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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3303/2019

ATAS/1044/2020 du 29.10.2020 ( LCA )

Recours TF déposé le 10.12.2020, rendu le 12.02.2021, RETIRE, 4A_648/2020, 096.081/0002
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3303/2019 ATAS/1044/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 29 octobre 2020

 

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à BERNEX, représentée par ASSUAS Association suisse des assurés

 

demanderesse

 

contre

AXA ASSURANCES SA, sise General Guisan-Strasse 40, WINTERTHUR, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michel BERGMANN

 

défenderesse

 


 

EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la demanderesse) travaille comme gestionnaire administrative chez B______ SA, sise à Genève, depuis le 6 novembre 2016 et est assurée, à ce titre, auprès d'Axa Assurances SA (ci-après : l'assurance ou la défenderesse) pour l'indemnité journalière en cas de maladie.

2.        Une déclaration de maladie a été adressée à l'assurance le 6 avril 2017 en raison de troubles en cours de grossesse de l'assurée avec une incapacité de travail à 100 % dès le 16 mars 2017.

3.        Le 19 avril 2018, l'assurance a déchu l'assurée de son droit aux prestations d'assurances, faisant valoir que cette dernière et son employeur ne lui avaient pas fourni les documents demandés dans le délai imparti qui s'achevait le 31 mars 2018.

4.        Dès le 29 novembre 2018, l'assurée a à nouveau été en incapacité de travail.

5.        Le 10 avril 2019, l'assurance a informé l'assurée qu'elle considérait, sur la base d'une expertise du 2 avril 2019, qu'une capacité de travail de 50 % dans son emploi actuel serait exigible d'elle dès le 15 avril 2019 et de 100 % dès le 1er mai 2019. En conséquence, elle cesserait de lui verser des indemnités journalières à compter du 30 avril 2019.

6.        L'assurée, représentée par un juriste auprès d'Assuas Association suisse des assurés (ci-après : Assuas), a formé une action en paiement le 10 septembre 2019, concluant, principalement, à la condamnation de l'assurance à poursuivre le versement des indemnités journalières dès le 16 mars 2019 et à lui payer CHF 140'393.60 dès le 16 mars 2017 et CHF 140'393.60 dès le 29 novembre 2018, sous déduction des indemnités journalières déjà versées pour la maladie au 16 mars 2017, avec suite de frais et dépens.

7.        Le 13 novembre 2019, la défenderesse a conclu à l'irrecevabilité de la demande en paiement du 10 septembre 2019, au motif qu'elle était signée par un juriste d'Assuas, qui n'avait pas la qualité pour représenter la demanderesse devant les tribunaux, selon l'art. 68 al. 2 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272).

8.        Le 3 décembre 2019, la demanderesse a fait valoir que selon l'art. 9 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), applicable à la procédure devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, les parties pouvaient se faire représenter par un mandataire professionnellement qualifié et qu'en tant que juriste, son mandataire était professionnellement qualifié.

9.        Le 16 décembre 2019, l'assurance a fait valoir que l'art. 9 LPA ne s'appliquait pas à la présente procédure, qui n'était pas régie par la LPA mais par le CPC. Si les cantons pouvaient attribuer les litiges sur les assurances complémentaires à leurs tribunaux cantonaux des assurances sociales, cela ne changeait rien au fait qu'il s'agissait de litiges civils entièrement soumis aux règles de procédure du CPC (ATF 138 III 558 consid. 3.2, JdT 2016 II 282).

10.    Lors d'une audience du 26 août 2020, la chambre de céans a demandé à la demanderesse de signer elle-même sa demande. Les parties ne se sont pas opposées à cette façon de procéder et la demanderesse y a immédiatement donné suite. Un délai a été octroyé à la défenderesse pour indiquer à la chambre de céans si elle persistait dans ses conclusions sur la recevabilité après avoir pris connaissance de l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 3.2.3.

11.    Le 28 août 2020, la défenderesse a indiqué à la chambre de céans qu'elle persistait dans ses conclusions en irrecevabilité. Elle ne contestait pas qu'un acte effectué par un représentant qui ne satisfaisait pas aux conditions légales pouvait être ratifié. La question était de savoir si la ratification avait un effet ex nunc ou ex tunc. Cette question avait été discutée en matière d'annulation de congé de bail, car la requête devait intervenir dans un certain délai. La doctrine était partagée à ce sujet (cf François BOHNET/Philippe CONOD, Bail et procédure civile suisse : premiers développement, n. 13 et nbp 14). En l'espèce, la question avait une importance, car la demande en paiement avait pour effet d'interrompre la prescription. Les conséquences de la reconnaissance d'un effet ex nunc étaient cependant moins sévères qu'en matière d'annulation de congé de bail, puisqu'elle n'entraînait pas la déchéance du droit, mais simplement le report des effets du dépôt de la demande en paiement et donc, notamment, le report de la date d'interruption de la prescription. Il y avait lieu de retenir que la demande déposée le 10 septembre 2019 par une personne n'ayant pas qualité pour représenter les parties en justice avait été ratifiée le 26 août 2020 avec effet ex nunc, ce qui signifiait qu'elle n'avait été valablement introduite que le 26 août 2020 et que les indemnités journalières réclamées pour la période du 16 mars 2017 au 25 août 2018 étaient prescrites.

12.    Le 15 septembre 2020, la demanderesse a fait valoir que dans une décision du 19 décembre 2016 en matière de LCA (ATAS/1078/2016), la chambre de céans avait indiqué qu'elle admettait la qualité de mandataire professionnellement qualifié des juristes spécialistes et salariés d'organismes tels que Caritas, le CSP, le SIT, Unia, Assuas, Procap, etc., en se référant à un arrêt du 3 juin 2014 (ATAS/664/2014 consid. 4b). En l'espèce, la demanderesse avait agi par l'intermédiaire d'Assuas dont les employés étaient considérés comme des mandataires professionnellement qualifiés, notamment en matière d'assurances complémentaires. Dans l'hypothèse contestée où la première demande devrait être avérée irrecevable, la demanderesse contestait fermement un effet ex nunc. Elle peinait à comprendre sur quelle base légale ou jurisprudentielle un tel effet devrait être admis concernant sa ratification, ce qui limiterait injustement ses prétentions. En conclusion, elle priait la chambre de céans d'admettre la recevabilité de la demande déposée le 10 septembre 2019, le cas échéant d'admettre l'effet ex tunc de la ratification du 26 août 2020, pour qu'elle puisse prétendre à des prestations d'assurances dès le 16 mars 2017.

13.    Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la recevabilité.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 7 CPC et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale prévue par la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d'assurance, LCA - RS 221.229.1).

Selon la police d'assurance, le contrat est régi par la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        L'art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l'entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre les personnes morales, le for est celui de leur siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l'art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d'une élection de for écrite.

En l'occurrence, la let. J 1.1 des conditions générales d'assurance (CGA) de la défenderesse prévoit que pour toutes les actions au sujet du contrat d'assurance, sont compétents au choix soit les tribunaux du domicile suisse des personnes assurées ou des ayants droit, soit ceux du lieu de travail en Suisse, soit ceux de Winterthur.

La demanderesse ayant son domicile à Genève, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

3.        La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

4.        Selon l'art. 59 CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action. Ces conditions sont examinées d'office (art. 60 CPC). La liste des conditions de recevabilité de l'art. 59 al. 2 CPC n'est pas exhaustive (François BOHNET, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 9 ad art. 59 CPC).

5.        Selon l'art. 68 al. 1 CPC, toute personne capable d'ester en justice peut se faire représenter au procès. Selon l'al. 2 de cette disposition, sont autorisés à représenter les parties à titre professionnel :

a)         dans toutes les procédures, les avocats autorisés à pratiquer la représentation en justice devant les tribunaux suisses en vertu de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats ;

b)        devant l'autorité de conciliation, dans les affaires patrimoniales soumises à la procédure simplifiée et dans les affaires soumises à la procédure sommaire, les agents d'affaires et les agents juridiques brevetés, si le droit cantonal le prévoit ;

c)         dans les affaires soumises à la procédure sommaire en vertu de l'art. 251, les représentants professionnels au sens de l'art. 27 LP ;

d)        devant les juridictions spéciales en matière de contrat de bail et de contrat de travail, les mandataires professionnellement qualifiés, si le droit cantonal le prévoit.

Selon l'art. 15 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 (LaCC - E 1 05), les mandataires professionnellement qualifiés peuvent assister ou représenter les parties devant la commission de conciliation en matière de baux et loyers, le Tribunal des baux et loyers et le Tribunal des prud'hommes, ainsi que devant la chambre des baux et loyers et la chambre des prud'hommes de la Cour de justice.

Dans un arrêt du 19 décembre 2016 (ATAS/1078/2016) relatif à un litige relevant de la LCA, la chambre de céans a indiqué qu'elle admettait la qualité de mandataire professionnellement qualifié des juristes spécialistes et salariés d'organismes tels que Caritas, le CSP, le SIT, Unia, l'Assuas, Procap, etc., en se référant à l'ATAS/664/2014 du 3 juin 2014 consid. 4b in fine, qui concernait un recours contre une décision en matière d'assurance-invalidité.

6.        En l'espèce, on se trouve dans le cadre d'une procédure simplifiée au sens de l'art. 68 al. 1 let. b CPC, selon lequel sont autorisés à représenter les parties à titre professionnel les agents d'affaires et les agents juridiques brevetés, si le droit cantonal le prévoit. En l'occurrence, le droit cantonal ne prévoit pas la possibilité pour les parties de se faire assister ou représenter par un agent d'affaires ou un agent juridique breveté en matière d'assurances sociales. La LaCC ne prévoit en effet à son art. 15 que la possibilité pour les parties de se faire assister ou représenter par un mandataire professionnellement qualifié devant la commission de conciliation en matière de baux et loyers, le Tribunal des baux et loyers et le Tribunal des prud'hommes, ainsi que devant la chambre des baux et loyers et la chambre des prud'hommes de la Cour de justice.

L'arrêt de la chambre de céans du 19 décembre 2016 (ATAS/1078/2016) est dès lors erroné en tant qu'il retenait qu'un mandataire professionnellement qualifié pouvait représenter ou assister une partie devant la chambre des assurances sociales.

Il en résulte que la demanderesse n'a pas été valablement représentée par le juriste d'Assuas qui a signé sa demande.

7.        a. Selon l'art. 132 al. 1 CPC, le tribunal fixe un délai pour la rectification des vices de forme telle l'absence de signature ou procuration. À défaut, l'acte n'est pas pris en considération.

Lorsque le demandeur est assisté d'un avocat, il se justifie de se montrer plus rigoureux que face à un plaideur ignorant du droit. En effet, le juge est en droit d'admettre que l'avocat agit en pleine connaissance de cause; il est présumé capable, en raison de sa formation particulière, de représenter utilement son client (ATF 113 Ia 84 consid. 3d; ATAS/840/2015 du 29 octobre 2015).

Dans un arrêt du 10 avril 2012 (4A_87/2012 consid. 3.2.3), le Tribunal fédéral a relevé qu'un agent d'affaires breveté ne pouvait représenter les parties à titre professionnel que devant l'autorité de conciliation dans les affaires patrimoniales soumises à la procédure simplifiée et dans les affaires soumises à la procédure sommaire, si le droit cantonal le prévoyait, selon l'art. 68 al. 2 let. b CPC. La capacité de revendiquer constituait une condition de recevabilité de la demande, bien qu'elle ne soit pas mentionnée à l'art. 59 CPC (François BOHNET, op. cit. n. 82 ad art. 59 CPC). Toutefois, comme cet auteur le soulignait au même endroit, faute de capacité de revendiquer du représentant, le tribunal ou le juge délégué à l'instruction devait fixer un délai à la partie pour qu'elle désigne un représentant satisfaisant aux conditions légales. Or, la demanderesse ne démontrait pas, ni même ne soutenait que la présidente du Tribunal des baux aurait imparti un tel délai à l'intimée, ce qui s'expliquait aisément puisque cette magistrate avait traité les requêtes des deux parties selon la procédure simplifiée. Il apparaissait, au terme de cet examen, que la Cour d'appel civile n'avait pas violé le droit fédéral en refusant de déclarer irrecevable la requête déposée le 7 mars 2011 par l'intimée.

Il résulte de l'arrêt précité qu'un délai doit en principe être accordé à la partie qui a déposé une demande par l'intermédiaire d'un mandataire professionnellement qualifié non autorisé par la loi à la représenter dans la procédure en cause pour corriger le vice de forme, faute de quoi, la demande est recevable.

b. En l'occurrence, la chambre de céans n'a pas accordé de délai à la demanderesse au moment du dépôt de la demande pour réparer le vice de celle-ci, mais elle l'a fait lors de l'audience du 26 août 2020. L'art. 132 al. 1 CPC permet de réparer l'absence de signature valable, ce qui implique qu'une fois le vice réparé, la demande doit être traitée comme si elle avait été recevable au jour de son dépôt, sans conséquence, comme cela ressort du texte de cette disposition et de l'arrêt du Tribunal fédéral précité. On ne se trouve pas dans le cas de figure d'une ratification ex nunc, qui reviendrait à une déclaration d'irrecevabilité partielle. La référence faite par la défenderesse à la doctrine (François BOHNET/Philippe CONOD, Bail et procédure civile suisse : premiers développement, n. 13 et nbp 14) n'est pas relevante, car celle-ci concerne la question de la validité d'une requête signée par un représentant privé de la capacité de postuler lorsque celle-ci doit intervenir dans un certain délai, en particulier en matière d'annulation du congé (art. 273 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220]), ce qui ne correspond pas au cas d'espèce, le dépôt de la demande en paiement n'étant pas soumis à un délai. De plus, la doctrine précitée relève que même dans l'hypothèse qu'elle visait, la ratification était généralement reconnue avec effet ex tunc.

8.        En conclusion, le vice de la demande ayant été réparé, celle-ci doit être déclarée recevable ex tunc, soit dès le 10 septembre 2019, jour de son dépôt.

9.        La suite de la procédure est réservée.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

2.        Réserve la suite de la procédure.

3.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le