Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/613/2025 du 03.06.2025 ( FPUBL ) , REJETE
En droit
-république et | canton de genève | |||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3394/2024-FPUBL ATA/613/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 3 juin 2025 |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Sarah HALPÉRIN GOLDSTEIN, avocate
contre
HAUTE ÉCOLE SPÉCIALISÉE DE SUISSE OCCIDENTALE - GENÈVE (HES‑SO) intimée
_________
A. a. A______ , de nationalité israélienne, a obtenu un bachelor et un master en composition auprès de la Haute École de Musique (ci-après : HEM) de Genève.
b. Il existe un programme doctoral binational Sciences, Arts, Création, Recherches (ci-après : SACRe)-ArtSearCH, programme conduit conjointement par la HEM et le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (ci-après : CNSMD). La HEM n’est pas habilitée à décerner un doctorat, seul le CNSMD ayant cette compétence. Ce dernier dispense les cours « 3e cycle supérieur de composition » conduisant à l’obtention du doctorat SACRe. Le programme prévoit, notamment, que les doctorants sont soutenus financièrement par le biais d’un poste d’assistant auprès de la HEM et la mise à disposition d’un budget de production artistique.
c. Le 9 juin 2023, A______ a présenté sa candidature au jury du CNSMD, qui l’a admis au programme SACRe-ArtSearCH. Ce projet était soutenu par le responsable de la coordination de la recherche à la HEM et a obtenu, le 13 juin 2023, l’aval de la HEM.
d. En juillet 2023, un poste de collaborateur scientifique ou artistique à 70% a été publié par la HEM, avec entrée en fonction le 1er octobre 2023. Ce poste était particulièrement destiné à la conduite de projets de recherche dans le domaine de la création musicale, visant le profil de « compositeur ou compositrice de haut niveau, titulaire d’un master d’une HEM ». Il s’agissait du poste prévu pour le lauréat du concours SACRe, qui participerait au programme binational ArtSearCH.
e. A______ a soumis sa candidature, qui a été acceptée. Le contrat de travail du 9 octobre 2023, prévoyant un début d’activité le 1er novembre 2023, soumet l’engagement à la condition qu’il obtienne une autorisation de séjour avec activité lucrative. Cette condition était mise en exergue par des caractères gras soulignés.
f. Différentes pistes ont été explorées afin que celui-ci puisse obtenir ladite autorisation. Il sera revenu, en tant que de besoin, dans la partie « En droit » sur ce point.
g. Le 14 mars 2024, alors que cette autorisation n’avait toujours pas été délivrée, la HEM a confirmé à A______ son engagement à 70% en qualité de collaborateur scientifique à compter du 1er septembre 2024, sous réserve de l’obtention de l’autorisation de travail d’ici à la session d’examen des candidats par la commission d’admission du programme doctoral, prévue début juin 2024, et de la validation par le programme SACRe.
h. Début juin 2024, l’intéressé n’était toujours pas titulaire d’une autorisation de travail. La HEM a alors mis fin à ses démarches visant l’obtention d’une telle autorisation et a informé A______ que la condition nécessaire à son engagement n’était pas réalisée.
i. Par courrier du 1er juillet 2024, A______ a reproché à la HEM d’empêcher son engagement, de ne pas avoir suffisamment collaboré avec les autorités chargées de l’octroi du titre de séjour, de ne pas l’avoir immatriculé, de ne pas avoir fourni d’attestation selon laquelle il aurait pu obtenir une bourse et de l’avoir discriminé en raison de son origine.
j. Par courrier du 9 juillet 2024, la Haute école spécialisée de Suisse occidentale de Genève (HES-SO), en sa qualité d’autorité d’engagement du personnel de la HEM, a souligné les efforts consentis par la HEM pour trouver une solution afin qu’A______ obtienne un permis de séjour et puisse être engagé. La condition suspensive figurant dans son contrat de travail n’étant pas réalisée le 7 juin 2024, celui-ci ne pouvait être conclu. Le dossier personnel que l’intéressé avait demandé était annexé à la décision.
k. À la suite de la réclamation formée par le musicien, la HES-SO a confirmé sa décision le 13 septembre 2024.
Contrairement à ce que soutenait l’intéressé, il ne pouvait être affirmé qu’en cas d’engagement par la HEM, il aurait pu bénéficier d’une bourse. Le montant qu’il aurait perçu aurait été le salaire correspondant à son activité de collaborateur de la HEM. Cette dernière ne proposant pas de formation doctorale ou post-grade, A______ n’aurait pas pu s’inscrire comme étudiant auprès d’elle. La HEM ne pouvait pas suivre les propositions faites par l’intéressé (telles que l’engager sans permis, l’inscrire en qualité d’étudiant, notamment) qui l’auraient contrainte à ne pas respecter la loi.
La HEM avait, de bonne foi, estimé que A______ obtiendrait rapidement une autorisation de séjour, dès lors qu’il avait laissé entendre que son épouse suisse et lui-même entendaient s’établir en Suisse ou qu’il allait obtenir la nationalité hongroise, les deux hypothèses permettant de retenir que ladite autorisation serait rapidement obtenue.
Les travaux effectués par A______ pendant la période d’octobre 2023 où il avait reçu la lettre d’engagement conditionnée à l’obtention d’une autorisation de séjour et le mois de juin 2024 où la commission de sélection SACRe s’était réunie avaient trait à son travail doctoral. Son activité avait été accomplie dans son seul intérêt, la HEM ayant gratuitement mis à disposition ses ressources et contacts. Il était faux d’affirmer qu’il aurait travaillé pour la HEM.
La décision de juillet 2024 n’était pas arbitraire, la condition permettant la conclusion du contrat de travail n’étant pas remplie. Il n’y avait aucune inégalité de traitement. La nationalité israélienne n’avait à aucun moment posé un problème à la HEM ; au contraire, les connaissances et l’expérience d’A______ dans le domaine musical au Proche-Orient avaient convaincu la HEM de soutenir sa candidature et son projet dans le cadre du programme ArtSearCH.
Les conclusions tendant au paiement d’un salaire étaient rejetées, l’engagement de l’intéressé n’ayant même pas débuté. Il n’y avait pas non plus lieu de prendre en charge ses frais d’avocate, aucun dommage n’étant démontré et le choix d’être représenté relevant d’A______, qui devait en assumer les coûts.
B. a. Par acte expédié le 14 octobre 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision, dont il a demandé l’annulation. Il devait être autorisé à commencer son doctorat au sein de la HEM, dès qu’il aurait obtenu une autorisation de travail. Il a conclu à ce que la HEM produise toutes les pièces relatives à sa demande d’autorisation de travail ainsi qu’une pièce attestant de la nécessité que sa demande de naturalisation soit traitée de manière accélérée, que la HES-SO soit condamnée au paiement des honoraires d’avocate engendrés par les démarches passées et futures visant l’obtention d’une autorisation de séjour. Préalablement, la HES-SO devait fournir des explications détaillées sur le financement de son doctorat ainsi que produire l’accord entre le laboratoire SACRe et les écoles d’art de la HES-SO. Subsidiairement, il devait être rémunéré pour son travail effectué entre le 1er octobre 2023 et le 22 janvier 2024.
Après avoir été admis au programme doctoral et reçu l’engagement conditionnel auprès de la HEM, il avait été invité et avait participé aux séminaires, recherches artistiques et théoriques des programmes SACRe et ArtSearCH et ainsi qu’aux projets « en relation avec les attentes de la HEM ». Il avait participé à ces activités pour réussir à terminer son année académique. Il avait commencé son travail de recherche, qui « l’occupait du matin au soir ». Il avait également eu deux résidences, à la Fondation Gulbenkian à Lisbonne et à l’Institut français de Maurice. Il avait également créé un concerto pour deux violoncelles et co-créé le projet « Insulaire intensif » faisant partie de sa recherche artistique.
Le 22 janvier 2024, lors d’une vidéoconférence avec B______, C______ et D______ , il avait été informé que son engagement ne pouvait être concrétisé. Il avait proposé de s’installer en Suisse avec son épouse, mais la HEM lui avait répondu qu’elle ne pouvait lui garantir son engagement compte tenu du conflit qui sévissait dans son pays d’origine. C______ avait proposé de reporter le début de la thèse. La HEM était « restée ferme » et lui avait dit que « la bourse » serait octroyée à un autre candidat, qui était arrivé en deuxième position lors du concours SACRe. Finalement, le délai pour l’obtention d’une autorisation de séjour avait été reporté au mois de juin 2024.
Il avait consulté une avocate qui avait déposé une demande auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM), qui avait rapidement confirmé qu’il était disposé à délivrer une autorisation pour formation post-grade avec activité lucrative. La HEM s’était toutefois « empressée » d’informer l’OCPM qu’il ne pouvait être immatriculé auprès d’elle. Son avocate avait contacté le Secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), qui avait indiqué que s’il était immatriculé au CNSMD, le SEM n’était pas enclin à lui délivrer une autorisation de séjour pour formation.
Son avocate avait ensuite requis une autorisation auprès de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), puis de l’OCPM. La HEM avait toutefois refusé d’attester qu’il bénéficiait d’une bourse. Ce n’était que le 30 mai 2024 qu’il avait appris qu’un délai à début juin 2024 était fixé pour l’obtention d’un permis de séjour. N’ayant pas reçu de garantie qu’il serait engagé, il avait préféré rester à Paris, plutôt que de déménager en Suisse avec sa famille. Il n’avait pas été informé du fait qu’il serait immatriculé en France, mais rémunéré en Suisse. Le « blocage » de la HEM avait conduit au refus d’octroi du permis nécessaire.
Il était erroné de soutenir que toutes les possibilités d’obtention d’un permis avaient été explorées par la HEM. Celle de l’obtenir grâce à la bourse n’avait pas été examinée. Ce n’était que dans la décision querellée qu’il lui avait été expliqué qu’il ne serait pas boursier. Il aurait pu obtenir une autorisation, même avec un travail à temps partiel, si la HEM avait reconnu que l’activité scientifique s’inscrivait dans la formation continue. La HEM aurait pu repousser le délai d’obtention du permis. Rien ne l’empêchait d’avoir deux doctorants, lui-même et celui ayant gagné le concours 2024. La HEM était restée inactive pour obtenir l’autorisation idoine ; elle ne s’était jamais adressée à l’OCPM ou l’OCIRT pour solliciter ladite autorisation. Étant désormais marié depuis six ans à une ressortissante suisse, il pourrait rapidement obtenir la nationalité suisse. La HEM pourrait le soutenir dans la procédure de naturalisation.
Il était contraire au principe de la bonne foi de l’avoir laissé commencer son activité, puis de ne pas l’avoir engagé. La condition suspensive ayant été prévue par la HEM, celle-ci aurait dû s’engager à sa réalisation. La décision violait le principe de l’égalité de traitement, dès lors qu’il était traité différemment de ressortissants originaires de pays européens ou de nationalité suisse. Il avait fait l’objet d’un traitement discriminatoire. Après l’avoir soutenu dans son projet de doctorat, la HEM ne semblait plus encline à voir ce projet réalisé. Il avait ressenti que son origine israélienne pouvait être un problème. La préoccupation de la HEM quant à d’éventuelles mesures qui pourraient être prises contre des ressortissants d’Israël, comme celles ayant frappé les ressortissants russes, était étonnante, dès lors qu’aucune mesure n’avait été prise. Enfin, ayant travaillé du 1er octobre 2023 au 22 janvier 2024, il devait être rémunéré pour cette activité.
b. La HEM a conclu au rejet du recours.
Les conclusions relatives au soutien que la HEM devrait apporter à la demande de naturalisation du recourant ainsi qu’au paiement des honoraires d’avocate concernant l’activité déployée en vue de l’obtention d’un permis de séjour étaient irrecevables, car exorbitantes au litige.
Le recourant n’avait pas évoqué avant son recours la possibilité d’obtenir la naturalisation suisse. La HEM n’avait donc pas à tenir compte de cet élément. Ayant déjà attendu jusqu’en juin 2024 pour savoir si la situation administrative du recourant permettait la signature de son contrat de travail, la HEM ne pouvait pas reporter davantage son engagement, dès lors que courant juin 2024, une nouvelle personne devait pouvoir être sélectionnée pour participer au programme doctoral binational et l’engagement de celle-ci être prévue pour la rentrée académique 2024‑2025. Pour des questions budgétaires, une seule place par année académique était disponible.
Les activités déployées à compter d’octobre 2023 par le recourant avaient toutes trait à sa formation doctorale ; aucune n’était entrée dans ses attributions de collaborateur artistique ou scientifique HES-SO. En cas de besoin, la directrice adjointe de la HEM ainsi que le responsable de la coordination de la recherche à la HEM pouvaient être entendus.
c. Dans sa réplique, le recourant a fait valoir que la HES-SO ne répondait pas à ses arguments. Par ailleurs, l’ensemble de ses conclusions s’inscrivaient dans l’objet du litige. Il avait désormais déposé sa demande de naturalisation, ce dont il fallait tenir compte. Il ne s’agissait pas d’un fait nouveau dont l’allégation était inadmissible.
Il contestait que la HEM n’ouvrît un poste pour un doctorant que tous les trois ans. Les deux dernières années et cette année également, un tel poste avait été mis au concours. Il demandait ainsi la production de l’accord entre le laboratoire SACRe et la HES-SO et « tout document pertinent à cet égard ».
Il n’était plus doctorant. Il avait dû abandonner son projet. Le travail demandé aux doctorants était fondé sur leur travail de recherche. Il était ainsi logique qu’il ait commencé par des recherches individuelles avant de pouvoir coordonner ses activités avec celles de la HEM. Il demandait l’audition du doctorant actuel, qui pourrait en témoigner.
Il a produit l’arrêté du CNSMD du 17 janvier 2025 acceptant l’abandon de sa thèse avec effet au 1er septembre 2024.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Les parties divergent sur l’étendue de l’objet du litige.
2.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5). L'objet d'une procédure administrative ne peut pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b).
2.2 En l’espèce, la décision du 9 juillet 2024 constate que la condition suspensive figurant dans le contrat de travail n’était pas réalisée le 7 juin 2024, de sorte qu’il ne pouvait être conclu. Elle répond également aux allégations du recourant se plaignant du manque d’investissement de la HEM dans la procédure visant l’obtention d’un permis de séjour, d’un traitement discriminatoire par rapport aux ressortissants européens ou suisses et réclamant le remboursement des honoraires versés à son avocate pour l’activité déployée auprès de l’OCPM et de l’OCIRT.
Ainsi, en tant que le recourant sollicite de la HEM un document attestant de la nécessité que sa naturalisation facilitée soit traitée de manière accélérée afin de lui permettre de commencer son doctorat au plus tôt, ses conclusions sont exorbitantes à l’objet du litige. Elles sont donc irrecevables. Il en va de même du chef de conclusions visant à ce que le recourant soit autorisé à commencer son doctorat dès qu’il aura obtenu une autorisation de séjour. En effet, ni la décision du 9 juillet 2024 ni celle sur réclamation du 13 septembre 2024 ne se prononcent sur une (nouvelle) admission du recourant au programme doctoral. Les conclusions s’y rapportant sont donc également exorbitantes au litige et, de ce fait, irrecevables. Les décisions précitées ne se sont pas non plus prononcées sur la production par la HEM de tout document utile à sa demande d’autorisation de séjour ; les conclusions y relatives prises dans le recours ne sont ainsi pas non plus recevables. Enfin, les conclusions visant la prise en charge des frais d’avocat futurs du recourant en lien avec l’obtention d’un permis de travail n’ont pas non plus été formulées devant l’autorité intimée et sortent également de l’objet du litige.
Seules entrent ainsi dans l’objet du litige les conclusions tendant à l’annulation de la décision querellée, au paiement des honoraires d’avocate du recourant relatifs à l’activité déployée par celle-ci en vue de l’obtention d’un permis de séjour ainsi que celles, subsidiaires, tendant au paiement d’un salaire.
3. Le recourant sollicite la prise en charge par l’intimée des honoraires d’avocate se rapportant à l’activité déployée par celle-ci pour l’obtention d’un titre de séjour.
3.1 Selon l’art. 2 al. 1 de la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40), l’État de Genève et les communes du canton sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d’actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence par leurs fonctionnaires ou agents dans l’accomplissement de leur travail.
Les prétentions en dommages et intérêts contre l’État relèvent de la compétence du Tribunal civil de première instance conformément à l’art. 7 al. 1 LREC (ATA/202/2024 du 13 février 2024 consid. 4 ; ATA/211/2023 du 7 mars 2023 consid. 8e ; ATA/1148/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2a et les arrêts cités).
3.2 En l’espèce, le recourant n’expose pas le fondement légal de ses prétentions. Dans sa réclamation, il les a fait valoir « à titre de réparation du dommage subi ». Or, les prétentions en dommages et intérêts résultant d’actes dont répond l’État de Genève ne sont pas du ressort de la chambre administrative.
Ce chef de conclusions est donc irrecevable.
4. Se pose aussi la question de l’intérêt actuel au litige.
4.1 Aux termes de l’art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b).
Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1). Si l'intérêt actuel disparaît durant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle ou déclaré irrecevable (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1).
4.2 En l’espèce, il ressort des pièces produites, notamment du descriptif de la formation binationale ArtSearCH et du contrat de travail du 1er octobre 2023, que l’admission au programme doctoral est prononcée par le CNSMD. La HEM propose, aux doctorants admis à ce programme, un contrat de collaborateur scientifique ou artistique, en vue de les soutenir financièrement au cours de leur formation doctorale. Dans la mesure où le recourant a abandonné son programme doctoral avec effet au 1er septembre 2024, il ne disposait plus, depuis cette date, d’un intérêt actuel à bénéficier d’un contrat de collaborateur spécifiquement destiné aux doctorants. Il est ainsi douteux qu’il disposait lors du dépôt de son recours en octobre 2024 de la qualité pour agir.
Cela étant, quand bien même il conviendrait d’admettre l’existence d’un intérêt actuel, le recours devrait être rejeté, pour les motifs exposés ci-après.
5. Est litigieuse la décision constatant que la condition suspensive prévue dans le contrat de travail n’était pas remplie en juin 2024 et que toute démarche en vue d’obtenir une autorisation de travail était arrêtée à compter du 7 juin 2024.
5.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).
5.2 Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité (ATF 142 V 512 consid. 4.2). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 I 170 consid. 7.3).
5.3 Une décision viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1).
5.4 En l’espèce, le constat par l’autorité intimée de l’absence d’autorisation de séjour ne prête pas le flanc à la critique. En effet, le 7 juin 2024, le recourant n’était toujours pas au bénéfice d’une telle autorisation. Il ne le conteste d’ailleurs pas. La question de savoir si la HEM devait en juin 2024 poursuivre ses efforts pour l’obtention d’une autorisation de séjour en faveur du recourant relève de l’opportunité, qu’il n’appartient pas à la chambre administrative d’apprécier.
Par ailleurs, la décision constatant que la condition suspensive au contrat de travail n’était pas réalisée ne procède d’aucune appréciation arbitraire ni d’une inégalité de traitement. L’autorité intimée avait, lors de l’envoi du contrat de travail le 9 octobre 2023, prévoyant un début d’activité le 1er novembre 2023, expressément subordonné la conclusion de celui-ci à l’obtention d’une autorisation de travail. Il ressort, en outre, des courriels produits par les parties que le 18 juillet 2023 déjà, la HEM avait demandé au recourant de lui faire parvenir des documents afin qu’elle puisse entreprendre les démarches en vue de l’obtention dudit permis. Dans un courriel du 27 septembre 2023, la HEM indiquait au recourant qu’il ne serait pas facile d’obtenir ce permis, lui demandant si par hasard une procédure de naturalisation en Hongrie ou en Suisse était en cours, ce à quoi il avait répondu qu’une telle procédure était en cours en Hongrie et qu’il ne pourrait entamer celle‑ci en Suisse qu’en 2024. La HEM a tenté en décembre 2023 de faire engager le recourant par le CNSMD en proposant à celui-ci qu’elle se charge du versement du salaire, ce que le CNSMD a refusé.
La question de savoir si la HEM doit se voir reprocher d’avoir été insuffisamment active dans les démarches visant l’obtention d’une autorisation de séjour et aurait ainsi engagé sa responsabilité n’est, comme déjà exposé, pas du ressort de la chambre administrative. Cette dernière relève néanmoins que la HEM ne pouvait immatriculer le recourant comme étudiant, n’étant pas habilitée à décerner de doctorat ; à juste titre, elle n’a ainsi pas entamé de procédure en faveur du recourant en vue d’obtenir un permis d’étudiant. Le processus d’engagement, qui s’inscrivait dans le cadre d’un concours et prévoyait un taux d’activité de 70%, rendait inutile, car vouée à l’échec, une démarche auprès de l’OCIRT, qui prévoit des conditions strictes, notamment de recrutement en Suisse et dans les pays parties à l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681). Ces éléments ressortent, d’ailleurs, du courrier de l’OCIRT à la HEM du 28 mai 2024, qui réclamait la production de certaines pièces, en précisant qu’il n’entrerait pas en matière pour une activité exercée à temps partiel et qu’il réclamait la preuve des recherches effectuées par la HEM pour ce poste de collaborateur. Ces conditions n’étant pas réalisées, la HEM n’a, à juste titre, pas donné suite au courrier précité. Elle ne pouvait pas non plus attester à l’adresse de l’OCPM ou de l’OCIRT qu’une bourse serait versée au recourant ; le contrat de travail prévoyait le versement d’un salaire et non d’une bourse.
En mars 2024, la directrice de la HEM a informé le recourant qu’elle était disposée à reporter le délai pour obtenir une autorisation de séjour à début juin 2024, lui indiquant que dans cette hypothèse, son engagement pourrait avoir lieu à la rentrée académique 2024-2025, s’il était validé par son partenaire pour le SACRe. Au vu du large délai accordé au recourant pour obtenir les autorisations idoines et des solutions que la HEM a tenté de trouver à cet effet, l’autorité intimée ne peut se voir reprocher un comportement arbitraire.
Elle n’a pas non plus violé le principe de l’égalité de traitement. Si les conditions d’octroi d’une autorisation de travail diffèrent en fonction de la provenance du demandeur du titre de séjour, cette distinction n’est pas le fait de la HEM. Celle-ci ne peut, donc, se voir reprocher de traiter différemment les ressortissants suisses et européens des ressortissants extra-européens, n’étant pas l’autorité compétente pour octroyer un tel titre. Enfin, contrairement à ce que laisse entendre le recourant, aucun élément ne permet de retenir que sa nationalité israélienne aurait d’une quelconque manière influencé la décision querellée. La nationalité du recourant a été prise en compte par la HEM uniquement en relation avec les conditions de nationalité liées à l’obtention d’une autorisation de travail avant de l’engager.
Au vu de ce qui précède, l’autorité intimée n’a violé ni le principe de l’interdiction de l’arbitraire ni celui de l’égalité de traitement en constatant que le recourant ne disposait pas d’un titre de séjour et en mettant, en juin 2024, fin aux démarches en vue de l’obtention de celui-ci.
6. Le recourant fait encore valoir que son salaire aurait dû être versé pour l’activité déployée par ses soins entre le 1er octobre 2023 et le 22 janvier 2024 en faveur de la HEM.
Le recourant admet qu’il a effectué un certain nombre de tâches en lien avec son parcours doctoral. Il ne détaille toutefois nullement le temps prétendument consacré à des activités qui auraient bénéficié exclusivement à la HEM. Partant, même s’il devait être admis – ce qui n’est pas démontré – qu’il aurait déployé entre le 1er octobre 2023, soit un mois avant le début de l’activité initialement prévue dans le contrat de travail, et le 22 janvier 2024 une activité au seul profit de la HEM, ses prétentions salariales devraient être rejetées, faute d’allégations précises relatives au nombre d’heures accomplies dans ce cadre. L’audition que requiert le recourant du doctorant ayant été engagé en 2024 comme collaborateur artistique ne peut pallier le défaut d’allégation précité, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’ordonner.
Compte tenu de ce qui précède, la HES-SO n’a ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que le recourant n’avait pas été son employé et n’avait pas à être rémunéré.
Enfin, les autres actes d’instruction sollicités par les parties, notamment la production par l’intimée de l’accord entre le laboratoire SACRe et les écoles d’art HES-SO et la fourniture d’« explications sur le financement du doctorat », ne sont pas susceptibles de modifier l’issue du litige ; le recourant n’expose d’ailleurs pas en quoi la production de cet accord et les explications seraient pertinentes.
Mal fondé, le recours doit également être rejeté sur ce point.
7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).
En tant que le recours visait la conclusion d’un contrat de travail d’une durée d’un an, la valeur litigieuse au sens de l’art. 85 al. 1 let. b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) est supérieure à CHF 15'000.-.
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 14 octobre 2024 par A______ contre la décision de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale du 13 septembre 2024 ;
met un émolument de CHF 500.- à la charge d’A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Sarah HALPÉRIN GOLDSTEIN, avocate du recourant, ainsi qu'à la Haute école spécialisée de Suisse occidentale - Genève.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
M. MARMY
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le |
| la greffière : |