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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/298/2024

ATA/698/2025 du 24.06.2025 sur JTAPI/1276/2024 ( DOMPU ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/298/2024-DOMPU ATA/698/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 juin 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre


VILLE DE GENÈVE - SERVICE DE LA VOIRIE intimée

_________




Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2024 (JTAPI/1276/2024)


EN FAIT

A. a. Par décision du 22 janvier 2024, la Ville de Genève (ci-après : la ville), soit pour elle son service Voirie-Ville propre, a infligé à A______, propriétaire de l'immeuble, sis rue B______ 35 à Genève, une amende administrative de CHF 400.- au motif « conteneur-s non rentré-s après la collecte ».

Le constat de cette infraction avait eu lieu le 10 janvier 2024 à 16h12 à la rue B______ (angle de la rue C______).

b. Par acte du 27 janvier 2024, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci- après : TAPI), concluant à son annulation.

Ce recours a été inscrit le 27 janvier 2024 sous le numéro de cause A/298/2024.

c. La ville a conclu au rejet du recours. La présence du conteneur litigieux sur la voie publique avait été constatée le mercredi 10 janvier 2024, à 16h12, alors que la collecte avait eu lieu deux jours auparavant, soit le lundi 8 janvier 2024, pendant les premières heures de la matinée. Lorsqu’il avait été joint par les contrôleurs du domaine public le vendredi 12 janvier 2024, le propriétaire avait reconnu disposer d’un service d’immeuble, tout en spécifiant que celui-ci n'était pas en charge de la gestion des conteneurs, tâche accomplie par un locataire. Deux précédentes infractions similaires, commises les 24 août et 6 novembre 2023 avaient donné lieu à des sensibilisations auprès du concierge, lequel était censé avoir fait remonter l’information au propriétaire. La tenue du marché de la rue B______ les lundis et jeudis, de 04h00 à 15h00 ne pouvait justifier le non-respect des règles en vigueur en matière de gestion des déchets.

À l'appui de sa détermination, la ville a notamment produit :

-          le constat d’infraction du 10 janvier 2024, à 16h12. Parmi le choix « flagrant délit ; reconnaissance des faits, pas de réponse à l’avis de passage/courrier », il est coché « reconnaissance des faits » ;

-          copie d’un courriel du 25 mars 2024, adressé par D______, de la ville, à E______, cheffe de la section « amendes et contentieux » de la ville, comprenant un extrait de la main-courante selon lequel A______ avait reconnu avoir reçu les documents « infos déchets 2023 et 2024 », que la ville avait eu contact avec son concierge à plusieurs reprises, lequel aurait dû annoncer le problème au propriétaire, qu'il y avait eu récidive le 7 mars 2024. Il était encore mentionné ce qui suit :

 

« 10.01.2024 à 16h12 :

-          Un conteneur non rentré de la collecte du jour.

-          Autocollant.

-          Recherches MC : déjà un précédent le 06.11.2023.

-          Appel au concierge qui me confirme qu'il n'est pas responsable de rentrer/sortir les conteneurs.

-          Appel à la régie : fermée.

-          Recherches registre foncier et centrale AMP. Le propriétaire habite sur place. Contrôle des boîtes aux lettres.

-          Déposé avis de passage car de nombreuses portes d'entrée d'appartements ».

d. Dans sa réplique, le propriétaire a relevé que l’amende était datée du 10 janvier 2024, soit un mercredi. La levée des ordures ménagères ayant lieu les lundis et jeudis, cela laissait entendre que le conteneur était resté sur la voie publique plus de deux jours. Or, plusieurs locataires, dont il mentionnait les noms, pouvaient témoigner qu’ils avaient pu déposer leurs ordures dans le conteneur entreposé dans le local à vélos du lundi après-midi au mercredi soir.

De plus, l’avis de passage, trouvé dans sa boîte aux lettres le 12 janvier, mentionnait la date du 11 janvier 2024, 16h35. Il le produisait.

e. Dans sa duplique, la ville a relevé que la date figurant sur l’avis de passage était celle à laquelle ledit avis avait été déposé dans la boîte aux lettres et non pas celle du constat de l’infraction. Il n’était pas rare que ces dates ne soient pas les mêmes, en fonction des tournées des contrôleurs du domaine public. En l’occurrence, l’avis de passage avait été déposé le 11 janvier 2024 à 16h35, pour une infraction constatée le 10 janvier 2024 à 16h12. En tout état, les éléments figurant sur un avis de passage, quand bien même auraient-ils été erronés, n’étaient pas constitutifs d’un vice de procédure, l’amende et le constat d’infraction seuls faisant foi.

f. Le propriétaire a produit le témoignage écrit de F______, soit le locataire qui avait sorti et rentré le conteneur ces jours-là, lequel était aussi un agent cantonal assermenté.

Selon ce document, F______ résidait directement au-dessus du local vélos-poubelles et était particulièrement attentif à sortir le conteneur à ordures dans la rue deux fois par semaine. C'était indifféremment n'importe quel locataire de l'immeuble qui le rentrait, dès que le ramassage des ordures était effectué et que le conteneur vide était posé devant l'immeuble.

À son souvenir, le jeudi 11 janvier 2024, entre 9h00 et 10h30, il avait déposé le conteneur, au coin des rues B______ et C______. La voirie était passée ramasser les ordures entre 12h00 et 13h30, généralement plutôt vers 13h30, voire même plus tard, après le départ des commerçants et le passage de la nettoyeuse, le jeudi étant un jour de marché. Ce jour-là, par inadvertance ou fatigue de fin de journée, le conteneur avait été déposé à la rue C______. En fin de journée, par habitude, il avait jeté un coup d’œil pour voir si le conteneur avait été rentré par un des locataires. Ne le voyant pas, il était parti du principe que tout était en ordre.

Le 11 janvier à 16h35, un constat d'infraction avait été établi par un agent municipal et un avis collé sur le conteneur, qui était toujours à la rue C______. Un avis de passage avait été déposé dans la boîte aux lettres du propriétaire, daté du 11 janvier à 16h35. Le vendredi 12 janvier, entre 09h30 et 13h30, en allant dans le local vélos‑poubelles, il avait constaté que le conteneur n’avait pas été rentré et que des sacs poubelles avaient été déposés en lieu et place. Il avait découvert le conteneur dans la rue C______, entre deux voitures, avant de le rentrer dans le local. Selon l’agent municipal et le constat d’infraction, celle-ci avait été constatée le mercredi 10 janvier à 16h12, laissant supposer que le conteneur n’était pas dans le local vélos‑poubelles depuis le lundi 8 janvier matin. Dans un immeuble d’une dizaine d’appartements, dont deux avec bébés, disposant d’un seul conteneur à ordures, ledit conteneur était plein la veille de chaque levée des ordures. Une absence de conteneur pendant trois jours aurait équivalu à un amas de sacs poubelles et à une odeur particulièrement perceptible, amenant à une récrimination immédiate des locataires. De plus, usager cycliste, il accédait régulièrement au local vélos‑poubelles et il aurait donc remarqué le mardi 9 janvier au plus tard l’absence du conteneur, étant précisé que les autres usagers du local s’en seraient certainement aussi inquiétés. Cela étant, ce qui était sûr et qu'il ne contestait pas, c’était que ledit conteneur était resté dans la rue, ou plus exactement dans la mauvaise rue, du 11 janvier au 12 janvier, pour les raisons évoquées ci-dessus et, donc, qu’un avis d’infraction daté du 11 ou du 12 janvier aurait été justifié, pour un retard de 24 heures.

g. La ville a persisté dans ses conclusions évoquant deux cas de récidive.

B. a. Par décision du 28 mars 2024, la ville a infligé à A______ une amende administrative de CHF 800.- pour n’avoir pas rentré un ou plusieurs conteneur(s) après la collecte, selon constat d'infraction du 7 mars 2024 à 18h58, à la rue B______ 37.

b. Par acte du 25 avril 2024, le propriétaire a interjeté recours contre cette décision auprès du TAPI, concluant à la réduction de l’amende prononcée à son encontre et à ce que celle-ci soit fixée à CHF 200.-.

Il avait certes reçu une première amende, datée du 22 janvier 2024, pour les mêmes motifs, mais il avait fait recours auprès du TAPI, contestant le fait qu’il y avait eu infraction. Ainsi, le motif de récidive ne lui paraissait pas pertinent.

Ce recours a été inscrit le 25 mai 2024 sous le numéro de cause A/1404/2024.

C. a. Par décision du 23 mai 2024, la ville a infligé au propriétaire une amende administrative de CHF 1'600.-, pour n’avoir pas rentré un ou plusieurs conteneur(s) après la collecte, selon constat d'infraction du 16 mai 2024, à 18h25, à la rue B______ 35.

b. Par acte du 22 juin 2024, daté du 21 mai 2024, le recourant a interjeté recours contre cette décision, concluant à ce qu’il soit exempté du paiement de cette amende et à ce que la voirie la ré-adresse au responsable si elle le jugeait nécessaire.

Pour éviter de nouveaux incidents et amendes, étant rappelé qu'il avait formé recours contre les sanctions des 22 janvier et 28 mars 2024, dès lors qu'il avait été absent, il avait formellement mandaté un locataire, soit G______, pour sortir et rentrer les conteneurs. Le 16 mai 2024, le conteneur était resté sur l’espace public au-delà des horaires imposés par la voirie. Aussitôt averti, le locataire avait téléphoné à l’agent pour s’en excuser et avait reconnu sa responsabilité. Ce nonobstant, la voirie refusait de le décharger de sa responsabilité, au prétexte qu’il ne pouvait pas « laisser le soin à un locataire de gérer les sorties et rentrées des conteneurs et ne pas engager, pour ce faire, une entreprise de nettoyage ou un concierge attitré, [au motif que] les prescriptions en vigueur concernant la rentrée des conteneurs n'étaient pas respectées ». L’emploi d’un concierge n’était, à sa connaissance, pas une obligation et n’était aucunement une garantie du respect desdites prescriptions ; tous les concierges et employés de conciergerie interrogés avaient été verbalisés pour une ou plusieurs négligence(s) ou inattention(s), qui ne constituai(en)t pas des « incivilités » volontaires.

D. a. Par jugement du 19 décembre 2024, le TAPI a joint les procédures A/298/2024, A/1404/2024 et A/2108/2024 sous le numéro de cause A/298/2024, admis partiellement les recours ; annulé les décisions des 22 janvier, 28 mars et 23 mai 2024 et infligé au recourant une amende d'un montant total de CHF 1'800.-.

Le recourant avait été amendé trois fois à différents moments pour ne pas avoir rentré son conteneur aux heures indiquées par la ville. Bien que les amendes prononcées sanctionnaient trois comportements identiques à des dates différentes, les deuxième et troisième amendes avaient été prononcées alors que la première, puis la deuxième n'étaient ni entrées en force ni exécutoires vu le recours, de sorte que l'autorité intimée n'était pas fondée à retenir la circonstance aggravante de la récidive. Concernant la faute du recourant, importante, elle devait assurément être sanctionnée avec sévérité. Compte tenu du fait que l'autorité intimée aurait dû procéder à un examen d'ensemble des infractions, l'écart entre le montant des amendes prononcées, doublé à chaque fois, était disproportionné.

E. a. Par acte du 22 janvier 2025, A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ses arguments seront repris dans la partie en droit de l’arrêt.

b. La ville a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant n’ayant pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit des trois amendes infligées au recourant par la commune.

3.             Dans un premier grief, le recourant conteste la jonction des causes opérée par le TAPI. Les cas n’étaient pas semblables. Il contestait entièrement la première infraction, mais ne s’opposait qu’aux montants des deux autres.

3.1 L’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (art. 70 al. 1 LPA). La jonction n’est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d’être jugée alors que la ou les autres viennent d’être introduites (art. 70 al. 2 LPA).

3.2 La décision de joindre des causes en droit administratif procède de l'exercice du pouvoir d'appréciation du juge, qui est large en la matière (arrêts du Tribunal fédéral 2C_850/2014 et 2C_854/2014 du 10 juin 2016 consid. 11.1). La jonction peut répondre à un souci d'économie de procédure et correspondre à l'intérêt de toutes les parties (ATF 122 II 368 consid. 1a).

3.3 Selon la jurisprudence de la chambre de céans, il n’y a pas lieu de procéder à une jonction des causes lorsque des procédures portent sur des décisions rendues par la même autorité et prises en vertu des dispositions de la même loi visent un complexe de faits différent ou ne concernent pas les mêmes parties (ATA/107/2025 du 28 janvier 2025 consid. 2.2 ; ATA/1113/2024 du 24 septembre 2024 consid. 3.2).

3.4 En l’espèce, le recourant allègue que les cas ne sont pas semblables et que s’il conteste intégralement la première infraction, il ne s’oppose qu’au montant de l’amende pour les deux dernières. Il ne sollicite pas formellement la disjonction.

La décision de joindre relève du large pouvoir d'appréciation du juge du TAPI. Les trois procédures portaient sur des décisions rendues par la même autorité et avaient été prises en vertu des dispositions de la même loi. Elles visaient des complexes de faits différents mais concernaient les mêmes parties. Le TAPI a établi avec précision les trois complexes de faits, les griefs du recourant à l’encontre de chacune des trois amendes et les a traitées séparément. Analysant le premier complexe de faits, il a écarté, en motivant sa position, les arguments du recourant et a considéré, contrairement à ce que soutenait l’intéressé, que ce dernier avait commis la première infraction et que le principe d’une sanction pour l’infraction du 10 janvier 2024 était fondé. Seule la quotité de l’amende a été analysée dans son ensemble, une fois les fautes établies. Cette prise en compte des trois dossiers en même temps est d’ailleurs favorable au recourant au vu des développements du TAPI sur la peine d’ensemble, argumentation que la ville a d’ailleurs contestée dans sa réponse devant la chambre administrative.

En conséquence, la décision de jonction du TAPI est conforme à la LPA. Elle est par ailleurs sans incidence sur l’issue du litige, conformément aux considérants qui suivent.

Le grief sera écarté.

4.             Le recourant conteste le bien-fondé de la première amende au motif notamment que la date de l’infraction n’est pas établie.

4.1 La loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) a, selon son art. 1, pour but de régler la gestion de l'ensemble des déchets résultant d’activités déployées sur le territoire du canton ou éliminés à Genève, à l'exclusion des déchets radioactifs ; elle constitue la loi d'application des dispositions prévues en matière de déchets par la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et de ses ordonnances d'application.

L'art. 12 LGD prévoit que la collecte, le transport et l’élimination des déchets ménagers sont organisés et assurés par les communes, sans taxes pour les ménages (al. 1). Les communes définissent l’infrastructure de collecte et fixent la fréquence des levées en fonction des besoins (al. 2). Elles peuvent édicter des règlements particuliers (al. 4).

4.2 Selon le règlement de gestion des déchets du 30 novembre 2022, entré en vigueur le 1er janvier 2023 mais abrogé le 1er février 2024 (LC 21 911 - ci-après : l'ancien règlement), le service en charge de la collecte des déchets assure régulièrement la collecte en porte-à-porte, notamment des ordures ménagères et assimilées (al. 1). Les jours et heures des collectes, ainsi que les directives de la ville sont communiquées dans une publication tous-ménages distribuée annuellement ; cette dernière est également disponible auprès du service en charge de la collecte des déchets et sur le site internet de la ville (al. 2 ; art. 19).

Selon l’art. 21 de l'ancien règlement, il incombe aux propriétaires de rendre facilement accessibles les conteneurs et de les déposer sur la voie publique dès 05h00 du matin le jour de la collecte, mais au plus tard à 06h30 (al. 6). Immédiatement après la collecte, les conteneurs doivent être rangés dans l’immeuble ou aux emplacements prévus (al. 7).

4.3 Selon la jurisprudence, le recours à l'adverbe « immédiatement » indique clairement que l'enlèvement des conteneurs doit suivre sitôt après le passage des véhicules de collecte. Si l'on peut, comme souligné dans l'ATA/1029/2023 du 19 septembre 2023 consid. 2.9, comprendre le caractère peu pratique de la réglementation en cause, en ce sens que son respect commande une vigilance toute particulière quant au passage des véhicules de collecte, une recourante, concierge professionnelle, ne pouvait l'ignorer, étant censée être suffisamment renseignée sur les modalités de la collecte des déchets ménagers, dès lors que la sortie et le rangement des conteneurs faisant communément partie de l'activité professionnelle de concierge (ATA/57/2025 du 14 janvier 2025 consid. 6).

La ville a indiqué, dans une affaire similaire, tolérer que les conteneurs puissent rester sur le domaine public jusqu'à 16h00 au plus tard (ATA/1029/2023 du 19 septembre 2023 consid. 2.9), délai qui paraît adéquat, au vu du caractère immédiat du rangement des conteneurs (ATA/57/2025 précité consid. 6).

4.4 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter. (ATA/1369/2023 du 19 décembre 2023 consid. 5.2 ; ATA/1083/2023 du 3 octobre 2023 consid. 2.5 et les arrêts cités).

4.5 En l’espèce, le TAPI a retenu que le recourant ne pouvait être suivi lorsqu'il alléguait que, contrairement au constat d'infraction établi par un agent assermenté, le conteneur ne se trouvait pas dans la rue, le 10 janvier 2024, à 16h12. Il ressortait des pièces produites par l'autorité intimée, en particulier de la photographie et du rapport d’infraction du 10 janvier 2024, à 16h12, que le conteneur se trouvait dans la rue alors qu’il aurait dû être rentré le 8 janvier 2024 à midi au plus tard. À cela s'ajoutait que les dénégations du recourant n’étaient étayées par aucun élément matériel, hormis ses propres allégations. De même, le témoignage écrit de F______, dès lors qu'il reposait sur le seul souvenir de ce dernier, quant à l'absence d'un amas de sacs poubelles dans le local dédié et d'une odeur qui aurait été particulièrement perceptible dans une telle hypothèse, n'apparaissait pas de nature à remettre en cause le constat d'infraction étayé par pièce. Le TAPI ne pouvait que donner préférence à la version de l’agent verbalisateur et considérer que le conteneur se trouvait bien dans la rue, le 10 janvier 2024, à 16h12.

Il est établi que le ramassage des poubelles dans la rue se fait les lundis et jeudis après-midi, après le marché qui a lieu les mêmes jours.

Il apparaît de même établi, et n’est au demeurant pas contesté, que le container n’a été rentré que le vendredi 12 janvier 2024. La date du vendredi 12 janvier est par ailleurs corroborée par la main courante de la ville qui fait mention de l’appel du propriétaire. Ce jour est enfin confirmé par F______ qui indiquait avoir récupéré le container à cette dernière date.

Les pièces produites au dossier sont toutefois contradictoires quant à la date de la constatation de l’infraction. La ville soutient que celle-ci a été commise le mercredi 10 janvier à 16h12, date retenue sur l’amende administrative. Le recourant la remet en cause, l’avis de passage qu’il a reçu dans sa boîte aux lettres faisant mention du jeudi 11 janvier 2024 à 16h35. Cette date serait selon lui plus conforme, puisqu’elle n’aurait pas impliqué l’absence du container dans l’immeuble du lundi 8 au matin, moment du dépôt du container sur la chaussée, au vendredi 12.

Il ressort surtout du dossier que selon la main courante établie par la ville, l’avis de passage a été déposé le même jour que le constat d’infraction. Ainsi, à teneur de la main courante, il s’agirait du 10 janvier 2024. À teneur de l’avis de passage toutefois, il s’agirait du jeudi 11 janvier. Dans ces conditions, il n’est pas possible d’écarter l’hypothèse que l’avis de passage déposé dans la boîte aux lettres du recourant contienne la date exacte du constat d’infraction, soit le jeudi 11 janvier 2024 et que par voie de conséquence, l’amende infligée pour une infraction commise le 10 soit erronée.

Le TAPI s’est fondé sur la photo produite par la ville à l’appui de la main courante. Elle ne mentionne toutefois aucune date. De surcroît, elle se trouve en fin de texte de la main courante, lequel évoque d’abord les événements du 10 janvier, soit tout à la fois le constat d’infraction et, comme mentionné ci-dessus, le dépôt de l’avis de passage. Elle décrit ensuite des faits du 12 janvier 2024, soit l’appel du propriétaire. La photo se trouve sous ces mentions, après la précision d’antécédents et de la régie. La photo n’est en conséquence pas de nature à établir que l’infraction a été commise le 10 janvier 2024, au vu, de surcroît, de la date, contradictoire, du 11 janvier mentionnée sur l’avis de passage.

Compte tenu de la divergence de dates entre l’avis de passage et le constat d’infraction et qu’à teneur de la main courante, les deux faits se sont déroulés le même jour, il existait des éléments permettant de s'écarter du rapport de l’agent.

Au vu desdites divergences, il ne peut être exclu que l’infraction ait été commise le jeudi 11 janvier 2024 et non la veille. L’hypothèse de la sortie du container le 11 janvier apparait au demeurant plus vraisemblable dès lors que les habitants de l’immeuble auraient été privés de poubelles du jeudi 11 janvier 2024 au vendredi 12 et non pendant près d’une semaine, du lundi 8 au vendredi 12 janvier 2024.

L’audition de témoins n’est pas de nature à permettre un établissement des faits précis, compte tenu du temps écoulé et du type d’infraction.

En conséquence, la première amende, de CHF 400.- (AA – N° 1______ ) pour une infraction commise le 10 janvier 2024 n’étant pas établie, elle sera annulée.

5.             Le recourant conteste la quotité de l’amende des « deuxième et troisième » infractions, commises respectivement les 28 mars et 23 mai 2024. Le montant de CHF 800.- pour le 28 mars 2024 serait exagéré s’agissant en réalité d’une première infraction. Il concluait à une réduction de l’amende à CHF 200.-. Quant à la « troisième », il lui était reproché de ne pas avoir pris de mesures, sans qu’il ne soit précisé lesquelles il aurait dû adopter. Il s’en remettait à justice sur la question de savoir si le doublement du montant précédent était justifié.

5.1 Les amendes prononcées les 28 mars 2024 et 23 mai 2024 sont régies par le nouveau règlement communal adopté, le 25 janvier 2024, entré en vigueur le 1er février 2024 (ci-après : le règlement), en l'absence de dispositions transitoires applicables.

5.2 Selon l'art. 43 al. 1 LGD et 33 al. 1 du règlement, est passible d’une amende administrative de CHF 200.- à CHF 400'000.- tout contrevenant : a) à la LGD ; b) aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la LGD ; c) aux ordres donnés par l’autorité compétente dans la limite de la LGD et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci.

5.3 Les amendes administratives prévues par la législation cantonale sont de nature pénale. Leur quotité doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal. En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, ce qui vaut également en droit administratif sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. L'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/262/2025 du 17 mars 2025 consid. 2.11 et les arrêts cités).

5.4 L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/662/2020 du 7 juillet 2020 consid. 10c).

5.5 L’autorité doit en outre faire application des règles contenues à l’art. 49 CP : lorsque par un ou plusieurs actes, le même administré encourt plusieurs sanctions, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion (arrêt du Tribunal fédéral 6B_111/2010 du 29 juin 2010 consid. 2 ; ATA/1504/2017 du 21 novembre 2017 consid. 4d). Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP – ATA/186/2021 du 23 février 2021 consid. 8e).

5.6 La chambre administrative a confirmé le prononcé d'une amende de CHF 200.- par une commune à l'endroit d’une recourante pour dépôt illicite de déchets (ATA/462/2025 du 29 avril 2025), à l’encontre d’une concierge qui avait tardé à rentrer un container (ATA/57/2025 précité) ainsi qu’à un propriétaire pour la même infraction (ATA/1029/2023 du 19 septembre 2023), tous deux, en l’absence d’antécédents.

5.7 En l’espèce, il convient de tenir compte de l’annulation de l’amende de CHF 400.- pour les faits du 10 janvier 2024.

Les infractions des 28 mars et 23 mai 2024 ne sont pas contestées. Elles s’inscrivent à la suite de « sensibilisation auprès du concierge, lequel était censé avoir fait remonter l’information au propriétaire » intervenues les 24 août 2023 et 6 novembre 2023 ». L’infraction commise le 28 mars 2024 est dès lors une « première infraction ».

Dans ces conditions, le montant de l'amende de CHF 200.- tel que proposé par le recourant apparaît conforme à la jurisprudence. Ce montant doit être majoré dans une juste proportion dans le cadre de la fixation de la peine d’ensemble pour tenir compte des faits survenus le 23 mai 2024. Le montant global de CHF 500.- apparaît apte à atteindre le but d’intérêt public poursuivi, nécessaire pour ce faire et proportionné au sens étroit, au vu de l’importance des intérêts publics poursuivis lesquels doivent primer l’intérêt privé de l’intéressé. Ce dernier n’a par ailleurs pas allégué, ni a fortiori démontré, qu’il rencontrerait des difficultés pécuniaires particulières l'empêchant de s'acquitter des montants des amendes.

L’autorité intimée relève qu’elle ne pouvait pas tenir compte d’une peine d’ensemble, sauf à annuler, à chaque nouvelle infraction, l’amende précédente, objet d’un recours. Il sera toutefois précisé que la peine d’ensemble est possible lorsque par un ou plusieurs actes, le même administré encourt plusieurs sanctions. Il n’est pas question de solliciter de l’administration d’annuler une première sanction, objet d’un recours, au motif que le recourant en aurait commis une seconde. Il appartient toutefois à la commune, en cas de nouvelle infraction, de fixer une peine conforme à l’art. 47 CP, à savoir qui tienne compte de la culpabilité de l'auteur en prenant en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de l’intéressé (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures. La peine doit être fixée en fonction de chaque situation.

Par conséquent, le recours sera partiellement admis. L’amende de CHF 400.- est annulée. Les amendes de CHF 800.- et CHF 1'600.- sont réduites au montant total de CHF 500.-.

Aux fins de simplification, le jugement du TAPI sera annulé.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée, le recourant n’ayant pas allégué avoir encouru de frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 janvier 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2024 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 décembre 2024 ;

annule la décision de la Ville de Genève du 22 janvier 2024 ;

annule les décisions de la Ville de Genève des 28 mars et 23 mai 2024  en tant qu’elles fixent le montant des amendes à CHF 800.- et CHF 1'600.- ;

les réduit au montant total de CHF 500.- ;

confirme les décisions des 28 mars et 23 mai 2024  pour le surplus ;

met un émolument de CHF 200.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à la Ville de Genève ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Claudio MASCOTTO, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :