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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1627/2021

ATAS/985/2021 du 27.09.2021 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1627/2021 ATAS/985/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 septembre 2021

10ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à CONFIGNON, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Andres PEREZ

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l'assurée, l'intéressée ou la recourante), née le ______ 1967, mariée, séparée, ressortissante française, est arrivée en Suisse en octobre 2014 en vue de son mariage avec Monsieur B______, célébré le mois suivant; elle est titulaire d'un permis B – CE.

2.        Le 30 mars 2017, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI ou l'intimé). L'atteinte à la santé relevait de la maladie, soit : épilepsie et état dépressif « ++ », côtes cassées et ressoudées de travers, provoquant des souffrances physiques « ++ ». Elle était en arrêt de travail pour raison médicale dès le 1er décembre 2015. Son médecin traitant était le docteur C______, FMH en médecine interne générale.

3.        Par courrier du 13 avril 2017, le Dr C______, en réponse à une demande de renseignements de l'OAI, avait précisé que la patiente présentait, dans ses antécédents, un cancer du sein actuellement sous contrôle. Elle souffrait toutefois de douleurs thoraciques résiduelles. Elle était par ailleurs atteinte de problèmes anxiodépressifs récurrents, à la suite d'une relation conjugale conflictuelle et d'une précarité sociale. Elle décrivait des épisodes de lipothymie à caractère épileptiforme, suite à des chocs émotionnels. Sa relation de couple était extrêmement perturbée par une consommation épisodique d'alcool et de drogue des deux côtés. Actuellement, la situation semblait s'améliorer tranquillement. La patiente n'avait plus fait de crises aiguës de panique ni de lipothymie. Elle restait toutefois psychologiquement très fragile et était pour l'instant incapable d'accomplir un travail physique. Avec un soutien social et psychologique elle était capable de travailler dans la vente et dans les soins aux personnes âgées par exemple. Elle était très attirée par les métiers d'art. Elle était en revanche incapable d'exercer une profession nécessitant l'utilisation de la force. Ces problèmes duraient depuis au moins cinq ans. Il la voyait une fois par mois pour un soutien psychologique.

4.        Elle a par la suite également été suivie par des psychiatres (Docteurs D______ et E______, tous deux FMH en psychiatrie et psychothérapie).

5.        Dans une note statut du 3 mai 2018, l'OAI indiquait que la méthode à retenir pour le calcul du taux d'invalidité de l'assurée était la méthode mixte (50 % - 50 %).

6.        Par projet de décision du 17 mai 2017, l'OAI avait indiqué à l'assurée qu'il entendait rejeter sa demande de prestations.

7.        Dans le cadre de l'audition, suite à la contestation du projet de décision susmentionné, l'OAI avait poursuivi l'instruction médicale : dans un avis du 28 mars 2018, le service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après : le SMR) avait retenu que la problématique psychiatrique de l'assurée intervenait dans un « contexte de conflit de couple et de précarité sociale » et d'une « problématique addictive non mentionnée par le psychiatre traitant »; de plus, le statut décrit ne correspondait pas à un épisode sévère mais tout au plus moyen, et le rapport du psychiatre était contradictoire en termes de capacité de travail (ci-après : CT); le SMR avait dès lors proposé une expertise psychiatrique, laquelle avait été confiée à la doctoresse F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

8.        L'experte avait rendu son rapport en date du 4 septembre 2018 : l'assurée souffrait de troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation de l'alcool, syndrome de dépendance, utilisation continue depuis le jeune âge adulte (F10.25) [anamnestique], ainsi que de troubles mentaux liés à l'utilisation de dérivés du cannabis (F12.25), depuis l'adolescence de façon récréative, mais avec une consommation plus importante depuis tout au moins 2010. Les troubles de la lignée anxieuse se manifestaient dans le cadre de la consommation de toxiques; les diagnostics étaient biaisés soit par l'effet primaire des toxiques sur son humeur, soit par les symptômes de sevrage avec lesquels ils pouvaient être confondus; raison pour laquelle l'experte ne pouvait retenir, actuellement, ni le diagnostic d'anxiété généralisée (F41.1), ni celui de troubles moteurs/convulsions dissociatifs [F 44.4-5] retenu par le Dr E______. L'assurée souffrait encore d'un trouble anxieux (F41.9) de degré léger à moyen, ainsi que d'un épisode dépressif léger à moyen, sans syndrome somatique (F32.0). L'experte estimait la CT à 0 % dans l'activité habituelle (ci-après : AH) de vendeuse, et à 100 % dans l'activité [réputée adaptée] (ci-après : AA) de « thérapeute corporelle » ou dans une activité sans stress. La Dresse F______ s'était également prononcée par rapport à l'évaluation de la cohérence et de la plausibilité : l'assurée avait le même style de vie depuis son jeune âge adulte; elle présentait moins de symptômes dépressifs depuis la séparation conjugale en 2016; elle gérait son appartement et s'occupait de son fils mineur. Elle savait conduire mais n'avait pas de voiture; elle n'avait pas de problèmes de déplacement (45' au moins pour aller chez son thérapeute, avec changement de bus), faisait régulièrement ses courses au centre commercial et gérait son ménage et son administration. Les limitations fonctionnelles (ci-après : LF), telles que réveil précoce avec vomissements matinaux et sommeil non réparateur, fatigue de degré léger, anxiété avec parfois attaques de panique, existaient dans le cadre de sa consommation de toxiques. Exigibilité de traitement/sevrage : selon l'anamnèse, l'assurée aurait débuté sa consommation de cannabis vers 2010 et une plus forte consommation d'alcool vers 2015. L'atteinte à la santé liée aux consommations n'était pas attestée, puisque l'assurée ne travaillait pas (LF inconnues) et ne consultait pas (diagnostics inconnus). Les troubles décrits par le psychiatre traitant étaient attestés comme incapacitants, dans l'ignorance de la toxicomanie de l'assurée. Le sevrage (nécessaire) et la recherche d'un traitement adapté aux troubles psychiques résiduels étaient exigibles; cependant l'assurée ne percevait pas ses consommations comme un problème; il était donc envisageable de penser que la motivation de l'intéressée serait faible.

9.        Dans son avis du 8 octobre 2018, le SMR avait confirmé l'appréciation de l'experte : à lecture du rapport d'expertise, la toxicomanie au cannabis et l'alcoolisme étaient primaires puisque la symptomatologie psychiatrique découlait directement des addictions. Le SMR avait ainsi retenu une absence d'incapacité de travail au sens de l'assurance-invalidité, sur le plan psychiatrique; il n'y avait pas lieu d'exiger un sevrage. Les conclusions du SMR du 2 mai 2017 restaient donc valables, à savoir une CT entière dans toute activité dès décembre 2015, en lien avec l'atteinte oncologique.

10.    Par décision du 16 octobre 2018, l'OAI avait rejeté la demande de prestations du 30 mars 2017.

11.    Sur recours, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans ou la CJCAS) avait annulé la décision du 16 octobre 2018 et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire au sens des considérants, et pour nouvelle décision (ATAS/1036/2019 du 12 novembre 2019) : le rapport d'expertise de la Dresse F______ répondait, sur le plan formel, aux conditions requises par la jurisprudence pour se voir en principe reconnaître une pleine valeur probante; il remplissait également les exigences d’une évaluation normative et structurée. Selon l'experte, la CT dans l'activité de vendeuse exercée jusqu'ici était nulle, en raison des consommations de toxiques, l'assurée pouvant se mettre en danger (chutes) en fonction du type d'activité; la CT dans ce domaine ne pouvait pas évoluer sans réduction des consommations de toxiques. Le SMR, retenant une toxicomanie et un alcoolisme primaires, s'était écarté de cette conclusion de l'experte, retenant une pleine capacité de travail (dès 2015). En revanche, les réponses données par l'experte aux questions posées par l'OAI au sujet de la CT dans une activité adaptée (thérapeute corporelle; activité sans stress) pouvaient paraître contradictoires, mais seulement en apparence, et ceci au vu des questions telles que posées. En effet, à la question de savoir « quel serait le temps de présence maximal possible dans cette activité », l'experte avait répondu « 100 % », alors que, répondant aux questions suivantes, elle indiquait, sans la chiffrer, que la performance (soit le rendement) serait également réduite durant le temps de présence pour une activité de ce type, car l'assurée avait peu travaillé dans sa vie, et qu'elle n'était pas habituée au rythme sur le plan professionnel - ce qui en soi n'était évidemment pas déterminant sur le plan de l'assurance-invalidité. En revanche, à la question de savoir à quel pourcentage évaluer globalement la CT dans une activité adaptée, par rapport à un emploi à 100 %, l'experte répondait qu'il était impossible d'évaluer un tel pourcentage actuellement, en raison des troubles psychiques légers à moyens non traités lege artis et des consommations de toxiques présentes de longue date. Elle ajoutait que l'évolution de la CT, dans ce contexte, dépendrait de la motivation de l'assurée à suivre un traitement de ses addictions et à accepter un traitement médicamenteux. Quant à l'exigibilité d'un tel traitement, l'experte relevait que selon l'anamnèse, l'assurée aurait débuté sa consommation de cannabis vers 2010 et une plus forte consommation d'alcool vers 2015. L'atteinte à la santé liée aux consommations n'était pas attestée puisque l'assurée ne travaillait pas (LF inconnues) et ne consultait pas (diagnostics inconnus); elle n'était toujours pas attestée à ce jour, malgré le suivi depuis 2017. Les troubles décrits par le psychiatre traitant avaient été attestés comme incapacitants, dans l'ignorance de la toxicomanie de sa patiente. Les sevrages et un traitement adapté aux troubles psychiques résiduels étaient exigibles; cependant l'assurée ne percevait pas ses consommations comme un problème; il était donc envisageable de penser que sa motivation serait faible. Au vu de ce qui précédait, on pourrait toutefois voir une contradiction dans le fait que répondant à la question « quelle est la CT dans une activité adaptée ?», la Dresse F______ répondait : « 100 % en tant que thérapeute corporelle ». On devait toutefois comprendre que l'experte arrivait à cette conclusion, non pas par rapport à la situation actuelle, mais dans la mesure où préalablement, les traitements et sevrages exigibles seraient à terme couronnés de succès. Ainsi, le rapport d'expertise psychiatrique de la Dresse F______ n'était pas dénué de toute valeur probante, sous la réserve de la modification récente de la jurisprudence en matière d'atteinte à la santé par rapport aux dépendances (toxicomanie et alcoolisme). Quoi qu'il en soit, l'OAI pourrait au besoin interpeller l'experte, dans le cadre d'un complément d'expertise, en lui posant notamment toutes questions utiles par rapport aux exigences de la nouvelle jurisprudence. La décision entreprise, niant le droit aux prestations de l'assurance-invalidité au motif que, selon l'ancienne jurisprudence, les addictions concernées – parce que primaires - ne relèveraient pas de l'AI, devait être annulée. À la lumière de cette nouvelle jurisprudence, la cause était insuffisamment instruite pour permettre à la CJCAS de trancher : selon cette nouvelle jurisprudence, l'obligation de diminuer le dommage s'appliquait aussi en cas de syndrome de dépendance; il pouvait par exemple être exigé de la personne concernée une participation active à des traitements médicaux raisonnables; si elle ne se conformait pas à son obligation de diminuer le dommage, et permettait ainsi le développement de son état pathologique, un refus ou une réduction des prestations restait possible. L'experte avait émis des doutes en ce qui concerne la motivation de l'expertisée, suggérant que, dès lors que cette dernière ne percevait pas ses consommations comme étant un problème, sa volonté de se plier à l'exigibilité reconnue du traitement psychiatrique et du sevrage pourrait être faible. Il incomberait toutefois à l'OAI, dans le cadre d'un complément d'instruction, de vérifier cette question.

12.    En exécution de l'arrêt susmentionné, l'OAI a mis en place un complément d'expertise confié à la Dresse F______, sur la base d'un avis du SMR du 18 février 2020, qui proposait de soumettre à l'experte la mission, respectivement de lui poser les questions suivantes :

- veuillez effectuer une évaluation de la toxicomanie fondée sur les indicateurs de la jurisprudence en vigueur afin de vous prononcer sur l'influence de celle-ci sur la CT dans l'économie libre, autant dans l'activité habituelle que dans une activité adaptée (merci de vous exprimer en termes d'heures/par jour ou sur un 100 %);

- quelle est l'exigibilité d'un sevrage progressif des toxiques, d'un suivi psychothérapeutique, d'un traitement psychotrope ? Merci de spécifier le traitement préconisé;

- quels sont les bénéfices attendus desdits traitements sur la CT dans l'économie libre et dans quel délai?

13.    La Dresse F______ a entendu et examiné l'assurée, le 7 mai 2020, de 11 heures à 13h20; elle a procédé à des tests psychométriques et à des examens de laboratoire complémentaires, la semaine suivante; elle a déposé son rapport le 22 mai 2020. Dans le cadre de son anamnèse, l'experte a décrit l'historique de la consommation d'alcool (OH) d'une part, et de cannabis d'autre part : elle a observé, en ce qui concerne la consommation d'alcool, que les dates données par l'assurée ne correspondaient pas tout à fait à celles données le 23 août 2018 (ces dates différaient souvent d'une année); l'experte a précisé qu'elle retiendrait celles de la première expertise, dans un souci de cohésion avec son premier rapport. Elle a également relevé les plaintes et attentes de la patiente et décrit une journée-type. S'agissant des diagnostics et du degré de gravité de l'atteinte fonctionnelle, l'experte a retenu les éléments suivants :

-          troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation d'alcool, syndrome de dépendance (F10.20/25) dès 2015, actuellement abstinente depuis octobre 2019 (anamnestique/mais utilisation continue selon le résultat des analyses). L'experte a conclu à une incohérence entre les dires de l'assurée et les résultats des tests de dépistage OH. Il apparaissait que l'assurée avait probablement diminué de façon significative sa consommation d'alcool (CDT 2018 : 3.78 % et CDT 2020 : 1.77 %); ce nonobstant, la consommation restait conséquente (PEth177 µg/l, alors que l'on parle d'abstinence avec des mesures < 40 µg/l). En tenant compte des activités quotidiennes de l'assurée, l'experte ne voyait pas de limitation impactant la CT dans une activité adaptée de 100 % avec légère baisse de rendement (lenteur décrite par l'assurée);

-          troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation de cannabis, syndrome de dépendance depuis l'adolescence, utilisation continue (F12.25) : selon le test CAST, score 8, le risque de dépendance est élevé (> 7).

Quant à l'évolution de la CT, avant 2015, l'assurée avait une CT (AH et AA) de 100 % (huit heures par jour) avec une baisse de rendement de 50 %, avec une incapacité de travail probablement fréquente lors d'abus d'alcool; de juillet 2018 à septembre 2019, la CT (AH et AA) était de 0 %; depuis novembre 2019, la CT (AA) était de 100 % (huit heures par jour, progressif) avec une légère baisse de rendement (liée aussi à l'absence d'activité lucrative dans la vie de l'assurée).

S'agissant des options thérapeutiques déjà mises en place : à l'automne 2019, l'assurée a fait un sevrage OH, de fin août à fin octobre, sans aide médicale/médicamenteuse. Actuellement, elle était abstinente depuis octobre 2019 selon ses dires; mais cette abstinence anamnestique était contredite par le résultat PEth. Les deux résultats des CDT (2018/2020) montraient une diminution significative des consommations OH. L'assurée consommait du cannabis (herbe) quotidiennement, sans impact majeur sur ses activités quotidiennes avec une légère baisse de rendement.

Traitement exigible : l'assurée devait maintenir l'abstinence/réduction des consommations d'alcool et travailler à la prévention des rechutes avec son thérapeute. Les contrôles des CDT et PEth étaient exigibles en cas de mesures AI. L'assurée disait refuser les médications, et préférait traiter ses douleurs somatiques avec le cannabis. Le refus de traitement psychotrope n'avait pas de cause médicale.

Enfin, l'experte a répondu aux questions spécifiques posées :

-          en ce qui concerne l'OH, le suivi d'aide devait être maintenu et concentré sur la prévention des rechutes d'alcoolisation massive et sur la diminution des consommations d'alcool en général. En cas de rechute, un sevrage en milieu hospitalier devait être proposé, associé à un suivi en consultation spécialisée. Un traitement médicamenteux (diminution des consommations, traitement aversif) était à proposer, afin de soutenir l'objectif d'abstinence souhaité par l'assurée. Quant au cannabis, la consommation de cette substance avait pour objectif de soulager des douleurs somatiques; un traitement antalgique devait être proposé. De concert avec une diminution des toxiques, il sera bon d'évaluer la présence ou non de symptômes psychiatriques et d'adapter un traitement si nécessaire;

-          bénéfices attendus desdits traitements sur la CT dans l'économie libre et dans quel délai : une CT AA de 100 % progressive (deux heures par jour - quatre jours par semaine) était déjà présente depuis fin 2019, correspondant à la fin du sevrage OH/réduction des consommations de l'assurée.

14.    Dans un avis du 12 juin 2020, le SMR a considéré que l'on pouvait suivre les conclusions de l'expertise et reconnaître que la consommation élevée d'alcool empêchait l'assurée d'avoir une CT entière dans une activité adaptée entre 2015 et octobre 2019 (date du début de la diminution de la consommation d'alcool). L'exigibilité d'une consommation maîtrisée voire une abstinence était présente durant cette période, ainsi qu'un traitement psychothérapeutique régulier, avec prise de psychotropes. Depuis novembre 2019, l'assurée ne présentait plus de diminution de la CT dans une AA. En conclusion, le SMR retenait une atteinte à la santé incapacitante en raison d'une atteinte principale (troubles anxieux, sans précision, de degré léger à moyen [F41.9]) et d'autres atteintes (épisode dépressif léger à moyen [F32.0], troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de l'alcool, syndrome de dépendance, utilisation continue, en diminution [F10.25]). Il retenait en outre une atteinte à la santé non incapacitante (troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation de dérivés du cannabis, syndrome de dépendance, utilisation continue [F12.25]). Le début de l'incapacité de travail durable et son évolution se situaient dès 2015. La CT exigible était de 0 % dans l'AH de vendeuse depuis 2015; dans une AA, de 2015 à juillet 2018, elle était de 100 % – 50 % de baisse de rendement; de 0 % d'août 2018 à octobre 2019; et dès novembre 2019, elle était de 100 % avec baisse de rendement de 10 %. Le début de l'aptitude à la réadaptation se situait entre 2015 et juillet 2018, puis dès novembre 2019. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : ralentissement psychomoteur, fatigabilité, anxiété.

15.    Selon une note statut du 26 juin 2020, l'assurée avait exercé une activité lucrative en France entre 1988 et 1996, puis avait donné naissance à une fille en novembre 1996. Elle avait dès lors vécu des allocations familiales et du chômage durant quatre ans, puis avait recommencé à travailler de manière sporadique à partir de 2000, continuant à percevoir des aides sociales en parallèle. Un deuxième enfant était né en février 2005. Elle avait dès lors exercé une activité de thérapeute non rémunérée, fondée sur le troc. Les aides financières de l'État, les activités exercées et le revenu de solidarité active suffisaient à subvenir à ses besoins. Elle était arrivée en Suisse en 2014, et avait bénéficié de l'aide sociale depuis lors. Selon les indications de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) (formulaire du 12 avril 2017), l'assurée travaillait à 40 % contre prestations en France. Appréciation : l'obtention du revenu de solidarité active français était soumise à la condition d'avoir exercé une activité à plein temps durant deux ans sur les trois dernières années (66 %). En l'état, il apparaissait que l'assurée était contrainte, de par la réglementation, d'exercer une activité soumise à contre-prestation à temps partiel, régulièrement, pour être en mesure de couvrir ses besoins. Ses capacités fonctionnelles étaient réduites dès 2015 en raison d'une consommation massive d'alcool. Au vu de l'anamnèse professionnelle décrite dans le premier rapport d'expertise (Dresse F______) et le mode de fonctionnement de l'assurée jusqu'en 2015, l'OAI retenait que l'intéressée exerçait des activités diverses, sporadiquement, en marge de l'aide financière octroyée par l'État. Les taux d'activité étaient variables. L'hospice suggérait un taux de 40 %. En conclusion, le service de réadaptation (ci-après : REA) suggérait d'utiliser la méthode mixte de calcul (40 % part professionnelle/60 % travaux habituels).

16.    Une enquête sur le ménage a été effectuée le 6 octobre 2020 par une infirmière spécialisée, (durée d'1h30), au domicile de l'assurée, - logement de quatre pièces -. À la question de savoir si, sans handicap, elle exercerait une activité lucrative à ce jour, l'assurée a répondu que, sans atteinte à la santé, elle aurait poursuivi son activité de thérapeute corporelle à temps partiel; une consultation était facturée environ CHF 100.-; selon elle, en exerçant une activité à temps partiel, elle aurait atteint un revenu équivalent voire supérieur à ce qu'elle percevait de l'hospice, ce qui lui aurait permis de vivre simplement et payer ses factures; depuis son cancer du sein en 2013, elle n'avait plus travaillé. Elle n'avait pas exercé en Suisse, étant arrivée dans ce pays pour rejoindre son compagnon avec qui elle s'était mariée en 2014, et séparée en 2016, non divorcée. Elle bénéficiait de l'aide de l'hospice dès février 2017; mais elle était suivie par cette institution dès 2015, son mari en étant bénéficiaire. Il était au bénéfice d'une rente AI dans le canton de Neuchâtel. Financièrement, elle bénéficiait des prestations de l'hospice (CHF 2'700.- loyer d'environ CHF 1'100.- compris), d'allocations familiales à hauteur de CHF 300.- et d'un subside d'assurance-maladie complet pour elle et son fils.

Quant aux divers travaux et activités, ils avaient été évalués selon les deux tableaux ci-dessous, deux périodes distinctes étant prises en compte, et la comparaison détaillée entre la période ayant précédé l'atteinte à la santé et la situation actuelle :

Tableau I – période de 2015 à octobre 2019

Champ d'activités

Exigibilité

Pondération champ d'activité en %

Empêchement en %

Empêchement pondéré

5.1 Alimentation 0-50 % Préparation/cuisson / service/nettoyage cuisine/provisions

exigibilité

 

 

0.00 %

35.00 %

 

60.00 %

 

60.00 %

0.00 %

 

0.00 %

5.2 Entretien du logement 0-40 %

ranger/épousseter/aspirateur/sols/vitres/lits/soins aux plantes/extérieur de la maison/sortie des déchets et garde d'animaux domestiques

exigibilité

 

 

 

0.00 %

25.00 %

 

 

 

70.00 %

 

 

70.00 %

5.00 %

 

 

0.00 %

5.3 Achats (courses quotidiennes et achats plus importants) et courses diverses (poste/assurances/services officiels) 0-10%

exigibilité

 

 

0.00 %

10.00 %

30.00 %

 

30.00%

3.00 %

 

0.00 %

5.4 lessive et entretien des vêtements 0-20% laver/suspendre/plier/repasser/raccommoder/chaussures

exigibilité

 

 

0.00 %

20.00 %

10.00 %

 

10.00 %

0.00 %

 

0.00 %

5.5 Soins et assistance aux enfants et aux proches 0-50% conjoint et parents en ligne directe

exigibilité

 

 

0.00 %

10.00 %

50.00 %

 

50.00 %

0.00 %

 

0.00 %

Total du champ d'activité

 

 

 

100 %

Total de l'exigibilité retenue

0.00 %

 

 

0.00 %

Total-empêchement pondéré sans exigibilité

 

 

 

48.50 %

Total – empêchement pondéré avec exigibilité

 

 

 

48.50 %

 

 

Tableau II – période dès octobre 2019

Champ d'activités

Exigibilité

Pondération champ d'activité en %

Empêchement en %

Empêchement pondéré

5.1 Alimentation 0-50 %

Préparation/cuisson /service/nettoyage cuisine/provisions

exigibilité

 

 

0.00 %

35.00 %

 

0.00 %

 

0.00 %

0.00 %

 

0.00 %

5.2 Entretien du logement 0-40 %

ranger/épousseter/aspirateur/sols/vitres/lits/soins aux plantes/extérieur de la maison/sortie des déchets et garde d'animaux domestiques

exigibilité

 

 

 

20.00 %

25.00 %

 

 

 

20.00 %

 

 

0.00 %

5.00 %

 

 

0.00 %

5.3 Achats (courses quotidiennes et achats plus importants) et courses diverses (poste/assurances/services officiels) 0-10%

exigibilité

 

 

30.00 %

10.00 %

30.00 %

 

0.00%

3.00 %

 

0.00 %

5.4 lessive et entretien des vêtements 0-20% laver/suspendre/plier/repasser/raccommoder/chaussures

exigibilité

 

 

0.00 %

20.00 %

0.00 %

 

0.00 %

0.00 %

 

0.00 %

5.5 Soins et assistance aux enfants et aux proches 0-50% conjoint et parents en ligne directe

exigibilité

 

 

0.00 %

10.00 %

0.00 %

 

0.00 %

0.00 %

 

0.00 %

Total du champ d'activité

 

 

 

100 %

Total de l'exigibilité retenue

0.00 %

 

 

8.00 %

Total-empêchement pondéré sans exigibilité

 

 

 

8.00 %

Total – empêchement pondéré avec exigibilité

 

 

 

0.00 %

 

L'alimentation (5.1) : avant l'atteinte, selon ses dires, l'assurée était totalement autonome pour s'occuper de la préparation des repas et de l'entretien de la cuisine au quotidien. Elle était fatiguée suite à une intervention chirurgicale, mais elle était restée autonome pour préparer les repas et garantir l'entretien de la cuisine. Sa fille aînée l'aidait occasionnellement.

Depuis l'atteinte :

Période I : jusqu'à l'été 2018, Madame avait de la difficulté à préparer un repas équilibré pour elle et son fils, mais elle le faisait quand même de manière plus ou moins régulière. Elle peinait à planifier et organiser la préparation des repas. Elle lui préparait un petit déjeuner le matin. Certains jours elle pouvait le faire et d'autres non, car elle restait couchée. La situation s'était particulièrement dégradée lorsqu'elle avait augmenté sa consommation quotidienne d'alcool en 2018; elle n'accomplissait plus de nettoyages réguliers à la cuisine, la vaisselle n'était pas faite ni rangée, elle ne préparait plus que rarement les repas et achetait des plats précuisinés. L'enfant avait rapidement appris à faire cuire une pizza ou un plat au four pour son repas du soir. Madame décrivait une situation chaotique durant cette période où elle consommait de l'alcool du matin au soir ainsi que ses doses quotidiennes de cannabis.

Période II : Madame était sobre depuis presqu'un an. Depuis qu'elle avait arrêté de boire, elle était à nouveau capable de préparer un repas chaud pour son fils, à midi et le soir. Elle cuisinait des plats très simples tels que crêpes, pâtes, pizzas, soupes. Elle était capable de faire la vaisselle et ranger, nettoyer les surfaces, mettre et débarrasser la table. Elle signalait manger peu; elle n'avait pas beaucoup d'appétit, mais elle préparait au moins un repas pour son fils. Elle indiquait que certains jours, elle avait moins d'énergie et des douleurs costales; dans ce cas, elle passait plus de temps couchée. Toutes les tâches d'entretien de la cuisine étaient réalisables de manière fractionnée, en fonction des moments où elle se sentait bien. Lors du complément d'expertise réalisé en mai 2020, l'assurée a indiqué préparer deux repas par jour et nettoyer la cuisine une fois par jour.

L'entretien du logement (5.2) : avant l'atteinte : selon ses dires, Madame était totalement autonome pour gérer l'entretien de son logement, malgré une fatigue conséquente après une intervention chirurgicale en raison d'un cancer du sein. Sa fille participait occasionnellement aux tâches d'entretien du logement. Madame vivait dans un appartement à Marseille avec ses deux enfants avant de venir rejoindre son futur mari en Suisse en 2014.

Après l'atteinte :

Période I : Madame avait de la difficulté à tenir son ménage, que ce soit pour planifier ou pour exécuter les tâches. Jusqu'à l'été 2018, elle accomplissait les tâches de manière fluctuante mais elle parvenait à maintenir approximativement un peu d'ordre et de propreté. Elle s'occupait des chats; son incapacité à maintenir la propreté de son logement était fonction de la quantité d'alcool consommée. Certains jours, elle en était capable et son fils aidait un peu, et les autres jours, elle se contentait de faire le minimum. Dès l'été 2018 jusqu'à l'automne 2019, elle décrivait son logement comme une « porcherie »; elle buvait du matin au soir et n'accomplissait plus de nettoyages dans le logement. Elle précisait que l'état actuel du logement était très différent d'il y avait une année : selon elle, l'amélioration était « notable ».

Période II : Madame était à présent capable d'assurer l'entretien basique du logement; son fils passait régulièrement l'aspirateur. Parfois c'était les ados qui lui rendaient visite qui le faisaient, « pour rendre service ». Elle indiquait aussi qu'elle ne consacrait pas énormément de temps aux tâches ménagères par choix, préférant méditer et faire de la peinture, et regarder des séries à la TV ainsi que recevoir les jeunes du quartier. Le jour de l'enquête, l'enquêtrice avait pu constater que le logement était d'apparence propre avec une décoration très chargée et conviviale (nombreux tableaux, objets ). La salle de bains et les sanitaires ainsi que la cuisine étaient visiblement entretenus. Lors de l'expertise réalisée en mai 2020, l'assurée avait déclaré ranger ses affaires et l'appartement, nettoyer les sanitaires, passer l'aspirateur et changer la literie, sortir les ordures ainsi que cultiver un petit potager. Elle s'occupait aussi des chats. Selon ses dires, entreprendre des gros travaux de nettoyage en profondeur restait difficile à planifier et à exécuter. Madame signalait une fracture à la main gauche en août 2020. Elle peinait à mobiliser sa main mais la plupart des tâches étaient réalisables malgré tout; elle pouvait aussi réaliser des tâches en se servant de la main droite.

Achats (5.3) : avant l'atteinte, Madame était totalement autonome pour effectuer des achats et accomplir les tâches administratives.

Depuis l'atteinte :

Période I : elle sortait faire des achats environ deux fois par semaine (petites courses, alcool et cannabis). Elle envoyait aussi son fils faire quelques achats au supermarché de proximité. Les tâches administratives étaient réalisées de manière irrégulière et souvent avec l'aide de l'assistante sociale de l'hospice.

Période II : Madame se rendait une à deux fois par semaine au centre commercial des Esserts. Son fils l'accompagnait pour porter certains articles. Elle disposait d'un caddie à roulettes pour transporter les achats. Elle gérait elle-même les tâches administratives, mais peinait encore à exécuter cette tâche avec régularité. Elle demandait encore de l'aide à l'assistante sociale de manière ponctuelle.

Lessive et entretien des vêtements (5.4) : avant l'atteinte, Madame gérait l'entretien du linge de manière totalement autonome pour elle et ses enfants. Elle n'avait pas pour habitude de faire du repassage.

Après l'atteinte :

Période I : Madame était capable de s'occuper de l'entretien du linge. Elle oubliait parfois de faire usage du local de buanderie, lorsque c'était son jour de lessive. Elle se « rattrapait » en l'utilisant le dimanche. De manière générale, elle estimait que son fils avait toujours disposé de vêtements propres. Elle ne faisait pas de repassage. Le linge était mis à sécher sur un étendoir.

Période II : Madame était capable de s'occuper de l'entretien du linge de manière régulière. Son fils y participait quelques fois. Elle ne faisait pas de repassage. Le linge était plié et rangé, une fois sec.

Soins aux enfants ou autres membres de la famille (5.5) : avant l'atteinte, les enfants étaient âgés de 17 et 8 ans. Elle en assumait l'éducation sans l'aide de tiers.

Depuis l'atteinte :

Période I : son fils était âgé de 10 ans. Madame estimait avoir assumé son rôle parental en dents de scie, et selon son état général. Entre 2018 et 2019, elle peinait à assumer de manière satisfaisante et régulière certaines tâches éducatives usuelles, telles que l'aide aux devoirs, les rendez-vous scolaires, les activités à l'extérieur. Elle parvenait à garder le contact et discuter avec lui le matin avant son départ pour l'école et essayait de faire les devoirs avec lui lorsque cela était possible.

Période II : actuellement, depuis octobre 2019, elle indiquait avoir cessé sa consommation d'alcool et de ce fait était capable de mieux gérer la relation avec son fils, et le suivi quotidien (école ). Elle recevait aussi d'autres ados chez elle, ceux-ci venant passer un moment pour discuter avec elle. Elle appréciait le rôle social qu'elle estimait avoir dans le quartier, en offrant un espace de discussion libre à ces jeunes.

Exigibilité retenue : son fils l'aidait pour quelques tâches telles que réchauffer un repas, passer l'aspirateur. Pendant la période I, aucune exigibilité n'avait été retenue (0 %), le fils étant âgé de 10 à 14 ans; pendant la période II, l'exigibilité retenue était de 8 %, son fils étant âgé de 14 à 15 ans.

Particularités : l'assurée avait reçu l'enquêtrice dans son logement; elle portait une tenue de ville et était d'apparence soignée; elle était restée assise sur un tabouret durant toute la durée de l'entretien, après lui avoir fait visiter le logement. Elle lui avait signalé avoir mal dormi et vomi le matin-même, stressée par l'entretien. Elle se plaignait d'être souvent anxieuse et relatait une augmentation de son anxiété avec la pandémie et le port du masque obligatoire, qu'elle disait ne pas supporter; elle bénéficiait d'une dispense médicale de devoir le porter dans les transports et lieux publics. Elle signalait aussi des douleurs costales, difficilement supportables certains jours; « une côte qui lui pique le foie » et des vomissements fréquents. Elle signalait s'être fracturée la main au mois d'août 2020, suite à une chute. Elle portait une attelle et peinait à mobiliser sa main : cela l'empêchait d'écrire ou de peindre. Depuis sa chute, elle ne pouvait plus participer aux activités de l'association où elle se fournissait en cannabis et avait dû diminuer sa consommation quotidienne de 10 à 5 joints par jour. Le 19 octobre, elle avait fêté ses un an d'abstinence (alcool); cela avait changé sa vie depuis un an : elle avait les idées plus claires et se sentait mieux, même si son état était fluctuant, et que certains jours elle peinait à se lever en raison d'un état nauséeux. Elle se réjouissait d'exposer quelques-unes de ses peintures à une exposition organisée par l'hospice, en mai 2021 au CASS d'Onex. La grande pièce principale était disposée de manière à pouvoir accueillir des jeunes du quartier qui passaient volontiers lui rendre visite pour discuter et faire les devoirs. À son arrivée, l'enquêtrice avait constaté la présence de deux jeunes filles installées sur le canapé du salon, qui avaient visiblement l'habitude des lieux. Madame précisait que de nombreux jeunes venaient chez elle pour se confier, surtout depuis qu'elle avait diminué sa consommation d'alcool; ces jeunes lui apportaient aussi occasionnellement un peu d'aide pour les tâches ménagères ou les rangements. Elle signalait aussi être sensible aux ondes (électro sensibilité).

Actes de la vie quotidienne (AVQ) : selon ses dires, Madame était actuellement autonome pour ces actes.

17.    Le 19 octobre 2020, le REA a déterminé le degré d'invalidité selon les périodes retenues :

-          dès janvier 2018 : statut d'active; taux fixé à 50.84 %;

-          du 1er novembre 2018 (avec les + 3 mois) au 31 décembre 2019 (avec les + 3 mois) : statut mixte; taux fixé à 69.10 %;

-          dès le 30 octobre 2019 (+ 3 mois), soit dès le 1er janvier 2020, statut d'active; taux fixé à 10 %.

18.    Par courrier du 23 octobre 2020, l'OAI a adressé à l'assurée un projet d'acceptation de rente : octroi d'une rente d'invalidité limitée dans le temps : du 1er janvier au 30 novembre 2018, elle avait droit à un quart de rente; puis, du 1er décembre 2018 au 31 décembre 2019, à un ¾ de rente; statut mixte (40 % part professionnelle, et 60 % travaux habituels dans le ménage). Selon l'instruction médicale, l'incapacité de travail durable débutait en novembre 2015 (début du délai d'attente). Dans une activité adaptée, l'OAI était d'avis que la CT était de 100 % avec une baisse de rendement de 50 % dès cette date. À l'échéance du délai de carence, soit en novembre 2016, elle ne subissait pas de diminution de la CT dans la quote-part d'activité lucrative. S'agissant de ses empêchements dans la sphère des travaux habituels, il résultait de l'enquête ménagère des empêchements de l'ordre de 48 %. En tenant compte d'une pondération entre la part active et la part des travaux habituels, selon le tableau ci-dessous le taux d'invalidité était de 29 % (ne donnant pas droit à une rente d'invalidité) :

 

Activités

Part en %

Perte économique/empêchement en %

Invalidité en %

Professionnelle

40 %

0 %

0 %

Travaux habituels

60 %

48.50 %

29.00 %

Taux d'invalidité

 

 

29.00 %

Dès le 1er janvier 2018, le revenu qu'elle aurait pu obtenir de l'activité lucrative exercée à temps partiel était extrapolé pour la même activité à plein temps. Le calcul avec pondération de la part professionnelle et de la part ménagère déterminait un taux d'invalidité de 49 %, donnant droit à un quart de rente :

Activités

Part en %

Perte économique/empêchement en %

Invalidité en %

Professionnelle

40 %

50.84 %

20 %

Travaux habituels

60 %

48.00 %

29.00 %

Taux d'invalidité

 

 

49.00 %

Dès le 1er août 2018, l'état de santé de l'assurée s'était détérioré : elle était en incapacité totale de travail. Cette aggravation avait perduré plus de trois mois. Dès lors, dès le 1er novembre 2018, son degré d'invalidité dans la sphère professionnelle se confondait avec sa CT, et s'élevait désormais à 40 %. Le degré d'invalidité tenant compte d'une pondération entre la part active et la part des travaux habituels était le suivant :

Activités

Part en %

Perte économique/empêchement en %

Invalidité en %

Professionnelle

40 %

0.00 %

40 %

Travaux habituels

60 %

48.50 %

29.00 %

Taux d'invalidité

 

 

69.00 %

Ce taux ouvrait le droit à un trois quarts de rente dès le 1er décembre 2018.

Suite à une amélioration de son état de santé, il ressortait que sa CT était de 100 % avec baisse de rendement de 10 % dans une activité adaptée dès octobre 2019. Cette amélioration ayant duré plus de trois mois, elle prenait donc effet dès le 1er janvier 2020. Dès cette date, le degré d'invalidité dans la sphère professionnelle se calculait de la manière suivante :

Revenu sans invalidité : CHF 54'055.-

Revenu avec invalidité : CHF 48'649.-

Perte de gain : CHF 5'406.-, soit un taux d'invalidité de 10 %.

S'agissant de ses empêchements dans la sphère des travaux habituels, selon l'enquête ménagère, dès cette période elle ne présentait plus d'empêchements.

Dès lors le degré d'invalidité découlait du calcul suivant :

Activités

Part en %

Perte économique/empêchement en %

Invalidité en %

Professionnelle

40 %

10.00 %

4.00 %

Travaux habituels

60 %

0.00 %

0.00 %

Taux d'invalidité

 

 

4.00 %

Un taux inférieur à 40 % ne permettant pas le maintien du droit aux prestations sous forme de rente, la rente était supprimée à partir du 31 décembre 2019.

19.    Par courrier du 27 novembre 2020, le conseil de l'assurée a indiqué à l'OAI que sa mandante s'opposait au projet de décision susmentionné, et plus particulièrement à l'appréciation médicale et au calcul du taux d'invalidité. Toutefois, pour des raisons financières, l'assurée invitait l'OAI à rendre sa décision finale, qu'elle contesterait directement auprès de la chambre des assurances sociales.

20.    Par courrier du 9 décembre 2020, l'OAI a informé le conseil de l'assurée que la procédure d'audition étant terminée, la Caisse Cantonale Neuchâteloise de Compensation allait procéder au calcul de la rente et lui ferait parvenir une décision sujette à recours.

21.    Par décision du 24 mars 2021, notifiée au conseil de l'assurée, l'assurance-invalidité a octroyé à cette dernière les rentes suivantes (rente ordinaire + rente complémentaire pour enfant) :

-          du 1er janvier au 30 novembre 2018, un quart de rente, fondé sur un degré d'invalidité de 49 %;

-          du 1er décembre 2018 au 31 décembre 2019, un trois quarts de rente, fondé sur un degré d'invalidité de 69 %.

Des tableaux faisant partie intégrante de la décision déterminaient en détail le revenu pris en compte, les éventuelles périodes de tâches éducatives ou d'assistance, ainsi que les périodes d'assurance.

Les rentes étaient dès lors fondées sur les éléments suivants :

-          revenu annuel moyen déterminant basé sur 3 années et 4 mois CHF 15'642.-

-          bonifications tâches éducatives prises en compte 0.8

-          durée de cotisations de la classe d'âge 30

-          échelle de rente applicable (rente partielle) 05

Le montant total (rétroactif) des rentes allouées se montait à CHF 2'436.-. Après déduction de CHF 171.- d'impôt à la source, le solde, de CHF 2'265.- serait intégralement versé à l'Hospice général de Genève.

22.    Par courrier du 10 mai 2021, l'assurée, représentée par son conseil, a saisi la CJCAS d'un recours contre cette décision. Elle concluait à l'annulation de la décision de l'OAI du 24 mars 2021 et à ce qu'elle soit mise au bénéfice d'une rente d'invalidité dont le taux restait à déterminer; subsidiairement, à ce que la cause soit retournée à l'OAI pour nouvelle décision au sens des considérants, le tout avec suite de frais et dépens. En substance, la recourante faisait grief à l'OAI d'avoir rendu la décision entreprise au terme d'une instruction médicale incomplète : selon elle, le complément d'expertise de la Dresse F______ - sur lequel se fondait cette décision - ne répondait pas aux exigences de la jurisprudence; l'appréciation de l'experte ne reposait pas sur la grille d'évaluation structurée prescrite par le Tribunal fédéral; en réponse à la question sur l'évaluation de la toxicomanie, l'experte s'était contentée de renvoyer à son évaluation de la CT sur le plan psychiatrique; or celle-ci ne comprenait aucune mention des indicateurs de la nouvelle jurisprudence et concluait, sans aucun examen complémentaire, à une CT de 100 % dans une activité adaptée avec légère baisse de rendement (baisse qui était également « liée à l'absence d'activité lucrative dans la vie de l'assurée » [rapport complémentaire du 22 mai 2020 p. 8 ad B, Évaluation de la CT]). Et pourtant des éléments ressortant du complément d'expertise permettaient de « douter », en faveur d'une incapacité de travail durable : l'experte relevait à deux reprises que l'assurée avait récemment souffert de crises d'épilepsie répétées, entraînant des chutes et des blessures. Bien que les résultats d'analyses toxicologiques annexés au complément d'expertise soient compatibles avec une consommation d'alcool importante, la Dresse F______ admettait une diminution significative des consommations d'alcool et de cannabis. La consommation d'alcool ne saurait alors pleinement expliquer les épilepsies. L'experte remarquait d'ailleurs que ces épilepsies auraient été investiguées par un neurologue, mais qu'aucun rapport médical ne figurait au dossier. À l'examen, l'expertisée avait notamment indiqué souffrir de douleurs dorsales, de céphalées, de douleurs au bras droit et au niveau d'anciennes cicatrices. S'agissant de la consommation d'alcool, bien qu'elle ait indiqué être abstinente depuis plusieurs mois, les résultats toxicologiques faisaient état d'une consommation importante. Or, le Dr E______ avait relevé dans son courriel du 13 novembre 2018, que l'assurée avait, avant la première expertise par la Dresse F______, consommé de l'alcool en raison du stress suscité par la convocation à l'expertise. La recourante en déduisait qu'il était dès lors probable qu'elle présente un état fluctuant entre des périodes d'abstinence et de consommation importante d'alcool; ce qui ne ressortait pourtant pas du complément d'expertise, pas plus que des avis du SMR. Elle reprochait en outre à l'OAI d'avoir retenu une « amélioration » de son état de santé dès le 31 décembre 2019, sans que cela ne ressorte objectivement des rapports médicaux et du complément d'expertise. Enfin, l'enquête ménagère du 6 octobre 2020 avait relevé que la recourante s'était fracturé la main au mois d'août 2020, suite à une chute, et qu'elle ne pouvait plus participer aux activités de l'association où elle se fournissait en cannabis. Malgré cela, l'OAI avait toutefois rendu sa décision finale sans ordonner d'actes d'instruction complémentaires à cet égard.

23.    Par décision du 11 mai 2021, la recourante a été mise au bénéfice de l'assistance juridique dans le cadre de ce recours.

24.    L'intimé s'est déterminé au sujet du recours par courrier du 8 juin 2021. Il a conclu à son rejet. Sur le plan formel, il a soulevé la question de la compétence de la chambre de céans : la décision litigieuse avait été notifiée par l'OAI du canton de Neuchâtel; les voies de droit indiquaient que l'autorité compétente en cas de recours était le Tribunal cantonal neuchâtelois. L'OAI invitait la CJCAS à examiner cette question préalable. Sur le fond, après avoir rappelé le cadre du complément d'instruction que la chambre de céans avait défini, dans le cadre de son arrêt de renvoi du 12 novembre 2019, l'intimé a observé que la Dresse F______ avait constaté dans son complément d'expertise que la recourante avait disposé des ressources nécessaires pour pouvoir, sans aide extérieure, diminuer nettement ses consommations de toxiques; au vu du déroulement des journées décrites par l'assurée, l'experte avait également fait le constat que le quotidien de l'assurée n'était que très peu impacté, puisqu'elle avait des activités quotidiennes assez nombreuses et variées; elle en avait déduit qu'il n'y avait pas de limitations affectant la CT, à part une certaine lenteur ressentie par la recourante. La seule contradiction constatée était celle existant entre les déclarations d'abstinence de la recourante et les examens de laboratoire (dépistage OH). Ainsi, les éléments apportés par la recourante ne permettaient pas de conduire à une appréciation différente du cas.

25.    La recourante a brièvement répliqué par courrier du 1er juillet 2021. Elle persistait dans les conclusions de son recours. Au sujet de la question de la compétence, quand bien même la décision sur le calcul de la rente d'invalidité avait été rendue par l'OAI du canton de Neuchâtel, celle-ci se fondait sur le projet de décision de l'OAI de Genève annexé au calcul des rentes. Cette motivation indiquait que le recours pouvait être formé auprès de la chambre de céans. En tout état, selon l'art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l'assuré ou d'une autre partie au moment du dépôt du recours. La recourante étant domiciliée dans le canton de Genève, la CJCAS était compétente pour statuer sur le recours. Sur le fond, l'OAI indiquait dans sa réponse que la seule contradiction constatée dans le complément d'expertise de la Dresse F______ était celle existant entre les déclarations d'abstinence de la recourante et les examens de dépistage de l'alcool; or, l'OAI omettait manifestement de relever que l'experte avait, à deux reprises, fait mention de récentes crises d'épilepsie, entraînant des chutes et des blessures, et avait reconnu une diminution « significative » des consommations d'alcool et de cannabis. Ainsi, ses consommations pourraient ne pas être à elles seules à l'origine de ces crises d'épilepsie. Par ailleurs, d'autres limitations fonctionnelles pouvant avoir un impact sur la CT de l'assurée avaient été retenues dans le complément d'expertise, sans que l'experte ait recouru à l'appréciation selon la grille d'évaluation normative, conforme à la nouvelle jurisprudence.

26.    L'intimé a brièvement relevé, dans un courrier du 15 juillet 2021, qu'il n'avait pas d'observations particulières à formuler au sujet de la réplique de la recourante.

27.    Par courrier du 20 juillet 2021, la chambre de céans a informé les parties que la cause serait gardée à juger dès le 10 août 2021.

28.    Les parties ne se sont plus manifestées.

 

EN DROIT

1.        a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

b. Dans sa réponse au recours, du 8 juin 2021, l'intimé a soulevé la question de la compétence de la chambre de céans : la décision litigieuse a été notifiée par l'OAI du canton de Neuchâtel et les voies de droit y indiquaient que l'autorité compétente en cas de recours était le Tribunal cantonal neuchâtelois. Pour sa part, la recourante, qui n'avait pas soulevé cette problématique dans son recours, a observé que quand bien même la décision sur le calcul de sa rente d'invalidité a été rendue par l'OAI neuchâtelois, celle-ci se fondait sur le projet de décision de l'OAI de Genève annexé à la décision (à titre de motivation), lequel indiquait qu'un recours pouvait être formulé auprès de la chambre de céans, et qu'en tout état, la recourante étant domiciliée dans le canton de Genève, la CJCAS est compétente pour statuer sur le recours.

c. Selon l'art. 58 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton du domicile de l'assuré ou d'une autre partie au moment du dépôt du recours.

En l'espèce, il est constant que la recourante est domiciliée à Confignon/GE; elle y était déjà au moment du dépôt de sa demande de prestations, le 30 mars 2017, et elle n'en a pas changé depuis. Il ressort d'ailleurs de la banque de données de l'office cantonal de la population et des migrations (CALVIN), consultée le 8 septembre 2021, que l'assurée est arrivée à cette adresse le 15 janvier 2016 (sans interruption à ce jour). Elle était donc domiciliée dans ce canton au jour du dépôt du recours; en conséquence, la chambre de céans est le tribunal des assurances compétent au sens de l'art. 58 LPGA.

d. Ceci dit, il est vrai qu'à la forme, la première partie de la décision entreprise semble insolite, puisqu'elle est rendue sur le papier en-tête de l'OAI neuchâtelois. Cela ne change toutefois rien à la compétence de la chambre de céans. Il s'agit d'une simple inadvertance de la caisse de compensation neuchâteloise qui a rendu la décision pour le compte de l'OAI genevois, comme on le verra ci-après.

La chambre de céans s'étonne que l'intimé ait cru bon de soulever la question de la compétence de la juridiction genevoise, suggérant que cette dernière ne serait pas compétente, du fait que la décision entreprise aurait été rendue par l'OAI de Neuchâtel, relevant que la voie de droit indiquée était celle du tribunal compétent neuchâtelois, sans autre développement. Certes, à la forme, on peut s'étonner que la décision entreprise, bien que rendue par l'OAI de Genève – qui ne le conteste d'ailleurs pas -, comme cela ressort de la motivation de la décision (intitulée « Projet d'acceptation de rente octroi d'une rente d'invalidité limitée dans le temps ») annexée à la première partie de la décision déterminant le montant des rentes, soit formellement rendue au nom de l'OAI de Neuchâtel. Celle-ci mentionne d'ailleurs qu'une copie de la décision (principalement adressée au conseil de l'assurée) était également adressée à cette dernière, à son adresse de Confignon, ainsi qu'à l'Hospice général de Genève.

La raison de cette anomalie ressortait implicitement, sinon explicitement, du dossier même de l'OAI. Ainsi, l'intimé était en mesure d'y trouver l'explication. Plutôt que de soulever inutilement la question de la compétence de la CJCAS, il eut été mieux inspiré de simplement attirer au besoin l'attention de la chambre de céans sur le fait qu'en réalité, l'utilisation du papier en-tête de l'OAI neuchâtelois résultait d'une inadvertance, sans incidence sur la compétence de la juridiction genevoise.

En effet, lorsque l'OAI a adressé son projet d'acceptation de rente, le 23 octobre 2020, au conseil de la recourante, il a, par courrier du même jour, demandé à la caisse cantonale genevoise de compensation (CCGC) de calculer la prestation en espèces, mais d'attendre la motivation de la décision avant d'effectuer les éventuelles compensations, et de notifier la décision (doc. 100 dossier OAI). Or, à réception, le 26 octobre 2020, d'un courriel de la CCGC l'informant qu'elle lui retournait le dossier de rente de l'assurée, en raison du fait que l'époux de cette dernière (ndr. : M. B______, qui, selon CALVIN, a quitté Genève pour le canton de Neuchâtel le 1er juillet 2019) percevait une rente d'invalidité de la part de la caisse 24 (caisse cantonale de compensation neuchâteloise - CCNC), selon extrait télézas3 annexé, et invitant dès lors l'office à transmettre les documents nécessaires à la caisse compétente, l'OAI a ré-adressé, le jour-même, à la CCNC, la demande de calcul de rente initialement adressée à la CCGC (doc 102 et 103 dossier OAI). Par la suite, le conseil de l'assurée ayant indiqué à l'OAI que sa mandante s'opposait au projet de décision, mais précisant toutefois que pour des raisons financières, l'assurée invitait l'OAI à rendre sa décision finale, qu'elle contesterait directement auprès de la chambre de céans, l'OAI a écrit un nouveau courrier à la CCNC, « afin de préparer le calcul de la prestation et de notifier la décision », en lui adressant (en guise de motivation) le texte même du projet de décision (du 23 octobre 2020), (doc. 109, dossier OAI). C'est ainsi que la caisse neuchâteloise, comme l'aurait fait la CCGC en pareille circonstance, a procédé au calcul des rentes et a édité la décision sur le papier en-tête de l'OAI qu'elle avait à disposition (soit celui de l'OAI neuchâtelois au lieu de l'office genevois). Sur le fond, la procédure était pleinement conforme au droit (notamment art. 60 LAI, 44 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201], par analogie, et art. 64a de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 [LAVS - RS 831.10], 50g et ss du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 [RAVS - RS 831.101]) : en substance, dans le cas d'assurés mariés, si, au moment de la survenance d'un cas d'assurance touchant l'assuré, son conjoint était déjà bénéficiaire d'une rente, il appartient à la caisse de compensation qui verse la première rente de procéder au calcul de la seconde, et de la verser au bénéficiaire.

Au vu de ce qui précède, la compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références).

3.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7ème jour avant Pâques au 7ème jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

4.        a. Pour l’établissement des faits pertinents, il y a lieu d’appliquer les principes ordinaires régissant la procédure en matière d’assurances sociales, à savoir, en particulier, la maxime inquisitoire, ainsi que les règles sur l’appréciation des preuves et le degré de la preuve.

b. La maxime inquisitoire signifie que l’assureur social et, en cas de litige, le juge, établissent d’office les faits déterminants, avec la collaboration des parties, sans être liés par les faits allégués et les preuves offertes par les parties, en s’attachant à le faire de manière correcte, complète et objective afin de découvrir la réalité matérielle (art. 43 LPGA; art. 19 s., 22 ss, 76 et 89A LPA; Ghislaine FRÉSARD-FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD, Droit suisse de la sécurité sociale, vol. II, 2015, p. 499 s.). Les parties ont l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués; à défaut, elles s’exposent à devoir supporter les conséquences de l’absence de preuve (art. 28 LPGA; ATF 125 V 193 consid. 2; 122 V 157 consid. 1a; 117 V 261 consid. 3b et les références).

c. Comme l’administration, le juge apprécie librement les preuves administrées, sans être lié par des règles formelles (art. 61 let. c LPGA). Il lui faut examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les pièces du dossier et autres preuves recueillies permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Il lui est loisible, sur la base d’une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles, de refuser l’administration d’une preuve supplémentaire au motif qu’il la tient pour impropre à modifier sa conviction (ATF 131 III 222 consid. 4.3; ATF 129 III 18 consid. 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 3.1).

d. Une preuve absolue n’est pas requise en matière d’assurances sociales. L’administration et le juge fondent leur décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; 126 V 353 consid. 5b; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a; Ghislaine FRÉSARD- FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD, op. cit., p. 517 s.). Reste réservé le degré de preuve requis pour la notification de décisions, l’exercice d’un moyen de droit, le contenu d’une communication dont la notification est établie (ATF 124 V 400; 121 V 5 consid. 3b; 119 V 7 consid. 3c/bb; ATAS/286/2018 du 3 avril 2018 consid. 3; ATAS/763/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4 et 5c).

5.        Le litige porte sur le droit de l'assurée à une rente de l'assurance-invalidité, et plus particulièrement sur le taux d'invalidité de la recourante, ayant une incidence sur la quotité de la rente.

6.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 1er LAI, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins (let. c). L’art. 28 al. 2 LAI dispose que l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à trois-quarts de rente s’il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

7.        Selon l’art. 17 al. 1 LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5). Le point de savoir si un tel changement s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit, et les circonstances régnant à l’époque de la décision litigieuse (arrêts du Tribunal fédéral 9C_89/2013 du 12 août 2013 consid. 4.1 et 9C_431/2009 du 3 novembre 2009 consid. 2.1).

L’art. 17 LPGA s’applique également à la décision par laquelle une rente échelonnée dans le temps est accordée avec effet rétroactif (arrêt du Tribunal fédéral 9C_244/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.3.1). De plus, les conditions de la révision au sens de l’art. 17 LPGA s’appliquent également par analogie dans le cas où la personne assurée présente une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité après qu’une demande antérieure a été rejetée (Margit MOSER-SZELESS in Commentaire romand LPGA, 2018, n. 10 ad art. 17 LPGA).

8.        a. Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

b. Dans son arrêt de renvoi de la présente cause à l'OAI pour instruction complémentaire du 12 novembre 2019, la chambre de céans a rappelé que les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux, selon lesquels il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), étaient également applicables à d'autres pathologies, syndromes ou atteinte à la santé comme la fibromyalgie, le syndrome de fatigue chronique ou de neurasthénie, l'anesthésie dissociative et les atteintes sensorielles, l’hypersomnie, les troubles moteurs dissociatifs, les traumatismes du type « coup du lapin » et d’état de stress post-traumatique. En revanche, ils ne sont pas applicables par analogie à la fatigue liée au cancer [cancer-related Fatigue]. Elle a en outre observé que, dans sa jurisprudence récente (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le Tribunal fédéral avait modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques, pour lesquels l'examen de la CT et la capacité fonctionnelle de la personne concernée devait également se faire dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs, qui s'appliquait dorénavant à toutes les maladies psychiques, y compris troubles dépressifs de degré léger ou moyen (ATF 143 V 409 consid. 4.5.1) (pour les références jurisprudentielles détaillées : ATAS/1036/2019 consid.9).

c. La CJCAS a en outre relevé que le Tribunal fédéral, qui considérait jusqu'ici qu'un syndrome de dépendance primaire à des substances psychotropes (dont l’alcool) ne pouvait conduire à une invalidité au sens de la loi que s’il engendrait une maladie ou occasionnait un accident ou s’il résultait lui-même d’une atteinte à la santé physique ou psychique ayant valeur de maladie, ne pouvait plus être maintenue : il était arrivé à la conclusion, dans un arrêt de principe du 11 juillet 2019 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018), que d'un point de vue médical, les syndromes de dépendance et les troubles liés à la consommation de substances diagnostiqués lege artis par un spécialiste devaient désormais également être considérés comme des atteintes (psychiques) à la santé significatives au sens du droit de l’assurance-invalidité (consid. 5.3.3 et 6). Il s'agissait dès lors comme pour tous les autres troubles psychiques, de déterminer selon une grille d’évaluation normative et structurée (à cet égard, ATF 141 V 281) si, et le cas échéant, dans quelle mesure, un syndrome de dépendance diagnostiqué par un spécialiste influençait dans le cas concret la capacité de travail de l’assuré. La gravité de la dépendance dans un cas particulier pouvait et devait être prise en compte dans la procédure de preuve structurée (consid. 6.3). Ceci était d'autant plus important que dans le cas des troubles de la dépendance – comme dans celui d'autres troubles psychiques – il y a souvent un mélange de troubles ayant valeur de maladie ainsi que de facteurs psychosociaux et socio-culturels. L’obligation de diminuer le dommage (art. 7 LAI) s'appliquait également en cas de syndrome de dépendance, de sorte que l’assuré pouvait être tenu de participer activement à un traitement médical raisonnablement exigible (art. 7 al. 2 let. d LAI). S’il ne respectait pas son obligation de diminuer le dommage, mais qu’il maintenait délibérément son état pathologique, l’art. 7b al. 1 LAI en liaison avec l'art. 21 al. 4 LPGA permettrait le refus ou la réduction des prestations (consid 5.3.1) (pour les références jurisprudentielles détaillées : ATAS/1036/2019 consid. 10).

d. Ainsi, dans le contexte décrit ci-dessus, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d’une part, et les ressources de compensation de la personne d’autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Il n'y a plus lieu de se fonder sur les critères de l'ATF 130 V 352, mais sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4). Dans ce cadre, il convient d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) :

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

9.        a. Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

c. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le fait qu'une expertise psychiatrique n'a pas été établie selon les nouveaux standards - ou n'en suit pas exactement la structure - ne suffit cependant pas pour lui dénier d'emblée toute valeur probante. En pareille hypothèse, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d'un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d'espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a lieu d'examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies - le cas échéant en les mettant en relation avec d'autres rapports médicaux - permettent ou non une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs déterminants. Selon l'étendue de l'instruction déjà mise en oeuvre, il peut s'avérer suffisant de requérir un complément d'instruction sur certains points précis (ATF 141 V 281 consid. 8; ATF 137 V 210 consid. 6; arrêts du Tribunal fédéral 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2. et 9C_109/2018 du 15 juin 2018 consid. 5.1).

d. Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

e. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

f. On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

10.    En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

11.    a. En l'espèce, on rappellera que la chambre de céans avait annulé la décision du 16 octobre 2018, qui niait à l'assurée tout droit à une rente d'invalidité et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et pour nouvelle décision (ATAS/1036/2019 du 12 novembre 2019) : elle avait en substance retenu que le rapport d'expertise de la Dresse F______ pouvait à la forme, en principe, se voir reconnaître une pleine valeur probante; il remplissait également les exigences d’une évaluation normative et structurée. Sur le fond de l'expertise, la CJCAS avait retenu que selon l'experte, la CT dans l'activité de vendeuse exercée jusqu'ici était nulle, en raison des consommations de toxiques, l'assurée pouvant se mettre en danger (chutes) en fonction du type d'activité, et qu'ainsi la CT dans ce domaine ne pouvait pas évoluer sans réduction des consommations de toxiques; mais la CJCAS avait relevé que les réponses données par l'experte aux questions posées par l'OAI au sujet de la CT dans une activité adaptée (thérapeute corporelle; activité sans stress) pouvaient paraître contradictoires, mais seulement en apparence, et ceci au vu des questions telles que posées : ainsi l'on pourrait voir une contradiction dans le fait qu'à la question de la CT dans une activité adaptée, la Dresse F______ répondait : « 100 % en tant que thérapeute corporelle », mais qu'à la question de savoir à quel pourcentage évaluer globalement la CT dans une activité adaptée, elle répondait qu'il était impossible de l'évaluer actuellement, en raison des troubles psychiques légers à moyens non traités lege artis et des consommations de toxiques présentes de longue date. On devait toutefois comprendre que l'experte arrivait à cette conclusion, non pas par rapport à la situation actuelle, mais dans la mesure où préalablement les traitements et sevrages exigibles auraient à terme été couronnés de succès. Ainsi, le rapport d'expertise psychiatrique de la Dresse F______ n'était pas dénué de toute valeur probante, sous la réserve de la modification récente de la jurisprudence en matière d'atteinte à la santé par rapport aux dépendances (abolition du principe d'exclusion d'une invalidité en cas de toxicomanie et d'alcoolisme primaires). Quoi qu'il en soit, l'OAI pourrait au besoin interpeller l'experte, dans le cadre d'un complément d'expertise, en lui posant notamment toutes questions utiles par rapport aux exigences de la nouvelle jurisprudence. Retenant une toxicomanie et un alcoolisme primaires, le SMR s'était écarté de la conclusion de l'experte, sur la CT dans l'AH, et avait retenu une pleine capacité de travail (dès 2015). La décision entreprise, niant le droit aux prestations de l'assurance-invalidité au motif que, selon l'ancienne jurisprudence, les addictions concernées – parce que primaires - ne relèveraient pas de l'AI, devait être annulée. À la lumière de cette nouvelle jurisprudence, la cause était insuffisamment instruite, et devait être retournée à l'OAI pour instruction complémentaire. Selon cette nouvelle jurisprudence, l'obligation de diminuer le dommage s'appliquait aussi en cas de syndrome de dépendance; il pouvait par exemple être exigé de la personne concernée une participation active à des traitements médicaux raisonnables; si elle ne se conformait pas à son obligation de diminuer le dommage, et permettait ainsi le développement de son état pathologique, un refus ou une réduction des prestations restait possible. L'experte ayant émis des doutes en ce qui concerne la motivation de l'expertisée, cette dernière ne percevant pas ses consommations comme étant un problème, il incomberait à l'OAI de vérifier cette question dans le cadre du complément d'instruction.

b. L'OAI a dès lors ordonné un complément d'expertise par la Dresse F______, suivi d'une enquête ménagère. Au vu du résultat de ces investigations complémentaires, l'OAI a octroyé à l'assurée une rente partielle, limitée dans le temps, par décision du 24 mars 2021, soit : - du 1er janvier au 30 novembre 2018, un quart de rente, fondé sur un degré d'invalidité de 49 %; - du 1er décembre 2018 au 31 décembre 2019, un trois quarts de rente, fondé sur un degré d'invalidité de 69 %; - dès le 1er janvier 2020, la rente était supprimée : il ressortait de l'instruction complémentaire que, suite à une amélioration de son état de santé, sa CT était de 100 % avec baisse de rendement de 10 % dans une activité adaptée dès octobre 2019.

c. Dans le cadre de son recours, l'assurée conclut à ce qu'elle soit mise au bénéfice d'une rente d'invalidité dont le taux restait à déterminer; elle faisait grief à l'OAI d'avoir rendu la décision entreprise au terme d'une instruction médicale incomplète : d'autre part, selon elle, le complément d'expertise de la Dresse F______ ne reposait pas sur une grille d'évaluation structurée prescrite par le Tribunal fédéral.

d. L'intimé a conclu au rejet du recours. Sur le fond, l'OAI a observé que la Dresse F______ avait constaté dans son complément d'expertise que la recourante avait disposé des ressources nécessaires pour pouvoir, sans aide extérieure, diminuer nettement ses consommations de toxiques; et au vu du déroulement des journées décrites par l'assurée, l'experte avait également fait le constat que le quotidien de l'assurée n'était que très peu impacté, puisqu'elle avait des activités quotidiennes assez nombreuses et variées; elle en avait déduit qu'il n'y avait pas de limitations affectant la CT, à part une certaine lenteur ressentie par la recourante. La seule contradiction constatée était celle existant entre les déclarations d'abstinence de la recourante et les examens de laboratoire (dépistage OH). Ainsi, les éléments apportés par la recourante ne permettaient pas de conduire à une appréciation différente du cas.

12.    Au vu des griefs invoqués par la recourante, il s'agit dans un premier temps d'examiner si, comme cette dernière le prétend, le complément d'expertise de la Dresse F______ ne pourrait se voir reconnaître une pleine valeur probante : selon elle, l'examen ne serait pas fondé sur les indicateurs jurisprudentiels, d'une part, et ne tiendrait d'autre part pas pleinement compte, dans ses conclusions, d'éléments importants permettant de laisser planer des doutes sur la fiabilité de ses conclusions, notamment par rapport à la CT. Concrètement, l'experte, bien qu'ayant relevé l'existence de crises d'épilepsie, d'une part, et ayant admis d'autre part, qu'en dépit d'une consommation d'alcool encore importante, les analyses montraient toutefois une diminution sensible de cette consommation, aurait, selon la recourante, dû en conclure que la seule consommation d'alcool n'expliquait pas la présence de crises d'épilepsie; d'autant que, selon les constatations de l'experte, ces crises d'épilepsie auraient été investiguées par un neurologue, mais qu'il ne figurait pas de rapport médical au dossier à ce sujet.

La chambre de céans observe tout d'abord que le complément d'expertise réalisé par la Dresse F______ est lié au rapport d'expertise de cette dernière du 4 septembre 2018. L'experte s'y réfère à plusieurs reprises. La chambre de céans rappelle que, selon son arrêt de renvoi, ce rapport d'expertise pouvait à la forme, se voir reconnaître une pleine valeur probante; il remplissait également les exigences d’une évaluation normative et structurée. Quant au fond, il n'était pas dénué de toute valeur probante, sous la réserve de la modification récente de la jurisprudence en matière d'atteinte à la santé par rapport aux dépendances (abolition du principe d'exclusion d'une invalidité en cas de toxicomanie et d'alcoolisme primaires). Or, en l'espèce, la recourante ne prétend pas, à juste titre, que, dans son complément d'expertise, la Dresse F______ aurait fondé ses conclusions, par rapport aux addictions, en négligeant ou ignorant la nouvelle jurisprudence.

Le grief de la recourante consistant à prétendre que l'experte n'aurait pas tenu compte des indicateurs jurisprudentiels dans son complément d'expertise n'est pas davantage fondé. À l'instar de ce qu'a remarqué l'intimé dans sa réponse au recours, la chambre de céans constate que l'experte a notamment retenu que la recourante avait disposé des ressources nécessaires pour pouvoir, sans aide extérieure, diminuer nettement ses consommations de toxiques; elle a également conclu qu'au vu du déroulement des journées décrites par l'assurée, le quotidien de l'assurée n'était que très peu impacté, puisqu'elle avait des activités quotidiennes assez nombreuses et variées; elle en avait déduit qu'il n'y avait pas de limitations affectant la CT, à part une certaine lenteur ressentie par la recourante.

13.    S'agissant de la consommation d'alcool, la recourante fait valoir que l'experte a retenu que, bien que l'assurée ait indiqué être abstinente depuis plusieurs mois, les résultats toxicologiques faisaient état d'une consommation importante. Elle invoque le courriel du Dr E______ du 13 novembre 2018 qui affirmait que l'assurée avait, avant la première expertise par la Dresse F______, consommé de l'alcool et des toxiques, notamment en réaction au stress suscité par la convocation à l'expertise. La recourante en déduisait qu'il était dès lors probable qu'elle présente un état fluctuant entre des périodes d'abstinence et de consommation importante d'alcool; ce qui ne ressortait pourtant pas du complément d'expertise, pas plus que des avis du SMR. Ce courriel, manifestement sollicité par la recourante, respectivement par son conseil - destinataire de ce message électronique -, pour les besoins du recours (le premier) ne saurait toutefois remettre en cause, ni les conclusions de l'experte, dans son rapport du 4 septembre 2018, pas plus d'ailleurs que susciter un doute sur la pertinence de ses conclusions dans son rapport complémentaire. Ce courriel émanant du psychiatre traitant doit être appréhendé avec réserve, au vu de la jurisprudence selon laquelle le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). Mais, même si le Tribunal fédéral, apportant quelques nuances à ce principe, considère que ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants, la Haute cour précise : encore faut-il, pour cela, démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné (ici celui de l'experte). Tel n'est toutefois pas le cas en l'espèce : en effet, lors de l'examen de l'assurée, le 23 août 2018, la Dresse F______ a constaté qu'il n'y avait pas de foetor et pas d'élargissement du polygone de sustentation (excepté au moment du vertige). Le tremblement des mains et de la voix ainsi que les troubles de concentration du début d'entretien s'estompaient au bout d'une heure. Il convient de relever à cet égard que sous la rubrique « indications fournies spontanément par l'assurée dans le cadre d'un entretien ouvert », l'experte a mentionné que durant la première demi-heure de l'entretien, l'assurée exprimait avec véhémence de vives et nombreuses critiques vis-à-vis de l'expert concernant l'expertise du 23 août 2018. Elle citait à titre d'exemple « vous avez dit un tissu de mensonge », « vous avez menti sur tout ce que je vous ai dit », « à cause de vous j'ai touché le fond », « vous avez été nuisible, je me suis sentie jugée », « vous avez fait un serment d'hypocrite, pas d'Hippocrate ». L'experte a toutefois relevé que l'assurée s'était montrée collaborante, après avoir exprimé son ressenti.

La Dresse F______ a également constaté que sur le plan psychiatrique, l'assurée ne présentait pas de tristesse, pas de pleurs ni de tension faciale, les mimiques n'étaient pas figées, les idées étaient normotypiques sans idées noires et/ou de mort; il n'y avait pas de ralentissement ou d'agitation psychique. L'anxiété de départ s'estompait après une heure et il n'y avait plus de troubles de la concentration, pas de troubles de l'attention, la posture étant non algique, sans agitation motrice. S'agissant de l'interprétation des examens de laboratoire complémentaires, l'experte aboutissait au constat que l'assurée consommait du cannabis quotidiennement (anamnèse). Elle consommait de l'alcool quotidiennement (à raison de plus de 60 g d'éthanol/jour depuis plus de deux semaines selon la note du laboratoire interprétant les résultats (rapport d'expertise du 4 septembre 2018, p. 11). Ainsi, l'interprétation que fait la recourante du courriel de son psychiatre traitant, datant de deux mois après le premier rapport d'expertise, rédigé à l'attention du conseil de la recourante dans la perspective du précédent recours, n'est pas non plus susceptible de jeter le moindre doute sur la pertinence des conclusions de la Dresse F______ dans son rapport complémentaire du 22 mai 2020.

Il y a lieu de relever à cet égard que, dans ce rapport complémentaire, l'experte a dressé un historique (anamnestique) de la consommation d'alcool, précisant d'emblée que les dates données par l'assurée au moment de la présente expertise (complément) ne correspondaient pas tout à fait à celles données le 23 août 2018, et que dès lors l'experte reprendrait celles de l'expertise antérieure, par souci de cohésion avec ledit document. Elle relève ainsi qu'en juillet 2018 (à l'occasion de son anniversaire), l'assurée avait reçu une bouteille de pastis qu'elle avait entièrement bue durant la nuit. À partir de cet épisode, les consommations avaient augmenté à raison d'une demi-bouteille de pastis par jour en plus des alcools habituels (6 l de bière par jour). Selon le récit de l'assurée, dans le cadre d'alcoolisations massives, elle faisait plusieurs crises « d'épilepsie » qui auraient été investiguées par un neurologue (pas de RM dans le dossier AI) et attribuées à la consommation excessive d'alcool. Durant ces crises, l'assurée chutait et se blessait souvent (rapport d'expertise complémentaire p. 4). Les conclusions que la recourante veut tirer de ce passage du rapport complémentaire ne sauraient être suivies : elle veut en effet déduire de ses propres déclarations (non contrôlées) que, face au constat de l'experte remarquant l'absence de rapport de neurologue au dossier AI, cette dernière se serait contentée de ce constat (l'assurée lui faisant implicitement le grief de ne pas être allée plus loin dans ses investigations et à l'office de ne pas avoir instruit suffisamment cette affaire, sur le plan médical, après ce complément d'expertise, soit en d'autres termes en ne sollicitant pas de rapport « d'un neurologue » - resté inconnu - qui aurait prétendument investigué ces crises « d'épilepsie ». L'interprétation de la recourante ne résiste pas à l'examen : non seulement c'était elle-même qui affirmait faire des crises d'épilepsie pendant ses moments de fortes alcoolisations; mais on remarquera encore, à cet égard, que l'experte a expressément mentionné ces crises d'épilepsie en mettant le mot entre guillemets, ce qui manifestement ne peut être que l'expression d'un sérieux doute de l'experte quant à la nature scientifique de ces crises. Ce doute est en effet renforcé par l'observation suivante de l'experte : relatant les propos de l'expertisée, alléguant qu'un neurologue aurait investigué ces crises, l'experte remarque qu'aucun rapport médical ne figurait au dossier à ce sujet. Ce commentaire ne saurait être interprété dans le sens où le voudrait la recourante : la Dresse F______ n'y voyait manifestement pas de lacunes dans les investigations médicales de l'OAI, mais un doute quant à la crédibilité de l'expertisée, sur la nature épileptique de ces crises. Il est en effet notoire qu'une personne en phase d'alcoolisation massive est susceptible de faire des chutes et de se blesser, sans pour autant être, à ce moment-là, victime d'une crise d'épilepsie avérée. Or si, conformément à son affirmation, la recourante avait bien consulté un neurologue qui aurait investigué sur ces crises, elle n'aurait pas manqué de produire des documents médicaux à l'appui de son recours, et son conseil, expérimenté, n'aurait pas manqué de les solliciter. Ainsi, cet argument ne saurait remettre en cause le caractère probant de l'expertise complémentaire, et le grief formulé à l'encontre de l'intimé d'avoir insuffisamment instruit le dossier n'est pas davantage fondé.

14.    La recourante reproche également à l'OAI d'avoir insuffisamment instruit le dossier, sur le plan médical :

a. au motif que lors de son examen par la Dresse F______, elle aurait notamment indiqué souffrir de douleurs dorsales, de céphalées, de douleurs au bras droit et au niveau d'anciennes cicatrices. Ce grief n'est pas davantage fondé. En effet, on rappellera que les aspects somatiques de l'atteinte à la santé de la recourante ont toujours été au second plan, et n'ont jamais été considérés comme véritablement incapacitants par le Dr C______, son généraliste traitant. Les conséquences de son atteinte oncologique (cancer du sein, mentionné comme un antécédent sous contrôle [voir notamment les certificats du Dr C______ des 13 avril 2017 et 7 novembre 2018, ainsi que le formulaire E213 CH]) consisteraient en des douleurs thoraciques résiduelles susceptibles d'entraîner des névralgies intercostales douloureuses. Dans son rapport du 13 avril 2017, le généraliste traitant remarquait qu'avec un soutien social et psychologique, sa patiente était capable de travailler dans la vente ou le soin aux personnes âgées par exemple. Elle était très attirée par les métiers d'art, mais était par contre incapable d'exercer une profession nécessitant l'utilisation de la force. L'incapacité de travail, toutes activités confondues, selon le médecin traitant, n'a jamais été attestée par rapport à des atteintes somatiques, mais uniquement en prenant en compte les aspects psychologiques ou psychiatriques. D'ailleurs, c'est toujours sur ce plan que s'est développé le litige, le complément d'instruction médicale ordonné par la chambre de céans l'ayant été par rapport à l'aspect psychiatrique et notamment addictologique. En revanche, il convient de replacer les plaintes somatiques de la recourante dans le contexte où, selon les constatations de l'experte, elle considère les aspects psychologiques et psychiatriques comme n'étant pas problématiques. C'est ainsi que l'experte relève (complément d'expertise p. 7) que pour l'assurée, les limitations fonctionnelles sont principalement somatiques; mais là encore, elle ne produit aucun document susceptible de laisser soupçonner l'existence d'une incapacité de travail pour des motifs somatiques.

b. Elle fait encore valoir que l'enquête ménagère du 6 octobre 2020 avait relevé que la recourante s'était fracturé la main au mois d'août 2020, suite à une chute, et qu'elle ne pouvait plus participer aux activités de l'association où elle se fournissait en cannabis (ndr. : il ressort du rapport d'expertise psychiatrique complémentaire qu'elle apportait sporadiquement de l'aide à la culture des plantes de cannabis); malgré cela, l'OAI avait toutefois rendu sa décision finale sans ordonner d'actes d'instruction complémentaires à cet égard.

Là encore, on ne saurait faire grief à l'OAI de ne pas avoir poursuivi l'instruction médicale après le rapport d'enquête ménagère. Certes, une chute ayant entraîné une fracture de la main (quelques semaines avant le rapport d'enquête ménagère) pouvait avoir engendré une incapacité de travail, mais celle-ci ne pouvait être que temporaire, selon l'expérience. La recourante ne prétend d'ailleurs pas le contraire dans ses écritures. Plusieurs mois après le rapport d'enquête, et par conséquent plus longtemps encore après sa fracture de la main, elle ne prétend pas en subir les conséquences à long terme. Elle n'a du reste produit aucun document médical susceptible de l'attester, ce qu'elle n'aurait pas manqué de faire dans le cas contraire.

15.    Elle reproche enfin à l'OAI d'avoir retenu une « amélioration » de son état de santé dès le 31 décembre 2019, sans que cela ne ressorte objectivement des rapports médicaux et du complément d'expertise. Ce grief n'est pas davantage fondé. L'amélioration de l'état de santé se situe, selon l'experte, dès le terme de la période de sevrage d'alcool, de fin août à fin octobre 2019 : quand bien même il existe une incohérence entre les affirmations d'abstinence de la recourante depuis cette époque, et le résultat des analyses complémentaires révélant la persistance d'une consommation d'alcool non négligeable, l'experte a néanmoins relevé que les éléments objectifs (comparatif des analyses entre 2018 et 2020) montraient une diminution significative des consommations OH (rapport d'expertise psychiatrique complémentaire p. 8). L'experte relève d'ailleurs qu'en ce qui concerne le cannabis (herbe), la consommation quotidienne de l'assurée est sans impact majeur sur ses activités quotidiennes, avec une légère baisse de rendement. Mais cette amélioration résulte également des propres déclarations de la recourante à l'infirmière spécialisée lors de l'enquête ménagère, soit depuis octobre 2019 (la période II), ainsi que cela ressort, pour le détail, du contenu du rapport d'enquête ménagère (voir ci-dessus En fait, ad ch. 16).

On rappellera à l'intention de la recourante que si, dans les faits, les éléments du dossier ne montrent pas d'amélioration spécifique au 31 décembre 2019, cette date résulte d'une question juridique : elle coïncide avec l'écoulement de trois mois depuis le changement intervenu en octobre 2019, conformément à l'article 88a al. 2 RAI.

16.    Au vu de ce qui précède, le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté.

17.    Bien que la procédure ne soit pas gratuite, la recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique, il ne sera pas perçu d'émolument.

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument à charge de la recourante, dans le sens des considérants.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le