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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4381/2019

ATAS/700/2021 du 29.06.2021 ( LCA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4381/2019 ATAS/700/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 juin 2021

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à GenÈve

 

 

demandeur principal et défendeur reconventionnel

 

contre

GENERALI ASSURANCE GÉNÉRALES SA, sise avenue Perdtemps 23, Nyon, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Vincent BRULHART

 

 

défenderesse principale et demanderesse reconventionnelle

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le demandeur ou le défendeur reconventionnel), né en 1958, domicilié à Genève et gestionnaire de fortune de profession, était assuré pour la perte de gain en cas de maladie par son employeur (ci-après : le preneur d’assurance) à Generali assurances générales SA
(ci-après : l’assureur perte de gain ou la défenderesse ou la demanderesse reconventionnelle).

2.        Depuis le 20 novembre 2017, l’assuré a été en arrêt de travail complet, pour des troubles essentiellement d’ordre dépressif et anxieux, à la suite de quoi l’assureur perte de gain a versé des indemnités journalières.

3.        Le 16 mai 2018, l’assuré a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité
(ci-après : OAI).

4.        Dans un rapport d’expertise psychiatrique établi le 12 juin 2018 à la demande de l’assureur perte de gain, le docteur B______, psychiatre-psychothérapeute FMH, et Madame C______, psychologue FSP, ont posé le diagnostic, avec répercussion sur la capacité de travail, d’épisode dépressif sévère, sans symptômes psychotiques (F32.2 de la CIM-10), actuellement en rémission partielle et remplacé par un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique (F32.11), ce en réaction à son divorce en cours selon l’anamnèse.

L’assuré, examiné la veille, présentait également des traits de la personnalité émotionnellement labile, actuellement non décompensés. Ses comorbidités psychiatriques n’entraînaient pas de limitations fonctionnelles significatives sur son quotidien (réveil variable entre 10h00 et 10h30, suivi des actualités sur Internet, repas, pratique de la méditation et d’activités sportives, telles que la natation, la marche et le fitness, conduite de véhicule, prise en charge adéquate de son fils cadet, contacts sociaux hebdomadaires avec ses amis et sa famille, hygiène personnelle irréprochable).

La souffrance de l’assuré était réelle, sans exagération consciente du trouble, et les arrêts de travail justifiés, mais l’expert relevait un net décalage entre le désir clairement exprimé de l’assuré d’obtenir une rente entière de l’AI et sa journée-type actuelle. Un suivi psychiatrique mensuel (auparavant bimensuel), l’absence d’antécédents psychiatriques, l’absence de changement de molécule d’antidépresseurs et l’absence d’hospitalisation, ainsi que la journée-type, la conduite automobile et le souhait de partir prochainement en vacances plaidaient contre l’obtention d’une rente à 100 % de l’AI. L’assuré disposait de ressources psychiques, lui permettant de mettre à profit une capacité de travail entière dans son activité habituelle sans diminution de rendement dès le 1er septembre 2018.

5.        Par lettre du 27 juin 2018, l’assureur perte de gain a informé l’assuré que ses prestations seraient versées jusqu’au 31 août 2018 au plus tard.

6.        Par rapport du 26 juillet 2018, le docteur D______, psychiatre-psychothérapeute FMH et psychiatre traitant de l’assuré, a fait état d’une aggravation très importante de son syndrome dépressif et de son état anxieux dans un contexte familial difficile avec idées suicidaires et crises de colère, justifiant un arrêt de travail prolongé au-delà du 1er septembre 2018. Le spécialiste retenait un trouble spécifique de personnalité anxieuse (F60.6), un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (F33.2), et un trouble anxieux généralisé (F41.1), nécessitant une adaptation du traitement médicamenteux, expliquant que l’expertise auprès du Dr B______ et la décision de mettre un terme à la prise en charge au titre de la perte de gain avaient réactivé le trouble qui paraissait stabilisé à l’époque, mais pas guéri.

7.        L’assureur perte de gain a alors continué le versement des indemnités journalières au-delà du 31 août 2018.

8.        Le 9 mars 2019, le Dr D______ a complété un questionnaire que lui avait préalablement adressé l’assureur perte de gain, dans lequel il a maintenu les diagnostics qu’il avait posés dans son rapport du 26 juillet 2018. Il constatait une humeur triste, des idées suicidaires clairement exprimées dans les périodes de stress, des manifestations neurovégétatives importantes et des pics tensionnels. Le simple fait d’aborder une reprise de travail entraînait une très forte réaction de stress et une aggravation du trouble dépressif avec une augmentation des idées suicidaires. L’état de l’assuré était stabilisé par le traitement médicamenteux et le suivi psychothérapique mais ne permettait pas la reprise d’un travail.

9.        Par lettre du 24 mai 2019, le Dr D______ a informé la doctoresse E______, spécialiste FMH en médecine interne générale, qui prochainement examinerait l’assuré à la demande de l’assureur perte de gain, des troubles psychiques dont souffrait celui-ci. Le trouble dépressif comportait une humeur triste, avec des périodes de désespoir et des idées suicidaires, une perte d’intérêt pour toutes les activités autrefois plaisantes, un trouble du sommeil avec réveils nocturnes et cauchemars, des difficultés de concentration et d’attention, l’alternance d’agitation psychomotrice avec des périodes de ralentissement psychomoteur et un sentiment de dévalorisation. Le patient présentait une très forte réactivité émotionnelle, sous la forme de crises d’angoisse. L’état anxieux était aggravé par des stresseurs même minimes lesquels péjoraient le trouble du sommeil, et tout au long de la journée, les manifestations neurovégétatives (transpiration, tremblements, tachycardie) étaient accompagnées de céphalées invalidantes. Une hospitalisation avait été envisagée, mais n’avait pas été mise en place, le trouble étant aggravé à cette idée. En ce qui concernait le traitement (Paroxétine et Setraline en remplacement du Venlafaxine), le dosage sanguin montrait une posologie dans les normes. La thérapie comportementale et cognitive avait permis une stabilisation de l’état, mais le fait d’aborder une reprise du travail aggravait le sentiment de désespoir et les manifestations neurovégétatives.

10.    Dans un rapport d’expertise du 31 mai 2019, la Dresse E______ a fait état d’une attitude de l’assuré – qui déclarait être malade et en attente de sa rente AI qui était selon elle « ostensiblement non-collaborante et opposante, à la limite de la provocation ». En raison du mariage malheureux pendant quinze ans et du divorce, allégué comme ayant été traumatisant, elle a posé le diagnostic de majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques (F68.0), et non pas celui de simulation (F68.1). Elle a retenu une capacité de travail entière dès le 31 mai 2019. Compte tenu de son évaluation diamétralement opposée à celle du Dr D______, la Dresse E______ préconisait une nouvelle expertise par un psychiatre, complétée d’un bilan neuropsychologique.

11.    À la demande de l’assureur perte de gain, par courriel du 4 juin 2019, auquel était joint un rapport d’analyses médicales du 21 juin 2018, le Dr B______ a expliqué que celles-ci montraient des taux sanguins infra-cliniques de Paroxétine, ce qui signifiait que l’assuré n’était pas au moment de son expertise à des taux sanguins ayant prouvé une efficacité supérieure au placébo, cela pouvant être en lien avec une mauvaise compliance ou un métabolisme rapide.

12.    Dans un rapport du 20 juin 2019, le docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et médecin-conseil de l’assureur perte de gain, a, après lecture du dossier médical de l’intéressé, estimé que l’aggravation de l’état de santé alléguée par celui-ci entre les deux rapports d’expertise précités rendait hautement crédible la majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques (F68.0), sa capacité de travail (horaire et rendement) étant entière non seulement dès le 1er juin 2019, mais aussi dès le 1er septembre 2018.

13.    Par courriel du 26 juin 2019, l’assuré a informé l’assureur perte de gain que son état s’était fortement aggravé suite à l’expertise et qu’il avait manqué passer à l’acte. Il priait celui-ci de verser les indemnités de juin, paiement auquel il a été procédé le 27 juin 2019 de manière exceptionnelle selon le courriel de réponse du 9 juillet 2019.

14.    Les décomptes au dossier font état des paiements suivants à titre d’indemnités journalières : CHF 5'769.85 (pour la période du 19 au 31 janvier 2018), CHF 12'427.35 (février 2018), CHF 13'315.05 (mars, juin, septembre, novembre 2018, avril et juin 2019), CHF 13'758.90 (avril, mai, juillet, août, octobre, décembre 2018, janvier, mars et mai 2019) et CHF 12'427.40 (février 2019).

15.    Dans un rapport du 27 juin 2019, le Dr D______ a fait état d’une aggravation de l’état anxio-dépressif de l’assuré depuis l’expertise de la Dresse E______, se traduisant par une dégradation de l’humeur avec désespoir, une péjoration de l’anxiété avec des attaques de panique en journée et nocturnes, une insomnie avec réveil matinal précoce, une impossibilité de sortir de son domicile et des céphalées. Une reprise de travail semblait impossible. Une hospitalisation était prévue à partir du 1er juillet [2019].

16.    Mandatée par l’assureur perte de gain, l’entreprise de détective privé G______ Sàrl a effectué la surveillance de l’assuré du 25 au 28 juin 2019. Dans un rapport du 8 juillet 2019, dans lequel figuraient des photographies, le détective privé a observé que, le mercredi 26 juin 2019 (mise en place du dispositif d’observation à 6h30), celui-ci était sorti de son domicile en ville à 14h19, avait conduit sa voiture, cherché trois enfants, les avait accompagnés dans une propriété privée près du lac où ils étaient entrés les quatre à 15h06 et d’où ils étaient sortis à 17h58, les avait raccompagnés et avait repris la conduite de sa voiture, avait acheté du vin dans une Coop, était rentré chez lui vers 19h00, buvant alors un verre de vin et fumant une cigarette sur son balcon. Le jeudi 27 juin 2019 (mise en place du dispositif d’observation à 7h00), il avait quitté le parking souterrain à 14h16 en conduisant un scooter, était allé dans une piscine extérieure publique où il avait nagé et effectué des plongeons, et lu un livre, puis s’était, au retour, arrêté dans un Denner où il avait acheté une bouteille de vin, puis était rentré chez lui avec son scooter vers 18h00, buvant ensuite un verre de vin sur son balcon. Le vendredi 28 juin 2019 (mise en place du dispositif d’observation à 10h00), il avait quitté son domicile et pris son scooter à 12h01, était allé se faire couper les cheveux dans un hôtel, avait pénétré chez un opticien, en était sorti, avait discuté quelques minutes dans la rue avec un tiers, était allé dans un office de poste, était rentré chez lui à 14h21, en était sorti à 14h41, avait pris sa voiture, avait cherché ou acheté quelque chose dans un commerce, était rentré chez lui à 15h52 après avoir parqué son véhicule dans le parking souterrain, était sorti à 14h59 à pied, avait consulté des livres dans deux librairies, était rentré chez lui à 17h09, avait conduit son scooter dès 17h21, avait acheté dans un Denner une cartouche de cigarettes et un carton contenant des bouteilles de vin, les avait ramenés chez lui à 17h41, avait bu un verre et fumé une cigarette sur son balcon, avait quitté le parking souterrain avec sa voiture à 18h17, avait immobilisé cette dernière au bord d’un trottoir et avait laissé embarquer une jeune femme et était entré avec elle en lui tenant la main dans son immeuble à 18h50, avait bu un verre seul sur son balcon dès 19h01 puis était rentré à l’intérieur à 19h14.

17.    Dans un rapport du 16 juillet 2019, un médecin de la clinique psychiatrique H______ au sein de laquelle l’assuré était hospitalisé depuis le 1er juillet 2019 à la demande de son psychiatre traitant, a retenu les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques (F33.2), d’anxiété généralisée (F41.1) et de personnalité anxieuse (F60.6), ainsi qu’une incapacité de travail à 100 % actuellement et à court et moyen terme.

18.    Le 26 juillet 2019, l’assuré, assisté d’une personne de confiance, a eu un entretien avec des représentants de l’assureur perte de gain, qui a fait l’objet d’un
procès-verbal signé par les participants.

L’assuré a confirmé ne plus pouvoir travailler et a indiqué notamment ne pas avoir de vie sociale, ne pas sortir sans être accompagné et ne pas pouvoir se rendre seul dans les magasins hormis Denner, puis, après que les représentants de l’assureur perte de gain aient fait état d’un rapport d’un détective privé relatif à ses activités les 26, 27 et 28 juin 2019, ne pas sortir le matin et sortir un petit moment
l’après-midi.

19.    Par courrier recommandé du 6 août 2019, résumant entre autres le rapport de détective privé, l’assureur perte de gain a exigé de l’assuré le remboursement total des prestations versées jusqu’alors et qu’il avait obtenues de manière frauduleuse (art. 40 de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 [loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1]), soit CHF 243'446.80 au titre d’un enrichissement illégitime (art. 62 ss de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220]), plus les « frais extraordinaires » découlant des recherches, en particulier par le détective privé, à hauteur de CHF 10'415.90, donc au total CHF 253'862.70.

20.    Par pli du 30 septembre 2019, l’assuré, représenté par l’Association suisse des assurés (ci-après : ASSUAS), après avoir notamment exposé que le Dr F______ n’aurait pas dû le considérer comme capable de travailler à 100 % et sollicité la mise en œuvre d’une nouvelle expertise par le Professeur I______, a invité l’assureur perte de gain à renoncer au remboursement de CHF 253'862.70 et à reprendre le versement des indemnités journalières jusqu’aux résultats connus de la nouvelle expertise.

21.    Dans un rapport du 7 octobre 2019, le Dr D______ a posé les mêmes diagnostics que le médecin de la clinique psychiatrique H______ le 16 juillet 2019, a mentionné un risque suicidaire très important par périodes et avant son hospitalisation au sein de ladite clinique, correspondant à des périodes de désespoir, et a indiqué que l’état de santé du patient était actuellement stabilisé mais restait fragile, l’incapacité de travail étant de 100 %.

22.    Par écrit du 15 octobre 2019, l’assureur perte de gain a répondu au courrier de l’assuré du 30 septembre 2019 qu’il persistait à lui réclamer en remboursement la somme de CHF 253'862.70, tout en étant disposé à trouver un arrangement financier par gain de paix.

23.    Par « action en demande de paiement et en constatation de droit négative » expédiée le 28 novembre 2019 au greffe de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), l’assuré a conclu, « avec suite de frais et dépens », à ce que celle-ci ordonne la mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire pour remplacer l’expertise de la Dresse E______, en faisant appel aux services du Prof. I______, expert reconnu en la matière, condamne l’assureur perte de gain à lui verser la somme de CHF 100'109.45 selon l’art. 84 al. 2 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et correspondant au solde de 203 indemnités journalières après leur versement durant 527 jours du 19 janvier 2018 au 30 juin 2019, la police d’assurance devant lui être transmise afin qu’il chiffre à nouveau sa demande, constate qu’il ne devait pas le montant de CHF 253'862.70 réclamé par la défenderesse selon l’art. 88 CPC, accorde l’effet suspensif à son action en justice de sorte que l’assureur perte de gain ne puisse pas lui réclamer d’argent ni le mettre aux poursuites tant que l’action serait pendante et qu’il continue à lui verser ses indemnités journalières jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu.

Il se référait à un rapport du 23 octobre 2019 du Dr D______ répondant à des questions posées par le mandataire de l’assuré. À teneur de ce rapport, étaient maintenus les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (F33.2), de trouble spécifique de personnalité anxieuse (F60.6) et de trouble anxieux généralisé (F41.1). Ces troubles, graves, correspondaient à une décompensation dépressive du trouble de personnalité et du trouble d’anxiété généralisée qui étaient anciens, décompensation en très grande partie due à la séparation d’avec son épouse qui avait entraîné un éclatement de la cellule familiale et une aggravation de l’état pathologique des deux enfants du couple, lesquels avaient bénéficié d’un suivi médical dans le centre au sein duquel œuvrait le Dr D______ ; il s’agissait pour le patient d’un traumatisme majeur, qui perdurait puisque la procédure de divorce, très conflictuelle, n’était pas terminée. Les conclusions et plusieurs appréciations de la Dresse E______, qui n’avait pas tenu compte de la lettre qu’il lui avait adressée le 24 mai 2019, étaient contestées. Bien que stabilisé grâce au traitement (médicaments et psychothérapie comportementale et cognitive), l’état de santé psychique de l’intéressé ne permettait pas une reprise des activités professionnelles. Lors de l’entretien avec la Dresse E______, il n’y avait pas eu d’« attitude manipulatrice » ou de simulation des symptômes par l’assuré. Les actes de la vie quotidienne et l’hygiène habituelle étaient conservés par l’intéressé. Une grande partie des sorties quotidiennes constatées par le rapport de détective privé faisaient partie du programme d’activation comportementale et sociale prescrit médicalement, et la consommation d’alcool était directement la conséquence du trouble anxieux et dépressif, l’effet calmant à court terme de l’éthanol étant bien connu.

Au titre des griefs du demandeur, une attitude manipulatrice de sa part devant la Dresse E______ était contestée. Cette dernière n’était pas spécialiste en psychiatrie, ce qui ne permettait pas de conférer une valeur probante à son expertise, qui, comme relevé par le Dr D______ dans son dernier rapport, se fondait bien davantage sur ses impressions que sur des faits, vu l’absence d’examen clinique et de test psychologique, et qui adoptait un ton très accusateur et virulent à son égard.

Il contestait avoir formulé des déclarations fausses sur son état de santé. Les activités qu’il avait eues les 26, 27 et 28 juillet 2019, constatées par le rapport de détective privé, n’étaient pas incompatibles avec ses troubles psychiques attestés par le Dr D______.

24.    Par écriture du 7 janvier 2020, à une question écrite de la chambre des assurances sociales, l’assuré a répondu qu’il ne sollicitait pas une audience de débats.

Dans le délai imparti, l’assureur perte de gain, quant à lui, n’a pas pris position à ce sujet.

25.    Dans ses observations du 30 janvier 2020 sur effet suspensif, l’assureur perte de gain a, « avec suite de frais et dépens », conclu au rejet de la requête d’effet suspensif, ou de mesures provisionnelles, du demandeur.

26.    Le 19 février 2020, à la demande de la chambre des assurances sociales, le demandeur a produit le rapport du Dr D______ du 23 octobre 2019 précité et, au surplus, des feuilles tirées d’internet et relatives à la spécialisation de la Dresse E______.

27.    Par arrêt incident du 21 février 2020 (ATAS/131/2020), la chambre des assurances sociales a rejeté la requête en « mesures provisionnelles » formée implicitement par le demandeur, après avoir relevé qu’en l’absence d’une décision dans le cas d’espèce, la question de la restitution de l’effet suspensif à un recours n’était pas pertinente.

28.    Par réponse et demande reconventionnelle du 9 mars 2020, l’assureur perte de gain a conclu, « sous suite de frais et dépens », sur demande principale, au rejet de cette dernière, et, sur demande reconventionnelle, à la restitution de la somme de CHF 244'271.70, représentant les indemnités journalières versées indûment du 19 janvier 2018 au 30 juin 2019, plus les frais extraordinaires encourus, avec intérêts à 5 % l’an dès le 30 septembre 2018.

Il exposait que les mesures d’observation mises en œuvre répondaient aux exigences jurisprudentielles en la matière, de sorte que leur résultat, en totale contradiction avec les symptômes dépressifs sévères dont le demandeur prétendait souffrir, devait être pris en considération. Du reste, les conclusions du rapport de surveillance étaient corroborées par les avis concordants des Drs B______, E______ et F______, selon lesquels le demandeur entendait cesser toute activité lucrative et bénéficier de prestations d’assurance pour subvenir à ses besoins. En particulier, la Dresse E______ disposait de toutes les compétences requises pour évaluer la plausibilité de l’incapacité de travail alléguée par le demandeur. À l’inverse, les appréciations du Dr D______, psychiatre traitant, ne reflétaient pas la réalité. Selon l’expérience, celui-ci adoptait une attitude dite de « sollicitude médicale » en tenant a priori pour valides les plaintes de son patient, points de départ de la stratégie de traitement, sans qu’il ne recherche des garanties d’objectivité. Cela expliquait pourquoi ce médecin faisait état d’une aggravation de l’état de santé de son patient le 27 juin 2019, infirmée toutefois par les activités que ce dernier avait pratiquées à la plage ce même jour. Par ailleurs, le bilan des analyses réalisées sur le sang à l’époque par le Dr B______ permettait déjà de douter de la compliance médicamenteuse, laissant à penser que le demandeur avait volontairement renoncé à la prise de médicaments du fait que son état de santé réel n’en justifiait pas la nécessité.

La demanderesse reconventionnelle en tirait la conclusion qu’il existait une fraude à l’assurance au sens de l’art. 40 LCA, lui permettant d'exiger le remboursement des prestations indûment allouées à hauteur de CHF 234'344.90, auquel étaient ajoutés les frais extraordinaires de CHF 9'926.80, correspondant selon le décompte joint aux frais d’expertise du Dr B______ (CHF 1'400.-), aux frais d’analyse sanguine (CHF 381.-), aux frais d’expertise de la Dresse E______ (CHF 825.-), aux frais de détective (CHF 7'215.90) et aux frais du rapport de la clinique H______ (CHF 104.90).

29.    Par mémoire de réplique et de réponse à la demande reconventionnelle daté du 15 mai 2020, complété le 26 mai suivant, l’assuré a modifié ses conclusions, en ce sens qu’il réclamait la somme de CHF 104'596.95, correspondant au solde de 202 indemnités journalières pour la période du 1er juillet 2019 au 18 janvier 2020, majorée d’un intérêt moratoire de 5 % dès le 1er juillet 2019. Il a également conclu à ce que la chambre des assurances sociales constate son état de santé réel, nie la valeur probante des expertises des Drs B______ et E______ et celle de l’avis du Dr F______, et demande la preuve d’authenticité du rapport de surveillance, le cas échéant le déclare illicite et dénué de force probante. Enfin, il a conclu au rejet de la demande reconventionnelle.

Sur demande principale, l’assuré faisait valoir que le rapport d’expertise du Dr B______ était contradictoire, en tant qu’il retenait que les indices jurisprudentiels pour un épisode dépressif moyen n’étaient pas remplis, alors même que celui-ci diagnostiquait un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique (F32.11) et mentionnait que les arrêts de travail étaient justifiés, sans exagération des plaintes. Cet expert attestait du reste d’une absence de consommation nocive d’éthanol, de dépendance éthylique ou d’autres substances. Le demandeur en inférait que sa consommation d’alcool ne constituait pas une contre-indication à la prise de médicaments, ajoutant que toutes les analyses de sang démontraient une parfaite compliance, en s’appuyant à cet égard sur des rapports d’analyses médicales des 5 septembre 2018, 24 octobre 2018 et 21 mars 2019 annexés à son mémoire. La défenderesse n’avait ainsi pas apporté la preuve de ses allégations selon lesquelles il serait apte à travailler. Au contraire, son incapacité de travail totale était reconnue par ses médecins traitants.

Les rapports des Drs E______ et F______ n’étaient pas non plus probants. La première, qui n’avait pas procédé à un examen clinique, se fondait sur son appréciation subjective et arbitraire, sans fournir le moindre élément objectif médical. Bien qu’elle ne fût pas titulaire d’une spécialisation en psychiatrie, elle posait un diagnostic psychologique (F68.0). Or, le demandeur, déclarait-il, ne souffrait d’aucune douleur physique. Quant au second, il ne s’appuyait sur aucune donnée médicale objective.

Sur demande reconventionnelle, l’assuré estimait que les mesures d’observation du 25 au 28 juin 2019 n’étaient pas justifiées, dès lors que les avis médicaux au dossier permettaient d’apprécier la situation médicale et qu’à son sens, il s’était conformé à son devoir de collaborer. L’assureur perte de gain, qui n’avait fourni aucune explication quant aux raisons pour lesquelles la surveillance avait été opérée, avait procédé à une interprétation personnelle et arbitraire des constatations et légendes des photographies contenues dans le rapport de surveillance, de surcroît, non daté, ni signé et peu étayé, de sorte que ce document devait être écarté de la procédure.

L’assuré mettait également en cause le caractère probant du protocole d’entretien du 26 juillet 2019, de même que celui du courrier de l’assureur perte de gain du 6 août 2019, du fait que ces documents étaient truffés de questions ou remarques subjectives et dirigées, de jugements de valeur et de fausses accusations.

Il contestait en outre avoir été valablement informé des conséquences d’une prétendue violation de ses obligations contractuelles, c’est-à-dire de la fin du contrat d’assurance.

Il arguait de plus que la demanderesse reconventionnelle se prévalait à tort de l’art. 40 LCA, puisqu’il n’avait ni repris une activité professionnelle depuis son incapacité de travail consécutive à son état de santé, ni dissimulé de faits propres à exclure l’obligation de prester.

Il alléguait finalement, certificats médicaux à l’appui, que son psychiatre traitant avait attesté en date du 2 novembre 2019 d’une incapacité de travail totale jusqu’au 2 décembre 2019, prolongée ensuite jusqu’au 1er février 2020.

30.    Par mémoire du 27 juillet 2020 complété le lendemain, l’assureur perte de gain a répliqué à la demande reconventionnelle et dupliqué à la demande principale en persistant dans ses conclusions et en requérant la production du dossier AI de l’assuré.

L’assureur perte de gain relevait que les investigations menées par l’OAI confortaient sa position. À l’appui de ses dires, il a versé au dossier un rapport du 1er mars 2020 de Monsieur J______, psychologue, spécialiste FSP en neuropsychologie et psychothérapie, établi dans le cadre de l’expertise psychiatrique mise sur pied par cette autorité, ainsi qu’un avis du 23 mars 2020 émanant du service médical régional de l’AI (ci-après : SMR).

Dans le premier document du 1er mars 2020, M. J______ concluait que les résultats des différents tests effectués étaient compatibles avec une exagération des symptômes. L’assuré était plaintif et renonçait indûment à répondre à un grand nombre de tâches. Il existait de graves discordances entre ces résultats, notamment s’agissant des compétences mnésiques et cognitives qui témoignaient d’une impossibilité de vivre de façon autonome, en particulier de conduire un véhicule ; or, l’assuré conduisait sa voiture , et son comportement observé durant la phase d’entretien, où son discours était clair, son comportement adéquat et le rappel des faits de sa vie précis. Aussi le psychologue ne retenait-il aucune limitation sur le plan neuropsychologique.

Dans le second document du 23 mars 2020, le SMR, après avoir résumé les rapports d’expertise des Drs B______ et E______, ceux du psychiatre traitant, celui de la clinique H______, ainsi que le rapport de surveillance, et indiqué que les divergences ressortant de ces diverses pièces avaient nécessité la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique avec bilan neuropsychologique, faisait siennes les conclusions de l’expert psychiatre mandaté par l’OAI, retranscrites comme suit : l’assuré présentait un trouble de l’usage de l’alcool de degré léger à moyen, une anxiété généralisée et un trouble dépressif persistant. Il existait cependant un décalage important entre la présentation rassurante de l’assuré et ses plaintes du registre dépressif de degré sévère. Le fait qu’il ait évolué favorablement dès le lendemain de son hospitalisation à la clinique H______ parlait contre une problématique dépressive grave. Le tableau clinique qui précédait l’hospitalisation relevait vraisemblablement plus d’un état réactionnel transitoire que d’un épisode dépressif franc. L’anxiété, quant à elle, était objectivement peu marquée. Elle avait plutôt un caractère réactionnel à une situation existentielle difficile. En définitive, le tableau clinique était atypique, avec un bilan neuropsychologique qui montrait un échec aux tests de validation des symptômes de façon particulièrement marquée. L’assuré ne présentait aucune incapacité de travail durable et sa capacité de travail était pleine et entière.

L’assureur perte de gain soulignait ensuite que la surveillance avait été objective et documentée dans un rapport joint audit mémoire, daté et signé par le détective privé, auquel était également annexé une clé USB sur laquelle était enregistrée la vidéo de surveillance , en précisant que la première version dudit rapport, transmise à l’assuré lors de l’entretien du 26 juillet 2019, avait été anonymisée par égard pour le détective.

L’assureur perte de gain contestait par ailleurs s’être laissé guider par des jugements de valeur lors de l’entretien précité, au cours duquel l’assuré était assisté d'un « avocat », et dont la première partie comprenait des questions purement factuelles portant sur la situation de celui-là et ses plaintes, et la seconde visait à le confronter au résultat des mesures d’observation et à lui donner l’occasion de s’exprimer. Or, l’assuré ne s'était pas prononcé au sujet des contradictions entre ses plaintes et le résultat des observations.

En outre, la procédure d’observation avait pu confirmer les investigations de la demanderesse reconventionnelle sur le plan médical. La volonté de l’assuré, apte à travailler, de subvenir à ses besoins au moyen de prestations d’assurance était abusive.

Enfin, les allégués de l’assuré contenus dans son écriture du 26 mai 2020, à savoir l’incapacité de travail totale attestée par son psychiatre traitant du 2 décembre 2019 au 1er février 2020 étaient irrecevables, au motif qu’ils figuraient dans un acte de procédure introduit après l’échéance du délai imparti à cet effet, au 15 mai 2020. En tous les cas, l’assureur perte de gain contestait ces allégués.

31.    Dans ses observations du 7 septembre 2020, l’assuré a réitéré les allégués formulés dans son écriture du 26 mai 2020, précisant qu’ils étaient à toutes fins utiles présentés cette fois dans le délai imparti. Après avoir indiqué ne pas comprendre l’intérêt de rendre anonyme l’auteur du rapport de surveillance, il a maintenu sa conclusion tendant à déclarer ce document illicite et dénué de force probante.

Il contestait n’avoir pas été compliant à son traitement médicamenteux ; les analyses sanguines du 21 mars 2019 démontraient le contraire. Il niait ensuite la valeur probante du rapport du 1er mars 2020 de M. J______ et celle de l’avis du 23 mars 2020 du SMR, au double motif que ces derniers ne retenaient aucun diagnostic, écartant en cela ceux posés par ses médecins, et qu’ils se basaient sur des considérations subjectives. Il reprochait également à l’assureur perte de gain de s’être borné à produire ces deux pièces émanant de la procédure AI, sans avoir procédé à l’évaluation de son cas de manière approfondie. Il mentionnait enfin avoir été accompagné par Monsieur K______ lors de l’entretien du 26 juillet 2019, dont il a sollicité l’audition, lequel n’était pas un avocat, contrairement aux dires de l’assureur perte de gain.

L’assuré a produit notamment un rapport du 5 décembre 2019 du docteur L______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin traitant, transmis à l’OAI, mentionnant avoir, lors d’une consultation le 18 avril 2016, diagnostiqué un épisode dépressif de gravité moyenne, et prescrit du Paroxetine 20 mg/jour avec Temesta 1 mg le soir. Le 27 mai suivant, il avait adressé son patient à un psychiatre. Ayant constaté l’augmentation de l’hypertension artérielle parallèlement à un changement de traitement avec de l’Efexor, ce médicament avait été arrêté. Lors de la consultation du 15 novembre 2019, le médecin traitant avait eu l’impression que le trouble dépressif récurrent s’était aggravé. Il avait observé une « transformation du comportement et de la présentation du patient, autrefois en costume-cravate, dress-code de la banque, se négliger progressivement, venir en training parfois, mal rasé, avec l’impression d’être dépassé par les événements, très irritable ( ), ruminant sa séparation ». Le Dr L______ ne partageait pas le même avis que la Dresse E______ et se rapprochait plus de la vision exprimée par le Dr D______ dans son rapport du 24 mai 2019. À la question de savoir si l’assuré disposait de ressources, le médecin traitant a répondu « pas pour l’instant ». L’assuré avait l’air de se raccrocher à l’idée d’une rente à 61 ans, ce qui semblait étonnant pour quelqu’un qui avait été si actif. Au vu des dépressions antérieures et du fait que chaque récurrence entamait le potentiel de ressources et augmentait les chances de rechutes, le médecin traitant était assez pessimiste. Il invitait l’OAI à s’adresser au psychiatre traitant s’agissant de la capacité de travail exigible de l’assuré.

32.    Par courrier du 24 novembre 2020, la chambre des assurances sociales, se référant à un arrêt incident qu’elle avait rendu le 29 octobre 2020 dans une autre affaire (ATAS/1044/2020), a informé le demandeur que la représentation dans les procédures simplifiées concernant les assurances complémentaires à
l’assurance-maladie sociale par une association même reconnue comme mandataire professionnellement qualifié – n’était pas possible, et lui a octroyé un délai afin de régulariser sa demande.

33.    Le 11 décembre 2020, le demandeur a alors transmis à la chambre des assurances sociales la page de garde et la page de conclusions de ses différentes écritures dûment signées par ses soins.

34.    Par ordonnance du 4 février 2021, la chambre des assurances sociales, moyennant l’approbation de l’assuré, a requis de l’OAI la production du dossier de celui-ci.

35.    Reçu le 11 février 2021, ce dossier contient en particulier les pièces suivantes.

a. Un rapport du 17 avril 2019 du Dr D______ relevait que l’état de santé de son patient était stationnaire depuis janvier 2018. Le traitement médicamenteux, la psychothérapie régulière à un rythme hebdomadaire, et l’arrêt de travail avaient permis une stabilisation de l’état de santé, lequel restait fragile, avec une intolérance majeure au stress. Les idées suicidaires revenaient au premier plan en cas de stress. Les limitations fonctionnelles étaient : des manifestations somatiques neurovégétatives et cognitives importantes (trouble de l’attention, mémorisation), une asthénie, des troubles du sommeil, des céphalées. L’assuré était compliant au traitement (psychothérapie et médicaments).

Un certificat du 24 juillet 2019 de la clinique H______ indiquait que l’assuré avait été hospitalisé au sein de cet établissement du 1er au 25 juillet 2019, avec une incapacité de travail de 100 % qui se poursuivrait jusqu’au 31 août 2019 inclus, puis serait réévaluée.

Une lettre de sortie du 2 août 2019 de la clinique H______ mentionnait que l’admission de l’assuré dans cet établissement avait été volontaire en raison d’une décompensation anxieuse et dépressive dans un contexte de difficultés relationnelles conjugales. Au status à l’entrée, l’assuré présentait de la tristesse et de l’anxiété, des troubles du sommeil et de l’appétit, sans idée suicidaire, ni d’élément de la lignée psychotique. Le diagnostic principal était celui d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptôme psychotique (F33.2). À titre de diagnostics secondaires, étaient posés une anxiété généralisée (F41.1) ainsi qu’une personnalité anxieuse évitante (F60.6). Durant son hospitalisation, l’assuré n’avait éprouvé aucune difficulté à s’investir dans une dynamique positive de soins. Son traitement médicamenteux avait été réajusté, avec augmentation de la Sertraline de 125 à 150 mg par jour et remplacement de l’Anxiolit par du Temesta en réserve, ainsi que l’introduction du Zyprexa à 5 mg par jour. Dès le lendemain, l’assuré exprimait un sentiment de mieux-être à mettre raisonnablement en lien avec la prise de distance par rapport à son environnement anxiogène. Le travail thérapeutique avait porté essentiellement sur l’identification et la gestion de ses émotions, en lien avec les difficultés relationnelles avec son épouse, ainsi que sa situation matérielle fragile surtout depuis qu’il s’était vu notifier par son assureur perte de gain la cessation prochaine du versement des indemnités journalières. Sous l’effet combiné du soutien psychothérapeutique, de la médication et des activités de soin, le tableau clinique avait progressivement évolué de manière favorable, se traduisant par une baisse substantielle du niveau d’anxiété, une amélioration de la qualité du sommeil et une bonne capacité de projection vers l’avenir.

Dans un questionnaire complété par le Dr D______, que lui avait préalablement adressé l’OAI, réceptionné par ce dernier le 9 septembre 2019, le médecin retenait les mêmes diagnostics que dans son rapport du 26 juillet 2018 précité. Le trouble anxio-dépressif, dans le cadre d’un trouble de personnalité anxieuse, était apparu durant l’année 2017 dans un contexte familial difficile et particulièrement stressant (séparation conflictuelle, problèmes importants pour voir ses enfants, longue maladie du père). Le médecin avait constaté une dépression sévère associant un trouble de l’humeur, une anxiété envahissante avec des attaques de panique, un sommeil perturbé, des troubles cognitifs (concentration, mémorisation), une asthénie matinale très importante ne régressant pas dans la journée. Les activités d’une journée-type étaient organisées en fonction d’un agenda de thérapie comportementale et cognitive (physique, psychologique et relationnelle). Les activités sociales et les loisirs étaient réduits, et étaient le plus souvent programmés dans le cadre de la psychothérapie. La capacité de travail était nulle dans toute activité. Les limitations fonctionnelles étaient les difficultés de contrôle émotionnel et les problèmes cognitifs (mémorisation, attention et concentration). Le trouble dépressif et le trouble anxieux généralisé persistaient malgré le traitement et le suivi régulier (ambulatoire et hospitalier). Dans les périodes de stress, le risque suicidaire restait important. Le traitement actuel consistait en la prise de Zyprexa (5 mg par jour) et de Sertraline (150 mg par jour).

Dans un avis du 2 octobre 2019, le SMR a résumé les deux expertises psychiatriques (celles des Drs B______ et E______), les rapports du Dr D______ et celui de la surveillance mise en place par l’assureur perte de gain, et, constatant que les éléments ressortant de cette surveillance étaient manifestement incompatibles avec les diagnostics et les limitations retenues par le psychiatre traitant, il a préconisé une expertise psychiatrique.

b. Dans son rapport d’expertise du 12 mars 2020, le docteur M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, mandaté par l’OAI, qui avait examiné l’assuré les 5 et 24 février 2020, et discuté par téléphone avec les Drs D______ et L______ les 24 février et 10 mars 2020, respectivement le 12 mars 2020, puis demandé l’examen de l’assuré par M. J______, a posé les diagnostics de trouble de l’usage de l’alcool de degré léger à moyen (F10.10 à F10.20) ; de trouble d’anxiété généralisée (F41.1) et de trouble dépressif persistant (F34.1).

L’expert a justifié les diagnostics retenus comme suit.

En ce qui concernait le premier, l’expert a relevé que l’assuré était un buveur d’habitude et depuis plusieurs années, si bien que la tolérance était certainement établie. Celui-ci continuait à consommer de l’alcool alors qu’il était sous médication psychotrope. Cette consommation était dès lors déconseillée et il devrait être informé des conséquences négatives qu’elle pouvait avoir sur l’anxiété et la dépression. Il n’était pas possible d’établir des phénomènes de craving (besoin compulsif de répéter le comportement d’addiction après une période de sevrage) et des symptômes de sevrage. Il n’existait pas d’arguments pour affirmer avec certitude que la consommation d’alcool aurait eu des incidences négatives sur la vie sociale et professionnelle de l’intéressé. Elle avait néanmoins pu jouer un rôle sur la problématique conjugale.

S’agissant du second diagnostic, l’expert a indiqué que l’assuré se plaignait d’une anxiété anormale qui durait probablement depuis le milieu des années 2010 et qui s’exacerbait lors de facteurs de stress. Selon lui, cette anxiété était accompagnée d’une fatigue et d’une fatigabilité anormales, de problèmes de concentration, de trous de mémoire et de sensation fréquente d’être au bout du rouleau. Lors de l’expertise, cette anxiété était toutefois objectivement peu marquée. Elle avait plutôt un caractère réactionnel à une situation existentielle difficile, et se situait aux limites inférieures du seuil diagnostique.

Quant au troisième diagnostic, l’expert a mis en évidence un important décalage entre la présentation rassurante de l’assuré et ses plaintes du registre dépressif sévère. La tristesse était inconstante. Celui-ci pouvait « s’intéresser ». Il lui arrivait de sourire. Il avait gardé des contacts sociaux : enfants, amie. Il conservait des activités de loisirs, dont certaines avaient pu être prescrites par son psychiatre traitant, ce qui était une pratique courante en psychothérapie
cognitivo-comportementale. L’assuré ne s’était pas montré fatigué ni fatigable au terme d’un premier entretien de plus de deux heures. Il n’avait pas souhaité prendre les pauses que l’expert lui avait proposées à deux reprises. Il n’était pas ralenti. Son humeur restait quelque peu abaissée. Il existait une diminution de l’estime de soi mais pas une culpabilité pathologique. Les idées suicidaires récurrentes étaient possibles, sans tentative de suicide. L’appétit s’était normalisé et le poids était stable. Il subsistait des troubles du sommeil qui pourraient relever de la seule problématique avec l’alcool. Le fait qu’il avait évolué favorablement « dès le lendemain » de son hospitalisation à la clinique H______ parlait contre une problématique dépressive grave. Le tableau clinique qui précédait l’hospitalisation relevait vraisemblablement plus d’un état réactionnel transitoire que d’un épisode dépressif franc. Les conclusions du rapport de surveillance relatif à la période du 25 au 28 juin 2019, soit trois jours avant l’hospitalisation, étaient un argument en ce sens. Au vu de ces éléments, l’assuré ne présentait pas le seuil diagnostique d’un épisode dépressif caractérisé. Le Dr M______ relevait que : « si ce seuil a pu être atteint pendant de courtes périodes dans le passé, rien n’indique qu’il en soit resté ainsi pendant des semaines ou des mois ». Il n’y avait jamais eu de situations de crises avec consultation aux urgences, ni de séjour dans une structure intermédiaire, hormis l’hospitalisation en juillet 2019.

L’expert a en outre exclu un trouble panique et un trouble de personnalité pour les motifs suivants.

L’assuré se plaignait de symptômes neurovégétatifs qui évoquaient des attaques de panique. Il s’agissait de crises d’une trentaine de minutes survenant parfois sans facteur déclenchant, le plus souvent suite à des facteurs de stress. Elles comprenaient « un sentiment d’oppression thoracique, de difficultés à respirer, de déséquilibre et des paresthésies dans les membres ». Il était étonnant que l’intéressé y répondît en allant « se coucher » et qu’il ne rapportait pas la cognition caractéristique d’un risque de mort imminente, de perte de contrôle ou de devenir fou avec un appel à l’aide ou avec des mesures concrètes pour calmer la crise. Le fait d’aller se coucher était peu typique de ce qui était attendu pour faire face à une attaque de panique. Les sujets allaient parfois se coucher après la crise pour récupérer mais pas pour y faire face. Ce tableau pourrait correspondre à des manifestations neurovégétatives d’anxiété. L’intéressé n’avait par ailleurs pas évolué vers des conduites agoraphobiques ou de phobie sociale. Il ne rapportait pas davantage la peur constante de nouvelles crises ni de crises pauci-symptomatiques alors que ce sont des plaintes attendues dans un trouble panique installé sur la durée.

Le diagnostic de trouble de la personnalité (qui apparaissait au début de l’âge adulte) ou de trouble de la personnalité évitante ou anxieuse figurant au dossier n’était pas retenu, car l’assuré avait bien fonctionné jusqu’au milieu des années 2010. Il pouvait se targuer d’un beau parcours professionnel. Sa vie privée ne s’était pas avérée particulièrement chaotique, même s’il y avait eu un conflit de couple suivi d’un divorce. Il n’y avait pas la notion d’instabilité, de crises répétées ou de problèmes majeurs dans les relations interpersonnelles, caractéristiques dans les graves pathologies de personnalité. L’assuré présentait par contre des traits de personnalité accentués du registre de la personnalité évitante et dyssociale (en raison de son comportement « dans certaines situations d’expertise », et de sa condamnation pour des violences conjugales) voire de personnalité émotionnellement labile (impulsivité), non incapacitants.

L’expert n’a pas mis en évidence une « pathologie obsessionnelle/compulsive » ou un trouble d’état de stress post-traumatique. Il n’existait pas de problème avec les conduites alimentaires, ni un argument pour un trouble psychotique.

La problématique psychiatrique était apparue au milieu des années 2010 dans le contexte du conflit conjugal, avec depuis lors des réactions anxieuses et dépressives. Les troubles s’étaient aggravés en 2017 avec une séparation difficile. S’il y avait eu des périodes d’embellie, il y avait aussi eu des aggravations de la problématique psychologique qui devaient être mises en lien avec les difficultés existentielles de l’intéressé. Depuis trois ans, ce dernier était pris en soins par un psychiatre avec des consultations hebdomadaires ou bimensuelles. Il était sous une médication psychotrope et restait en lien avec son médecin de famille. Il paraissait observant de ce qui était mis à sa disposition.

L’expert a considéré que le tableau clinique objectif était plutôt rassurant, sans pathologie anxieuse et dépressive grave que l’assuré voulait mettre en avant. Ce dernier pouvait s’animer, sourire et gardait toujours bien le focus de l’entretien. S’il était anxieux au départ de l’expertise, ce n’était plus le cas par la suite. Il avait pu se montrer vif, pragmatique et efficace à certains moments de l’évaluation. Il avait échoué aux tests de validation des symptômes de façon particulièrement marquée. Il commettait davantage d’erreurs que ce qu’il aurait pu commettre s’il avait répondu au hasard, ce qui signifiait qu’il avait été capable de reconnaître ce qui était faux et de produire un résultat erroné en conséquence, sans que cela puisse être mis sur le compte de la grande fatigue qu’avait voulue apporter l’assuré comme explication.

Quelques jours avant son hospitalisation à H______, l’assuré semblait mener une vie normale en dehors de ses consommations régulières de vin et vraisemblablement de bière « quasi publiques » sur son balcon. Il rencontrait ses enfants, effectuait des courses et était capable d’argumenter à propos d’une action sur le vin dont il ne pouvait pas bénéficier. Il sortait de son immeuble souriant, en tenant la main d’une jeune femme, validant davantage une relation de couple même éphémère que la simple amitié qu’il affirmait.

S’il y avait une problématique liée à l’alcool, il n’y avait pas d’indice au dossier qu’elle ait pu avoir des incidences négatives sur l’activité professionnelle de l’assuré.

Ainsi, la sévère pathologie psychique alléguée ne pouvait pas être validée au vu des incohérences et des discordances constatées.

En ce qui concernait le rapport d’évaluation du 30 mai 2019 de la Dresse E______, l’expert a considéré que le diagnostic de majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques retenu par celle-ci était une application incorrecte de la CIM-10, dans la mesure où l’intéressé se plaignait de troubles psychiques et non pas physiques. Sa consœur ne retenait pas la simulation en évoquant à tort le code F68.1 relatif aux troubles factices, qui correspondaient à une pathologie psychiatrique assimilable au syndrome de Münschhausen. La simulation par contre n’était pas une maladie. Il s’agissait d’un comportement qui sortait du champ médical. Elle était définie comme une production intentionnelle ou l’exagération grossière de troubles physiques ou psychiques dans un contexte incitatif particulier : obtenir des drogues ou une compensation financière, échapper à des obligations militaires ou à des poursuites judiciaires. Il existait un soupçon de simulation lorsque les quatre critères suivants étaient cumulés: un contexte
médico-légal, un manque de coopération du sujet, une forte discordance entre les plaintes et les éléments objectifs et la présence d’une personnalité antisociale. Dans le cas présent, le contexte médico-légal était établi. Le manque de coopération était manifeste du moins dans les situations d’expertise. La forte discordance entre les plaintes et les éléments objectifs étaient patente. Il était enfin justifié de retenir ici des traits, mais pas le trouble de personnalité dyssociale.

L’expert a conclu qu’une grande partie du comportement d’invalide de l’intéressé sortait du champ médical stricto sensu. Celui-ci était capable de s’adapter aux règles et aux routines d’une activité professionnelle. Moyennant un réentraînement au travail, il devrait être apte à faire usage de ses compétences spécifiques, à planifier et structurer ses tâches, à analyser une situation donnée et à prendre des décisions appropriées en conséquence. L’intéressé s’était montré normalement endurant durant l’entretien. Il s’affirmait adéquatement et avait établi une relation normale avec l’examinateur. Le contact n’avait rien de bizarre. Rien n’indiquait qu’il ne soit pas capable d’entretenir des relations proches. Il ne rapportait pas d’importantes difficultés dans les situations de groupe, en situation sociale. Il n’était toutefois pas exclu qu’il soit peu tolérant à la critique et qu’il puisse se montrer irritable. L’intéressé était apte à se déplacer. Il était autonome pour ses activités de la vie quotidienne, son hygiène et ses soins corporels.

L’expert n’a retenu aucune incapacité de travail psychiatrique, précisant qu’« [i]l n’y en [avait] ( ) jamais eu sur la durée ». Moyennant un réentraînement au travail de quelques semaines, il était et il aurait été raisonnablement exigible de l’intéressé qu’il reprenne son activité professionnelle en plein ou toute autre activité similaire.

c. Dans un courriel adressé au Dr M______ le 12 mars 2020, l’assuré lui a demandé de bien vouloir refaire les tests psychologiques, car il s’était trouvé dans un état de grande fatigue à la suite de son voyage à Sion et était angoissé du fait que son fils cadet ne voulait plus aller à l’école. Il n’avait pas pris d’anxiolytique ce jour. Il était paniqué et « tout se mélangeait dans [s]a tête », ce dont il avait fait part à M. J______ qui n’avait pas voulu en tenir compte.

Dans un courriel du lendemain, l’assuré a relancé le Dr M______.

Dans un projet de décision du 23 mars 2020, l’OAI a nié à l’intéressé le droit à des prestations de l’AI.

Dans un courrier du 30 mars 2020, le Dr M______ a fait savoir à l’OAI que les courriels de l’assuré des 12 et 13 mars écoulés ne remettaient pas en question ses conclusions.

Dans un courrier reçu par l’OAI le 3 avril 2020, l’assuré a indiqué que son grand état de fatigue physique et psychique ne lui permettait pas de continuer à s’opposer à la décision. Il n’avait par ailleurs plus de moyens financiers pour envisager un recours.

Dans une décision du 28 mai 2020 – non contestée , l’OAI a confirmé les termes de son projet de décision.

36.    Dans ses observations du 16 mars 2021, l’assureur perte de gain a persisté dans ses conclusions.

Il exposait, en référence à l’art. 40 LCA, que d’un point de vue objectif, l’assuré faisait croire à un état de santé qui ne correspondait en aucune manière à la situation qui était la sienne. Il rappelait que les conditions de cette disposition étaient également réunies lorsque l’assuré exagérait ses plaintes à l’égard de son médecin, qui était tributaire des informations de son patient. Or, tous les experts ayant examiné l’assuré admettaient la discordance manifeste entre la réalité et la situation que celui-ci voulait dépeindre. L’observation qui avait été menée par le détective privé en juin 2019 le confirmait.

Sur le plan subjectif, l’assuré avait, avec conscience et volonté, communiqué à l’assureur, aux médecins et aux experts des informations clairement incorrectes en vue d’obtenir des prestations indues. L’objectif de vivre de prestations d’assurance avait d’ailleurs été formulé de manière expresse, comme l’avaient mis en évidence les Drs B______, E______ et L______. Les experts consultés concordaient sur le fait que les plaintes étaient clairement et volontairement exagérées. L’assuré adaptait par ailleurs son comportement en fonction de la situation et des bénéfices qu’il pouvait en retirer. C’était le cas lors des tests psychologiques où il avait été constaté que l’assuré était capable de « reconnaître ce qui était faux, de produire un résultat erroné en conséquence », qu’il « commettait davantage d’erreurs que ce qu’il aurait pu commettre s’il avait répondu au hasard » et qu’il renonçait même « indument » à répondre à un grand nombre de tâches. Or, lorsqu’il était question d’exposer sa situation personnelle lors de l’expertise du Dr M______, l’assuré était parfaitement capable d’adopter un comportement « soudainement vif, pragmatique et efficace ».

L’assureur perte de gain en concluait que l’assuré, de manière persévérante et systématique, avait tenté de tromper les médecins et les experts pour obtenir des prestations auxquelles il n’avait manifestement pas droit. Ce comportement abusif s’inscrivait dans la durée, depuis l’annonce du sinistre en automne 2017. Cette attitude entraînait une libération totale de l’assureur. Toutes les prestations allouées l’avaient été sans cause, de sorte qu’elles devaient être restituées.

37.    Dans ses observations du 10 mai 2021, l’assuré a également persisté dans ses conclusions.

Il a produit le jugement du Tribunal de première instance du 5 septembre 2017 sur mesures protectrices de l’union conjugale, attribuant à son épouse la garde des deux enfants, lui réservant un droit de visite à l’égard de son fils cadet devant s’exercer, sauf accord contraire des parties, au minimum à raison d’un samedi sur deux de 11h00 à 18h00 (ou 21h00 si l’enfant prenait le repas du soir avec son père), le droit de visite à l’égard du fils aîné devant s’exercer uniquement si ce dernier le demandait, et instaurant une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles au regard du conflit entre les parents, de leur difficulté à communiquer et eu égard à la particularité des relations qu’entretenaient les enfants avec leur père.

Il a reproché à l’assureur perte de gain de ne pas avoir respecté, dans sa détermination, du 16 mars 2021, la numérotation des allégués figurant dans ses écritures antérieures, ni proposé des moyens de preuves pour ces allégués.

Sur le fond, l’assuré contestait que le Dr D______, dans son rapport du 17 avril 2019, ait indiqué une stabilisation de son état depuis janvier 2018. Au contraire, ce médecin précisait que « l’état anxieux et dépressif restait sévère et était seulement stabilisé par le traitement et la psychothérapie. Une reprise du travail dans ce contexte serait un risque majeur d’aggravation. Le simple fait de l’évoquer entraînait une détresse importante ». Selon l’assuré, aucune date de prétendue stabilisation définitive n’était indiquée.

Il relevait que le Dr M______ se basait sur les allégations, contestées, du rapport de surveillance pour argumenter ses conclusions. Ce médecin reconnaissait néanmoins que des « idées suicidaires » étaient possibles, contrairement à ce qu’affirmait l’assureur perte de gain.

Il alléguait que le Zyprexa, introduit lors de son hospitalisation à H______, était un médicament pour traiter la schizophrénie et certains désordres mentaux connexes, comme le trouble bipolaire. À l’appui de ses dires, il a produit un article établi par MediResource Inc. Il ajoutait que ce traitement avait occasionné une grande fatigue, corroborant la gravité de la dépression dont il était atteint et justifiant son incapacité de travail totale.

Il niait enfin la valeur probante du rapport d’expertise du Dr M______, à ses yeux confus dans ses appréciations et diagnostics. Ce médecin se basait sur le rapport de surveillance, alors même qu’il avait indiqué qu’il avait pour règle de ne pas s’appuyer sur les résultats des observations extérieures pour argumenter ses conclusions. L’expert, qui contestait l’appréciation de la Dresse E______, affirmait que les troubles en cause correspondaient au syndrome de Münschhausen et non pas à une simulation stricto sensu.

38.    Dans son écriture spontanée du 25 mai 2021, l’assureur perte de gain a en particulier requis de la chambre des assurances sociales qu’elle considère les faits et les éléments du dossier AI dont il était fait mention dans sa détermination du 16 mars 2021 comme des novas dont il n’avait pu avoir connaissance que lors de la consultation du dossier AI versé à la procédure. La numérotation se rapportait aux constatations qui ressortaient dudit dossier, raison pour laquelle elle différait de celle des précédentes écritures. Si nécessaire et à la demande de la chambre de céans, il adapterait la numérotation desdits faits, lesquels étaient recevables, à l’instar des moyens de preuve mentionnés dans cette détermination.

39.    Dans son écriture du 11 juin 2021, l’assuré a en substance contesté, pour les motifs exposés précédemment, la recevabilité des allégués de l’assureur perte de gain figurant dans sa détermination du 16 mars 2021.

40.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        La compétence de la chambre de céans a préalablement été examinée dans l'arrêt incident du 21 février 2020 (ATAS/131/2020). Il suffit de s'y référer.

2.        En matière d'assurance collective contre les accidents ou la maladie, l'art. 87 LCA confère un droit propre au bénéficiaire contre l'assureur. Cette disposition institue une créance indépendante au profit de l'ayant droit, créance qui naît au moment de la survenance du cas d'assurance.

L'employeur en tant que preneur d'assurance et l’assureur perte de gain en qualité d'assureur ont conclu un contrat collectif d'indemnité journalière selon la LCA. Par cette convention, le demandeur était couvert contre le risque de perte de gain due à la maladie. Il s'agit d'une assurance au profit de tiers (cf. art. 18 al. 3 LCA), qui confère un droit propre à l'assuré qu'il peut faire valoir contre l'assureur en vertu de l'art. 87 LCA, de nature impérative (cf. art. 98 LCA; ATF 141 III 112 consid. 4.3).

Par conséquent, le demandeur possède la légitimation active pour agir contre la défenderesse.

3.        Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC
(ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 [LOJ - E 2 05]).

4.        La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la loi fédérale sur l’assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10 ; art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

5.        a. Pour le surplus, la demande en paiement du 28 novembre 2019, dont le vice de forme a été corrigé par l’assuré en date du 11 décembre 2020 il a signé lui-même cet acte ainsi que ses écritures subséquentes, car il ne pouvait être représenté par un mandataire professionnellement qualifié dans la présente procédure (cf. ATAS/1044/2020 du 29 octobre 2020) , respecte les conditions de forme légales (art. 130 et 244 CPC) et est donc recevable.

b. On ne peut admettre, à l’inverse de ce que prétend l’assuré, sauf à faire preuve de formalisme excessif, que les allégués contenus dans la détermination de l’assureur perte de gain du 16 mars 2021 sont irrecevables, au motif qu’ils ne respectent pas la numérotation figurant dans les écritures antérieures. Par ailleurs, en procédure simplifiée – applicable en l’espèce , le défendeur n’est pas tenu de prévoir des allégations ou des offres de preuves détaillées, ni d’ailleurs de se déterminer de manière conforme à l’art. 222 al. 2 CPC (Denis Tappy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 8 ad art. 245 CPC), disposition à teneur de laquelle l’art. 221 CPC s’applique par analogie à la réponse (en procédure ordinaire), dont l’alinéa 1 let. e stipule que la demande contient l’indication, pour chaque allégation, des moyens de preuves proposés. Il s’ensuit que l’assureur perte de gain n’était pas tenu, pour chaque allégué, d’offrir un moyen de preuve.

6.        a. Le litige portait initialement sur le paiement de CHF 100'109.45, correspondant aux indemnités journalières encore dues selon le demandeur. Dans ses écritures des 15 et 26 mai 2020, celui-ci a amplifié ses conclusions et requis à ce titre le versement de CHF 104'596.95 pour la période du 1er juillet 2019 au 18 janvier 2020.

b. S’agissant de la recevabilité de ces conclusions amplifiées, il convient de rappeler que, conformément à l’art. 243 al. 2 let. f CPC, les litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal sont soumis à la procédure simplifiée. Selon la doctrine, les art. 227 et 230 CPC – relatifs à la procédure ordinaire – s’appliquent par analogie à la modification des conclusions en procédure simplifiée (Denis TAPPY, in Bohnet et al. [éd.], Code de procédure civile commenté, 2011, n. 20 ad art. 246 CPC; ATAS/550/2015 du 14 juillet 2015 consid. 8). Or, selon l’art. 227 al. 1 CPC, la demande peut être modifiée si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et si l’une des conditions suivantes est remplie : la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a), la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b). Cette disposition, dont les conditions sont alternatives, détermine à quelles conditions un changement de conclusions est admissible (Philippe Schweizer, in Bohnet et al. [éd.], Code de procédure civile commenté, 2011, n. 14, 17 et 18 ad art. 227 CPC). Il y a connexité matérielle lorsque les deux actions ont le même fondement matériel ou juridique, notamment lorsqu’elles reposent sur un même contrat ou un même état de fait (ATF 129 III 230 consid. 3.1).

c. En l’espèce, le versement des indemnités journalières que réclame le demandeur dans ses écritures des 15 et 26 mai 2020 à hauteur de CHF 104'596.95, contre CHF 100'109.45 dans sa demande en paiement du 28 novembre 2019, relève de la même procédure et est en lien de connexité matérielle au sens de la définition
ci-dessus, puisqu’il résulte d’un différend reposant sur le même état de fait et sur le même rapport juridique.

Partant, les conclusions amplifiées du demandeur sont recevables.

7.        a. Selon l’art. 14 al. 1 CPC, une demande reconventionelle peut être formée au for de l’action principale lorsqu’elle est dans une relation de connexité avec la demande principale.

Les conditions de recevabilité de la demande reconventionnelle sont celles de la demande (François BOHNET, in Bohnet et al. [éd.], Code de procédure civile commenté, 2011, n. 86 ad art. 59 CPC).

b. En l’occurrence, la recevabilité de la demande reconventionnelle tendant à la restitution de CHF 244’271.70.-, majorée d’un intérêt de 5 % dès le 30 septembre 2018, doit être admise, puisqu'elle porte, comme la demande principale, sur les indemnités journalières versées pour l'incapacité de travail totale ayant débuté le 20 novembre 2017 en raison de troubles psychiques (voir en ce sens ATAS/800/2017 du 19 septembre 2017 consid. 7).

Par conséquent, la demande reconventionnelle sera déclarée recevable.

8.        Le litige concerne, d’une part, le droit du demandeur principal aux indemnités journalières au-delà du 1er juillet 2019 et, d’autre part, le droit de la demanderesse reconventionnelle de réclamer la restitution des indemnités journalières versées pour l’incapacité de travail totale du 19 janvier 2018 au 30 juin 2019.

9.        La jurisprudence applicable avant l'introduction du CPC, prévoyant l'application de la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l'assurance-maladie complémentaire, reste pleinement valable (ATF 127 III 421 consid. 2). Selon cette maxime, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles
(ATF 125 III 231 consid. 4a).

La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1). Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l'art. 8 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), en l'absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié; ATF 130 III 321 consid. 3.1; ATF 129 III 18 consid. 2.6; ATF 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c;
ATF 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction
(ATF 122 III 219 consid. 3c; ATF 119 III 60 consid. 2c; ATF 118 II 142 consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et
ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa).

10.    En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.

La partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance
(ATF 130 III 321 consid. 3.1).

En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation. La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d'appréciation des preuves. L'allégement de la preuve est alors justifié par un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 132 III 715 consid. 3.1; ATF 130 III 321 consid. 3.2). Tel peut être le cas de la survenance d'un sinistre en matière d'assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2) ou de l'existence d'un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2). Le degré de preuve requis se limite alors à la vraisemblance prépondérante (die überwiegende Wahrscheinlichkeit), qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance (die Glaubhaftmachung). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ou hypothèses envisageables ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2; ATF 132 III 715 consid. 3.1; ATF 130 III 321 consid. 3.3).

En vertu de l'art. 8 CC, la partie qui n'a pas la charge de la preuve a le droit d'apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n'apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4). Le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s'il retient qu'une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).

11.    L'expertise en tant que moyen de preuve admis au sens de l'art. 168 al. 1 let. d CPC ne vise que l'expertise judiciaire au sens de l'art 183 al. 1 CPC. Une expertise privée n'est en revanche pas un moyen de preuve mais une simple allégation de partie (ATF 141 III 433 consid. 2.5.2 et 2.5.3).

Seules doivent être prouvées les allégations qui sont expressément contestées; une telle contestation doit être suffisamment précise afin que l'on puisse déterminer quelles sont les allégations du demandeur qui sont contestées. En d'autres termes, la contestation doit être concrète à telle enseigne que la partie qui a allégué les faits sache quels sont ceux d'entre eux qu'il lui incombe de prouver. Le degré de la motivation d'une allégation exerce une influence sur le degré exigible de motivation d'une contestation. Plus détaillées sont certaines allégations de la partie qui a le fardeau de la preuve, plus concrètement la partie adverse doit expliquer quels sont au sein de celles-ci les éléments de fait qu'elle conteste. Le fardeau de la contestation ne saurait toutefois entraîner un renversement du fardeau de la preuve (ATF 141 III 433 consid. 2.6 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 3.1).

Lorsqu'une allégation de partie est contestée de manière circonstanciée par la partie adverse, une expertise privée ne suffit pas à prouver une telle allégation. En tant qu'allégation de partie, une expertise privée peut, combinée à des indices dont l'existence est démontrée par des moyens de preuve, amener une preuve. Toutefois, si elle n'est pas corroborée par des indices, elle ne peut être considérée comme prouvée en tant qu'allégation contestée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_247/2020 du 7 décembre 2020 consid. 4.1 et les références).

12.    Le principe de la libre appréciation des preuves s'applique lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des prestations en matière d'assurance sociale. Rien ne justifie de ne pas s'y référer également lorsque, comme en l'espèce, une prétention découlant d'une assurance complémentaire à l'assurance sociale est en jeu (ATAS/288/2020 du 17 mars 2020 consid. 5 ; ATAS/1194/2019 du 20 décembre 2019 consid. 10).

Selon ce principe, le juge apprécie librement les preuves médicales qu'il a recueillies, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le juge doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit leur provenance, puis décider s'ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 4.2). S'il existe des avis contradictoires, il ne peut trancher l'affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt que sur une autre. En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant, c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 351 consid. 3a; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références; cf. également ATF 134 V 231 consid 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_412/2010 du 27 septembre 2010 consid. 3.1).

Par ailleurs, le juge doit avoir égard au fait que la relation de confiance unissant un patient à son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de
celui-ci; cela ne justifie cependant pas en soi d'évincer tous les avis émanant des médecins traitants. Il faut effectuer une appréciation globale de la valeur probante du rapport du médecin traitant au regard des autres pièces médicales
(ATF 125 V 351 consid. 3b/cc; arrêt du Tribunal fédéral 9C_12/2012 du 20 juillet 2012 consid. 7.1).

13.    Le juge civil peut ordonner l’apport d’une expertise mise en œuvre dans le cadre d’une autre procédure. La valeur probante de telles expertises n’est pas remise en question du fait que le droit d’être entendu des parties au procès doit être garanti, lequel comprend, outre une détermination sur le contenu de l’expertise
(art. 187 al. 4 CPC), également la possibilité de s’exprimer sur la personne de l’expert (art. 183 al. 2 CPC) et de poser des questions complémentaires
(art. 185 al. 2 CPC). Des expertises diligentées par des tiers sont ainsi tout aussi probantes que celles ordonnées par le juge civil, étant rappelé que leur force probante se détermine selon le principe de la libre appréciation des preuves et qu’une nouvelle expertise portant sur les mêmes questions doit être mise en œuvre lorsque l’expertise diligentée par un tiers ne résiste pas à la critique (ATF 140 III 24 consid. 3.3.1.3).

14.    La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

En règle générale, toutes les affections psychiques doivent faire l'objet d'une procédure probatoire structurée au sens de l'arrêt ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418).

Ainsi, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Il n'y a plus lieu de se fonder sur les critères de l'ATF 130 V 352, mais sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4). Dans ce cadre, il convient d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources). Les indicateurs pertinents sont notamment l'expression des constatations et des symptômes, le recours aux thérapies, leur déroulement et leurs effets, les efforts de réadaptation professionnelle, les comorbidités, le développement et la structure de la personnalité, le contexte social de la personne concernée ainsi que la survenance des restrictions alléguées dans les différents domaines de la vie (travail et loisirs ; cf. ATAS/676/2019 du 26 juillet 2019 consid. 10a; ATAS/856/2019 du 12 septembre 2019 consid. 6).

Le diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d’appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. Il suppose l’existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d’exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (ATF 131 V 49 consid. 1.2).

15.    a. S'agissant de la recevabilité des rapports d'observation et des images enregistrées par un détective privé, il convient de relever que si la surveillance d'une personne assurée ordonnée peut violer sa sphère privée ainsi que son droit à sa propre image, la violation n'est toutefois pas illicite lorsque l'intérêt de l'assurance et de la communauté d'assurés à ne pas verser de prestations indues l'emporte sur l'intérêt de la personne concernée à l'intégrité de sa personnalité. Les critères déterminants dans la pesée des intérêts sont les suivants: il faut en premier lieu tenir compte du fait que l'assuré a une prétention à l'encontre de l'assureur et qu'il est ainsi tenu de collaborer à l'établissement de sa capacité de travail, par des mesures qui peuvent le cas échéant être mises en œuvre à son insu. La licéité de l'observation dépend en outre de la gravité de l'atteinte à la personnalité. À cet égard, il convient de prendre en considération la proportionnalité (ampleur de la prétention, cas d'école ou cas bagatelle), le lieu de l'observation (par exemple sur le domaine public), sa durée (est-elle confinée à la journée, limitée dans le temps), son contenu (par exemple des activités que chacun peut observer) et si les moyens mis en œuvre (films, etc.) sont adaptés et nécessaires au but poursuivi (ATF 136 III 410 consid. 2.2.3 et les références citées).

b. En droit des assurances sociales, la jurisprudence a dégagé le principe selon lequel un rapport de surveillance ne constitue pas, à lui seul, un fondement sûr pour constater les faits relatifs à l'état de santé ou la capacité de travail de la personne assurée. Il peut tout au plus fournir des points de repère ou entraîner certaines présomptions. Seule l'évaluation par un médecin du matériel d'observation peut apporter une connaissance certaine des faits pertinents. Cette exigence d'une appréciation médicale sur le résultat de l'observation permet d'éviter une évaluation superficielle et hâtive de la documentation fournie par le détective privé. L'évaluation du médecin est faite sur la base du résultat des mesures de surveillance, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner dans tous les cas une expertise médicale. En effet, il appartient à l'assureur social ou au juge d'apprécier la portée du produit d'une surveillance en fonction du principe de la libre appréciation des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2018 du 11 juin 2019 consid. 3.2.3.2 et les références). Dans un arrêt 9C_483/2018 du 21 novembre 2018, le Tribunal fédéral a encore souligné que le matériel d'observation ne constitue en principe pas une base suffisante pour mettre fin définitivement à des prestations; il faut au surplus une évaluation médicale de l'état de santé et une appréciation de la capacité de travail (consid. 4.1.2 et les références).

16.    a. Depuis l'entrée en vigueur de la LAMal, le 1er janvier 1996, les assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale au sens de cette loi sont soumises au droit privé, plus particulièrement à la LCA (ATF 124 III 44 consid. 1a/aa). Comme l'art. 100 al. 1 LCA renvoie au CO pour tout ce que la LCA ne règle pas elle-même, la jurisprudence en matière de contrats est applicable. D'après celle-ci, les conditions générales font partie intégrante du contrat. Les dispositions contractuelles préformulées sont en principe interprétées selon les mêmes règles que les clauses contractuelles rédigées individuellement (ATF 133 III 675 consid. 3.3; ATF 122 III 118 consid. 2a; ATF 117 II 609 consid. 6c). La LCA ne comporte pas de dispositions particulières à l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident, de sorte qu'en principe, le droit aux prestations se détermine exclusivement d'après la convention des parties (ATF 133 III 185 consid. 2). Le droit aux prestations d'assurances se détermine donc sur la base des dispositions contractuelles liant l'assuré et l'assureur, en particulier des conditions générales ou spéciales d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 5C.263/2000 du 6 mars 2001 consid. 4a).

b. En l'espèce, la police d'assurance (n° 22603955-2004) prévoit une indemnité journalière en cas de maladie s'élevant à 90 % du salaire assuré, versée pendant 730 jours au maximum, sous déduction d'un délai d'attente de 60 jours.

Selon l'art. 2.1 des conditions générales d’assurance (édition 2015 ; ci-après : CGA), auxquelles renvoie la police d'assurance précitée, « est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail (LPGA art. 3) ».

Selon l’art. 2.4 1er paragraphe CGA, « est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité (LPGA art. 6) ».

Selon l’art. 5.1 CGA, « l’indemnité journalière est payée pour chaque jour d’incapacité de travail de 25 % au moins, dûment constatée par un médecin. Elle se calcule selon le degré d’incapacité de travail. Le droit aux prestations subsiste aussi longtemps que la personne assurée se trouve sous traitement médical régulier et sous contrôle médical. Si l’assuré refuse d’exercer une activité lucrative pouvant être exigée de lui, [l’assureur] peut refuser le versement des prestations ».

Selon l’art. 5.2 CGA, « l’obligation de verser des prestations commence à l’expiration du délai d’attente. Le délai d’attente court dès le jour où l’incapacité de travail de 25 % au moins a été constatée par un médecin, mais au plus tôt 3 jours avant le premier traitement médical. Les jours d’incapacité de travail partielle d’au moins 25 % comptent comme jours entiers dans le calcul du délai d’attente ».

Selon l’art. 5.3 let. b 1ère phrase CGA, dans une période de 900 jours calendrier consécutifs, l’indemnité journalière est payée au maximum pendant 730 jours pour l’ensemble des cas d’assurance.

Selon l’art. 10.1 let. b CGA, « l’incapacité de travail doit être annoncée à [l’assureur] dans un délai de 14 jours au plus tard après l’expiration du délai d’attente. À tout moment, [l’assureur] peut aussi exiger des certificats ou une expertise d’un médecin spécialiste ( ) ».

Selon l’art. 10.2 CGA, « le preneur d’assurance et la personne assurée s’engagent à fournir à [l’assureur] tout renseignement se rapportant au cas d’assurance conforme à la vérité. [L’assureur] est en droit de demander aux médecins qui traitent ou qui ont traité l’assuré des renseignements sur son état de santé, à condition que ces indications servent à déterminer l’étendue du droit aux prestations. [L’assureur] pourra, en particulier, exiger des certificats médicaux et autres documents et ordonner des examens effectués par des médecins qu’elle désignera. À cet effet, l’assuré délie les médecins du secret professionnel ( ) ».

17.    a. En l’occurrence, la défenderesse a versé des indemnités journalières au demandeur sur la base des certificats d’arrêt de travail et des rapports établis par le Dr D______, psychiatre traitant, pour la période du 19 janvier 2018 soit à l’échéance du délai d’attente de soixante jours au 30 juin 2019. Elle a cessé de prester, en se référant au rapport de surveillance du 8 juillet 2019, qui, selon elle, corroborait les conclusions antérieures des Drs B______, E______ et F______.

Le demandeur, pour sa part, réclame le paiement du solde des indemnités journalières auxquelles il prétend avoir droit du 1er juillet 2019 au 18 janvier 2020, en s’appuyant de nouveau sur les certificats d’arrêt de travail et les rapports de ses médecins traitants, et en contestant la valeur probante des rapports sur lesquels se fonde la défenderesse à l’appui de sa position.

b. Il ressort du dossier que le demandeur souffre effectivement de troubles psychiques (cf. notamment rapport du Dr L______ du 5 décembre 2019) pour lesquels il est en traitement, en dernier lieu, auprès du Dr D______.

b/aa. La défenderesse avait, dans un premier temps, mis un terme au versement des indemnités journalières au 31 août 2018, sur la base du rapport d’expertise psychiatrique du Dr B______ du 12 juin 2018.

Contrairement à ce que prétend le demandeur, ce rapport ne comporte pas de contradictions.

Le rapport du Dr B______, établi en pleine connaissance du dossier, se fonde sur une anamnèse détaillée, un examen clinique du demandeur et tient compte des plaintes rapportées par ce dernier. Le fait que l’expert ait conclu que les indices jurisprudentiels de gravité pour un trouble dépressif moyen (cf. consid. 14
ci-dessus) n’étaient pas remplis lors de l’expertise (p. 24 de son rapport) ne contredit pas son appréciation selon laquelle les arrêts de travail émis jusqu’alors étaient justifiés sans exagération des plaintes.

En effet, certes, l’expert a retenu un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique (F32.11), dans le contexte de traits de la personnalité émotionnellement labile non décompensés. Toutefois, au terme de son examen clinique et à l’aune des indicateurs jurisprudentiels (ATF 141 V 281), il a relevé qu’en l’absence de limitations fonctionnelles significatives objectivables, au vu du succès du traitement (absence de changement de molécule, diminution de la fréquence des consultations psychiatriques), des ressources dont le demandeur disposait (bonnes relations avec son fils cadet, conduite du véhicule, désir de partir en vacances, contexte social favorable), du fait qu’il était autonome dans les fonctions de la vie quotidienne, sans présenter de trouble de la personnalité, celui-ci était apte à exercer son activité habituelle à plein temps sans baisse de rendement dès le 1er septembre 2018. Au regard de ces éléments, l’expert soulignait que le comportement du demandeur, qui ne souhaitait que l’obtention d’une rente AI, était incohérent.

En conséquence, même si l’expert a considéré que les arrêts de travail antérieurs à son expertise étaient justifiés au vu des troubles dont le demandeur était atteint à l’époque (épisode dépressif sévère), il a néanmoins, de manière circonstanciée et convaincante, estimé que compte tenu de l’amélioration mise en évidence le jour de l’expertise, le trouble dépressif – dorénavant moyen ne présentait pas de caractère incapacitant à partir du 1er septembre 2018.

Ce rapport doit donc se voir reconnaître une pleine force probante.

b/bb. C’est ensuite sur la base du rapport du Dr D______ du 26 juillet 2018, faisant état d’une aggravation du syndrome dépressif nécessitant une adaptation du traitement médicamenteux, que la défenderesse a presté au-delà du 31 août 2018, avant d’y mettre fin en s’appuyant sur le rapport de surveillance du 8 juillet 2019.

b/cc. La chambre de céans considère que la surveillance par le détective privé mandaté par la défenderesse était licite.

En effet, cette surveillance à l’insu du demandeur constituait un moyen approprié de déterminer si ce dernier avait recouvré ou non une capacité de travail au vu de l’appréciation divergente entre le psychiatre traitant et les médecins mandatés par la défenderesse (Drs E______ et F______) qui évoquaient une attitude non-collaborante du demandeur et une majoration de ses symptômes. Quant à l’enregistrement des images, il était utile dès lors que les documents permettraient par la suite à un médecin appelé à se prononcer sur l’état de santé du demandeur de tenir compte d’éventuelles incohérences entre ses plaintes et les comportements observés. Par ailleurs, le demandeur a été surveillé dans des lieux accessibles au public (magasins, Poste, piscine, librairie), étant relevé que toute personne pouvait également l’observer sur son balcon. En outre, la surveillance a été limitée à trois jours et a duré au plus tard jusqu’à 19h25. Elle a donc porté sur une brève durée. L’observation était enfin proportionnée au but recherché, à savoir éviter le versement indu de prestations d’assurance. Partant, l’enregistrement et la surveillance étaient justifiés par un intérêt public prépondérant. Le rapport et prises de vue du détective sont en conséquence recevables.

Cela étant, c’est le lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, un rapport de surveillance ne constitue pas, à lui seul, un fondement sûr pour constater les faits relatifs à l'état de santé ou à la capacité de travail de la personne assurée. Il peut tout au plus fournir des points de repère ou entraîner certaines présomptions. Seule l'évaluation par un médecin du matériel d'observation peut apporter une connaissance certaine des faits pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 8C_434/2011 du 8 décembre 2011 consid. 4.2).

En l’occurrence, on relèvera au préalable que le rapport d’expertise du 30 mai 2019 de la Dresse E______, spécialiste FMH en médecine interne générale, et celui du 20 juin 2019 du Dr F______ sont sujets à caution. En effet, la première avait mentionné que l’examen clinique était rendu quasi impossible en raison de l’attitude du demandeur (p. 4 de son rapport), et avait recommandé une nouvelle expertise par un psychiatre complétée d’un bilan neuropsychologique. Or, la défenderesse n’a pas mis sur pied de tels examens. Quant au second, il s’est déterminé sur la seule base du dossier, alors qu’une expertise psychiatrique était nécessaire.

Quand bien même la défenderesse n’a pas soumis les résultats de la surveillance à une nouvelle évaluation médicale, l’allégation de celle-ci selon laquelle les troubles dépressifs du demandeur ne sont pas totalement incapacitants, en tout cas depuis le 1er juillet 2019, est confortée par le rapport d’expertise psychiatrique du Dr M______ du 12 mars 2020, établi à la demande de l’OAI.

Ce rapport est fondé sur les données objectives du dossier (soit les pièces médicales), les données subjectives du demandeur, une anamnèse complète, l’examen clinique de celui-ci complété par un examen neuropsychologique effectué par M. J______, psychologue, spécialiste FSP en neuropsychologie et psychothérapie, et l’entretien avec les médecins traitants. Les conclusions du Dr M______ sont par ailleurs bien motivées et convaincantes. Ainsi, contrairement à ce que soutient le demandeur, le fait que le Dr M______ ne retienne pas les mêmes diagnostics que ceux posés par le psychiatre traitant ne suffit pas à nier le caractère probant de son rapport d’expertise.

En effet, l’expert, se référant à la littérature médicale, a expliqué de manière détaillée les motifs pour lesquels il retenait les diagnostics de trouble de l’usage de l’alcool de degré léger à moyen (F10.10 à F10.20), de trouble d’anxiété généralisée (F41.1) et de trouble dépressif persistant (F34.1), et s’écartait du trouble panique, du trouble de la personnalité posé par le psychiatre traitant le demandeur présentait plutôt des traits de personnalité n’ayant pas valeur de maladie psychiatrique , ainsi que du diagnostic de majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques posé par la Dresse E______.

Contrairement aux dires du demandeur, sa consommation d’alcool constitue une contre-indication à la prise de médicaments, dès lors que, selon l’expert, elle peut avoir de conséquences négatives sur son anxiété et sa dépression. Cela étant, le Dr M______ a relevé qu’il n’existait pas au dossier d’indice laissant à penser que la consommation d’alcool aurait pu avoir des incidences négatives sur l’activité professionnelle du demandeur. Cela est corroboré par l’expertise du Dr B______ qui avait à l’époque, postérieurement à l’incapacité de travail attestée, constaté l’absence d’une consommation éthylique excessive pouvant interférer avec la santé psychique (p. 10-11 de son rapport).

Malgré la prise régulière d’alcool, le Dr M______ a souligné que le tableau clinique objectif ne révélait pas de pathologie anxieuse et dépressive grave (tristesse inconstante, sourire, maintien des contacts sociaux et des activités de loisirs, absence de fatigue, de ralentissement et de culpabilité pathologique, poids stable, autonomie pour les activités de la vie quotidienne, absence de crises et de consultation aux urgences). Il a précisé, s’agissant de l’anxiété, qu’elle se situait aux limites inférieures du seuil diagnostique.

En ce qui concernait le séjour à la clinique H______ en juillet 2019, l’expert a expliqué que l’évolution favorable de l’état de santé du demandeur dès le lendemain de son hospitalisation parlait contre une problématique dépressive grave, ce qui était étayé par la vie normale que menait celui-ci trois jours avant son hospitalisation et qui ressortait du rapport de surveillance. Ainsi, déclarait l’expert, ce séjour relevait plutôt d’un état réactionnel transitoire. À cet égard, la chambre de céans constate que la clinique H______, dans la lettre de sortie du 2 août 2019, mettait effectivement en évidence la cessation prochaine du versement des indemnités journalières (au 30 juin 2019) comme motif ayant conduit au séjour du demandeur dans cet établissement dès le 1er juillet 2019 (cf. également le courriel du demandeur du 26 juin 2019 priant la défenderesse de lui verser les indemnités de juin 2019 et courriel de réponse du 9 juillet 2019 par lequel celle-ci a accepté ce paiement exceptionnel vu les menaces de suicide).

Certes, comme le relève le demandeur, le Dr M______ a indiqué ne pas s’appuyer en principe sur les résultats des observations extérieures pour argumenter ses conclusions (p. 21 de son rapport). Toutefois, le fait qu’il se soit nonobstant cela basé sur le rapport de surveillance ne suffit pas à écarter son appréciation, dès lors que ce document lui a permis de constater que les activités du demandeur durant l’observation mise en place du 25 au 28 juin 2019 ne pouvaient pas valider la sévère pathologie psychique dont celui-ci prétendait souffrir.

En d’autres termes, il existait une divergence entre les plaintes alléguées et le comportement observé. La surveillance avait en effet pu mettre en évidence que le demandeur se déplaçait en voiture et en scooter (ce qui plaidait contre une dépression grave de l’avis du Dr B______ et de M. J______) ou à pied dans des espaces publics (piscine, différents magasins, salon de coiffure, la Poste, librairie), faisait du sport (natation), lisait un livre à la piscine, était parfois accompagné par des enfants ou par une jeune femme (main dans la main), et discutait avec une connaissance croisée dans la rue, ce sans présenter de crises ou des attaques de panique.

D’après le Dr M______, cette discordance ressortait également de l’examen neuropsychologique lors duquel le demandeur avait échoué aux tests de validation des symptômes de manière particulièrement marquée, en commettant davantage d’erreurs que ce qu’il aurait pu commettre s’il avait répondu au hasard (voir p. 6-7 du rapport du 1er mars 2020), c’est-à-dire qu’il avait produit un résultat erroné en toute connaissance de cause. Le Dr M______ a précisé que la grande fatigue avancée par le demandeur comme explication de l’échec des tests de validation des symptômes ne pouvait remettre en cause ses conclusions. Si le demandeur était aussi fatigué qu’il l’affirmait, il aurait en effet répondu au hasard sans commettre autant d’erreurs qu’il avait commises. À cet égard, M. J______ a également relevé de graves discordances entre le résultat aux tests, le comportement du demandeur face aux tâches et l’observation faite durant la phase d’entretien. Il a souligné que si celui-ci présentait des compétences mnésiques et cognitives si altérées que ce que les tests montraient, il ne pourrait pas être aussi clair dans son discours et précis dans le rappel des faits de sa vie dans la phase d’entretien. Si l’on retenait de telles altérations, le demandeur devrait être « institutionnalisé », car il ne pourrait vivre de façon autonome, et son permis de voiture devrait lui être immédiatement retiré (p. 7 du rapport du 1er mars 2020). Or, il conduisait sa voiture (p. 4 du rapport). M. J______ a en conséquence attribué les résultats obtenus aux tests à une exagération des symptômes (p. 6-7 du rapport).

Le Dr M______ a conclu qu’une grande partie du comportement d’invalide du demandeur sortait du champ médical stricto sensu et a soupçonné une simulation, compte tenu en particulier du manque de coopération du demandeur lors des expertises, de la forte discordance entre les plaintes et les éléments objectifs et du contexte médico-légal (volonté d’obtenir une compensation financière). Contrairement à ce que paraît croire le demandeur, l’expert n’a pas indiqué que les troubles dont souffrait celui-ci correspondaient au syndrome de Münschhausen (troubles factices ; F68.1), qui est une pathologie psychiatrique à l’inverse de la simulation. Il a uniquement mentionné que la Dresse E______ avait à tort fait référence au code F68.1 lorsqu’elle avait écarté la simulation au profit du diagnostic de majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques.

Force est de constater que, dans la mesure où les limitations fonctionnelles invoquées par le demandeur étaient sur le plan objectif exagérées en l’absence de corrélation objective entre ses plaintes subjectives et les données cliniques, et qu’il montrait un bénéfice secondaire lié à la maladie, soit le désir d’obtenir une rente entière de l’assurance-invalidité (cf. en ce sens : rapports des Drs B______, E______ et L______), c’est à juste titre que le Dr M______ a nié une atteinte à la santé incapacitante (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2).

Contrairement à ce que fait valoir le demandeur, le traitement médicamenteux, en particulier la prise du Zyprexa depuis juillet 2019, ne justifie pas en soi une incapacité de travail totale. Outre le fait que la grande fatigue qu’il allègue subir en raison de ce médicament n’a pas été mise en évidence lors de l’expertise du Dr M______ en février 2020, on rappellera que, quoi qu’en dise le demandeur, il y a lieu de conclure à l’absence d’une atteinte à la santé ouvrant le droit aux indemnités journalières, puisque les limitations liées à l’exercice d’une activité professionnelle résultent d’une exagération des symptômes.

À cet égard, les rapports de ses médecins traitants ne lui sont d’aucun secours.

En effet, dans son rapport du 5 décembre 2019, le Dr L______, qui n’est pas un spécialiste en psychiatrie, s’est contenté d’indiquer avoir eu l’« impression », lors de la dernière consultation en novembre 2019, que le trouble dépressif récurrent s’était aggravé, sans faire état d’éléments objectifs et sans expliquer les raisons pour lesquelles il partageait l’avis du psychiatre traitant et non celui de la Dresse E______. Du reste, en employant le terme « impression », le médecin traitant formule une hypothèse incertaine quant au diagnostic psychique. Enfin, il ne s’est pas prononcé sur la capacité de travail de son patient, élément central au cœur du litige.

Dans son rapport du 27 juin 2019, le Dr D______ a fait état d’une aggravation de l’état anxio-dépressif de son patient depuis l’expertise de la Dresse E______, se traduisant notamment par une péjoration de l’anxiété avec des attaques de panique en journée et une impossibilité de sortir de son domicile. Or, il ressort du rapport de surveillance qu’entre le 25 et le 28 juin 2019, soit à un moment où le demandeur alléguait une dégradation de son atteinte à la santé, qu’il sortait seul sans être accompagné pour se rendre à la Coop, chez l’opticien, au salon de coiffure, à la Poste ou dans une librairie, ce sans présenter de crises ou des attaques de panique. C’est dire que le Dr D______ ne rapportait, dans ce rapport, que les indications subjectives de son patient.

c. Pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu de débouter le demandeur de sa conclusion tendant au paiement d’indemnités journalières au-delà du 30 juin 2019.

d. Il n’est pas nécessaire de procéder aux mesures d’instruction offertes (expertise judiciaire, audition de M. K______), car le dossier permet de statuer sur le droit litigieux. Aussi, par une appréciation anticipée des preuves, celles-ci ne
pourraient-elles amener la chambre de céans à modifier son appréciation (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2). Au demeurant, M. K______, personne de confiance de l’assuré ayant assisté à l’entretien du 26 juillet 2019, n’est pas médecin, si bien qu’il ne peut pas se prononcer sur la capacité de travail de celui-ci, seule pertinente pour déterminer le droit aux éventuelles prestations d’assurance.

18.    Reste à déterminer si c’est à bon droit que la demanderesse reconventionnelle invoque une prétention frauduleuse au sens de l’art. 40 LCA et réclame la restitution des indemnités journalières versées entre le 19 janvier 2018 et le 30 juin 2019.

19.    L’art. 40 LCA définit la prétention frauduleuse : si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’assureur en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur, ou si, dans le but d’induire l’assureur en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que l’art. 39 LCA lui impose, l’assureur n’est pas lié par le contrat envers l’ayant droit.

D’un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits qui sont propres à remettre en cause l’obligation même de l’assureur ou à influer sur son étendue. Il faut, en d’autres termes, constater que, sur la base d’une communication correcte des faits, l’assureur aurait versé une prestation moins importante, voire aucune. Ainsi en est-il lorsque l’ayant droit déclare un dommage plus étendu qu’en réalité, par exemple lorsque l’atteinte à la santé n’est pas aussi grave qu’annoncée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_534/2018 du 17 janvier 2019 consid. 3.1).

En plus, l’ayant droit doit, sur le plan subjectif, avoir l’intention de tromper. Il faut qu’il ait agi avec la conscience et la volonté d’induire l’assureur en erreur, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit; peu importe à cet égard qu’il soit parvenu à ses fins (arrêt du Tribunal fédéral 4A_536/2020 du 19 janvier 2021 consid. 5.1 et les références).

L'art. 40 LCA formule un moyen libératoire pour l'assureur, de sorte qu'il incombe à ce dernier de prouver les faits permettant l'application de cette disposition, au moins au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_534/2018 du 17 janvier 2019 consid. 3.1 et les références). Cette disposition est notamment conçue pour l'hypothèse où l'ayant droit fait des déclarations mensongères relevant de l'escroquerie à l'assurance, en particulier pour le cas où il déclare un dommage plus étendu que celui qui est survenu en réalité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_671/2010 du 25 mars 2011 consid. 2.6 et les références).

Lorsque les conditions de l’art. 40 LCA sont réunies, l’assureur peut non seulement refuser ses prestations, mais aussi se départir du contrat et répéter en principe celles qu’il a déjà versées. La résolution du contrat, laquelle produit des effets ex tunc, n’étend ses effets que jusqu’au jour de la fraude et non au jour de la conclusion du contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_534/2018 du 17 janvier 2019 consid. 3.3 et les références).

20.    a. En l’occurrence, sur le plan objectif, il ressort du procès-verbal d’entretien du 26 juillet 2019 que le déroulement d’une journée-type telle que décrite par le défendeur reconventionnel apparaît contraire à la réalité.

À l’inverse de ce que pense celui-ci, les questions qui lui ont été posées lors de cet entretien par les représentants de la demanderesse reconventionnelle n’étaient pas « dirigées » dans le but d’influencer le contenu de ses réponses. Dans la première partie de l’entretien, les questions objectives portaient sur l’évolution de son état de santé, ses plaintes actuelles, son traitement, le déroulement de sa journée-type et ses ressources financières. Dans la seconde partie, il a été confronté aux résultats du rapport de surveillance et s’est déterminé à ce sujet. Il a de surcroît signé le rapport d’entretien confirmant que ses propos ont été retranscrits sans contrainte, librement (voir p. 1 et 5 dudit rapport). En conséquence, on peut se baser sur ce procès-verbal d’entretien pour se déterminer sur le présent litige.

À cette occasion, le défendeur reconventionnel a affirmé ne pas avoir de vie sociale, ne pas sortir seul sans être accompagné et ne pas pouvoir se rendre seul dans les magasins en dehors de Denner. Or, le 26 juin 2019, il était entré dans une propriété privée à 15h06 avec des enfants où il était resté environ trois heures. Le surlendemain, il avait discuté un moment avec une connaissance croisée dans la rue et le soir, il était sorti, souriant, avec une jeune femme main dans la main (cf. rapport de surveillance du 8 juillet 2019). Contrairement à ses dires, le défendeur reconventionnel menait donc une vie sociale. Par ailleurs, à certaines sorties (piscine, librairie, opticien, salon de coiffure, la Poste), il n’était pas accompagné et il fréquentait d’autres magasins que Denner, comme la Coop. Si certaines de ses activités faisaient partie du programme d’activation comportementale et sociale, ainsi que l’indique le Dr D______ dans son rapport du 23 octobre 2019 postérieur au rapport de surveillance précité , le défendeur reconventionnel n’aurait pas manqué de le préciser lors de l’entretien du 26 juillet 2019. Or, il ne l’a pas fait, préférant dissimuler la réalité. C’est dire qu’il était nécessairement, sur le plan subjectif, conscient de la fausseté de ses réponses.

À cet égard, le Dr M______ a confirmé que les activités du défendeur reconventionnel, visibles sur les prises de vue effectuées par le détective privé du 25 au 28 juin 2019, étaient incohérentes par rapport au degré d’incapacité de travail allégué (100 %).

Il y a en conséquence lieu d’admettre que la demanderesse reconventionnelle n’aurait pas versé des indemnités journalières fondées sur une incapacité de travail totale, en tout cas dès le mois de juin 2019, si le défendeur reconventionnel n’avait pas prétendu souffrir d’une grave atteinte à sa santé psychique à compter de cette date.

Cela étant, pour la période antérieure du 1er septembre 2018 (et non pas, contrairement à ce que fait valoir la demanderesse reconventionnelle, depuis le 19 janvier 2018, à l’échéance du délai d’attente de soixante jours à compter de l’incapacité de travail totale médicalement justifiée selon le rapport d’expertise probant du Dr B______) au 31 mai 2019, la défenderesse reconventionnelle n’a pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante que le défendeur reconventionnel aurait sciemment cherché à l’induire en erreur afin d’obtenir une prestation indue.

En effet, bien que le Dr B______ ait souligné dans son rapport d’expertise du 12 juin 2018 que le défendeur reconventionnel souhaitait obtenir une rente entière de l’assurance-invalidité, il a néanmoins indiqué que la souffrance de celui-ci était réelle, sans exagération consciente du trouble, et que les arrêts de travail pouvaient être prolongés au-delà du 31 août 2018 en cas d’aggravation objectivée (p. 24). La demanderesse reconventionnelle a continué à prester au-delà de cette date sur la base des rapports du Dr D______, faisant précisément état d’une aggravation du syndrome dépressif de son patient, ayant nécessité une adaptation du traitement médicamenteux. À cet égard, on peut admettre, contrairement à ce qu’allègue la demanderesse reconventionnelle, que celui-ci a été compliant à son traitement médicamenteux, ainsi que l’attestent les Drs D______ et M______ – étant relevé que le Dr B______ avait indiqué que si les taux sanguins analysés n’étaient pas supérieurs à ceux du placébo en termes d’efficacité lors de son expertise, cela pouvait être en lien avec un métabolisme rapide (cf. son courriel du 4 juin 2019).

Pour les motifs exposés au consid. 17b/cc ci-dessus, les rapports des Drs E______ et F______ des 31 mai et 20 juin 2019, mandatés par la défenderesse reconventionnelle, ne sont pas probants, étant relevé que le Dr M______ a mentionné que le défendeur reconventionnel avait pu souffrir auparavant d’un épisode dépressif caractérisé en lien avec ses difficultés existentielles. Faute d’une expertise psychiatrique probante portant sur la période du 1er septembre 2018 au 31 mai 2019, on ne peut donc que se fonder sur les rapports du psychiatre traitant. Ainsi, force est de constater qu’avant le rapport du détective privé du 8 juillet 2019, sur lequel s’est prononcé le Dr M______, il n’existe aucun document médical permettant de retenir que les arrêts de travail émis par le Dr D______ ne justifiaient pas une incapacité de travail totale, ce jusqu’au 31 mai 2019.

b. Les conditions de l’art. 40 LCA sont réunies dès le 1er juin 2019, mois pendant lequel la surveillance par le détective privé a été réalisée (du 25 au 28), et aucun élément n’indique que durant les jours précédant (du 1er au 24), l’état de santé du défendeur reconventionnel aurait été moins bon que du 25 au 28 juin 2019. En conséquence, la demanderesse reconventionnelle peut réclamer les indemnités journalières qu’elle a versées à tort à celui-ci pour le mois de juin 2019, soit un montant de CHF 13'315.05. À cet effet, contrairement à ce que paraît croire le défendeur reconventionnel, la demanderesse reconventionnelle n’était pas tenue de l’informer avant l’interpellation du 6 août 2019 des conséquences de la violation de ses obligations contractuelles. Il incombait au contraire à celui-ci de communiquer des faits conformes à la vérité.

c. Le défendeur reconventionnel doit également rembourser les frais d’expertise et d’observation encourus pour déceler la tromperie (arrêt du Tribunal fédéral 4A_20/2018 du 29 mai 2018 consid. 4.1), soit en l’occurrence un montant de CHF 8'040.90, correspondant aux frais d’expertise de la Dresse E______ de CHF 825.- (dont les conclusions ont jeté le doute sur les prétentions du défendeur reconventionnel et ont conduit la demanderesse reconventionnelle à mettre en œuvre la surveillance par un détective privé) auxquels s’ajoutent les frais de détective à hauteur de CHF 7'215.90.

En revanche, le défendeur reconventionnel ne sera pas condamné à rembourser, comme le requiert la demanderesse reconventionnelle, les frais d’expertise du Dr B______ et du rapport d’analyses sanguines du 21 juin 2018 (ces documents ayant permis de conclure que les indemnités journalières versées jusqu’à fin août 2018 étaient justifiées ; cf. consid. 17b/aa et courriel du Dr B______ du 4 juin 2019), ni les frais du rapport de la clinique H______, qui, en tant que tel, n’a pas permis de découvrir la prétention frauduleuse.

d. En conséquence, le défendeur reconventionnel sera condamné à restituer à la demanderesse reconventionnelle un montant total de CHF 21'355.95 (13'315.05 + 8'040.90), et non pas de CHF 244'271.70 comme le réclame celle-ci.

21.    a. La demanderesse reconventionnelle sollicite encore le paiement d’intérêts moratoires à 5 % l’an dès le 30 septembre 2018.

b. La LCA ne contient pas de dispositions sur la demeure, laquelle est dès lors régie, en vertu de l'art. 100 al. 1 LCA, par les art. 102 ss CO. Le débiteur d'une obligation est en demeure par l'interpellation du créancier (art. 102 al. 1 CO). L'intérêt moratoire est dû à partir du jour suivant celui où le débiteur a reçu l'interpellation (ATF 103 II 102 consid. 1a). Une interpellation est une déclaration, expresse ou par acte concluant, adressée par le créancier au débiteur par laquelle le premier fait comprendre au second qu'il réclame l'exécution de la prestation due (Luc THEVENOZ, Commentaire romand, Code des obligations I, 2ème éd., 2012, n. 17 ad art. 102 CO). À défaut d'une telle interpellation, l'intérêt moratoire n'est dû, en cas d'ouverture d'une action en justice, que dès le lendemain du jour où la demande en justice a été notifiée au débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 5C.177/2005 du 25 février 2006 consid. 6.1). Il y a lieu de souligner qu'un débiteur peut valablement être interpellé avant même l'exigibilité de la créance (ATF 103 II 102 consid. 1a; Rolf WEBER, Berner Kommentar, 2000, n. 102 ad art. 102 CO). La demeure ne déploie toutefois ses effets qu'avec l'exigibilité de la créance. L'assureur qui est en demeure doit un intérêt moratoire au taux de 5% l'an, conformément à l'art. 104 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_307/2008 du 27 novembre 2008 consid. 6.3.1 ; ATAS/763/2019 du 27 août 2019 consid. 15a/cc).

c. En l’espèce, par pli recommandé du 6 août 2019, la demanderesse reconventionnelle a exigé du défendeur reconventionnel le remboursement des indemnités journalières versées à tort, ainsi que les frais extraordinaires engagés. C’est par conséquent à compter du 8 août 2019, au lendemain de la date à laquelle le défendeur reconventionnel a reçu au plus tôt l’interpellation que commencent à courir les intérêts, et non dès le 30 septembre 2018.

22.    Au vu de ce qui précède, la demande principale sera rejetée et la demande reconventionnelle admise partiellement, en ce sens que le défendeur reconventionnel sera condamné à verser à la demanderesse reconventionnelle la somme de CHF 21'355.95 avec intérêts à 5 % l’an dès le 8 août 2019.

Pour le surplus, il n'est pas alloué de dépens à la charge du demandeur principal/défendeur reconventionnel (art. 22 al. 3 let. b de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05]), ni perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande principale et la demande reconventionnelle recevables.

Au fond :

2.        Rejette la demande principale.

3.        Admet partiellement la demande reconventionnelle, en ce sens que le défendeur reconventionnel sera condamné à verser à la demanderesse reconventionnelle la somme de CHF 21'355.95 avec intérêts à 5 % l’an dès le 8 août 2019.

4.      Dit que la procédure est gratuite.

5.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le