bénéfice d’un contrat fixe. En raison de la pandémie, l’employeur n’avait en fin de compte pas pu lui proposer de travail à la fin de son service militaire. Il avait tout fait pour grader et pour ainsi continuer le service militaire six mois de plus, mais le nombre d’aspirants sous-officiers avait été atteint, de sorte qu’il n’avait pas pu grader. Il avait fait confiance à son ancien employeur pour lequel il avait travaillé durant quatre ans et n’avait pas pensé à faire des recherches d’emploi durant son service, ce d’autant plus que cela aurait été difficile depuis un bunker au Simplon, où il n’y avait pas de connexion internet.

b. Dans sa réponse du 13 avril 2021, l’OCE a persisté dans sa décision, le recourant n’ayant pas apporté d’élément nouveau permettant de modifier celle-ci. Le recourant n’avait aucune garantie d’emploi avant de partir au service militaire et l’on ne pouvait pas admettre qu’il n’aurait eu aucun temps libre pour faire des recherches d’emploi.

c. À l’appui de sa réponse, l’OCE a adressé à la chambre de céans son dossier comprenant, notamment, le contrat individuel de travail conclu par l’assuré avec D______ SA pour une durée indéterminée dès le 15 février 2021.

d. La réponse a été envoyée au recourant, qui n’a pas réagi dans le délai qui lui avait été imparti à cet effet.

e. Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 21 septembre 2021. Lors de celle-ci, le recourant a exposé être parti à l’école de recrue le 29 juin 2020 jusqu’au 30 octobre 2020, période durant laquelle il n’avait pas fait de recherches d’emploi, car il pensait conclure un contrat de travail avec son ancien maître d’apprentissage à la fin de son école de recrue. Cela ne s’était pas fait en raison de la COVID-19. Pour cette même raison, il lui aurait été difficile de rechercher un emploi en caserne, dans la mesure où toutes les recrues avaient eu de nombreuses restrictions (notamment un confinement en caserne et l’interdiction de rentrer chez eux du samedi au dimanche). Le recourant n’était d’ailleurs rentré chez lui qu’entre cinq et dix weekends durant son école de recrue. Il n’avait pas d’ordinateur portable et n’avait pas demandé aux recrues qui avaient leur propre ordinateur ou aux supérieurs s’il pouvait leur emprunter le leur pour faire des recherches, ignorant qu’il devait en faire. Ils étaient tous déconnectés du monde civil, en particulier lors du confinement, étant en outre précisé que lorsqu’ils étaient en caserne au Simplon dès le mois de septembre 2020, les recrues ne disposaient pas de réseau dans les dortoirs. La représentante de l’OCE a indiqué qu’il n’y avait pas eu d’allégement du nombre de recherches à faire lors du confinement pour les recrues ou les personnes au service civil.

f. La cause a été gardée à juger à la suite de l’audience.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension de neuf jours d’indemnités de chômage, en raison de l’absence de recherches d’emploi faites par le recourant entre le 30 août et le 9 novembre 2020.

3.        3.1 L'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il satisfait, entre autres conditions, aux exigences du contrôle (art. 8 al. 1 let. g LACI).

3.2 Selon l’art. 30 al. 1 let. c LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable. Cette disposition doit être mise en relation avec l’art. 17 al. 1 LACI, aux termes duquel l’assuré, qui fait valoir des prestations d’assurance, doit entreprendre tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter ou réduire le chômage (ATF 139 V 524 consid. 2.1.2). Il doit en particulier pouvoir apporter la preuve des efforts qu’il a fournis en vue de rechercher du travail (cf. art. 17 al. 1, troisième phrase, LACI). La suspension du droit à l’indemnité est destinée à poser une limite à l’obligation de l’assurance-chômage d’allouer des prestations pour des dommages que l’assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l’assuré, d’une manière appropriée, du préjudice causé à l’assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; ATF 126 V 520 consid. 4).

Pour trancher le point de savoir si l’assuré a fait des efforts suffisants pour trouver un travail convenable, il faut tenir compte aussi bien de la quantité que de la qualité des démarches entreprises. Sur le plan quantitatif, la jurisprudence considère que dix à douze recherches d’emploi par mois sont en principe suffisantes (ATF 139 V 524 consid. 21 ; ATF 124 V 225 consid. 6). On ne peut cependant pas s’en tenir de manière schématique à une limite purement quantitative et il faut examiner la qualité des démarches de l’assuré au regard des circonstances concrètes, des recherches ciblées et bien présentées valant parfois mieux que des recherches nombreuses (arrêt du Tribunal fédéral 8C_708/2019 du 10 janvier 2020 consid. 3.2 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 26 ad art. 17 LACI).

3.3 Sur le plan temporel, l’obligation de rechercher un emploi prend naissance avant le début du chômage. Il incombe, en particulier, à un assuré de s’efforcer déjà pendant le délai de congé de trouver un nouvel emploi et, de manière générale, durant toute la période qui précède l’inscription au chômage. Les efforts de recherches d’emploi doivent en outre s’intensifier à mesure que le chômage devient imminent (ATF 139 V 524 consid. 2.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_737/2017 du 8 janvier 2018 consid. 2.1 et les références citées). Il s’agit là d’une règle élémentaire de comportement, de sorte qu’un assuré doit être sanctionné même s’il n’a pas été renseigné précisément sur les conséquences de son inaction (ATF 124 V 225 consid. 5b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_800/2008 du 8 avril 2009 consid. 2.1).

Cette obligation subsiste même si l’assuré se trouve en pourparlers avec un employeur potentiel (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 29/89 du 11 septembre 1989). En particulier, l’obligation de chercher du travail ne cesse que lorsque l’entrée en service auprès d’un autre employeur est certaine (arrêt du Tribunal fédéral 8C_800/2008 du 8 avril 2009 consid. 2.1). À cet égard, le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de juger qu’un assuré au bénéfice d’un contrat de durée déterminée auprès d’une grande entreprise, dont l’espoir d’être réengagé avait pourtant été alimenté par son employeur, ne pouvait se dispenser d’effectuer des recherches, à moins d’avoir reçu l’assurance d’un emploi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_271/2008 du 25 septembre 2008 consid. 3.2). La chambre de céans a notamment jugé, dans le cas d’une assurée qui avait obtenu la promesse d’un autre emploi en cas d’échec de son projet professionnel, que dans la mesure où il ne s’agissait pas d’une promesse d’emploi certaine, son obligation d’effectuer des recherches d’emploi pendant toute la durée du délai de résiliation de son contrat demeurait exigible (ATAS/607/2017 du 3 juillet 2017 ; cf. également ATAS/1230/2018 du 27 décembre 2018 ; ATAS/810/2016 du 11 octobre 2016 ; ATAS/258/2015 du 26 mars 2015).

L’obligation de rechercher un emploi s’applique aussi lorsqu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée, au moins durant les trois derniers mois (ATF 141 V 365 consid. 4.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_800/2008 du 8 avril 2009 ; 8C_271/2008 du 25 septembre 2008 ; SECO - Bulletin LACI/IC- octobre 2016, B 314).

4.        En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.        En l'occurrence, le recourant a quitté l’entreprise où il a fait son apprentissage d’installateur-électricien à la fin du mois de juin 2020 et a ensuite fait son école de recrue de juillet à octobre 2020. Il s'est inscrit à l’OCE le 10 novembre 2020. Il n’a apporté la preuve d’aucune recherche d'emploi faite avant son inscription.

Cette absence de recherches d’emploi est contraire à l’obligation visée par l’art. 17 LACI.

Le recourant soutient cependant avoir eu une discussion avec son ancien employeur avant son service militaire, discussion selon laquelle il serait mis au bénéfice d’un contrat de travail une fois de retour. Il n’avait toutefois pas signé de contrat, ni de promesse d’engagement. Son ancien employeur n’a par ailleurs pas été en mesure de l’engager, comme discuté, en raison de la crise sanitaire.

Faute d’avoir reçu un véritable engagement de la part de son ancien employeur, l’on pouvait attendre du recourant qu’il fasse des recherches d’emploi durant les mois de septembre et octobre 2020, ainsi qu’au début du mois de novembre 2020, son contrat d’apprentissage ayant pris fin le 30 août 2020.

Il a bénéficié de plus de deux mois entre la fin officielle de son contrat d’apprentissage et son inscription au chômage le 10 novembre 2020 pour adresser des candidatures à divers employeurs potentiels, l’obligation de recherches valant également durant le service militaire (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 12 ad art. 17 LACI).

Cela étant, le recourant explique de manière convaincante qu’en raison de la COVID-19, lui et les autres recrues ont subi de nombreuses restrictions.

D’un point-de-vue objectif, les restrictions imposées aux recrues pour des raisons sanitaires, dont un quasi-confinement en caserne, étaient propres, dans ce cas exceptionnel, à empêcher le recourant de faire toutes les recherches d’emploi, comme cela aurait pu être attendu de lui lors d’une école de recrue ordinaire, à plus forte raison lorsqu’il était basé en caserne au Simplon, confiné en caserne et sans accès facile à internet.

L’armée suisse a d’ailleurs relevé sur le site internet de la Confédération que l’école de recrue en période de pandémie (école de recrue terminée en octobre 2020) a été marquée par des conditions difficiles. Tout le personnel (recrues, cadres, personnels de carrière) a été amené à trouver des solutions au jour le jour. Les cantonnements n’ont pas été vidés les weekends en début et fin d’école de recrue. Des activités ont été annulées, dont les soirées de compagnies ou les soirées hors caserne, et les congés ont été supprimés.

Compte tenu de ces conditions particulières, il ne se justifie pas de sanctionner le recourant pour ne pas avoir fait de recherches d’emploi en septembre et en octobre 2020. En revanche, l’on doit constater qu’il aurait pu faire des recherches les dix premiers jours de novembre 2020, avant son inscription au chômage.

La chambre de céans réduira dès lors la quotité de la sanction en prononçant une suspension de quatre jours, conformément au barème du SECO, qui prévoit que la durée moyenne d’une suspension est de quatre à six jours en cas d’absence de recherches d’emploi durant un délai de congé d’un mois (SECO, Bulletin LACI IC/D79 2017).

6.        Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision réformée au sens des considérants.

7.        La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA) et il ne sera pas alloué de dépens au recourant agissant en personne.

* * * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision de l’intimé du 26 février 2021 en ce sens que la suspension effective du droit à l’indemnité est réduite de neuf à quatre jours.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le