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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/754/2021

ATAS/925/2021 du 13.09.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/754/2021 ATAS/925/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 septembre 2021

10ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à ANNECY, France, représenté par le Syndicat UNIA

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Le 4 février 2020, Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né le ______ 1959, a déposé une demande d'indemnité en cas d'insolvabilité (ci-après : ICI) auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse, la CCGC ou l'intimée).

2.        a. Selon le formulaire qu'il a rempli, cette demande était présentée en raison d'un avis préalable d'ouverture de faillite publié le 1er novembre 2019, concernant la société B______ SA [anciennement la C______ SA] (ci-après : B______ SA ou l'employeur), entreprise auprès de laquelle il avait travaillé du 1er juin 2008 au 30 avril 2019, pour un salaire mensuel brut de CHF 6'335.25, en qualité de vendeur. Son dernier jour de travail effectué était le 31 janvier 2019; il avait reçu son salaire jusqu'en août 2018. Pour le détail de ses prétentions, la rubrique (ch. 15), - créance de salaire en suspens -, il a mentionné les salaires de janvier à avril 2018 inclusivement, respectivement pour les montants totaux mensuels de CHF 5'121.95 (pour janvier 2018), et 3 x CHF 6'863.15 (pour les mois de février à avril 2018 inclusivement). Sous « remarques », il s'est référé à la « demande en paiement du 1er octobre 2018 + feuille de calculs ». (Ndr. : au vu des pièces produites à l'appui de cette demande, et de l'ensemble des pièces du dossier, il convient de lire en ce qui concerne les mois de janvier à avril mentionnés au ch. 15 ci-dessus qu'il s'agissait en réalité des mois de 2019 et non de 2018; du reste la référence à la « demande en payement du 1er octobre 2018 est également erronée : cette demande a en effet été déposée le 1er octobre 2019. C'est d'ailleurs bien ainsi que l'avait compris la caisse).

b. Il a notamment produit les pièces suivantes :

- déclaration de subrogation (faillite : 1______) en faveur de la CCGC relative à l'indemnité en cas d'insolvabilité (ICI) du 4 février 2020;

- formulaire de production de créance salariale (faillite : B______ SA 1______) du 4 février 2020, réclamant les montants suivants : créance salariale pour l'année 2017 : CHF 5'065.60 bruts ; pour l'année 2018 : CHF 21'140.30 bruts, et pour l'année 2019 : CHF 25'711.50, soit un montant total de CHF 51'917.40. Sous « remarques », il renvoie « pour les détails : voir demande payement (procédure en cas clair) du 1er octobre 2019 + feuille de calculs »;

- copie d'un avenant au contrat de travail pour une durée indéterminée du 19 janvier 2017;

- copie de la lettre de licenciement de l'employeur, remise en main propre sur le lieu de travail le 31 janvier 2019 pour l'échéance du 30 avril 2019;

- copie des fiches de salaire d'octobre à décembre 2018 (imprimées le 9 mai 2019) et de janvier à mars 2019 (imprimées le 17 avril 2019), chacune de ces fiches indiquant le montant net versé [CHF 6'335.25 – déductions sociales et impôts à la source] (c'est le soussigné qui souligne);

- copie de l'extrait de compte bancaire de l'assuré (Crédit Agricole) du 30 décembre 2016 au 9 mai 2019;

- copie d'un courrier recommandé du Syndicat UNIA (mandataire de l'assuré) du 9 mai 2019 à la C______ SA, intitulé : mise en demeure, paiement des arriérés de salaire suite au licenciement de (l'assuré) : ce courrier rappelait à l'entreprise que depuis le mois de septembre 2018, la société avait commencé à accumuler des retards dans le versement du salaire de (l'assuré). Son salaire était de CHF 6'335.25 bruts par mois pour un 100 %; pourtant depuis septembre 2018, l'entreprise ne lui avait versé que de petites parts de salaire qui ne correspondaient jamais au salaire contractuel, en lui fournissant des fiches de salaire ne correspondant pas à la réalité, l'auteur du courrier précisant : « Nous sommes en possession de preuves qui confirment les salaires non-payés. Ainsi, nous souhaitons vous rendre attentif à vos obligations vis-à-vis de votre ex-employé. Nous vous mettons en demeure de payer à (l'assuré) l'intégralité des différences salariales dues. Au vu de ce qui précède, nous vous donnons 10 jours pour vous déterminer et nous répondre, étant donné que l'intéressé fait élection de domicile auprès du syndicat. Faute de réponse de votre part, nous nous verrons dans l'obligation d'entamer une procédure judiciaire afin de récupérer les droits sociaux de notre mandant »;

- copie d'un courriel d'une juriste de UNIA du 11 septembre 2019 à la C______@groupe.ch relevant notamment : « Je constate avec regret que le courrier de mon collègue daté du 9 mai 2019 n'a pas été retiré et que les créances dues en faveur de notre mandant n'ont à ce jour toujours pas été versées. Nous vous mettons dès lors une dernière fois en demeure de verser les montants dus dans un délai de sept jours dès réception de ce courriel. Passé ce délai, nous agirons par toute voie de droit utile afin de garantir les droits de notre mandant »;

- copie d'une demande en payement - procédure de cas clair -, de l'assuré représenté par son mandataire, auprès du Tribunal des prud'hommes de Genève, du 1er octobre 2019, concluant principalement au payement de diverses sommes (comportant respectivement des montants au titre de vacances non prises en nature durant les années 2017 à 2019 inclusivement, ainsi que des salaires, partiels ou intégraux, de septembre 2018 à avril 2019 inclusivement), pour un montant total de CHF 51'917.40 en capital, ainsi qu'une annexe (feuille de calculs) détaillant chacune des sommes réclamées.

3.        Par décision du 13 février 2020, la CCGC a notifié à l'assuré une fin de non-recevoir : en substance, l'assuré avait présenté une demande d'ICI en date du 5 février 2020 (date de réception); l'entreprise auprès de laquelle il avait travaillé avait fait faillite le 23 septembre 2019; il indiquait avoir travaillé au sein de cette entreprise du 1er juin 2008 au 30 avril 2019; le dernier jour réellement travaillé avait été le 31 janvier 2019; il avait produit à l'office de faillite une créance au montant brut de CHF 51'917.40 représentant des créances salariales de 2017 à 2019; le 1er octobre 2019, une demande de payement avait été déposée auprès du tribunal des prud'hommes; toutefois le dossier ne faisait mention d'aucune démarche de la part de l'assuré, propre à obtenir la créance susmentionnée, entre le 31 janvier 2019, date de son dernier jour de travail et le 23 septembre 2019, date de la faillite, soit plus de sept mois. Au vu des dispositions applicables (not. art. 55 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0), la jurisprudence rappelant le but poursuivi par la loi en matière d'ICI ainsi que les directives du Secrétariat à l'économie (ci-après : le SECO; Bulletin LACI-ICI), et la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (notamment ATFA C 91/01 du 4 septembre 2001) précisant également que si l'assuré n'a pris aucune mesure en vue de récupérer son salaire pendant trois mois après la fin du rapport de travail, la caisse de chômage se verra contrainte de refuser la demande d'indemnité (ICI), la caisse ne pouvait donner suite à sa demande du 5 février 2020.

4.        L'assuré, représenté par son conseil, a interjeté opposition à la décision du 13 février 2020, par courrier du 16 mars 2020. Il concluait à l'annulation de la décision entreprise et persistait à réclamer l'indemnité ICI. L'assuré, ne recevant plus de salaire depuis septembre 2018, avait demandé à plusieurs reprises à son employeur qu'il se conforme à ses obligations en lui demandant de verser les salaires impayés. À la suite des rapports de travail, plusieurs lettres de mise en demeure avaient été adressées, sous la plume du Syndicat UNIA, la première rédigée le 9 mai 2019, soit une semaine et demie après la fin du contrat de travail; cette lettre étant restée sans réponse, un courriel de mise en demeure avait été adressé à l'entreprise le 11 septembre 2019, resté sans réponse également. Sans nouvelles de son employeur, l'assuré n'avait eu d'autre choix que de déposer une demande en payement le 1er octobre 2019 par-devant la juridiction prud'homale. Selon lui, il avait ainsi entrepris plusieurs démarches auprès de son employeur afin de récupérer son salaire, et ce, « pendant et après les rapports de travail », montrant de manière non équivoque reconnaissable pour l'employeur, le caractère sérieux de sa prétention de salaire.

5.        La CCGC a rejeté l'opposition par décision sur opposition du 28 janvier 2021. Pour les mois de septembre et octobre 2018, l'assuré avait perçu de maigres acomptes sur ses salaires (pour septembre CHF 800.- le 19 octobre et CHF 1'200.- nets le 30 octobre 2018, pour octobre CHF 1'500.- le 9 janvier et CHF 2'000.- nets le 22 janvier 2019) puis plus rien à compter du mois de novembre 2018. Visant la décision du 13 février 2020 et le courrier d'opposition du 16 mars 2020, rappelant les dispositions applicables et les extraits pertinents du Bulletin LACI-ICI relatif à l'art. 55 LACI (B36 à B38), la doctrine et la jurisprudence relatives à cette disposition, la CCGC a retenu que l'assuré n'avait reçu que partiellement son salaire pour les mois de septembre et octobre 2018, puis plus rien à compter du mois de novembre 2018. Il avait été licencié le 31 janvier 2019 (dernier jour travaillé) pour le 30 avril 2019. Le premier courrier, mettant formellement l'employeur en demeure de payer son dû, lui avait été adressé le 9 mai 2019 et n'avait jamais été retiré. Malgré cela, le syndicat - qui défendait les droits du recourant -, auteur du courrier précité, avait attendu le 11 septembre 2019 pour relancer l'entreprise, par l'intermédiaire d'un courriel. Sans réponse, une demande prud'homale avait été déposée le 1er octobre 2019, soit malheureusement postérieurement au prononcé de la faillite de l'entreprise. C'était ainsi à juste titre que la caisse avait refusé de donner suite à la demande d'ICI.

6.        Par mémoire du 1er mars 2021, l'assuré, représenté par son mandataire, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans ou la CJCAS) d'un recours contre la décision sur opposition susmentionnée. Il a conclu à l'annulation de la décision entreprise, et cela fait, à ce qu'il soit déclaré que le recourant avait droit à des ICI. Rappelant les faits énoncés ci-dessus, et relevant encore que la cause prud'homale avait été suspendue en raison de la faillite et que l'employeur avait encore été mis en poursuite par voie de faillite par le recourant, lequel avait également déposé la demande d'ICI litigieuse, il démontrait ainsi avoir entrepris plusieurs démarches (selon lui, « toutes les démarches possibles et propres à récupérer les sommes dues ont été entreprises par notre mandant. Il a ainsi démontré, de manière non équivoque et reconnaissable pour l'employeur, le caractère sérieux de sa prétention de salaire »).

7.        La CCCG a répondu au recours par courrier du 30 mars 2021 : le recourant n'apportant aucun élément nouveau qui permettrait à la caisse de revoir sa position, l'intimée concluait au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

8.        Le recourant, par la plume de son mandataire, a indiqué à la chambre de céans, par courrier du 12 mai 2021, qu'il n'avait pas de commentaire à ajouter à la réponse de l'intimée et qu'il persistait dans ses conclusions.

9.        Sur quoi, les parties ont été informées de ce que la cause serait gardée à juger, dès le 7 juin 2021.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        En vertu de l’art. 1er al. 1 et 2 LACI, les dispositions de la LPGA, à l’exclusion de ses art. 21 et 24 al. 1, s’appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité.

3.        Interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 38 et art. 56 ss LPGA).

4.        Le litige porte sur le droit du recourant à une indemnité pour insolvabilité.

5.        a. Pour l’établissement des faits pertinents, il y a lieu d’appliquer les principes ordinaires régissant la procédure en matière d’assurances sociales, à savoir, en particulier, la maxime inquisitoire, ainsi que les règles sur l’appréciation des preuves et le degré de la preuve.

b. La maxime inquisitoire signifie que l’assureur social et, en cas de litige, le juge, établissent d’office les faits déterminants, avec la collaboration des parties, sans être liés par les faits allégués et les preuves offertes par les parties, en s’attachant à le faire de manière correcte, complète et objective afin de découvrir la réalité matérielle (art. 43 LPGA; art. 19 s., 22 ss, 76 et 89A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]; Ghislaine FRÉSARD- FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD, Droit suisse de la sécurité sociale, vol. II, 2015, p. 499 s.). Les parties ont l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués; à défaut, elles s’exposent à devoir supporter les conséquences de l’absence de preuve (art. 28 LPGA; ATF 125 V 193 consid. 2; 122 V 157 consid. 1a; 117 V 261 consid. 3b et les références).

c. Comme l’administration, le juge apprécie librement les preuves administrées, sans être lié par des règles formelles (art. 61 let. c LPGA). Il lui faut examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les pièces du dossier et autres preuves recueillies permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux.

d. Une preuve absolue n’est pas requise en matière d’assurances sociales. L’administration et le juge fondent leur décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; 126 V 353 consid. 5b; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a; Ghislaine FRÉSARD- FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD, op. cit., p. 517 s.). Reste réservé le degré de preuve requis pour la notification de décisions, l’exercice d’un moyen de droit, le contenu d’une communication dont la notification est établie (ATF 124 V 400; 121 V 5 consid. 3b; 119 V 7 consid. 3c/bb; ATAS/763/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4 et 5c).

6.        Aux termes de l’art. 51 al. 1 LACI, les travailleurs assujettis au paiement des cotisations, qui sont au service d’un employeur insolvable sujet à une procédure d’exécution forcée en Suisse ou employant des travailleurs en Suisse, ont droit à une indemnité pour insolvabilité (ci-après : indemnité) lorsqu’une une procédure de faillite est engagée contre leur employeur et qu’ils ont, à ce moment-là, des créances de salaire envers lui (let. a), ou que la procédure de faillite n’est pas engagée pour la seule raison qu’aucun créancier n’est prêt, à cause de l’endettement notoire de l’employeur, à faire l’avance des frais (let. b), ou qu’ils ont présenté une demande de saisie pour créance de salaire envers leur employeur.

L’art. 52 al. 1 LACI prévoit que l’indemnité couvre les créances de salaire portant sur les quatre derniers mois au plus d’un même rapport de travail, jusqu’à concurrence, pour chaque mois, du montant maximal visé à l’art. 3 al. 2. Les allocations dues aux travailleurs font partie intégrante du salaire.

Conformément à l’art. 53 LACI, lorsque l’employeur a été déclaré en faillite, le travailleur doit présenter sa demande d’indemnisation à la caisse publique compétente à raison du lieu de l’office des poursuites ou des faillites, dans un délai de soixante jours à compter de la date de la publication de la faillite dans la Feuille officielle suisse du commerce (al. 1). En cas de saisie de l’employeur, le travailleur doit présenter sa demande d’indemnisation dans un délai de soixante jours à compter de la date de l’exécution de la saisie (al. 2). À l’expiration de ces délais, le droit à l’indemnité s’éteint (al. 3).

7.        L’art. 55 al. 1 LACI dispose que dans la procédure de faillite ou de saisie, le travailleur est tenu de prendre toutes les mesures propres à sauvegarder son droit envers l’employeur, jusqu’à ce que la caisse l’informe de la subrogation dans ladite procédure. Une fois que la caisse est devenue partie à la procédure, le travailleur est tenu de l’assister utilement dans la défense de ses droits (al. 1).

Cette disposition traite de l’obligation de l’assuré de diminuer le dommage de l’assurance. Le comportement de l'assuré durant les rapports de travail, après leur résiliation, avant et après l'apparition du motif de versement de l'indemnité en cas d'insolvabilité, peut influencer directement l'étendue de l'indemnisation. Les assurés doivent se comporter comme si l'indemnité en cas d'insolvabilité n'existait pas (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, nn. 1 et 8 ad art. 55 LACI).

La violation de l'obligation de diminuer le dommage implique que l'on puisse reprocher à l'assuré d'avoir commis une faute intentionnelle ou une négligence grave (arrêt du Tribunal fédéral 8C_898/2011 du 6 juin 2012 consid. 2.2).

Cette obligation exige du travailleur qui n'a pas reçu son salaire, en raison de difficultés économiques rencontrées par l'employeur, qu'il entreprenne à l'encontre de ce dernier toute démarche utile en vue de récupérer sa créance, sous peine de perdre son droit à l'indemnité en cas d'insolvabilité. Il s'agit d'éviter que l'assuré ne reste inactif en attendant le prononcé de la faillite de son ex-employeur (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 27/06 du 25 janvier 2007 consid. 3.2.1). En vertu de cette obligation, les travailleurs doivent également tout entreprendre dans la procédure de faillite afin de sauvegarder leurs prétentions à l’encontre de l’employeur (ATF 127 V 183 consid. 3c). Selon la jurisprudence constante, l’assuré doit poursuivre de manière conséquente et continuer les démarches introduites, ce qui exclut une longue période sans réaction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_66/2013 du 18 novembre 2013 consid. 4.2). 

L'obligation de diminuer le dommage qui incombe à l'assuré avant la résiliation des rapports de travail n'est pas soumise aux mêmes exigences que l’obligation qui lui incombe après la résiliation des rapports de travail. L'étendue des démarches qui peuvent être exigées du travailleur pour récupérer tout ou partie de son salaire avant la fin des rapports de travail dépend de l'ensemble des circonstances du cas concret. On n'exige pas nécessairement de l'assuré qu'il introduise sans délai une poursuite contre son employeur ou qu'il ouvre action contre ce dernier. Il faut en tout cas que le salarié montre de manière non équivoque et reconnaissable pour l'employeur le caractère sérieux de sa prétention de salaire. Une absence de liquidités de l'employeur de longue durée peut justifier une demande de sûretés par le travailleur, si ce dernier peut craindre légitimement que son salaire ne lui soit pas versé conformément au contrat, cela à la différence d'un retard exceptionnel et de peu d'importance qui ne saurait compromettre la confiance du travailleur dans le respect par l'employeur de ses obligations. Lorsqu'il apparaît, selon les circonstances, que l'employeur ne pourra ou ne voudra pas s'acquitter, sans un retard excessif, de ses obligations, il est normal que le salarié soit mis en mesure d'exiger des sûretés et de résilier son contrat avec effet immédiat si ces dernières ne lui sont pas fournies. Du point de vue de l'assurance-chômage, il importe d'éviter que le personnel d'un employeur insolvable renonce à réclamer les arriérés de salaire pendant de nombreux mois, en tablant sur la couverture de ses arriérés par l’assurance-chômage si l'employeur tombe en faillite (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 364/01 du 12 avril 2002 consid. 1b).

8.        En sa qualité d'autorité de surveillance, le SECO est chargé de veiller à une application uniforme du droit et de donner aux organes chargés de son exécution des instructions nécessaires à cet effet (art. 110 LACI). Dans le domaine de l'indemnité en cas d'insolvabilité, ceci s'effectue sous la forme du Bulletin LACI ICI.

En relation avec l'art. 55 LACI, qui consacre l'obligation faite à l'assuré de diminuer le dommage le Bulletin LACI ICI, (ch. B36 à B38) explicite cette notion selon les principes suivants :

B36 : Remplir son obligation de diminuer le dommage signifie pour l’assuré qu’il doit se montrer actif durant le rapport de travail pour récupérer ses salaires impayés (rappel écrit, commandement de payer, etc.) On n’exige pas nécessairement de l’assuré qu’il introduise sans délai une poursuite contre son employeur ou qu’il ouvre action contre ce dernier. Il faut en tout cas que le salarié montre de manière non équivoque et reconnaissable pour l’employeur, le caractère sérieux da sa prétention de salaire (DTF C 367/01 du 12.4.2002).

B37 : Lorsque la faillite est prononcée postérieurement à la dissolution des rapports de travail, le travailleur qui n’a pas reçu son salaire en raison de difficultés économiques rencontrées par l’employeur, a l’obligation d’entreprendre, à l’encontre de ce dernier, les démarches utiles en vue de récupérer sa créance, sous peine de perdre son droit à l’ICI.

B38 : C’est à la lumière de l’ensemble des circonstances du cas particulier, que la caisse appréciera dans quelle mesure on peut attendre de l’assuré qu’il entame les démarches pour obtenir son salaire.

La caisse jugera plus sévèrement les efforts de l’assuré pour remplir son obligation de diminuer le dommage effectués après la résiliation du rapport de travail (surtout quant à sa rapidité d’action). Un jugement plus sévère se justifie car, n’étant plus sous contrat de travail, l’assuré n’a plus aucune raison de ne pas réclamer le salaire impayé. En effet, à ce stade, il est vraisemblable que ses créances de salaire ne soient pas honorées.

9.        En l'espèce, la chambre de céans constate que le recourant n'a reçu que partiellement son salaire pour les mois de septembre et octobre 2018, et ceci de manière différée, puisque pour septembre il n'a reçu qu'un acompte de CHF 800.- le 19 octobre et un second acompte de CHF 1'200.- le 30 octobre 2018. Pour le mois d'octobre, il n'a reçu qu'un acompte de CHF 1'500.- le 9 janvier 2019, et un deuxième acompte, de CHF 2'000.- nets que le 22 janvier 2019, soit quelques jours avant de se voir notifier son congé par l'employeur, le 31 janvier 2019, dernier jour où il a effectivement travaillé. Dès le mois de novembre 2018, il n'a plus reçu de salaire, même partiellement.

À la lumière des principes rappelés ci-dessus, le travailleur a l'obligation, pour diminuer le dommage, de se montrer actif déjà durant le rapport de travail pour récupérer ses salaires impayés (rappel écrit, commandement de payer, etc.). S'il est vrai que le Tribunal fédéral admet qu'il faut se montrer moins sévère par rapport à cette exigence, pour la période précédant le licenciement ou le congé, qu'après la résiliation des rapports de travail, cela ne signifie pas pour autant que le travailleur puisse rester inactif jusqu'à résiliation des rapports de travail. En l'espèce en effet, depuis fin août 2018, comme il l’indique d'ailleurs dans sa demande, son salaire ne lui a plus été versé régulièrement. De fait, il n'a perçu aucun salaire ni acompte pendant le mois de septembre et pendant plus de la moitié du mois d'octobre. Ce mois-là, il n'a en tout et pour tout reçu que CHF 2'000.-, en deux acomptes, pour le salaire de septembre : le premier, de CHF 800.-, le 19 octobre 2018. Et depuis le second acompte sur le salaire de septembre, de CHF 1'200.- le 30 octobre 2018, il n'a plus reçu aucun montant de salaire jusqu'au 9 janvier 2019.

10.    a. Il a certes prétendu que, ne recevant plus de salaire depuis septembre 2018, il avait demandé à plusieurs reprises à son employeur de se conformer à ses obligations en lui versant les salaires impayés. Il ne l'a toutefois pas démontré, ni allégué l'avoir fait, même verbalement, pendant les quatre derniers mois de 2018 et jusqu'à la fin des rapports de travail; de toute manière, les interpellations verbales seraient insuffisantes à teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Au contraire, dans son recours, pour illustrer l'allégation d'avoir interpellé l'employeur, son mandataire indique (En droit, b. 6e §) : « À la suite des rapports de travail, plusieurs lettres de mise en demeure ont été adressées sous la plume du syndicat UNIA » : il faut ici comprendre qu'il évoque ses premières démarches à une époque postérieure à la résiliation des rapports de travail; il force le trait en utilisant l'adjectif « plusieurs » dont la signification selon les dictionnaires Robert désigne « plus d'un (en général, plus de deux), un certain nombre. Plusieurs fois » et pour illustrer cette allégation, il indique avoir adressé la première lettre de mise en demeure le 9 mai 2019, « soit une semaine et demie après la fin du contrat de travail, lettre qui est demeurée sans réponse ». Après cette lettre (morte), il y en aura une deuxième seulement, comme on va le voir.

b. Contrairement à ce qu'il prétend, le recourant ne s'est pas montré aussi diligent qu'il ne veut le faire croire.

Selon la jurisprudence citée, et conformément aux directives du SECO qui s'y réfèrent, après la résiliation des rapports de travail, un jugement plus sévère se justifie quant à l'appréciation des efforts fournis par le travailleur quant aux démarches accomplies pour tenter de récupérer ses arriérés de salaire car, n’étant plus sous contrat de travail, l’assuré n’a plus aucune raison de ne pas réclamer le salaire impayé.

En l'occurrence, l'assuré a attendu jusqu'au 9 mai 2019 pour tenter de faire valoir - pour la première fois de façon reconnaissable -, ses droits auprès de son ex-employeur, alors qu'il n'avait plus touché le moindre salaire depuis le 22 janvier 2019, et que le dernier montant perçu à cette date n'était qu'une partie du salaire du mois d'octobre 2018 ! Et à bien lire le courrier de son mandataire à l'employeur (9 mai 2019), qui comporte certes la phrase (en caractère gras) « Nous vous mettons en demeure de payer à Monsieur (S.) l'intégralité de différences salariales dues » (Ndr. : sans fixation de délai dans cette même phrase), le paragraphe suivant est loin de donner l'impression d'une détermination convaincante. On peut y lire : « Au vu de ce qui précède, nous vous donnons 10 jours pour vous déterminer et nous répondre, faute de réponse de votre part, nous nous verrons dans l'obligation d'entamer une procédure judiciaire afin de récupérer les droits sociaux de notre mandant. ». Certes, s'agissait-il d'une première démarche, mais tardive.

En effet, depuis le 31 janvier 2019, dernier jour où il a effectivement travaillé, quand bien même le délai de congé commençait à courir le 1er février pour se terminer le 30 avril 2019, on était manifestement en droit d'attendre du recourant une réaction immédiate : si juridiquement il était encore formellement sous contrat, de fait, il n'avait plus aucune raison de craindre pour son avenir professionnel auprès de cet employeur, ni d'intérêt à le ménager pour éviter qu'il ne lui paie plus son salaire. Sa seule préoccupation, et sujet d'inquiétude légitime autant que son devoir de réduire le dommage, étant dès lors de récupérer ses arriérés de salaire; or, au lieu d'agir, il a laissé croître les arriérés, sans la moindre initiative ni réaction, et sans percevoir le moindre franc de salaire, jusqu'à qu'à l'échéance du délai de congé, et même au-delà du 30 avril 2019, avant d'entreprendre, ce qui, a posteriori, apparaît être une démarche plus formelle que démontrant une volonté ferme de récupérer son dû.

Mais il y a plus : ce courrier recommandé du 9 mai 2019 n'ayant pas été retiré par l'employeur, et alors même que le mandataire du recourant n'avait pas manqué d'en être dûment averti, dans les semaines suivantes au plus tard, il a attendu jusqu'au 11 septembre 2019 pour adresser un courriel à l'employeur, pour « constater avec regret que le courrier daté du 9 mai 2019 n'avait pas été retiré et que les créances dues en faveur de notre mandant n'ont à ce jour toujours pas été versées », fixant une dernière fois un délai de sept jours pour verser les montants dus, à défaut de quoi il agirait par « toute voie de droit utile afin de "garantir" les droits de notre mandant ».

À ce stade, il était clairement inutile de tergiverser plus longtemps car, tant le recourant que son mandataire ne pouvaient plus nourrir la moindre illusion sur les chances de pouvoir s'attendre à la moindre réaction, et moins encore au moindre payement de la part de l'ex-employeur. Ils avaient l'un et l'autre d'autres moyens d'agir, et depuis bien longtemps, et de se renseigner aussi sur l'état actuel de l'entreprise, – s'ils l'ignoraient [ce qui en tout cas de la part du recourant lui-même, paraît peu vraisemblable] – notamment auprès de l'office des poursuites, et ainsi d'agir beaucoup plus rapidement; de fait, la demande auprès de la juridiction prud'homale a été déposée après le prononcé de la faillite, et quoi qu'il en soit beaucoup trop tardivement : en effet, selon la doctrine, après la résiliation, l'assuré ne peut attendre plusieurs mois avant d'intenter une action judiciaire contre son employeur. Il doit en effet compter avec une éventuelle péjoration de la situation financière de l'employeur et donc avec une augmentation des difficultés, pour l'assurance-chômage, de récupérer les créances issues de la subrogation (Boris RUBIN, op. cit ad art 55 N 11 p. 442 et réf. jurisprudentielle citée).

Quant à la démarche ultime - avant la production auprès de l'office des faillites, le jour même du dépôt de la demande d'ICI - soit la mise en poursuite « par voie de faillite » de l'ex-employeur par le recourant, après la suspension de la cause en raison de la faillite, elle n'apportait rien de plus quant à la « preuve de la manière non équivoque et reconnaissable pour l'employeur, du caractère sérieux de sa prétention de salaire » au sens de la jurisprudence citée précédemment. Il s’est du reste limité à alléguer cette démarche, sans en apporter la moindre preuve; et la précision « par voie de faillite » – vraisemblablement destinée à tenter de suggérer une « détermination » à agir – apparaît irrelevante : ce n'est pas le créancier qui choisit le mode de poursuite mais l'office des poursuites, en fonction du statut du débiteur (inscription ou non au registre du commerce, art. 39 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 [LP - RS 281.1]). De surcroit, elle n'était guère utile dans la mesure où la faillite avait déjà été prononcée.

11.    Au vu de ce qui précède, la chambre de céans ne peut que constater que c'est à bon droit que l'intimée a nié au recourant le droit à l'indemnité ICI.

12.    Mal fondé, le recours sera rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le