Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/981/2025 du 09.09.2025 ( FPUBL ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/837/2025-FPUBL ATA/981/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 9 septembre 2025 |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Eric MAUGUÉ, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES intimé
représenté par Me François BELLANGER, avocat
A. a. A______, née en______, a été engagée en tant qu'assistante de direction à 100% auprès de l'office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS ou l'office) dès le 15 janvier 2014 et nommée fonctionnaire le 1er janvier 2016. Elle partageait un bureau avec sa responsable hiérarchique, B______, assistante de direction de la directrice générale, C______ (ci‑après : la directrice).
b. Après un congé maternité du 28 octobre 2015 au 15 mars 2016, A______ a été promue dès le 1er avril 2016 à la fonction d'assistante de direction générale, soit la même que B______. Travaillant dorénavant sous la supervision de C______, au taux réduit à sa demande de 70%, elle a été confirmée dans cette fonction le 27 mars 2017.
c. B______ a rencontré des problèmes de santé, qui ont conduit à plusieurs périodes d’absence en 2017 et 2018 et à des réductions de son taux d’activité initial de 100%. Ses rapports de service ont pris fin courant 2020.
d. A______ a également eu différentes absences, en particulier :
- en 2017, plusieurs semaines d’absence entre avril et novembre et à partir du 17 décembre jusqu’à la fin de l’année, avec une réduction de son taux à 43% depuis le 21 novembre ;
- du 5 février au 31 mai 2018, un arrêt maladie à cause de douleurs aux poignets dues au syndrome du canal carpien ;
- du 31 mai 2018 au 4 juillet 2018, un arrêt pour des raisons médicales liées à sa troisième grossesse, suivi d’un congé maternité du 6 juillet au 22 novembre 2018 et d’un congé parental non payé dès le 8 janvier 2019, avec, à sa demande, une reprise à 60% prévue dès le 2 mai 2019 ;
- dès le 2 mai 2019, un arrêt maladie lié au syndrome du canal carpien, nécessitant deux opérations, avec une reprise prévue en novembre 2019 ;
- dès le 1er novembre 2019, un arrêt maladie attesté par son psychiatre et psychothérapeute, jusqu’à sa démission en août 2020.
e. A______ et B______ n’ont plus été présentes au travail en même temps depuis le 5 février 2018.
B. a. La relation entre A______ et B______ était bonne durant les deux premières années, mais est devenue tendue courant 2016. B______ a noué une relation amicale avec D______, l’assistante de direction qui occupait le bureau à côté du sien.
b. Au printemps 2016, a eu lieu une dispute relative à la répartition des tâches au sein de l’équipe. A______ souhaitait que B______ participe à la prise des procès-verbaux de réunions, assurée par D______ et elle-même. Selon A______, B______ avait dans ce cadre menacé de la faire rétrograder ou licencier, alors que cette dernière lui reprochait d’avoir critiqué la qualité de ses procès-verbaux, les qualifiant de « nuls ».
c. À la même période, A______ suspectait B______ d’accéder quotidiennement à sa messagerie professionnelle, pour surveiller son activité puis critiquer son travail, alors qu’elle n’était plus sa responsable hiérarchique et que l’accès aux courriels d’une collègue n’était prévu qu’en cas d’absence.
d. Durant le printemps et l’été 2016, A______ a rencontré E______, partenaire de ressources humaines à l’OCAS, à deux reprises pour discuter notamment de sa charge de travail après la reprise à 70% et de ses difficultés relationnelles avec B______. E______ lui a conseillé d’en parler avec ses responsables hiérarchiques et, estimant qu’il y avait une importante composante personnelle qui débordait sur la vie professionnelle, lui a proposé en août 2016 de s’adresser au Groupe de confiance de l’État de Genève. A______ a décidé de ne pas donner suite à cette proposition et n’a plus donné de nouvelles à E______ depuis fin août 2016.
e. C______ a déclaré que, prévenue par les ressources humaines, elle a « recadré » B______, afin qu’elle cesse toute surveillance de la messagerie de A______, dont elle n’était plus la responsable.
f. En juin 2016, la directrice et F______, directeur adjoint et responsable des ressources humaines, ont organisé une séance avec les assistantes de direction au sujet de la répartition des tâches et pour rappeler les règles de bienséance permettant une bonne collaboration.
g. Une autre réunion a eu lieu en mars ou avril 2017, notamment pour organiser le travail en l’absence de B______, qui avait d’importants soucis de santé. A______ a également eu des absences en 2017 pour raisons médicales. Elle a aussi suivi, avec l’autorisation de la directrice, une thérapie de couple durant ses heures de travail. Dans ce contexte, l’OCAS a engagé G______ en décembre 2017, comme assistante de direction à 100%. Elle était installée dans le même bureau que B______ et A______, qu’elle a remplacées pendant leurs absences.
h. Le 8 janvier 2018, alors qu’elle venait d’annoncer sa troisième grossesse, A______ a eu une conversation téléphonique avec B______, qui a durement critiqué ses absences en lien avec les grossesses et la maternité.
i. Le 16 janvier 2019, lors d’un entretien téléphonique et un échange de messages avec A______, qui était alors en congé parental, C______ a approuvé la demande de celle-ci de réduire son taux d’activité à 60% dès la reprise au mois de mai, indiquant qu’elle tenait à soutenir les femmes avec des enfants en bas âge, tout en rappelant l’importance d’assumer les responsabilités au travail. À cette occasion, A______ a évoqué ses difficultés relationnelles avec B______ et informé la directrice de son entretien téléphonique avec elle une année auparavant. C______ a qualifié les remarques de B______ de déplacées, évoqué l’existence de doléances et du « ressenti » de cette dernière et « en partie de E______ » et proposé une réunion d’équipe avant la reprise par A______ pour préparer son retour.
j. À la suite de cet échange avec la directrice, A______ a envoyé un message à B______ pour prendre de ses nouvelles, auquel celle-ci a répondu par un bref « merci. ça va. ».
k. Le 9 avril 2019, A______ a informé sa hiérarchie de son incapacité à reprendre le travail en mai, à l’issue de son congé parental, à cause de son problème de canal carpien des deux poignets. Lors d’un entretien téléphonique du 9 avril 2019 avec C______, celle-ci a exprimé sa grande déception, sur un ton qu’elle a décrit comme plus ferme et moins empathique qu’auparavant.
l. A______ a informé ses collègues de son arrêt maladie impliquant qu’elle ne reprendrait pas le travail comme prévu, par un message sur le groupe WhatsApp « H______ », créé trois ans auparavant. À réception de ce message, D______ a quitté ledit groupe le 12 avril 2019, suivie par B______ et G______, sans réponse ni explication.
m. Après avoir rencontré A______ le 3 mai 2019, le médecin-conseil de l'OCAS a confirmé le bien-fondé de l’arrêt maladie lié au canal carpien.
n. Le 21 mai 2019, A______ a informé F______ qu'elle devait se faire opérer des deux poignets et serait en arrêt jusqu’à fin août, début septembre. La réaction de ses collègues l'avait profondément blessée et laissée dans l'incompréhension car, comme déjà mentionné à la directrice, elles lui faisaient savoir qu’elles ne souhaitaient pas recevoir d’informations sur son état de santé et ce genre de situation s'était déjà produit par le passé.
o. A______ a été en arrêt maladie à 100% jusqu’à fin septembre 2019, arrêt prolongé jusqu’à fin octobre par certificat médical du 25 septembre 2019.
p. Le 26 septembre 2019, lors d’une réunion à l’OCAS fixée en vue d’une reprise à fin septembre, la directrice et F______ ont discuté avec A______ de ses absences, des éventuelles limitations fonctionnelles et de sa capacité et sa volonté à reprendre son activité. Ils n’ont pas discuté du problème des postes de travail et des relations avec les collègues, estimant que ces points feraient l’objet d’une réunion au moment de la reprise du travail.
q. À l’issue de cette réunion, A______ est allée voir ses collègues. La rencontre avec D______ s’est limitée à des salutations. G______ a déclaré qu’elle était allée vers A______ pour la saluer, mais que celle-ci avait reculé en disant « non ». Il s’est avéré que A______ comptait à son retour récupérer son bureau, situé à côté de la fenêtre et désormais occupé par G______, et qu’elle ne voulait pas du troisième poste de travail aménagé pour elle à une table installée dos à la porte. B______ n’était pas présente ce jour-là.
r. Par courriel du 27 septembre 2019 à F______ et la directrice, A______ a exprimé sa surprise, l’entretien de la veille, dont le but annoncé était de préparer son retour, n’ayant porté que sur les reproches de la direction relatifs à son manque d'intérêt à la vie professionnelle quotidienne à l’office durant ses congés maternité et maladie et le manque de contact avec ses collègues et supérieurs pour prendre des nouvelles. Vu la naissance de son troisième enfant et ses soucis de santé, elle n’avait pris des nouvelles que ponctuellement, mais elle avait toujours informé ses supérieurs de son état de santé, sans recevoir de réponse. Personne n'avait pris de nouvelles après ses opérations ou pendant son congé maternité. La décision de changer son poste de travail constituait des représailles et une mise à l’écart par ses collègues. L'attitude générale de celles-ci, déplacée et hostile, et son échange téléphonique « mouvementé » avec la directrice indiquaient que ses prises de contact n’étaient pas attendues et souhaitées et qu’elle était mise à l’écart, ce qu’elle avait signalée plusieurs fois, mais la direction ne l’avait pas pris au sérieux.
s. F______ a répondu que la perception de A______ de l'entretien ne correspondait pas à la réalité et qu’ils auraient l’occasion en rediscuter à son retour le 1er novembre suivant. Ce retour n’a pas eu lieu.
t. Le 6 janvier 2020, A______, par l'intermédiaire de sa protection juridique, s'est plainte que l'OCAS n'avait pas rempli son devoir de protéger sa personnalité. Les tensions au sein du secrétariat, les propos et comportements inappropriés de B______ et le manque de réaction de la direction rendaient la continuation des rapports de travail difficilement envisageable et elle demandait à être reclassée dans un poste similaire hors de l'OCAS.
u. L'OCAS a répondu qu’il avait pris toutes les mesures pour qu’elle puisse bénéficier d’un congé maternité et d’un retour à l'emploi dans les meilleures conditions possibles et pour éviter que les propos inappropriés de B______ ne se reproduisent. La réunion du 26 septembre 2019 ne pouvait servir à régler les modalités de la reprise, vu que l’arrêt de travail venait d’être prolongé et que le moment du retour était incertain. Un reclassement n'était légalement pas possible, en l’absence d’éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation dûment établi lors d'entretiens de service. L'OCAS attendait donc son retour au travail à l'issue de son arrêt maladie.
v. Dans plusieurs échanges en avril et mai 2020, les conseils de A______ et de l’OCAS ont exposé leurs positions respectives et les mesures attendues ou prises pour résoudre le conflit et protéger la personnalité de l’intéressée.
w. Selon une attestation médicale du 21 août 2020, A______ était en pleine possession de sa capacité de travail dès le 1er septembre 2020, mais une reprise à l’OCAS n'était pas conseillée pour préserver sa santé mentale.
x. Par courrier du 27 août 2020, F______ a indiqué à l’intéressée que, compte tenu de l’attestation précitée et une absence de plus de deux ans, une rencontre serait nécessaire pour organiser son retour au travail et que, vu sa pleine capacité de travail, elle devait fournir un nouveau certificat médical dès le 1er septembre 2020, faute de quoi l'OCAS considérerait que le motif durable d'engagement avait disparu, ce qui pouvait aboutir à un licenciement.
y. Le 27 août 2020, A______ a démissionné pour le 30 novembre 2020, démission acceptée le 1er septembre 2020 par l’OCAS, qui l'a libérée de son obligation de travailler durant le délai de résiliation.
C. a. Le 26 octobre 2020, A______ a saisi le Groupe de confiance de l'État de Genève (ci-après : GdC) d’une demande d’investigation.
Après la naissance de son deuxième enfant, elle avait subi une importante atteinte à sa personnalité en lien avec sa promotion, la réduction de son temps de travail et les congés liés à ses enfants et sa longue absence maladie, de la part de ses collègues et en premier lieu B______. Les rapports s’étaient détériorés, en particulier avec B______, qui allait jusqu'à surveiller quotidiennement sa messagerie professionnelle et son travail, pour ensuite la critiquer et la rabaisser. Elle en avait parlé avec la directrice, le directeur adjoint I______, et E______, mais les comportements hostiles n’avaient pas cessé. Lors de l’entretien du 8 janvier 2018, B______ lui avait reproché que son temps partiel et les absences liées à ses grossesses étaient irresponsables et irrespectueuses envers la direction et ses collègues et indiqué qu'elle aurait dû démissionner car elle ne pouvait pas avoir un bon travail à temps partiel et des enfants et qu’à son sens, leur employeur ne l'aurait pas engagée s'il avait su qu'elle aurait trois enfants. Depuis lors, les rapports étaient « exécrables ». Le 16 janvier 2019, la directrice l’avait spontanément informée avoir constaté un fort ressenti de B______ à son égard. Sa collègue avait exprimé à de multiples reprises au sein de l'OCAS qu'elle considérait que A______ avait tout ce qu'elle voulait « en claquant des doigts » et que c'était « une injustice » et elle la dépréciait envers ses collègues. A______ avait accepté la proposition de la directrice de venir en discuter avec ses collègues avant son retour de congé et elle lui avait ensuite envoyé un long message, l’informant notamment des propos tenus par B______ en janvier 2018. La directrice l'avait rassurée.
Après l'annonce de son arrêt maladie en avril 2019, C______ l’avait appelée et dit qu’avec les ressources humaines, elles avaient l'impression d'avoir été « trompés sur la marchandise », l'OCAS ne pouvant compter sur du personnel aussi limité dans son travail. Compte tenu des bonnes relations avec sa hiérarchie, cette conversation l’avait surprise et affectée, au point qu'elle avait consulté un psychiatre. Lors de la réunion du 26 septembre 2019, au lieu de discuter des circonstances de son retour, on lui avait reproché ses absences et fait comprendre qu’elle devait résoudre elle-même ses problèmes avec ses collègues. F______ lui avait suggéré de réfléchir à la question de savoir si un retour au travail était possible vu la très forte hostilité de ses collègues.
Il n’était pas admissible de profiter de l’absence de longue durée pour maladie d’une collègue pour mettre en œuvre des stratégies destinées à porter atteinte à sa réputation professionnelle et à l’isoler sur son lieu de travail et il n’était humainement et légalement pas acceptable que la direction tolère des comportements acerbes à son égard pour ne pas mettre à dos d’anciens employés bien établis et physiquement présents.
b. Le GdC a notifié la demande d’investigation à B______ le 8 décembre 2020 et, le 28 janvier 2021, l’a invitée à déposer une réponse écrite. Elle n’y a toutefois pas donné suite, n’étant, selon diverses attestations médicales, pas en mesure de se rendre à l'audience, de rencontrer A______, de désigner un représentant ou de se déterminer par écrit. Pour ce motif, le 11 juin 2021, le GdC a classé l’investigation demandée par A______ à l’encontre de B______, classement confirmé par l’OCAS par décision du 28 juin 021.
c. Le 6 septembre 2022, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a déclaré le recours de A______ contre le classement sans objet, essentiellement parce que ni cette dernière ni B______ ne travaillaient encore à l’OCAS et que l’investigation d’une éventuelle atteinte à la personnalité ne pouvait aboutir à une sanction ou mesure disciplinaire.
d. Le 14 juin 2023, le Tribunal fédéral a admis le recours de A______, estimant qu’elle avait toujours un intérêt à la procédure. Sur renvoi, le 16 avril 2024, la chambre administrative a admis le recours, annulé la décision de classement du 28 juin 2021 et retourné le dossier à l'OCAS pour nouvelle décision.
e. L’investigation a repris et B______ s’est déterminée par écrit. Le GdC a entendu A______, B______, en qualité de mise en cause, et les témoins C______, G______, E______, D______, et J______, une collègue qui, selon A______, l’avait informée de la surveillance de sa messagerie par B______. A______ a déposé deux pièces complémentaires.
f. Dans ses déterminations après clôture de l’instruction, A______ s’est, sous l’intitulé « Attitude de Mesdames B______, J______ et I______ », prévalue d’une violente cabale de ses collègues, menée par B______, incluant le contrôle de ses courriels, l’entretien téléphonique du 8 janvier 2018, le départ de ses collègues du groupe WhatsApp et son accueil à l’OCAS le 26 septembre 2019. Les marques d’agacement de B______ et D______ en lien avec ses demandes, faites sans les consulter, relatives à son taux d’activité et l’aménagement de ses horaires ainsi qu’avec ses absences pour grossesse, maternité et problèmes de santé, étaient hostiles et discriminatoires, tout comme leurs critiques répétées adressées à elle-même ou à G______ ou échangées entre elles. Leur hostilité avait persisté même devant le GdC.
D’après un second chapitre intitulé « Attitude de la hiérarchie et absence de prise de mesures », son entretien avec la directrice générale et le directeur adjoint n’avait pas résolu les difficultés relationnelles, la « hiérarchie » semblait avoir un parti pris pour B______, il n’y avait aucune preuve au dossier d’un recadrage de celle-ci et la directrice n’avait pas décidé de séparer les bureaux comme suggéré. La directrice avait elle-même manifesté de l’agacement et un comportement hostile et si elle contestait avoir tenu au téléphone le 9 avril 2019 les propos allégués par A______, elle admettait qu’elle avait pu avoir un ton plus ferme. Lors de la réunion du 26 septembre 2019, elle avait questionné A______ sur ses limitations fonctionnelles, demandé comment elle « voyait la suite » et si elle était en mesure de reprendre le travail, sans l’y encourager, ni aborder les relations avec les collègues ou la question des places de travail. Au lieu de la soutenir, la hiérarchie avait adopté un comportement hostile en raison de sa situation de santé, ce qui était gravement discriminatoire.
g. Le 8 novembre 2024, le GdC a rendu son rapport et conclu à l’inexistence d’une atteinte à la personnalité ou d’un harcèlement psychologique ou sexuel par B______ à l’encontre de A______.
Les événements antérieurs de plus de deux ans à la demande d’investigation du 26 octobre 2020 étaient périmés. Les faits allégués n’étaient pas tous établis et les agissements inappropriés qui l’étaient n’atteignaient pas le degré de gravité et d’intensité requis pour constituer une atteinte à la personnalité ou du mobbing. L’analyse de l’atteinte à la personnalité portait sur la consultation des courriels et les critiques liées au printemps 2016, les disputes et menaces au sujet de la prise des procès-verbaux au printemps 2016, la conversation téléphonique avec B______ du 8 janvier 2018 et le départ du groupe WhatsApp « H______ » le 12 avril 2019. L’analyse du harcèlement psychologique portait sur une mise à l’écart de A______ par B______, qui ne l’invitait plus aux cafés, surveillait sa messagerie professionnelle, avait répondu de manière hostile à sa reprise de contact en janvier 2019, avait quitté le groupe WhatsApp, lui avait attribué un bureau plus petit au lieu de lui permettre de reprendre sa place de travail, avait fait des remarques déplacées ou désobligeants et avait mal parlé d’elle aux collègues, qui ne répondaient pas aux messages et n’avaient pris aucune nouvelle de son état de santé.
Il n’appartenait pas au GdC de déterminer si C______ avait porté atteinte à la personnalité de A______ ou si l’employeur avait ou non suffisamment protégée celle-ci, car l’examen ne portait que sur les potentielles atteintes à la personnalité qui seraient le fait de la personne mise en cause dans le cadre de l’investigation demandée, à savoir seulement B______.
h. Par décision du 5 février 2025, l’OCAS a constaté l’inexistence d’une atteinte à la personnalité de A______ dans le cadre de son activité au sein de l’OCAS, en reprenant essentiellement les motifs et les conclusions figurant dans le rapport du GdC. Il a retenu que les différents événements étaient périmés ou non constitutifs d’une atteinte à la personnalité ou d’un harcèlement psychologique par B______ et rejeté l’allégation que C______ n’aurait pas pris suffisamment de mesures pour protéger A______. Il y sera revenu ci‑après dans la mesure utile pour la présente procédure.
D. a. Par acte déposé le 11 mars 2025 à la chambre administrative, A______ a recouru contre cette décision, dont elle a sollicité l’annulation. Elle a conclu à la constatation d’une atteinte à sa personnalité et d’un harcèlement psychologique par B______ et d’une atteinte à sa personnalité par C______ pour les faits dont elle avait fait état dans sa demande du 26 octobre 2020 et, subsidiairement, au renvoi à l’autorité intimée pour nouvelle décision.
L’OCAS avait constaté de manière inexacte que B______ n’avait consulté ses courriels qu’une seule fois. Les faits allégués n’étaient pas périmés, car les agissements litigieux constituaient des atteintes de même nature, commises sur une base régulière jusqu’en tout cas septembre 2019, début de son incapacité de travail résultant des atteintes subies, et formaient un tout.
Sous l’angle de l’atteinte à sa personnalité, l’altercation relative à la prise des procès-verbaux montrait que B______ n’acceptait pas son nouveau statut et avait tenu des propos blessants et attentatoires à la considération professionnelle et à l’honneur. La consultation de ses courriels ne faisait pas partie des prérogatives de B______ et n’était pas une démarche bienveillante visant à obtenir des informations pour la bonne organisation du travail, mais une surveillance qui, avec les remarques sur le travail qui avaient suivi, était de nature à la déstabiliser et à miner sa confiance professionnelle. Les commentaires faits le 8 janvier 2018 au sujet de sa maternité et sa capacité à demeurer au travail étaient méprisants, sexistes, inopportuns et susceptibles de mettre en péril son estime professionnel et personnel.
L’action hostile et concertée de ses collègues de quitter le groupe WhatsApp des assistantes de direction, sans répondre au message relatif à son arrêt maladie, portait atteinte à sa personnalité, comme l’accueil glacial qu’elles lui avaient réservé le 26 septembre 2019 et l’attribution d’une place de travail « bricolée ». Absente ce jour‑là, B______ avait participé à la décision relative aux postes de travail, qui visait à lui signifier qu’elle n’avait pas sa place au sein de l’équipe. Avec D______, elle avait adopté une attitude hostile et discriminatoire, en multipliant les marques d’agacement liés à ses arrêts de travail dus à la grossesse, la maternité et à des problèmes médicaux reconnus, dont l’impact avait pourtant été limité vu l’engagement de G______ en décembre 2017.
L’ensemble de ces agissements constituait aussi un harcèlement psychologique. Elle avait été systématiquement dénigrée dans son travail, critiquée en raison de ses choix de maternité et mise à l’écart par ses collègues, jusqu’à n’avoir plus d’autre choix que de démissionner pour préserver sa santé. Les actes malveillants de B______ incluaient les propos et menaces lors de l’altercation relative à la répartition des tâches, la surveillance de sa messagerie accompagnée de remarques dénigrantes et dévalorisantes sur son travail, les manifestations répétées d’exaspération liée aux absences, en particulier les remarques échangées à chaque absence avec D______, et les propos blessants tenus lors de l’entretien téléphonique du 8 janvier 2018. Même quand elles ne se voyaient plus directement, B______ saisissait chaque occasion pour manifester son hostilité et l’isoler, comme sa réponse « glaçante » au message du 16 janvier 2019 et son départ du groupe WhatsApp. Elle avait été très mal accueillie lors de sa venue le 26 septembre 2019 pour organiser son retour au travail et l’attribution d’une place « bricolée » dans le coin la pièce, dos à la porte, était une nouvelle manière de la dévaloriser et de lui faire sentir qu’elle n’avait plus sa place dans l’équipe, ses collègues formant un « clan » dont elle était exclue.
C______ connaissait de longue date sa souffrance, puisqu’elle en avait informé sa hiérarchie, comme suggéré par E______. Il n’était pas prouvé que celle-ci avait « recadré » B______ en lien avec l’accès à la messagerie et il n’y avait eu aucun suivi. La directrice avait manifesté un comportement hostile sur ses absences, pourtant dûment justifiées, en affirmant qu’elle avait été « trompée sur la marchandise », comme attesté sur l’honneur par l’époux de la recourante le 11 septembre 2024, et en déclarant que le départ simultané du groupe WhatsApp était un « non‑événement ». Le 26 septembre 2019, la directrice lui avait demandé si elle était en mesure de reprendre le travail et l’avait interrogée sur ses limitations fonctionnelles, en montrant qu’elle n’était pas enthousiaste à l’idée qu’elle reprenne son activité. En omettant de prendre les mesures qui s’imposaient, la directrice avait failli à son devoir de protéger sa personnalité et avait activement contribué à son mal‑être.
b. Le 14 mai 2025, l’OCAS a conclu au rejet du recours, en précisant que B______ était décédée le ______ 2025.
La seule personne mise en cause par la demande d’investigation du 26 octobre 2020 était B______ et la conclusion visant la directrice était irrecevable. L’OCAS avait correctement constaté les faits, soit que l’investigation n’avait permis d’établir la consultation des courriels de la recourante « de manière certaine » qu’à une seule reprise. Les faits survenus en 2016, relatifs à la prise de procès-verbaux et la consultation des courriels, et l’entretien téléphonique du 8 janvier 2018 étaient périmés et la recourante n’était plus revenue au travail depuis le 5 février 2018. Les différents événements étaient isolés et trop espacés, sur près de quatre ans, pour former une unité temporelle.
Lors de l’altercation concernant la prise des procès-verbaux en 2016, la recourante et la mise en cause avaient toutes deux tenu des propos blessants, dont la gravité n’avait pas pu être établie. Après la séance organisée pour mieux répartir les tâches, la directrice n’avait plus reçu de plainte de la recourante. Il ne s’agissait pas d’une atteinte à la personnalité, mais d’une dispute, qui avait été aplanie, les faits étant en outre périmés. La consultation de la messagerie de la recourante en 2016 n’avait pas l’intensité nécessaire pour constituer une atteinte à la personnalité. L’investigation n’avait pas permis d’en déterminer la fréquence et la durée, mais avait établi que B______ avait été recadrée par C______ et que cette dernière n’avait ensuite plus reçu de plainte à ce sujet. Ces faits étaient par ailleurs périmés.
La teneur exacte des propos tenus par B______ le 8 janvier 2018 n’étant pas établie, on ne pouvait retenir que le seuil de gravité était atteint. Ces propos s’inscrivaient dans un contexte général d’exaspération, laquelle était partagée par les autres assistantes de direction, en lien avec les absences de la recourante qui, en 2017, avait été absente trois semaines, s’était absentée pour une thérapie conjugale alors qu’elle travaillait à temps partiel, avait bénéficié d’une réduction de son taux à 43% dès le 21 novembre et avait ensuite été absente du 17 décembre au 5 janvier 2018. B______ avait déclaré qu’il y avait un sentiment de lassitude au vu de la fréquence et des cumuls des absences, qui avaient un impact sur son travail, et qu’elle avait elle-même de graves problèmes de santé durant cette période et était en arrêt. Il s’agissait d’un fait isolé et périmé.
C’était aussi par agacement et non pour manifester de l’hostilité, qu’en avril 2019 les collègues de la recourante avaient quitté le groupe WhatsApp, après son annonce qu’elle ne reprenait pas le travail comme prévu, car elles doutaient de sa sincérité. Cela concernait D______, qui avait admis devant le GdC avoir eu une réaction plus forte que B______ et qui avait quitté le groupe en premier. Cet événement n’atteignait pas non plus un degré de gravité suffisant. L’accueil réservé à la recourante le 26 septembre 2019 à l’OCAS ne concernait pas B______, absente ce jour-là et pas concernée par le changement de bureaux, question qui ne revêtait d’ailleurs pas la gravité requise. La recourante pouvait s’attendre à une modification de la disposition des postes de travail, alors qu’elle reviendrait, après une absence de plus d’un an et demi, à temps partiel tandis que G______ travaillait à plein temps.
Selon l’investigation, il n’y avait pas eu de témoins attestant des prétendus comportements hostiles et remarques déplacées ou désobligeants de B______ à l’égard de la recourante. Les propos échangés avec D______, pas très gentils selon elle, étaient en lien avec les absences de la recourante et non des attaques personnelles ayant pour vocation de la marginaliser ou de l’exclure. La recourante n’étant plus revenue travailler depuis le 5 février 2018, d’éventuels comportements hostiles à son égard étaient périmés.
Sous l’angle de la fréquence, il n’y avait pas de harcèlement psychologique en présence de cinq incidents qui s’étaient déroulés au cours d’une période de quatre ans, alors que personne n’avait été témoin de comportements hostiles à l’égard de la recourante autres que ses échanges ponctuels avec D______ exclusivement. Le degré de gravité ou d’intensité n’était pas atteint, l’existence de situations conflictuelles au travail n’étant pas suffisant pour retenir du mobbing.
c. A______ a répliqué qu’elle avait mis en cause l’attitude de la direction de l’OCAS et celle de C______ et que dans la demande d’investigation, elle avait en particulier rapporté les propos tenus le 9 avril 2019. L’investigation avait porté sur la manière dont la directrice avait traité la situation et l’autorité intimée avait défendu la position selon laquelle la direction aurait pris des mesures.
Il résultait des déclarations de B______ qu’elle contrôlait régulièrement sa messagerie. L’OCAS soutenait à tort que B______ n’avait pas agi pour nuire tout en affirmant que la directrice l’avait recadrée. S’agissant de la péremption, les actes formaient un tout, car ils étaient réguliers et de même nature, avaient impacté sa santé et avaient continué même en son absence, notamment les propos hostiles de D______ et B______, le départ conjoint du groupe WhatsApp et l’accueil dans les locaux de l’OCAS en septembre 2019. Les agissements injustifiés de B______ (surveillance, mise à l’écart, critiques discriminatoires fondées sur l’état de santé et la grossesse, menaces) atteignaient le seuil de gravité nécessaire. Ils avaient provoqué une souffrance importante chez elle, ce dont elle s’était ouverte à plusieurs reprises à sa hiérarchie et aux ressources humaines, et avaient affecté sa santé et entraîné sa démission.
d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1. Le présent recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’OCAS constatant l’inexistence d’une atteinte à la personnalité ou du harcèlement psychologique de la recourante.
2.1 La loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC ‑ B 5 05) est applicable au personnel de l'OCAS (art. 6 let. h de la loi relative à l'office cantonal des assurances sociales du 20 septembre 2002 - LOCAS - J 4 18). L’art. 2B al. 1 LPAC garantit la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel ; des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (al. 2).
Selon l’art. 328 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), qui est le pendant, en droit privé, de l’art. 2B LPAC (ATA/263/2022 du 15 mars 2022 consid. 2a et 2d), l’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur ; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité et veille en particulier, à ce que les travailleurs ne soient pas harcelés sexuellement ou désavantagés en raison de tels actes (al. 1) ; il prend, pour protéger la vie, la santé et l’intégrité personnelle du travailleur, les mesures commandées par l’expérience, applicables en l’état de la technique, et adaptées aux conditions de l’exploitation ou du ménage, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l’exiger de lui (al. 2).
L’art. 328 CO concrétise, en droit du travail, la protection qu'offrent les art. 28 ss CC contre les atteintes aux droits de la personnalité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_123/2020 du 30 juillet 2020 consid. 4.1). L’art. 28 CC est une norme de protection générale contre les atteintes illicites à la personnalité (Nicolas JEANDIN, in Commentaire romand - Code civil I, Pascal PICHONNAZ/Bénédict FOËX [éd.], 1re éd., 2010, n. 5 ad art. 28 CC), selon laquelle celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe (al. 1). L’atteinte à la personnalité est en principe illicite, à moins que son auteur puisse invoquer un des motifs justificatifs énumérés à l’art. 28 al. 2 du Code civil suisse (CC – RS 210), soit le consentement de la victime, un intérêt prépondérant privé ou public, ou la loi (arrêt du Tribunal fédéral 5A_612/2019 du 10 septembre 2021 consid. 6.1.1 ; Nicolas JEANDIN, op. cit., n. 71 ad art. 28 CC). L’illicéité est une notion objective, de sorte qu'il n'est pas décisif que l'auteur soit de bonne foi ou ignore qu'il participe à une atteinte à la personnalité (ATF 134 III 193 consid. 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_612/2019 du 10 septembre 2021 consid. 6.1.1).
L’obligation qui incombe à l'employeur public, comme à l'employeur privé, de protéger et respecter la personnalité du travailleur lui impose de prendre des mesures adéquates si la personnalité du travailleur fait l’objet d’atteintes de la part des membres du personnel ou de ses supérieurs, sous peine d’engager sa propre responsabilité (ATA/263/2022 du 15 mars 2022 consid. 2b). Elle comprend notamment le devoir d'agir dans certains cas pour calmer une situation conflictuelle et de ne pas rester inactif (ATF 137 I 58 consid. 4.2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_340/2009 du 24 août 2009 consid. 4.3.2 ; 1C_245/2008 du 2 mars 2009 consid. 4.2). En particulier, il ne doit pas stigmatiser, de manière inutilement vexatoire et au-delà du cercle des intéressés, le comportement d'un travailleur (ATF 137 III 303 consid. 2.2.2 ; 130 III 699 consid. 5.2).
Le point de savoir si et, le cas échéant, quand une réaction est indiquée dépend largement de l'appréciation du cas concret. Dans le cadre de son pouvoir d'examen limité à l'arbitraire, le Tribunal fédéral n'intervient que lorsque l'attitude de l'employeur apparaît manifestement insoutenable (ATF 137 I 58 consid. 4.2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_340/2009 précité consid. 4.3.2 ; 1C_245/2008 précité consid. 4.2 ; 1C_406/2007 du 16 juillet 2008 consid. 5.2). La chambre de céans se limite, quant à elle, à l’examen de l’abus ou l’excès de pouvoir d’appréciation.
2.2 Les modalités de la protection de la personnalité des fonctionnaires au sens de la LPAC sont fixées par le règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10 ; art. 2B al. 3 LPAC).
2.2.1 Selon l’art. 1 RPPers, le Conseil d’État veille à la protection de la personnalité de tous les membres du personnel dans le cadre de leur activité professionnelle (al. 1). Il prend les mesures nécessaires à la prévention, à la constatation, à la cessation et à la sanction de toute atteinte à la personnalité d'un membre du personnel, en particulier en cas de harcèlement sexuel ou psychologique (al. 2) et instaure un groupe de confiance (GdC ; art. 4 al. 1 RPPers), qui est chargé de la mise en œuvre et de la bonne application du dispositif de protection de la personnalité, sa mission principale consistant à traiter les demandes des personnes qui font appel à lui et à contribuer à ce que cessent les atteintes constatées (5 al. 1 et al. 3 RPPers). Saisi par un membre du personnel qui, dans sa relation de travail avec d'autres personnes, estime être atteint dans sa personnalité, ou par l'autorité d'engagement ou les ressources humaines, le GdC peut procéder à des démarches informelles (art. 12ss et chapitre 4 RPPers) et ouvrir une procédure d'investigation, qui a pour but d'établir les faits et de déterminer si les éléments constitutifs d'une atteinte à la personnalité sont réalisés ou non (art. 19 RPPers).
2.3 La demande d’ouverture d’une investigation par le GdC contient une description des faits et l’identité de l’auteur présumé d’une atteinte à la personnalité ; lorsque la demande met en cause plusieurs personnes, leur identité ainsi que les faits qui leurs sont reprochés doivent être mis en évidence pour chacune d’elles (art. 20 al. 1 RPPers). La demande et les éventuelles pièces annexées sont notifiées à toute personne mise en cause et à l’autorité d’engagement, qui peuvent faire une réponse écrite, laquelle sera transmise à la personne plaignante (art. 23 RPPers). Le GdC entend la personne plaignante et toute personne mise en cause (art. 24 al. 1 RPPers) et instruit la demande, en procédant notamment à l’audition de témoins (art. 26 al. 1 RPPers). Une fois l'instruction terminée et après réception des déterminations des parties, le GdC établit un rapport contenant l'exposé des faits, donne son appréciation sur l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité et indique l'identité de l'auteur identifié (art. 29 al. 2 RPPers). Cette mesure constitue un préalable nécessaire à une décision de l’autorité d’engagement constatant l’existence ou non d’une atteinte à la personnalité et son auteur, la mise en œuvre du dispositif de protection de la personnalité relevant en effet d’une procédure particulière devant le GdC (art. 30 al. 1 et 2 RPPers ; ATA/43/2024 du 16 janvier 2024 consid. 1.6).
3. La recourante se plaint en premier lieu d’une constatation inexacte des faits. Elle estime que l’autorité intimée a retenu à tort que l’investigation avait uniquement permis d’établir que la surveillance de sa messagerie par B______ n’avait eu lieu qu’une seule fois et qu’il s’agissait d’un « fait isolé ».
L’autorité intimée n’a pas retenu que la messagerie de la recourante n’avait été consultée qu’à une reprise, mais a considéré que seule une consultation avait pu être démontrée. C’est en ce sens qu’elle a constaté qu’il s’agissait d’un fait isolé. Cette appréciation reflète celle du GdC, qui a retenu qu’il résultait d’un courriel du 10 mai 2016 à J______ que B______ avait pris connaissance d’au moins un courriel de la recourante, mais qu’il n’y avait que cet exemple et que l’intéressée n’avait été en mesure de démontrer ni la fréquence ni la durée de la surveillance de sa messagerie. Il ressort de la procédure que les collègues entendus n’avaient pas connaissance d’un accès à la messagerie de la recourante par B______ pour la surveiller. J______ a en particulier nié avoir dit à la recourante que B______ lisait et contrôlait ses courriels et a déclaré qu’elle n’avait pas connaissance d’une quelconque surveillance. Contrairement à ce que laisse entendre la recourante, les déclarations de B______ ne confirment pas non plus l’existence d’une surveillance constante. Celle-ci a, en effet, affirmé qu’après que la recourante avait omis de la mettre en copie d’un courriel concernant le conseil d’administration, elle avait « jeté un coup d’œil » sur ses courriels pour s’assurer d’avoir toutes les informations utiles, mais que cela n’avait eu lieu qu’en « l’espace de quelques jours ». La directrice a déclaré qu’après avoir convoqué B______ pour la recadrer, elle n’avait plus reçu de plaintes de la recourante à ce sujet. Le contraire ne résulte ni du dossier ni des allégations de la recourante.
Dans ces circonstances, l’autorité intimée pouvait, sans violer la loi ou abuser de son pouvoir d’appréciation, considérer que la consultation des courriels au printemps 2016 était un événement isolé. Cette question n’est en tout état pas déterminante pour les motifs exposés ci-après.
4. La recourante conteste la péremption de certains faits allégués.
4.1 Selon l’art. 20 al. 2 RPPers, la demande d'ouverture d’une investigation peut être présentée en tout temps, mais au plus tard, sous peine de péremption, 60 jours après réception de la communication écrite mettant fin à la démarche informelle (let. a) ; 90 jours après la cessation des rapports de travail (let. b) ; et deux ans après la cessation des évènements dont se plaint la personne requérante (let. c).
4.2 En l’espèce, la demande d’ouvrir une investigation date du 26 octobre 2020. Les faits survenus avant le 26 octobre 2018 sont donc périmés selon la let. c précitée, à savoir l’altercation au sujet de la prise de procès-verbaux et la surveillance de la messagerie de la recourante, survenues en 2016, et la conversation téléphonique avec B______ du 8 janvier 2018.
La recourante ne saurait être suivie quand elle conteste la péremption au motif que les agissements litigieux ont perduré sur une base régulière jusqu’à sa démission, ou à tout le moins jusqu’à son arrêt de travail en raison des atteintes subies, et que le délai de l’art. 20 al. 2 let. c RPPers n’aurait commencé à courir qu’à ce moment‑là. À supposer que les principes invoqués par la recourante, qui concernent le début des délais de prescription de la responsabilité civile et pénale en cas d’agissements répétés ou d’une certaine durée, soient pertinents au regard de l’art. 20 al. 2 RPPers, ce qui n’est pas certain, les faits allégués dans le cas d’espèce ne présentent en tout état pas une unité d’action s’étendant de 2016 à 2019 voire août 2020. Les deux disputes au printemps 2016 concernaient des questions particulières (l’attribution de la tâche de prendre les procès-verbaux et la consultation de la messagerie d’une collègue) et le dossier ne contient aucun élément indiquant que ces problématiques auraient persisté au cours des années suivantes. La recourante n’allègue aucun événement particulier en 2017. Pour 2018, elle ne fait état que d’un seul événement, soit son entretien téléphonique avec B______ du 8 janvier, qui portait sur un autre sujet que les différends en 2016. Elle n’allègue aucun autre événement qui aurait porté atteinte à sa personnalité en 2018, étant rappelé qu’elle n’est plus revenue au travail après le 5 février 2018. B______ n’était pas impliquée dans l’entretien téléphonique avec la directrice du 9 avril 2019 ou l’accueil de la recourante en septembre 2019. Le seul fait qu’elle ait quitté le groupe WhatsApp en avril 2019, comme les autres assistantes de direction, ne permet pas de construire une unité d’action et de volonté avec les trois événements survenus une année et demie respectivement trois ans auparavant, de sorte que le délai de l’art. 20 al. 2 let. c RPPers a commencé à courir dès la cessation de chaque événement séparément.
L’autorité intimée n’a dès lors ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que les faits antérieurs au 26 octobre 2018 étaient périmés.
5. La recourante fait grief à l’OCAS d’avoir conclu à l’inexistence d’une atteinte à sa personnalité par B______.
5.1 Selon l’art. 3 al. 1 RPPers, est constitutif d’une atteinte à la personnalité toute violation illicite d’un droit de la personnalité, telles notamment la santé physique et psychique, l’intégrité morale, la considération sociale, la jouissance des libertés individuelles ou de la sphère privée.
La protection de la personnalité du travailleur concerne non seulement sa vie et sa santé, mais aussi la dignité et la considération dont il jouit dans l’entreprise ; sont ainsi des atteintes à la personnalité des propos vexatoires ou injurieux, des remarques désobligeantes et le fait de déconsidérer systématiquement un employé (arrêt du Tribunal administratif fédéral du 16 mars 2009 A-3943/2008 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.49/2006 du 13 juin 2006 consid. 2.5.1). Selon la jurisprudence (ATA/263/2022 précité consid. 2d et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_605/2007 du 4 décembre 2008 consid. 2.1), l’honneur, qui fait partie des droits protégés par l’art. 28 CC, comprend non seulement le droit d'une personne à la considération morale, c'est-à-dire le droit à sa réputation d'honnête personne pour son comportement dans la vie privée ou publique, mais aussi le droit à la considération sociale, à savoir notamment le droit à l'estime professionnelle, économique ou sociale. Pour juger si une déclaration est propre à entacher une réputation, il faut utiliser des critères objectifs et se placer du point de vue du citoyen moyen, en tenant compte des circonstances, en particulier du contexte dans lequel la déclaration a été émise. Le mode d'expression (geste, voix, écrit ou dessin) est indifférent. Il suffit qu'aux yeux d'un observateur moyen la considération dont jouit une personne soit diminuée ; la véracité des faits allégués ou le bien-fondé d'une critique jouent un rôle important pour décider si l'atteinte est illicite ou non, étant précisé que la personne visée ne doit pas être rabaissée inutilement.
L’atteinte à la personnalité doit revêtir « une certaine gravité » (art. 21 al. 1 et 22 al. 2 a contrario RPPers). Dans le cadre de l’art. 28 CC, il est également admis que la remise en cause doit survenir avec une certaine intensité, c’est-à-dire dépasser le seuil de tolérance qu’on est en droit d’attendre de toute personne vivant en société, à défaut de quoi, il n’y a pas d’atteinte pertinente au sens de l’art. 28 al. 1 CC (ATA/263/2022 précité consid. 2d et les références citées). Pour apprécier la gravité de l'atteinte, il convient de mesurer son impact sur la personnalité du travailleur qui en a été victime, en tenant compte de l'ensemble des circonstances (ATA/263/2022 précité consid. 2b et les références citées).
5.2 En l’espèce, la recourante se prévaut de six complexes de faits qui seraient constitutifs d’une atteinte à sa personnalité.
5.2.1 Concernant l’altercation en lien avec la prise des procès-verbaux au printemps 2016, l’autorité intimée a considéré que les faits étaient périmés et qu’une atteinte à la personnalité ne pouvait être retenue parce que B______ et A______ avaient toutes deux tenu des propos pouvant être blessants, dont la teneur exacte et la gravité n’avaient pas pu être établies et qui, tels qu’allégués, ne présentaient en tout état pas une intensité suffisante.
Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. Antérieurs au 26 octobre 2018, ces faits sont périmés pour les motifs déjà exposés et l’on ne voit pas, et la recourante ne l’explique pas, comment l’autorité intimée aurait pu considérer comme attentatoires à la personnalité des propos dont, faute de témoins ou de pièces, la teneur exacte n’était pas connue. Il n’apparaît en outre pas, sous l’angle de l’intensité, qu’une dispute unique relative à l’attribution d’une tache spécifique au sein de l’équipe excède les limites de ce que des collègues peuvent normalement tolérer dans un cadre professionnel.
5.2.2 À propos de la surveillance de la messagerie professionnelle de la recourante, selon le GdC et l’autorité intimée, un seul acte de surveillance, au printemps 2016, a été établi et il n’a pas été démontré qu’il s’était reproduit après les mesures prises par la directrice et le responsable des ressources humaines, en particulier la convocation de B______ et la réunion de travail en juin 2016 ; il s’agissait donc d’un fait isolé, qui était par ailleurs périmé.
Il est établi que B______ a au moins une fois, de manière répréhensible, excédé ses prérogatives en consultant les courriels de la recourante. La fréquence et la durée de la surveillance de la messagerie de celle-ci n’ont toutefois pas pu être établies, ni l’existence de commentaires dépréciatifs de B______ dans ce contexte, qui ne ressortent pas des pièces ou des témoignages, la recourante reconnaissant elle-même dans son recours qu’il n’y a aucun témoin direct susceptible d’en confirmer l’existence. C’est ainsi à juste titre que l’autorité intimée a retenu que les faits tels qu’établis n’étaient pas suffisamment graves pour constituer une atteinte à la personnalité. Ces faits sont en tout état périmés.
5.2.3 L’OCAS a considéré l’incident relatif à l’entretien téléphonique du 8 janvier 2018 entre la recourante et B______ comme périmé. En outre, il s’agissait d’un événement isolé qui s’inscrivait dans un contexte d’exaspération générale liée aux absences de la recourante, qui avaient un impact sur l’organisation du travail de B______, alors que celle-ci venait elle-même d’être hospitalisée pour de graves problèmes de santé.
Selon le rapport du GdC cité par la recourante, B______ a tenu des commentaires négatifs, méprisants et moralisateurs au sujet de la maternité de A______ et de sa capacité à demeurer au travail, des remarques sexistes et inopportunes qui n’avaient pas à être exprimées dans un contexte professionnel. La chambre de céans partage cette appréciation, qu’aucun élément au dossier ne vient mettre en question. Il n’est cependant pas établi que B______ aurait persisté à faire de telles remarques. S’agissant de faits survenus uniquement le 8 janvier 2018, ils étaient toutefois périmés au moment de la demande d’investigation.
5.2.4 L’OCAS a admis que le départ du groupe WhatsApp « H______ » par les trois collègues de la recourante, le 12 avril 2019, sans explication ni réponse, véhiculait un message désagréable qui avait pu la heurter, mais que cet événement n’atteignait pas un degré suffisant pour constituer une atteinte à la personnalité.
La chambre de céans considère qu’aux yeux d’un observateur moyen, une telle réaction à un message annonçant l’arrêt maladie d’une collègue peut en effet être perçue comme blessante. L’investigation a toutefois établi que ce n’était pas une « mesure de représailles concertée », comme le prétend la recourante, mais une réaction spontanée d’agacement, de D______ et B______ en particulier, face aux absences répétées et de longue durée de leur collègue, qui n’était plus venue au travail depuis plus d’une année. Les personnes impliquées ont déclaré qu’elles doutaient alors de la sincérité de la recourante, étant relevé que le médecin-conseil n’a confirmé le bien-fondé de son arrêt maladie qu’ultérieurement. Comme l’a relevé à juste titre l’autorité intimée, le retrait de ce groupe WhatsApp n’a pas eu pour effet d’exclure la recourante, puisque les assistantes de direction ne l’utilisaient de toute façon que très peu pour communiquer. Le fait qu’elles n’en aient par la suite pas créé de nouveau, sans inclure la recourante, tend à confirmer qu’elles n’ont pas quitté le groupe dans le but de l’exclure. Ce retrait du groupe WhatsApp ne démontre pas non plus que B______ était la meneuse d’une cabale des collègues, puisque l’initiative a été prise non pas par elle mais par D______. L’autorité intimée pouvait ainsi considérer, sans violer la loi ou abuser de son pouvoir d’appréciation, que le retrait du groupe WhatsApp ne portait pas atteinte à la personnalité de la recourante.
5.2.5 Les événements liés à la visite de la recourante dans les locaux de l’OCAS le 26 septembre 2019 ne concernent pas B______. Elle n’a pas assisté à la réunion lors de laquelle la recourante a discuté de ses absences et de sa capacité de travail avec la directrice et le responsable des ressources humaines. L’accueil que les collègues ont ensuite réservé à la recourante ne lui est pas imputable non plus, car elle était absente, et la recourante ne démontre pas quel rôle B______ aurait joué dans la décision relative aux postes de travail de G______ et de la recourante, qui ne la regardaient pas. Il n’est du reste pas établi que la nouvelle place prévue pour la recourante n’était pas convenable. Il ressort au contraire des témoignages que le bureau était conçu pour trois places de travail et que celles-ci avaient une taille identique. Le simple changement d’emplacement, à l’intérieur du même bureau, n’était pas de nature à signifier à la recourante qu’elle n’avait pas sa place au sein de l’équipe. Les événements du 26 septembre 2019 ne sont ainsi pas constitutifs d’une atteinte à la personnalité de la recourante par B______.
5.2.6 La recourante se prévaut enfin de comportements hostiles et répétés de B______ et D______ en lien avec la réduction de son taux d’activité et ses absences, qu’elle reproche à l’autorité intimée de ne pas avoir traités spécifiquement. Les témoignages confirmaient l’attitude totalement discriminatoire de ces deux collègues, qui multipliaient les marques d’agacement en lien avec des absences justifiées, dues à sa grossesse, la maternité et des raisons médicales jugées fondées par le médecin-conseil de l’OCAS.
D’éventuelles remarques hostiles adressées directement à la recourante sur son lieu de travail, donc antérieures au 5 février 2018, étaient périmées au moment de la demande d’investigation.
Il ne résulte pas du dossier que B______ aurait tenu des propos injurieux à l’égard de tiers ou fait des remarques pour systématiquement dévaloriser la recourante et porter atteinte à sa réputation, notamment en critiquant ses compétences professionnelles ou la qualité de son travail. La grande majorité des personnes entendues a déclaré ne pas avoir été témoin de remarques désobligeantes de B______ à propos de la recourante, qui n’a donc pas été dévalorisée à leurs yeux. Le fait d’avoir, à une occasion, relevé une faute d’orthographe n’est pas un comportement particulièrement vexatoire.
Il est, en revanche, établi que D______ et B______, qui étaient amies, échangeaient parfois des commentaires négatifs à propos de la recourante. D______ a déclaré que celle-ci travaillait bien, mais qu’il y avait un sentiment d’agacement et de désapprobation lié à son horaire et la réduction de son taux d’activité et, surtout, à la fréquence et la durée de ses absences. La chambre de céans relève à ce sujet que l’accusation selon laquelle la recourante abusait du système est infondée, ses absences étant justifiées soit pour des raisons de santé soit pour des motifs liés à la maternité. Rien ne démontre cependant que les commentaires précités avaient pour but de marginaliser la recourante au sein de son service ou de l’OCAS et qu’ils étaient autre chose que l’expression subjective d’un « ras-le-bol » face aux absences cumulées de leur collègue. Il n’est du reste pas établi que c’est B______ qui avait suscité auprès de D______ le sentiment d’exaspération qu’elles partageaient.
Pour ces motifs, le grief est écarté.
6. La recourante fait grief à l’OCAS d’avoir conclu à l’inexistence d’un harcèlement psychologique de la part de B______.
6.1 Est constitutif d'un harcèlement psychologique, appelé aussi mobbing, tout enchaînement de propos ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels une ou plusieurs personnes tendent à déstabiliser, à isoler, à marginaliser, voire à exclure une ou plusieurs personnes de leur lieu de travail (art. 3 al. 2 RPPers). Le harcèlement est une forme aiguë d'atteinte à la personnalité (art. 3 al. 4 RPPers). La victime est souvent placée dans une situation où chaque acte pris individuellement peut être considéré comme supportable alors que l'ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu'à l'élimination professionnelle de la personne visée (arrêt du Tribunal fédéral 4D_72/2017 précité consid. 8.2 ; ATA/263/2022 du 15 mars 2002 consid. 2f). II n'y a pas harcèlement psychologique du seul fait d’un conflit dans les relations professionnelles, ni d'une mauvaise ambiance de travail, ni du fait qu'un membre du personnel serait invité - même de façon pressante, répétée, au besoin sous la menace de sanctions disciplinaires ou d'une procédure de licenciement - à se conformer à ses obligations résultant du rapport de travail, ou encore du fait qu'un supérieur hiérarchique n'aurait pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l'égard de ses collaborateurs (ATA/263/2022 précité consid. 2f).
6.2 Le mobbing s'inscrit dans un élément de durée, de répétition, de finalité et ne saurait être admis en présence de comportements isolés, même si ces derniers causent un préjudice ou constituent une véritable atteinte à la personnalité du travailleur (arrêts du Tribunal fédéral 4D_72/2017 du 19 mars 2018 consid. 8.2 ; 2P.207/2002 du 20 juin 2003 consid. 4.2 ; ATA/263/2022 précité consid. 2f ; Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 4e éd., 2019, p. 349 ; Jean Philippe DUNAND/Pascal MAHON, Commentaire du contrat de travail, 2013, p. 283 n. 34 ad art. 328 CO). Les actes de mobbing doivent être répétés fréquemment, soit généralement au moins une fois par semaine, et pour ce qui est de la durée, les atteintes doivent se dérouler sur une période d'au moins six mois (Philippe CARRUZZO, Contrat individuel du travail, commentaire des art. 319 à 341 du Code des obligations, 2009, p. 281 ; Henz LEYMANN, Mobbing : La persécution au travail, 1996, p. 27). La majorité des cas de harcèlement s'étend sur une période supérieure à une année (Marie-France HIRIGOYEN, Le harcèlement moral dans la vie professionnelle : Démêler le vrai du faux, 2001, p. 36 et pp. 142-143).
6.3 Il résulte des particularités du mobbing que ce dernier est généralement difficile à prouver, si bien qu'il faut savoir admettre son existence sur la base d'un faisceau d'indices convergents, mais aussi garder à l'esprit qu'il peut n'être qu'imaginaire, sinon même être allégué abusivement pour tenter de se protéger contre des remarques et mesures pourtant justifiées (arrêts du Tribunal fédéral 8C_787/2015 du 4 novembre 2016 consid. 3.2.2 ; 2P.207/2002 précité consid. 4.2 et les références citées ; ATA/728/2016 du 30 août 2016 consid. 8).
6.4 En l’espèce, les relations entre la recourante et B______ se sont progressivement dégradées et les deux femmes en sont venues à limiter leurs échanges au cadre strictement professionnel. La nature de leur relation, décrite comme « froide », « tendue » voire conflictuelle, et la mauvaise ambiance au travail ne sont pas suffisantes pour admettre un harcèlement psychologique. De telles circonstances peuvent découler d’un manque d’affinité, d’une incompatibilité de caractère ou d’intérêts divergents, sans nécessairement correspondre à une volonté d’exclure ou de déstabiliser l’autre personne et de lui nuire, comme c’est le cas en cas de harcèlement. Il n’est pas établi que B______ dénigrait la recourante ou son travail et la dévalorisait systématiquement aux yeux de tiers. Des remarques désobligeantes de B______ n’ont été constatées que par D______, lors de discussions auxquelles les autres collègues ne participaient pas. Même à supposer que, comme l’allègue la recourante, elles échangeaient ce type de commentaires à l’occasion de chacune de ses absences, ceux-ci ne relèveraient pas du harcèlement psychologique sous l’angle de la fréquence et de la durée. Il en va de même des autres faits impliquant B______, limités à deux différends au printemps 2016 (la prise des procès-verbaux et la surveillance de la messagerie), un entretien téléphonique en janvier 2018 et deux manifestations ressenties comme peu amicales en 2019, soit le très bref message (« merci. ça va ») du 16 janvier 2019 en réponse au message de la recourante et le retrait du groupe WhatsApp en avril 2019.
Les faits imputables à B______ sont peu nombreux et, s’ils montrent qu’elle et la recourante ne s’entendaient pas, ils ne présentent ni la gravité ni la durée et la répétition nécessaires pour relever du harcèlement.
Dès lors, le grief est écarté.
7. La recourante conclut à la constatation d’une atteinte à sa personnalité de la part de C______, directrice générale de l’OCAS.
7.1 La recourante a dénoncé les commentaires litigieux du 9 avril 2019 devant le GdC, qui les a abordés dans le cadre de l’investigation, en particulier lors de l’audition de la directrice, qui a nié avoir tenu de tels propos. En ce sens, la conclusion visant C______ ne concerne pas des faits nouvellement allégués qui seraient irrecevables pour ce motif.
C______ n’a pas eu la qualité de mise en cause durant l’investigation. Elle n’a ainsi pas été invitée à déposer une réponse écrite et, comme indiqué sur le procès‑verbal de son audition, n’a été entendue qu’en qualité de témoin, alors que les faits dénoncés incluaient un événement qui lui était attribué spécifiquement. Le GdC rappelle expressément dans son rapport qu’il n’a par conséquent pas analysé l’entretien téléphonique précité, ce qui aurait pu être souhaitable dans la mesure où son appréciation de l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité est un préalable nécessaire à la décision relative à une telle atteinte et son auteur. Il n’apparaît toutefois pas nécessaire de renvoyer le dossier pour une instruction complémentaire pour les motifs exposés ci-après.
7.2 Les comportements hostiles reprochés spécifiquement à C______ concernent l’entretien téléphonique du 9 avril 2019 et, dans une moindre mesure, la réunion du 26 septembre 2019.
7.2.1 La teneur exacte des propos de la directrice lors de son entretien téléphonique du 9 avril 2019 avec la recourante n’a pas pu être établie lors de l’investigation par le GdC. L’attestation sur l’honneur de l’époux de la recourante doit être appréciée avec circonspection en raison de sa proximité avec l’intéressée et ne possède pour ce motif pas une force probante suffisante pour établir, à elle seule, les propos allégués.
Ces propos, s’ils étaient avérés, seraient inappropriés de la part d’une responsable hiérarchique. Sous l’angle de leur intensité, il faut cependant considérer l’ensemble des circonstances. La directrice ne s’adressait qu’à la recourante, sans risquer de la stigmatiser inutilement en allant au-delà du cercle des intéressés. Dans la mesure où l’époux de la recourante aurait effectivement assisté à l’entretien, sa présence ne semble pas avoir été signalée, la directrice n’ayant donc aucune raison de craindre que ses propos puissent affecter la considération personnelle ou professionnelle de la recourante aux yeux d’un tiers. La déception de la directrice n’était en soi pas surprenante, dans la mesure où elle venait tout juste d’apprendre que l’absence de sa collaboratrice allait se prolonger pendant plusieurs mois, après quinze mois ininterrompus d’absence pour des motifs différents, dont en dernier lieu un congé parental non payé qu’elle lui avait octroyé et alors qu’elle avait accédé aux demandes de la recourante relatives aux horaires et à une nouvelle réduction du taux d’activité afin de soutenir au mieux son retour prévu le 2 mai 2019. Alors que les rapports de service de la recourante à l’OCAS ont duré près de sept ans, dont quatre ans sous la supervision de C______, la recourante n’allègue qu’un seul commentaire de cette nature, sans mentionner aucune autre occasion où sa responsable aurait tenu des propos hostiles, vexatoires ou dévalorisantes.
Au regard de l’ensemble de ces circonstances, l’entretien téléphonique du 9 avril 2019 ne saurait être considéré comme attentatoire à la personnalité de la recourante.
7.2.2 Il est établi que lors de la réunion du 26 septembre 2019, F______ et C______ ont été plus fermes et moins compréhensifs à l’égard des problèmes familiaux et personnels de la recourante. La directrice a déclaré que, sentant que celle-ci était tiraillée quant à une reprise de travail, elle lui avait dit qu’il y avait un choix à faire, d’autant que son arrêt maladie ne concernait que le problème du canal carpien.
Contrairement à ce que suggère la recourante, le fait d’interpeller une collaboratrice absente depuis une année et demie, dont plusieurs mois pour des raisons médicales, sur sa capacité et sa volonté de reprendre son travail n’est pas critiquable en soi. Le membre du personnel doit en effet jouir d’un état de santé lui permettant de remplir les devoirs de sa fonction (art. 5 al. 1 RPAC) et son incapacité à remplir ses devoirs peut constituer une disparition durable du motif d’engagement au sens de l’art. 22 let. c LPAC). Cela est vrai également lorsque les absences sont justifiées, les responsables hiérarchiques devant dans tous les cas assurer les besoins du service et veiller à son bon fonctionnement. Compte tenu de la fréquence et la durée des absences de l’intéressée, qui venait d’annoncer la prolongation d’un arrêt maladie de plusieurs mois, la directrice générale et le responsable des ressources humaines étaient fondés à lui poser, lors d’une réunion pour faire le point de la situation, des questions sur sa capacité de travail, le moment où elle pensait pouvoir reprendre le travail et d’éventuelles limitations fonctionnelles. Le fait que ces questionnements aient pu être difficiles à entendre pour la recourante ou que le ton général ait été plus ferme que précédemment n’en fait pas des propos dénigrants, vexatoires ou hostiles de la part de C______.
7.3 Outre ces deux événements visant spécifiquement la directrice générale, la recourante reproche à sa « hiérarchie » respectivement aux « ressources humaines » d’avoir manqué à leur devoir de protection, sans toujours distinguer entre C______ et ses autres interlocuteurs, dont F______.
7.3.1 Il ressort du dossier que la directrice n’est pas restée inactive quand les relations entre les assistantes de direction se sont dégradées. Devant le GdC, elle a déclaré avoir convoqué B______ pour lui signifier de cesser la consultation des courriels de la recourante dès qu’elle avait été informée de cette problématique, ce qu’aucun élément au dossier ne vient infirmer. E______ a déclaré que la directrice s’était entretenue avec la recourante en lien avec les différends survenus en 2016 et avait organisé une réunion au mois de juin pour régler les questions de répartition des tâches et tenter de calmer les rapports conflictuels avec B______. E______, qui travaillait sous la responsabilité de F______, a reçu la recourante à deux reprises en 2016 pour discuter de ses préoccupations relatives, notamment, à la répartition des tâches au sein de l’équipe, la suspicion d’une surveillance constante de la messagerie et les difficultés relationnelles avec B______. En août 2016, elle a conseillé à la recourante de prendre contact avec le GdC, s’agissant des difficultés relationnelles persistantes, mais celle‑ci a décidé de ne pas faire cette démarche et n’a plus donné de nouvelles depuis fin août 2016. Aucune demande particulière à la hiérarchie au cours de l’année 2017 ne ressort du dossier. Constatant que les doléances de la recourante et de B______ persistaient en 2018 et 2019, alors qu’elles ne travaillaient plus ensemble, la directrice et F______ ont proposé une réunion avec B______ dès le retour au travail de la recourante, qui n’a toutefois pas pu avoir lieu.
Il en résulte que C______ a tenté, en collaboration avec les ressources humaines de l’OCAS, de résoudre le conflit entre B______ et la recourante, sans y parvenir. Vu la persistance du conflit, conseil a été donné à la recourante de s’adresser au GdC, mais pour des motifs qui demeurent inconnus à ce jour, celle-ci a préféré renoncer au soutien que cet organe spécialisé aurait pu fournir dès 2016, ce qui n’est pas imputable à l’autorité intimée ou à sa directrice générale.
7.3.2 Il ressort par ailleurs de la procédure que C______ a soutenu la recourante tout au long du parcours professionnel de celle-ci à l’OCAS, en tenant largement compte de sa situation personnelle et familiale. Engagée alors qu’elle était enceinte, la recourante a bénéficié, outre ses deux congés maternité, d’un congé parental non payé de quatre mois. La directrice lui a octroyé toutes les réductions de taux sollicitées, passant de 100% à 70% (avec une promotion) au retour du deuxième congé maternité, puis à 60% après la naissance du troisième enfant, en soulignant expressément sa volonté de soutenir les collaboratrices avec des enfants en bas âge. En 2017, la directrice a autorisé la recourante à suivre une thérapie conjugale durant ses heures de travail alors qu’elle ne travaillait qu’à temps partiel. Elle a aussi accepté les horaires spécifiques demandés par la recourante, qui pouvait quitter son lieu de travail plus tôt, à 16 heures, et avait congé les mercredis et vendredis après‑midi. Ces aménagements en faveur de la recourante étaient, selon les déclarations de ses collègues, défavorables aux personnes travaillant à plein temps, qui pouvaient plus difficilement prendre un long week-end.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’autorité intimée pouvait, sans violer la loi ou abuser de son pouvoir d’appréciation, considérer que C______ n’a pas adopté un comportement hostile à l’égard de la recourante ni failli à son devoir de prendre les mesures pouvant être attendues d’elles.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
8. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 10 mars 2025 par A______ contre la décision de l’office cantonal des assurances sociales du 5 février 2025 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Eric MAUGUÉ, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me François BELLANGER, avocat de l'intimé.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Philippe KNUPFER, Claudio MASCOTTO, juges
Au nom de la chambre administrative :
| la greffière-juriste :
D. WERFFELI BASTIANELLI
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
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Genève, le |
| la greffière : |