Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/951/2025 du 02.09.2025 ( MARPU ) , ADMIS
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
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 | POUVOIR JUDICIAIRE A/1889/2025-MARPU ATA/951/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 2 septembre 2025 | 
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dans la cause
A______ Sàrl recourante
 représentée par Me Damien LEDERMANN, avocat
contre
DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES DE L'ÉTAT
et
B______ SA intimées
 
 
A. a. Le 26 juillet 2024, la centrale commune d’achats (ci-après : CCA) de la direction générale des finances de l’État de Genève (ci‑après : la direction générale) a publié sur la plateforme www.simap.ch une demande d’information (RFI) pour une solution informatique de laboratoire de langues.
b. Elle souhaitait : connaître la capacité et les compétences du marché des sociétés à répondre aux produits, fonctionnalités et prestations mentionnées dans le cahier des charges annexé, avec les prix associés ; identifier si l’ensemble des produits, fonctionnalités et prestations était en adéquation avec les contraintes des constructeurs et des éditeurs pour ce type de marché ; connaître les réalisations et les références des sociétés pour un besoin similaire au niveau national. Il ne s’agissait pas d’un appel d’offres public.
c. Les intéressées devaient produire un cahier des charges complété exhaustivement. Les informations demandées étaient destinées à permettre l’évaluation de la faisabilité et du coût global. Les données à fournir pour les différentes rubriques devaient être des coûts catalogue. Les sociétés devaient également produire leur proposition commerciale sans engagement. D’éventuelles questions pouvaient être posées sur la plateforme simap.ch.
d. Un cahier des charges demandait de se déterminer sur les exigences et les contraintes techniques et, s’agissant des coûts (lignes N et suivantes), d’indiquer :
- (N) le « prix forfaitaire logiciel (one shot) » incluant la partie hardware et software ;
- (O) le « prix forfaitaire service conceptions, installation et recette, soit le prix forfaitaire installations et déploiement jusqu’à la mise en production et correction des bugs » ;
- (P) le « prix forfaitaire licence et support » durant l’implémentation de la solution ;
- (R) le « prix forfaitaire maintenance et support du logiciel sur quatre ans » avec une ligne pour chacune des années une à quatre ;
- (T) le « prix licences perpétuelles (si c’est applicable, le soumissionnaire doit rajouter la quantité estimée dans la colonne F, autrement un commentaire est attendu dans la colonne O) » ;
- (S) le « prix forfaitaire maintenance et support licences perpétuelles sur quatre ans (si c’est applicable, autrement un commentaire est attendu dans la colonne O) » suivi de quatre lignes pour chacune des années une à quatre ;
- (U) le « prix licence en mode souscription (location) sur quatre ans (si c’est applicable, le soumissionnaire doit rajouter la quantité estimée dans la colonne F, autrement un commentaire est attendu dans la colonne O) » suivi de quatre lignes pour chacune des années une à quatre ;
- (V) le « prix licence entreprise sur quatre ans (si c’est applicable le soumissionnaire doit rajouter la quantité estimée dans la colonne F, autrement un commentaire est attendu dans la colonne O) » ;
- (X) le « prix forfaitaire maintenance licence entreprise sur quatre ans (si c’est applicable, autrement un commentaire est attendu dans la colonne O) » ;
- (Y) le « prix forfaitaire formations (si c’est applicable, le soumissionnaire doit rajouter la quantité estimée dans la colonne F, autrement un commentaire est attendu dans la colonne O) » ;
- (Z) le « prix forfaitaire documentation (si c’est applicable, le soumissionnaire doit rajouter la quantité estimée dans la colonne F, autrement un commentaire est attendu dans la colonne O) ».
Sous le titre « Prix options », les lignes AA1 et suivantes demandaient en outre d’indiquer :
- (AA1) « Prix d’une licence perpétuelle supplémentaire » ;
- (AA2) « % pour la maintenance pour une licence perpétuelle supplémentaire – si applicable mentionner le % dans colonne J » ;
- (AA3) « Prix d’une licence en souscription supplémentaire si applicable » ;
- (AA4) « Prix d’une licence entreprise supplémentaire si applicable » ;
- (AA5) « & pour la maintenance pour une licence entreprise supplémentaire – si applicable mentionner le % dans la colonne J et le périmètre, la couverture » ;
- (AA6) « Prix forfaitaire journalier formation » ;
- (AA7) « Prix forfaitaire journalier consulting » ;
- (AA8) « Taux horaires consultant ».
e. Un scénario pédagogique décrivait les activités prévues en classe avec le laboratoire de langues.
f. A______ Sàrl (ci‑après : A______), B______ SA (ci‑après : B______), C______ SA (ci-après : C______), D______ (ci-après : D______) et E______ (ci‑après : E______) ont répondu à la RFI.
g. La CCA a compilé leurs réponses dans un tableau, dont il ressort qu’A______ et C______ ont proposé chacune 1'600 logiciels à prix unitaire, A______ ajoutant les coûts de maintenance. D______, B______ et E______ ont proposé 20, respectivement 1’600 et un nombre indéterminé de licences perpétuelles à prix unitaire et mentionné le prix unitaire des licences perpétuelles supplémentaires.
h. A______ a par ailleurs répondu à des demandes de précisions de la CCA.
B. a. Le 6 février 2025, la direction générale a publié sur la plateforme www.simap.ch un appel d’offres, en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux, pour la fourniture d’un logiciel de laboratoire de langues.
b. Le contrat, d’une durée initiale de quatre ans, prendrait idéalement effet le 16 juin 2025 et pourrait à son échéance être prolongé d’année en année pour une durée totale maximale de six ans.
c. Selon le ch. 2.2 du cahier des charges, le soumissionnaire « doit proposer un seul modèle de licences (à savoir souscriptions de licences ou licences entreprise) avec lequel il soumissionne » (les soulignements sont dans le texte).
Selon l’annexe 1 au cahier des charges, les types de licences possibles étaient « soit en souscription, soit entreprise », le soumissionnaire devait choisir un des modèles de licence.
Suivaient les lignes :
- (AL) « Prix licences en mode souscription (location) sur quatre ans » (avec pour chacune des années une à quatre une ligne à compléter pour le prix de la licence pour un poste maître, une pour seize postes élèves et une pour dix postes élèves) ;
- (AM) « Prix licence entreprise sur quatre ans pour 38 salles » avec une seule ligne à compléter indiquant « prix forfaitaire licences entreprise ».
Selon le ch. 10 du cahier des charges, les critères de sélection étaient la qualité des systèmes complets et des services proposés (64%), le prix (30%) et la qualité de l’entreprise (6%).
d. A______, B______, C______ et D______ ont déposé des offres.
e. Lors des échanges avec l’autorité adjudicatrice, A______ a, entre autres, demandé :
- (Question 11) « Annexe 1- Onglet prix cdc logiciel : lignes AM et AM1 : licence entreprise sur quatre ans pour 38 salles : par licence entreprise vous entendez licences perpétuelles ? » ;
l’autorité adjudicatrice a répondu : « Une licence entreprise : est vendue en volume (en masse) pour l’ensemble du parc (dans un nombre illimité ou en nombre spécifique), elle permet de déployer un logiciel à grande échelle tout en bénéficiant d’un service adapté avec des fonctionnalités spécifiques à l’entreprise (avec des conditions spécifiques etc.). Je vous rends attentifs sur la colonne E, ligne 6, je cite **Si des licences doivent être achetées, le soumissionnaire doit choisir un des modèles de licence avec lequel il soumissionne. Les variantes ne sont pas acceptées. Type de licences possibles : soit en souscription, soit en entreprise** » ;
- (Question 12) « Annexe 1- Onglet prix cdc logiciel ligne AU : qu’appelez-vous licence entreprise, ou quelle doit être la fonction de cette licence ? » ;
l’autorité adjudicatrice a répondu « Une licence entreprise : est vendue en volume (en masse) pour l’ensemble du parc (dans un nombre illimité ou en nombre spécifique), elle permet de déployer un logiciel à grande échelle tout en bénéficiant d’un service adapté avec des fonctionnalités spécifiques à l’entreprise (avec des conditions spécifiques etc.) » ;
f. Dans son offre, A______ a :
- mentionné, à la ligne (AM1) « PRIX LICENCE ENTREPRISE sur quatre ans pour 38 salles, prix forfaitaire licences entreprise » et à la colonne « descriptif de la prestation » : « licences perpétuelles » et offert le même prix de CHF 178'172.- hors TVA dans les colonnes « prix UNITAIRE CHF ou sur une année hors TVA » et « prix TOTAL CHF ou sur quatre ans hors TVA » ;
- les lignes (AL) et suivantes « PRIX LICENCES EN MODE SOUSCRIPTION (LOCATION) SUR QUATRE ANS » n’ont pas été complétées.
g. Il ressort du procès-verbal d’ouverture des offres du 25 mars 2025 que quatre entreprises avaient soumis des offres, pour des prix totaux hors TVA (de la colonne « M ») de :
- CHF 2'800.- (sic) pour B______ ;
- CHF 366'860.- pour C______ ;
- CHF 85'780.- pour D______ ;
- CHF 200'822.50 pour A______.
h. Par décisions du 15 avril 2025, B______, A______, C______ et D______, soit toutes les concurrentes, ont été éliminées pour avoir proposé un modèle de licence perpétuelle, alors que l’appel d’offres rappelait au ch. 2.2 que le modèle devait consister soit en une licence par souscription soit en une licence entreprise.
i. Les mêmes décisions indiquaient qu’aucune offre valable n’ayant été reçue, l’autorité adjudicatrice était empêchée d’adjuger le marché, de sorte que la procédure était interrompue.
j. Le 22 avril 2025, l’interruption de la procédure a été publiée sur le site www.simap.ch.
k. Le 7 mai 2025, B______ a complété un nouveau cahier des charges, indiquant cette fois aux lignes AL et suivantes « PRIX LICENCES EN MODE SOUSCRIPTION (LOCATION) SUR QUATRE ANS » les « prix souscription licences » pour les années une à quatre avec pour chaque année le prix pour le poste maître et le prix pour seize postes élèves ; était à chaque fois indiqué dans la rubrique « descriptif de la prestation » : « Licences Labtice Pro, modules laboratoire de langues et LabTice Création pour un poste licence prof [respectivement seize postes licence élève] avec quatre ans de maintenance » ; le prix total, comprenant la formation et une licence supplémentaire, était de CHF 130'480.- ; la ligne AM1 n’a pas été complétée.
C. a. Par décision du 16 mai 2025, publiée le 20 mai 2025 sur le site www.simap.ch, le marché a été attribué de gré à gré à B______ pour un prix de CHF 137'568.- hors TVA sur quatre ans, en application de l’art. 15 al. 3 let. b du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP ‑ L 6 05.01).
D. a. Par acte remis à la poste le 28 mai 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 16 mai 2025, concluant à son annulation, à l’annulation de la décision du 15 avril 2025, à la suspension de tout contrat potentiellement déjà conclu ou en cours de conclusion avec l’attributaire, à la communication complète des échanges entre l’adjudicateur et l’attributaire concernant la mise en place d’un processus de gré à gré et la mise en place d’une nouvelle procédure d’adjudication par appel d’offres respectueuse des règles des marchés publics.
Elle n’avait pas recouru contre la décision du 15 avril 2025, convaincue qu’un nouvel appel d’offres serait publié, et avait découvert par la suite que le marché avait été attribué de gré à gré quelques jours plus tard à B______. Elle avait demandé des explications à la direction générale mais n’avait reçu aucune réponse. Les spécifications techniques de la licence manquaient de clarté et violaient l’art. 28 RMP, la notion générique de licence d’entreprise ne permettant pas de comprendre la finalité. La première réponse qui leur avait été apportée reproduisait les mentions parues sur le site simap.ch. Elle avait activement participé à la procédure initiale lancée en septembre 2024, dans laquelle la direction générale demandait des licences perpétuelles, et avait préparé son offre sur cette base. Elle comprenait que les quatre soumissionnaires avaient proposé un seul modèle de licence perpétuelle dans une logique d’acquisition durable. Elle avait été éliminée alors qu’elle avait tenté de clarifier les exigences de l’autorité adjudicatrice.
Les art. 16 RMP garantissant l’égalité de traitement et 17 RMP garantissant la libre concurrence avaient été violés. L’adjudication unilatérale de gré à gré à l’un des quatre soumissionnaires écartés portait une atteinte grave au principe de 
 non-discrimination. À aucun moment, la direction générale ne lui avait demandé de rectifier son offre ou d’en présenter une nouvelle alors que cette possibilité avait manifestement été accordée à l’attributaire. Ce traitement de faveur n’avait pas de justification objective.
Les conditions d’une procédure de gré à gré n’étaient pas remplies. Les offres n’avaient pas été concertées. Si les exigences essentielles du premier appel d’offres n’étaient pas remplies, cela concernait tous les soumissionnaires. Il était donc surprenant que le marché ait été attribué à l’un d’entre eux.
b. Le 2 juin 2025, le juge délégué a fait interdiction, sur mesures superprovisionnelles, à la direction générale et à l’attributaire de conclure le contrat.
c. Le 12 juin 2025, la direction générale a conclu au rejet de la demande d’octroi de l’effet suspensif.
La décision du 15 avril 2025 ne pouvait plus être attaquée et le recours était tardif en tant qu’il portait sur celle-là. Seul le modèle de licence proposé par B______ avait été modifié et prévoyait un modèle de licence en souscription. Le reste de l’offre était identique à celle soumise dans le cadre de l’appel d’offres. Elle avait répondu le 27 mai 2025 à la recourante que toutes les offres avaient été éliminées et qu’elle était en droit d’attribuer le marché de gré à gré même si sa valeur dépassait le seuil de gré à gré étant donné que les offres déposées ne satisfaisaient pas aux exigences essentielles de l’appel d’offres, et enfin que le processus de réalisation et de signature du contrat avait déjà été initié. Une demande d’information (RFI) pour une solution informatique de laboratoire de langues avait été publiée sur le site simap en 2024 et l’onglet « prix » incluait la possibilité alternativement, de prévoir un modèle de licences perpétuelles mais également de licences en souscription ou de licences entreprise. Elle avait par la suite dû renoncer au modèle de licence perpétuelle en raison de la volatilité du nombre d’usagers.
La mise en place du logiciel de laboratoire était extrêmement urgente. Le nouveau système devait être opérationnel à la rentrée d’automne 2025 car le système actuel n’était pas compatible avec l’environnement Windows 11 qui allait être installé. Si l’État n’était pas en mesure d’aller de l’avant comme prévu avec le logiciel qu’il souhaitait acquérir auprès de B______, le plan romand d’études obligatoire ne pourrait être repris à la rentrée. En raison de la procédure, elle avait déjà dû annuler la formation prévue pour être dispensée aux enseignants en juin 2025. Elle avait pourtant mis en place l’organisation et lancé un appel d’offres suffisamment tôt pour respecter ces délais. La période des vacances limitait en outre fortement ses démarches.
Le recours était irrecevable en tant qu’il visait la décision du 15 avril 2025, entrée en force. A______ avait été pleinement informée de la notion de « licence entreprise ». Une fois le marché interrompu parce qu’aucune des soumissions n’était conforme aux conditions essentielles, l’adjudicateur pouvait soit répéter la procédure soit opter pour la procédure de gré à gré. Cette seconde hypothèse n’était envisageable qu’à la condition que l’adjudicateur trouve un soumissionnaire capable de fournir le marché aux conditions figurant dans les documents de soumission initiaux, celles-ci ne devant pas être substantiellement modifiées. Lorsque l’une des causes légales du gré à gré s’appliquait, l’adjudicateur avait le droit de choisir librement l’adjudicataire. Par essence, le gré à gré lui permettait d’échapper à son obligation de concurrence. Il restreignait les droits des soumissionnaires, notamment le droit à l’égalité de traitement. Elle ne pouvait se permettre de répéter la procédure compte tenu des délais serrés qu’elle était tenue de respecter. Elle avait contacté B______ pour obtenir une offre répondant strictement au cahier des charges de l’appel d’offres interrompu. Elle n’avait pas l’obligation de contacter la recourante, qui n’avait pas de droit à bénéficier du même traitement que B______. Elle avait recouru au gré à gré et attribué le marché à B______ non pas parce que les offres auraient été concertées mais parce qu’aucune des offres déposées ne satisfaisait aux exigences essentielles, à savoir la proposition d’un modèle de licence entreprise ou en souscription.
Même si le recours devait paraître fondé, l’intérêt public prépondérant à la mise en place urgente du laboratoire de langues dans des délais très brefs s’opposait à l’octroi de l’effet suspensif au recours.
d. Le 11 juin 2025, B______ a renoncé à se déterminer sur l’octroi de l’effet suspensif.
e. Le 24 juin 2025, A______ a persisté dans ses conclusions sur effet suspensif.
Plus de quatre mois s’étaient écoulés entre la clôture de la phase RFI et la publication de l’appel d’offres, avec des différences marginales ne justifiant pas un tel délai. Le pouvoir adjudicateur ne s’était pas déterminé sur sa demande du 22 mai 2025 de savoir si le montant de CHF 137'568.- proposé par B______ concernait une année ou la période de quatre ans. B______ proposait CHF 2'850.- pour la vente de licences « sur quatre ans » incluant la formation des installateurs du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse. Cette offre apparaissait manifestement anormalement basse en comparaison des autres offres, qui allaient de CHF 85'780.- à CHF 366'780.-, la sienne étant de CHF 200'822.50. Aucune justification n’avait été demandée à l’adjudicataire. Le contrat avait finalement été attribué à B______ pour un montant près de 50 fois supérieur à celui initialement proposé, ce qui évoquait une location, sans que le détail des prestations en soit clairement exposé. Les documents fournis par le pouvoir adjudicateur ne permettaient pas de comprendre le détail de l’offre de B______.
f. Par décision du 1er juillet 2025, la vice-présidente de la chambre administrative a octroyé l’effet suspensif au recours.
Il faudrait déterminer si l’appel d’offres excluait les licences perpétuelles et s’il s’agissait dans l’affirmative d’une exigence essentielle. L’examen de l’appel d’offres, du cahier des charges, des réponses de l’autorité intimée aux questions posées par la recourante, le fait que le cahier des charges du RFI prévoyait la possibilité de licences perpétuelles, le fait que la recourante et B______ à tout le moins avaient toutes deux été exclues pour avoir proposé des licences perpétuelles, et enfin le fait que le caractère perpétuel des licences ne ressortait pas clairement de l’offre de B______ ne permettait pas, à ce stade de la procédure et sans préjudice de l’examen au fond du litige, de parvenir à la conclusion que les licences perpétuelles étaient exclues et que cette exigence était essentielle, au degré requis pour l’interruption du marché et pour le choix d’une procédure de gré à gré.
S’agissant de l’urgence, l’autorité adjudicatrice n’indiquait pas quand le système d’exploitation serait déployé ni si son déploiement pouvait être retardé. Elle ne soutenait pas qu’elle ne pourrait temporairement mettre en place une autre pratique des langues vivantes dans l’attente que la cause soit jugée au fond et sans causer de préjudice aux élèves ni consacrer de violation des objectifs du plan d’études romand – de développer la capacité à écouter et comprendre des messages divers, à s’exprimer oralement et à participer à des débats, selon le plan d’études romand, accessible en ligne à l’adresse https://per.ciip.ch/api/files/328.
g. Par courrier du 30 juin 2025, reçu le 3 juillet 2025, B______ a conclu au rejet du recours, se ralliant aux arguments du pouvoir adjudicateur.
h. Le 21 juillet 2025, A______ a persisté dans ses conclusions et son argumentation sur le fond.
i. Le 5 août 2025, le juge délégué a entendu les parties.
ia. La direction générale a confirmé que selon l’appel d’offres, le soumissionnaire devait présenter un seul modèle de licence, à savoir souscriptions de licences ou licences entreprise. Le dossier ne contenait pas de définition de ces expressions car il s’agissait d’une terminologie standard sur le marché des logiciels. La souscription de licences désignait des abonnements ou des locations annuels, donc limités dans le temps.
Le prix correspondait au droit d’utiliser le logiciel durant une certaine période. Au lieu du terme « achat », l’appel d’offres aurait tout aussi bien pu indiquer « acquisition ». C’était d’ailleurs le terme utilisé par l’appel d’offres.
Ce qui distinguait la souscription de licences de la licence d’entreprise était la volumétrie. Avec la souscription de licences, on acquérait une licence à l’unité. Avec la licence d’entreprise, on négociait un volume – soit un nombre de licences – important ou illimité.
L’autorité indiquait un volume et le soumissionnaire indiquait un prix en précisant si celui-ci s’appliquait au chiffre avancé par l’autorité, à un chiffre plus élevé ou encore à un nombre illimité de licences. Dans la règle, ils indiquaient pour les acquisitions de logiciels un nombre de postes sans engagement.
C’était dans le cahier des charges annexé que se trouvait le nombre des postes sur lequel l’offre devait être faite. La ligne OO, sous-rubrique O1, indiquait 38 salles de seize postes élève et un poste maître. La sous-rubrique O2 mentionnait un potentiel supplémentaire de 46 salles d’environ 20 postes chacune et indiquait un total général maximal de 1'400 postes et 90 salles.
La coexistence des rubriques O1 et O2 s’expliquait par le fait que le laboratoire de langues était, selon le plan d’études romand, obligatoire au cycle d’orientation mais pas pour le post-obligatoire, ce qui expliquait qu’il n’était pas possible d’anticiper avec précision le nombre de postes nécessaires pour le post-obligatoire. Chacun des 19 cycles d’orientation avait deux salles de laboratoire de langues, ce qui faisait 38 salles. La proportion n’était plus la même pour le post-obligatoire. Par ailleurs, les établissements étaient souvent mixtes (collèges, écoles de commerce, écoles de culture générale).
Dans l’annexe 1, la ligne AG « prix forfaitaire licences et support » concernait le prix à payer éventuellement pour une ou deux licences durant la phase d’implémentation et jusqu’à la mise en production. La ligne AL désignait la location de licences à la pièce et la ligne AM la licence entreprise pour 38 salles. Les deux rubriques indiquaient une durée de quatre ans.
Il y avait bien eu quatre concurrents et les quatre avaient été écartés, pour le même motif, soit qu’ils proposaient un modèle de licence perpétuelle. A______ avait indiqué « licences perpétuelles » à la ligne AM1 et B______ avait indiqué dans la description de son logiciel un prix d’une « licence perpétuelle » par poste.
Le dossier d’appel d’offres indiquait au ch. 2.2 page 3 que les soumissionnaires devaient proposer un seul modèle de licence, soit la souscription de licences ou la licence entreprise. Dans l’annexe 1 au cahier des charges relative au prix, il était indiqué que le soumissionnaire devait choisir un des modèles de licence avec lesquels il soumissionnait, soit en souscription, soit entreprises, et que les variantes n’étaient pas admises. Trois concurrents avaient proposé un modèle entreprise et un des souscriptions.
Ils avaient demandé une offre pour quatre ans, ce qui excluait les licences perpétuelles. Les licences perpétuelles ne comprenaient en général pas d’évolution. Avec les licences perpétuelles, les variations en termes d’effectifs ne pouvaient être ajustées.
Si un concurrent offrait vraiment un prix entreprise, alors il devait indiquer pour les licences supplémentaires que le prix était dégressif. Si cela ne ressortait pas du tableau EXCEL, il se comprenait toutefois que le concurrent devait indiquer dans la colonne K précédant immédiatement le prix le modèle de prix dégressif proposé.
Ce qui avait été jugé problématique avec les licences perpétuelles, c’était qu’elles étaient acquises une fois pour toutes et n’offraient pas la même adaptabilité volumétrique.
ib. F______ a déclaré que lorsqu’il avait lu l’appel d’offres, il n’avait pas compris que les licences perpétuelles étaient exclues. Ils avaient hésité entre souscription et entreprise et choisi entreprise pensant que cela coûterait moins cher à l’État.
L’indication « licence perpétuelle » signifiait que l’acquéreur pouvait l’utiliser aussi longtemps qu’il voulait, avec la nuance que l’application pouvait devenir inadaptée avec le temps, en fonction notamment de l’évolution des systèmes d’exploitation ou de sécurité.
L’ajout de la licence perpétuelle ne changeait rien au prix même si l’offre était faite pour quatre ans. Ce qui changeait, c’était la maintenance, qui faisait l’objet de la ligne AN et portait sur la correction de bugs, les mises à jour de sécurité ainsi que l’adaptation au système d’exploitation, étant rappelé que l’évolution pouvait être garantie jusqu’à WINDOWS 12 au moins.
ic. F______, administrateur de la recourante, a indiqué qu’il n’avait pas compris que les licences perpétuelles étaient exclues. Il avait posé la question deux fois sur le site simap concernant les licences entreprise.
Il avait la même analyse que B______ sur le pricing. Leur prix n’aurait pas non plus changé s’ils n’avaient pas indiqué licence perpétuelle. Ce qui faisait la différence était le prix de l’entretien des licences. Au-delà de quatre ans, la maintenance aurait continué d’être facturée pour environ 15% du prix forfaitaire entreprise.
id. La direction générale a indiqué qu’en cas de prolongation d’année en année, jusqu’à six ans, une négociation devait avoir lieu comme prévu au ch. 3.3 p. 5 de l’appel d’offres. Cela expliquait qu’aucun chiffrage n’était demandé dans le cahier des charges.
ie. F______ a précisé que lorsqu’il avait demandé sur le site simap (question 11) si par licence entreprise l’appel d’offres entendait des licences perpétuelles, la réponse était qu’une licence entreprise était vendue en masse. Cela était déterminant dans leur choix de proposer une licence perpétuelle.
if. E______ a indiqué qu’il n’avait pas beaucoup mieux compris les réponses aux questions sur simap. Il avait proposé une licence perpétuelle car elle était plus économique sur le long terme.
ig. La direction générale a expliqué que l’indication du prix de CHF 2'800.- dans l’offre de B______ dans le PV d’ouverture des offres résultait du report de l’indication faite par le concurrent en tête de son offre dans la colonne M, à la ligne « total » suivant la colonne AZ2.
ih. E______ a expliqué qu’il s’agissait d’une erreur. Le total global avec TVA dans la colonne suivante, pour CHF 228'490.97, était correct.
ii. La direction générale a expliqué qu’au moment de faire appel à l’attributaire, ils lui avaient demandé de répondre à une des variantes. B______ avait choisi la variante souscription.
Ils étaient conscients de la problématique du passage à WINDOWS 11 depuis 2023. Ils avaient « questionné » les besoins en prenant en compte l’évolution démographique et la construction de nouveaux locaux. Ils avaient eu des chiffres assez vite pour le cycle d’orientation, et en 2023/2024 pour le post-obligatoire. Il avait également fallu anticiper les coûts du marché. Les licences de laboratoire de langues acquises jusque-là étaient perpétuelles, et l’État payait en plus le support et la maintenance. Les produits acquis de cette manière devenaient obsolètes. Avec le nouveau modèle, l’entretien était compris dans le marché, et au lieu d’être à la charge du service écoles et médias (ci-après : SEM), il était à la charge comptable des établissements utilisant le logiciel.
B______ avait déjà été l’un des fournisseurs de l’État pour les logiciels de laboratoire de langues. Cela avait été sans effet sur le fait qu’ils avaient contacté B______ pour le marché de gré à gré. S’ils avaient lancé le marché ouvert, c’était pour bien éviter tout favoritisme.
B______ avait été contactée car elle était en première position. En fait, elle était en deuxième position. D______ était en première position. Les deux sociétés avaient été contactées. A______ était arrivée en quatrième position.
Quand bien même ils savaient que les offres devaient toutes être exclues parce qu’elles ne répondaient pas aux critères essentiels de l’appel d’offres, ils avaient quand même procédé à une évaluation des quatre concurrents selon les critères mentionnés dans l’appel d’offres, par souci d’impartialité.
La première évaluation était sur la base des offres écrites. Puis ils avaient testé les solutions des concurrents arrivés aux deux premières places. Ils n’avaient pas testé les solutions des deux autres concurrents.
Les deux sociétés contactées avaient fait des offres et ils avaient testé leurs solutions respectives. B______ avait remporté le marché car D______ ne répondait pas à certaines exigences techniques du marché.
Les offres RFI, de l’étude de marché, étaient attendues pour le 25 septembre 2024. Leur analyse avait aussitôt démarré. Ils avaient eu un échange avec A______ le 14 octobre 2024 et reçu une réponse de celle-ci le 23 octobre 2024. Ils avaient démarré l’établissement du cahier des charges aussitôt après. Celui-ci avait été finalisé le 13 décembre 2024, soit dans un délai très rapide sachant qu’il avait fallu valider certaines exigences métier des utilisateurs. Le cahier des charges avait ensuite été finalisé par le service juridique et la parution, prévue au 12 février 2025, avait pu avoir lieu le 6 février 2025 déjà.
ij. E______ a indiqué que le logiciel proposé dans le marché de gré à gré était le même que celui proposé dans l’offre initiale. Aussi longtemps que la maintenance était payée, le logiciel avait la même vie, qu’il soit acquis par souscription ou entreprise.
ik. La direction générale a indiqué que ce qui changeait, c’était le prix.
il. E______ a indiqué que pour eux, le prix d’une licence perpétuelle équivalait à une location pendant sept ans. S’ils avaient offert une solution souscription, ils auraient pris le prix entreprise divisé par sept et l’auraient appliqué à chacune des années.
im. F______ a déclaré que s’il avait choisi la souscription, il aurait certainement pris le prix proposé pour la solution entreprise et l’aurait divisé par six (4 + 2), étant précisé qu’il aurait d’abord interrogé son partenaire G______. Cela n’aurait eu aucun impact sur l’obsolescence, puisque la maintenance comprenait l’adaptation à l’environnement, y compris le système d’exploitation, y compris au-delà de WINDOWS 12, tant que le client payait la maintenance. La maintenance permettrait également d’ajouter de nouvelles fonctionnalités.
in. La direction générale a ajouté que la licence perpétuelle était avantageuse pour le prestataire car elle était payée en une fois. La souscription était avantageuse pour le client car elle permettait d’adapter le coût aux besoins.
Dans l’appel d’offres, il était indiqué dans l’introduction que le contrat serait conclu sans aucun engagement de l’État de Genève, que ce soit globalement, annuellement ou par commande. Cette rubrique permettait de renégocier à la baisse, y compris le volume fixe de 28 classes de la ligne AM.
Ils organisaient de très nombreux marchés publics portant sur l’acquisition de logiciels. Ceux-ci étaient tous organisés de la même manière, notamment en ce qui concernait la formulation des prix, et ils n’avaient jamais rencontré de problème de compréhension des typologies.
Ils avaient été très surpris que les quatre soumissionnaires se trompent car lors de la phase RFI, ils n’avaient eu aucune demande de clarification. C’était dire qu’ils avaient été surpris lorsqu’ils avaient reçu les questions dans le cadre de l’appel d’offres, et ce pour deux raisons. D’abord, ils s’attendaient à avoir devant eux des experts, qui connaissaient la typologie des licences standard, et deuxièmement ils se demandaient pourquoi ils n’avaient pas abordé le sujet.
S’agissant de la réponse à la question n° 11, elle indiquait implicitement que les licences perpétuelles n’étaient pas acceptées. Il fallait soit une licence en souscription soit une licence entreprise.
io. F______ a précisé que dans la RFI, la licence perpétuelle était l’une des trois options. Comme elle était exclue dans l’appel d’offres, il avait posé la question.
ip. Les parties ont été informées qu’à réception des pièces à produire par la direction générale, un bref délai leur serait imparti pour se déterminer, après quoi la cause serait gardée à juger.
j. Le 8 août 2025, la direction générale a produit la documentation de la RFI, la synthèse des réponses des entreprises et l’échange de correspondance avec A______.
k. Le 18 août 2025, la direction générale a persisté dans ses conclusions et son argumentation.
Un deuxième élément démontrant que la documentation de l’appel d’offres excluait les licences perpétuelles était qu’elle demandait une offre pour quatre ans, alors que dans le RFI une seule ligne était prévue pour l’offre de licences perpétuelles et quatre pour les licences en souscription ou entreprise.
La licence perpétuelle était payée une fois et valable indéfiniment. Elle ne permettait pas d’augmenter ou de diminuer le nombre des licences. La licence entreprise visait en revanche l’acquisition d’un volume important ou illimité du nombre des licences. Elle permettait l’utilisation sur de nombreux appareils ou par de nombreux utilisateurs différents au sein d’un établissement.
La recourante aurait dû recourir contre l’appel d’offres si elle avait estimé sa formulation ambiguë ou les réponses à ses questions insatisfaisantes. Elle n’avait pas non plus recouru contre la décision d’exclusion, alors que celle-ci indiquait sans équivoque le motif d’exclusion. Elle ne l’avait pas fait et tentait de faire croire qu’elle ignorait que le modèle de licence perpétuelle était exclu. Elle avait proposé une licence perpétuelle et indiqué que ce choix était déterminant pour elle.
Si la direction générale avait entendu relancer un appel d’offres, elle aurait dû l’indiquer dans sa décision d’interruption, comme le prescrivait l’art. 47 al. 2 RMP.
l. Le 18 août 2025, A______ a persisté dans ses conclusions.
m. B______ ne s’est pas déterminée.
n. Le 25 août 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 15 al. 1bis let. d et al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 – L‑AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 RMP).
2. La recourante a conclu à titre préliminaire à la production complète des échanges entre l’adjudicateur et l’attributaire concernant la mise en place d’un processus de gré à gré.
2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).
2.2 En l’espèce, il sera vu plus loin que les modalités de l’attribution du marché de gré à gré à B______ ont été suffisamment éclairées par l’audition de la direction générale pour permettre de décider si les conditions d’un recours à un marché de gré à gré étaient remplies, les détails et la documentation de l’attribution n’étant pas nécessaires à la solution du litige.
Il n’y a ainsi pas lieu d’ordonner la production de cette documentation.
3. L’autorité adjudicatrice soutient tout d’abord que le recours est irrecevable, faute pour la recourante d’avoir attaqué à temps l’interruption de la procédure.
3.1 La qualité pour recourir dans le domaine des marchés publics, qui ne contient pas de règles spécifiques en la matière (ATF 141 II 14 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2021 du 29 novembre 2022 consid. 1.3.2), se définit en fonction des critères de l'art. 60 al. 1 let. a et b LPA (ATA/871/2023 du 22 août 2023 consid. 1.3).
3.2 À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/454/2021 du 27 avril 2021 consid. 2a). Les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/599/2021 du 8 juin 2021 consid. 8a).
3.3 Selon la jurisprudence, le soumissionnaire évincé dispose d'un intérêt juridique lorsqu'il avait, avant la conclusion du contrat, des chances raisonnables de se voir attribuer le marché en cas d'admission de son recours. L’intérêt juridique du soumissionnaire évincé a été retenu lorsque celui-ci avait été classé au deuxième rang derrière l'adjudicataire et qu'il aurait, en cas d'admission de son recours, disposé d'une réelle chance d'obtenir le marché (ATF 141 II 14 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_39/2014 du 26 juillet 2014 consid. 1.1 ; 2C_346/2013 du 20 janvier 2014 consid. 1.4.1). La jurisprudence a également admis cet intérêt par rapport au soumissionnaire qui, bien que classé en troisième position, était séparé du deuxième classé de quelques points seulement (arrêt du Tribunal fédéral 2D_50/2009 du 25 février 2010 consid. 4.1). Il en va différemment pour le soumissionnaire en quatrième position, sauf dans le cas où la différence entre les première et quatrième places est en termes absolus et relatifs minime (ATF 141 II 14 consid. 4.1 p. 27 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_21/2018 du 19 février 2019 consid. 2.2 ; 2D_33/2018 du 13 novembre 2018 consid. 1.2 ; 2D_34/2018 du 17 août 2018 consid. 1.2.2 ; 2D_24/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.2 ; 2D_50/2009 du 25 février 2010 consid. 1.2).
3.4 En matière d’adjudications de gré à gré, le Tribunal fédéral a jugé que la qualité pour recourir n'appartient en principe qu'aux entreprises qui démontrent être des soumissionnaires potentiels pour le marché en question, en rendant plausibles non seulement leur capacité réelle, mais aussi leur intention de déposer une offre en rapport avec l'objet du marché défini par l'adjudicateur (arrêts du Tribunal fédéral 2C_196/2023 du 7 février 2024 consid. 1.3.2 ; 2C_50/2022 du 6 novembre 2023 consid. 5.3 ; ATF 137 II 313 consid. 3.3.2).
3.5 Dans un arrêt de 2020, la chambre de céans a admis la recevabilité du recours d’un concurrent qui attaquait une décision d’attribution de gré à gré publiée sur simap.ch, a annulé la décision et renvoyé la cause à l’autorité adjudicatrice pour l’organisation d’un appel d’offres au sens des considérants (ATA/761/2020 du 18 août 2020).
3.6 En l’espèce, la recourante conclut à l’annulation des décisions du 15 avril 2025 – prononçant son élimination et annonçant l’interruption du marché – et du 16 mai 2025 – attribuant le marché de gré à gré à B______.
Selon les art. 55 let. c et d et 56 al. 1 RMP, le délai pour former recours contre les décisions d’exclusion et d’interruption est de 10 jours. Il suit de là que le recours formé le 28 mai 2025 est tardif et partant irrecevable en tant qu’il vise la décision du 15 avril 2025.
En revanche, en tant qu’il porte sur la décision d’adjudication du 16 mai 2025, publiée le 20 mai 2025 sur le site simap.ch, le recours déposé le 28 mai 2025 a été formé en temps utile.
Pour le surplus, la jurisprudence précitée a admis la qualité pour recourir d’un concurrent démontrant être un soumissionnaire potentiel et rendant plausibles non seulement sa capacité réelle, mais aussi son intention de déposer une offre en rapport avec l'objet du marché défini par l'adjudicateur.
Cette qualité doit être reconnue en l’espèce à la recourante, dès lors qu’elle avait soumis une offre pour le marché initial qui a été interrompu, qu’elle a expliqué qu’elle se tenait ensuite prête à soumettre une nouvelle offre dans le nouveau marché qu’elle attendait de voir publié après l’interruption et que l’autorité adjudicatrice a admis que le cahier des charges était demeuré le même pour l’attribution de gré à gré.
La direction générale fait valoir que la décision d’annulation n’indiquait pas qu’un nouvel appel d’offres serait publié, comme le prévoit pourtant l’art. 47 al. 2 RMP, si bien que la recourante, qui affirme avoir cru que tel serait le cas, n’avait pas prêté l’attention voulue.
Cette circonstance est cependant sans effet sur sa qualité pour recourir, étant observé que la recourante ne pouvait quoi qu’il en soit pas s’attendre au choix par l’autorité de la procédure de gré à gré, qu’elle n’a découvert que lors de la publication de l’attribution.
Il ne pouvait ainsi être attendu de la recourante qu’elle attaque son exclusion – ce que l’autorité ne soutient d’ailleurs pas – ni l’interruption concomitante du marché. La recourante n’avait d’autre choix, si elle voulait faire constater le caractère illicite du choix de la procédure de gré à gré et préserver ses droits, que d’attaquer celui-ci au moment de l’attribution, une solution qui correspond d’ailleurs à celle retenue par la jurisprudence précitée.
Son recours est recevable en tant qu’il porte sur la décision du 16 mai 2025 et le moyen de l’irrecevabilité sera écarté.
4. Le litige a pour objet le bien-fondé de l’attribution du marché de gré à gré à B______.
4.1 L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés et à transposer les obligations découlant de l'accord sur les marchés publics conclu à Marrakech le 15 avril 1994 (AMP - RS 0.632.231.422) ainsi que de l’accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 let. a et b AIMP).
4.2 Selon l’art. XIII AMP, à condition qu’elle n’utilise pas la disposition dans le but d’éviter la concurrence entre les fournisseurs ou d’une manière qui établit une discrimination à l’égard des fournisseurs de toute autre Partie, ou protège les fournisseurs nationaux, une entité contractante peut recourir à l’appel d’offres limité notamment dans les cas où : (i) aucune soumission n’a été présentée ou aucun fournisseur n’a demandé à participer, (ii) aucune soumission conforme aux prescriptions essentielles énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres n’a été présentée, (iii) aucun fournisseur ne satisfait aux conditions de participation, ou (iv) les soumissions présentées ont été concertées, et ce à condition que les prescriptions énoncées dans la documentation relatives à l’appel d’offres ne soient pas substantiellement modifiées (let. a) ; dans la mesure où cela est strictement nécessaire, dans les cas où, pour des raisons d’extrême urgence dues à des événements qui ne pouvaient pas être prévus par l’entité contractante, l’appel d’offres ouvert ou sélectif ne permettrait pas d’obtenir les marchandises ou les services en temps voulu (let. d).
4.3 L’art. 13 let. i AIMP prévoit que les dispositions d’exécution cantonales doivent garantir la possibilité d'interrompre et de répéter la procédure de passation en cas de justes motifs uniquement. Selon l’art. 12 al. let. c AIMP, est une procédure de gré à gré celle où l’adjudicateur adjuge le marché directement à un soumissionnaire, sans procéder à un appel d’offres. L’art. 12A al. 1 AIMP prévoit que les marchés soumis aux traités internationaux peuvent, au choix, être passés selon la procédure ouverte ou la procédure sélective. Dans des cas particuliers déterminés par les traités eux-mêmes, ils peuvent être passés selon la procédure de gré à gré.
4.4 Selon l’art. 21 al. 2 de l’accord intercantonal sur les marchés public du 1er novembre 2019 (AIMP 2019), non applicable à ce jour aux marchés publics genevois, l’adjudicateur peut adjuger un marché de gré à gré sans considération des valeurs seuils lorsqu’une des conditions suivantes est remplie : (a) aucune offre ou demande de participation n’est présentée dans le cadre de la procédure ouverte, sélective ou sur invitation, aucune offre ne satisfait aux exigences essentielles de l’appel d’offres ou ne respecte les spécifications techniques ou aucun soumissionnaire ne répond aux critères d’aptitude ; (b) des indices suffisants laissent penser que toutes les offres présentées dans le cadre de la procédure ouverte, sélective ou sur invitation résultent d’un accord illicite affectant la concurrence ; (c) un seul soumissionnaire entre en considération en raison des particularités techniques ou artistiques du marché ou pour des motifs relevant de la protection de la propriété intellectuelle, et il n’existe pas de solution de rechange adéquate ; (d) en raison d’événements imprévisibles, l’urgence du marché est telle que, même en réduisant les délais, une procédure ouverte, sélective ou sur invitation ne peut être menée à bien ; (e) un changement de soumissionnaire pour des prestations destinées à remplacer, à compléter ou à accroître des prestations déjà fournies n’est pas possible pour des raisons économiques ou techniques ou entraînerait des difficultés importantes ou une augmentation substantielle des coûts ; (f) l’adjudicateur achète de nouvelles marchandises (prototypes) ou des prestations d’un nouveau genre qui ont été produites ou mises au point à sa demande dans le cadre d’un marché de recherche, d’expérimentation, d’étude ou de développement original ; (g) l’adjudicateur achète des prestations sur un marché de produits de base ; (h) l’adjudicateur peut acheter des prestations à un prix nettement inférieur aux prix usuels à la faveur d’une offre avantageuse limitée dans le temps (notamment dans le cas de liquidations ; (i) l’adjudicateur adjuge le marché complémentaire au lauréat d’un concours d’études ou d’un concours portant sur les études et la réalisation ou au lauréat d’une procédure de sélection liée à des mandats d’étude ou à des mandats portant sur les études et la réalisation ; les conditions suivantes doivent être remplies : (1) la procédure précédente a été organisée dans le respect des principes de l’AIMP 2019 ; (2) les propositions de solutions ont été jugées par un jury indépendant ; (3) l’adjudicateur s’est réservé dans l’appel d’offres le droit d’adjuger le marché complémentaire selon une procédure de gré à gré.
4.5 Selon l’art. 15 RMP, la procédure de gré à gré consiste à adjuger directement le marché à un prestataire (al. 1). Le recours à la procédure de gré à gré est possible, pour les marchés non soumis aux traités internationaux, si la valeur du marché ne dépasse pas les seuils indiqués dans l'annexe 2 (al. 2). Au-dessus de ces seuils, ou si le marché est soumis aux traités internationaux, l'autorité adjudicatrice ne peut recourir à la procédure de gré à gré que dans le cas où, entre autres (al. 3) : dans le cadre d’un appel d’offres, aucune offre n’est présentée ou aucun soumissionnaire ne remplit les conditions de participation et/ou les critères d'aptitude (let. a), les offres ont été concertées ou ne satisfont pas aux exigences essentielles de l’appel d’offres (let. b), un seul prestataire entre en considération en raison des particularités techniques ou artistiques du marché ou pour des motifs relevant du droit de la propriété intellectuelle (let. c), en raison d’événements imprévisibles, l’urgence du marché est telle qu’il est impossible de suivre une autre procédure (let. d) et en raison d'événements imprévisibles, des prestations supplémentaires sont nécessaires pour exécuter ou compléter un marché adjugé sous le régime de la libre concurrence et elles ne peuvent être séparées du marché initial sans causer des difficultés importantes à l’autorité adjudicatrice pour des raisons techniques ou économiques, la valeur des prestations supplémentaires ne devant pas dépasser la moitié de la valeur du marché initial (let. e).
4.6 Selon l’art. 47 al. 1 RMP, la procédure peut être interrompue pour de justes motifs ou raisons importantes, notamment lorsque : (a) l'autorité adjudicatrice a reçu un nombre insuffisant d'offres pour adjuger le marché dans une situation de concurrence efficace, (b) les offres ont été concertées, (c) un abandon ou une modification importante du projet est nécessaire ; (d) toutes les offres dépassent le montant du budget prévu ou octroyé pour le marché. Selon l’al. 2 de la même disposition, l'autorité adjudicatrice rend une décision d'interruption sommairement motivée, notifiée soit par publication sur le site simap.ch soit par courrier aux intéressés, avec mention des voies de recours. Cette décision indique le cas échéant s'il est prévu de renouveler la procédure.
4.7 L’interruption, la répétition ou le renouvellement de la procédure n’est possible qu’à titre exceptionnel et suppose un motif important. Cette règle existe aussi pour les marchés publics soumis au droit fédéral (ATF 141 II 353 consid. 6.1 ; 134 II 192 consid. 2.3 = SJ 2009 I 197). L’interruption du marché – ce qui suppose l’annulation de tous les actes déjà accomplis – apparaît donc comme une ultima ratio (ATF 141 II 353 consid. 6.1 ; Peter GALLI/André MOSER/Élisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 2013, n. 799).
4.8 Selon l'art. 39 RMP, l'autorité adjudicatrice examine la conformité des offres au cahier des charges et contrôle leur chiffrage (al. 1). Les erreurs évidentes, telles que les erreurs de calcul et d'écriture, sont corrigées (al. 2 1re phr.).
L'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L'autorité adjudicatrice rend une décision d'exclusion motivée, notifiée par courrier à l'intéressé, avec mention des voies de recours (art. 42 al. 3 RMP).
Les principes d'égalité de traitement et de transparence valent notamment pour la phase d'examen de la recevabilité des soumissions, lors de laquelle l'autorité adjudicatrice examine si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d'évaluation. Ils imposent ainsi de n'apprécier les offres que sur la base du dossier remis, un soumissionnaire n'étant pas habilité à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents après l'échéance du délai, ce qui découle de l'art. 11 let. c AIMP qui proscrit les négociations entre l'entité adjudicatrice et les soumissionnaires. Le pouvoir adjudicateur n'a pas la faculté de modifier les critères d'aptitude ou d'adjudication après le dépôt des offres, à défaut de quoi il s'expose au soupçon de manipulation du marché (ATA/349/2023 du 4 avril 2023 consid. 3.2 et les références citées).
Le droit des marchés publics est formaliste, ce que la chambre administrative a rappelé à plusieurs reprises (ATA/1090/2024 du 17 septembre 2024 consid. 3.6 et les références citées), notamment lorsqu'elle a confirmé des décisions d'exclusion d'offres fondées sur la non-production des attestations requises dans l'appel d'offres au titre de condition de participation à la procédure de soumission (ATA/604/2021 du 8 juin 2021 consid. 8 ; ATA/188/2021 du 23 février 2021 consid. 5). L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP. Le respect de ce formalisme est nécessaire pour concrétiser l'obligation d'assurer l'égalité de traitement entre soumissionnaires dans la phase d'examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation (ATA/496/2024 du 16 avril 2024 consid. 3.2). La conformité au droit de cette approche formaliste a été confirmée par le Tribunal fédéral (ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.4).
Toutefois, l'interdiction du formalisme excessif interdit d'exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité ou affectée d'un vice qui ne compromet pas sérieusement l'objectif visé par la prescription formelle violée (ATF 141 II 353 consid. 8.2.1). Le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à une demande de renseignements à ces derniers que de manière restrictive. L'autorité adjudicatrice dispose d'un certain pouvoir d'appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres (ATA/349/2023 précité consid. 3.2.1 et les références citées). L'interdiction du formalisme excessif ne l'oblige cependant pas à interpeller un soumissionnaire en présence d'une offre défaillante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.5).
4.9 L’urgence à attribuer un marché n’est admise que de manière restrictive. Dans son planning, l’autorité doit tenir compte de la possibilité de recours (ATA/842/2024 du 11 juillet 2024 consid. 7). Il peut être attendu de l’autorité qu’elle choisisse une autre procédure, ainsi une procédure ouverte avec des délais raccourcis au lieu d’une procédure sur invitation (ATF 141 II113 consid. 5.6).
4.10 C’est à l’adjudicateur qu’il appartient de démontrer que les conditions d’application de la circonstance exceptionnelle justifiant la procédure de gré à gré sont réunies (ATF 150 II 205 consid. 5.9 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [TAF] B-1570/2015 du 7 octobre 2015 consid. 2.3 ; ATA/761/2020 précité consid. 7).
5. En l’espèce, le marché est soumis aux traités internationaux de sorte que, indépendamment de sa valeur, le recours à la procédure de gré à gré doit répondre à l’une des hypothèses de l’art. 15 al. 3 RMP.
L’autorité adjudicatrice explique avoir recouru au marché de gré à gré et attribué le marché à B______ après avoir éliminé tous les soumissionnaires au motif que leurs offres ne respectaient pas une condition essentielle de l’appel d’offres, comme le prévoit l’art. 15 al. 3 let. b RMP.
Il y a ainsi lieu de déterminer si l’exclusion des licences perpétuelles constituait bien une condition de l’appel d’offres.
La chambre de céans constate que cette condition n’est mentionnée ni dans la publication, ni dans le cahier d’appel d’offres ni dans ses annexes.
L’autorité adjudicatrice fait valoir qu’elle se déduisait d’une part de la chronologie entre la RFI et l’appel d’offres et d’autre part de la présentation des possibilités dans le tableau à compléter.
Sur le principe, il paraît exclu que, dans une matière aussi formaliste que le droit des marchés publics, une condition – a fortiori essentielle – à respecter ne doive pas être signalée expressément et explicitement, et qu’on puisse attendre des soumissionnaires qu’ils l’infèrent des circonstances (ATA/785/2025 du 22 juillet 2025 consid. 3.4).
Il ressort des enquêtes qu’aucun des soumissionnaires n’a compris que les licences perpétuelles étaient exclues et que cela constituait une condition essentielle, et que tous ont été éliminés pour cette raison.
À cela s’ajoute que, lorsque la recourante a explicitement demandé (question 11) : « par licence entreprise vous entendez licences perpétuelles ? », l’autorité adjudicatrice n’a pas répondu par la négative ni indiqué que les licences perpétuelles étaient exclues.
Il ne peut ainsi être reproché à l’ensemble des soumissionnaires de n’avoir pas compris que l’exclusion des licences perpétuelles constituait une condition, et encore moins une condition essentielle, de l’appel d’offres.
L’exclusion des licences perpétuelles ne constituant pas une condition du marché, l’autorité adjudicatrice échoue à prouver qu’aucune des offres ne répondait aux exigences essentielles de l’appel d’offres au sens de l’art. 15 al. 3 let. b RMP et qu’elle pouvait procéder à un marché de gré à gré.
S’agissant de l’urgence, la chambre de céans a retenu dans sa décision sur mesures provisionnelles que l’autorité adjudicatrice ne soutenait pas qu’elle ne pourrait temporairement mettre en place une autre pratique des langues vivantes sans causer de préjudice aux élèves ni consacrer de violation des objectifs du plan d’études romand. L’autorité adjudicatrice ne fait pas non plus valoir d’événement imprévisible en raison duquel l’urgence du marché serait telle qu’il serait impossible de suivre une autre procédure que la procédure de gré à gré, comme le prévoit l’art. 15 al. 3 let. d RMP. Pour le surplus, il est de jurisprudence constante que le pouvoir adjudicateur doit prévoir dans son échéancier une phase correspondant à une éventuelle procédure de recours (ATA/842/2024 précité).
Aucune autre hypothèse de l’art. 15 al. 3 RMP n’entre en ligne de compte.
La décision de recourir à un marché de gré à gré étant contraire au droit, le recours sera admis, la décision d’adjudication annulée et la cause renvoyée à l’autorité adjudicatrice pour qu’elle publie un nouvel appel d’offres, voire recoure à une procédure sur invitation (art. 14 RMP) comprenant en tout cas les soumissionnaires qu’elle a exclus de la première procédure de manière contraire au droit.
6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'200.-, tenant compte de la décision sur mesures provisionnelles et l’audience de comparution personnelle des parties, sera mis à la charge de B______ SA, qui a conclu au rejet du recours (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de CHF 1’200.- sera allouée à la recourante, à la charge solidaire de l’État de Genève et de B______ SA.
* * * * *
PAR CES MOTIFS
 LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
déclare irrecevable le recours interjeté le 28 mai 2025 par A______ Sàrl en tant qu’il est formé contre la décision de la direction générale des finances de l’État de Genève du 15 avril 2025 ;
l’admet en tant qu’il est formé contre la décision de la direction générale des finances de l’État de Genève du 16 mai 2025 ;
annule la décision du 16 mai 2025 ;
retourne la cause à la direction générale des finances de l’État de Genève pour organisation d’un marché au sens des considérants ;
met un émolument de CHF 1'200.- à la charge de B______ SA ;
alloue une indemnité de procédure de CHF 1'200.- à A______ Sàrl, à la charge solidaire de l’État de Genève et de B______ SA ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public :
si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;
s'il soulève une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Damien LEDERMANN, avocat de la recourante, à B______ SA, à la direction générale des finances de l'État ainsi qu’à la commission de la concurrence.
Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| le greffier-juriste : 
 
 F. SCHEFFRE 
 | 
 | la présidente siégeant : 
 
 E. McGREGOR | 
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le 
 
 
 
 
 | 
 | la greffière : 
 
 
 
 |