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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4032/2023

ATA/596/2025 du 27.05.2025 sur JTAPI/903/2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;NOTIFICATION DE LA DÉCISION;OBSERVATION DU DÉLAI;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;RETARD
Normes : LPA.16; LPFisc.39.al1; LPFisc.41.al3
Résumé : Confirmation que la notification des bordereaux d'impôts a bien eu lieu et donc que la réclamation, adressée hors du délai légal, était tardive
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4032/2023-ICCIFD ATA/596/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 mai 2025

4ème section

 

dans la cause

ASSOCIATION A______ recourante
représentée par Me Alexia HAUT, avocate

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 septembre 2024 (JTAPI/903/2024)


EN FAIT

A. a. L’association A______ (ci-après : la contribuable) a été créée par une assemblée constitutive du 1er juin 2001.

b. Par courrier du 28 février 2019, elle a annoncé à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) vouloir procéder à une dénonciation spontanée et a demandé un délai pour transmettre son dossier complet.

c. Le 9 décembre 2019, l'AFC-GE a ouvert une procédure de rappel d’impôts pour l’ICC et l’IFD pour les années 2009 à 2017.

d. L’instruction de cette procédure a donné lieu à plusieurs échanges entre la contribuable et l’AFC-GE en parallèle avec la procédure de taxation ordinaire pour les périodes ultérieures.

e. Par courrier recommandé du 30 mai 2023, la fiduciaire de la contribuable a déposé une réclamation contre les bordereaux des périodes 2018 à 2021 notifiés le 23 mai 2023 « afin de préserver d’éventuels délais ». Elle indiquait que la procédure de rappel d’impôts pour les périodes antérieures était toujours pendante, si bien que les taxations des périodes ultérieures ne pouvaient pas intervenir.

f. Par courrier daté du 16 mai 2023 et envoyé en recommandé le 30 mai 2023 à l’adresse de la fiduciaire, l’AFC-GE l’a informée que la procédure de rappel d’impôts portant sur les années 2009 à 2017 était terminée et lui a remis des bordereaux de rappel d’impôts, tout en l'informant qu’aucune amende n’était infligée.

Ces bordereaux, datés du même jour, mentionnent comme date de notification le 31 mai 2023.

g. Il ressort du suivi de l’envoi recommandé par la poste que celui-ci a été distribué le 31 mai 2023.

h. Le 31 mai 2023, la fiduciaire de la contribuable a écrit au service des personnes morales de l’AFC-GE en se référant à la taxation des périodes 2018 à 2021. Elle l'a informée « avoir reçu ce jour la décision du service du contrôle de l'AFC-GE qui répond à nos questions » et a retiré sa réclamation de la veille.

i. Pour les bordereaux de rappel d’impôts des périodes 2009 à 2017, des rappels de paiement ont été envoyés à la contribuable le 14 juillet 2023.

j. Par courrier du 25 juillet 2023, la fiduciaire s’est référée à un entretien téléphonique qu’elle avait eu avec la taxatrice en charge du dossier le 2 juin 2023. Il aurait été convenu au cours de celui-ci que la procédure de rappel d’impôts était close et que seules les décisions de taxations reçues devaient être payées. Les rappels de paiement du 14 juillet 2023 pour les années 2014 à 2017 se référaient à une période close et sans que des décisions de taxation aient été reçues. Elle formait réclamation et sollicitait un entretien pour clarifier la situation.

k. Par décision du 30 octobre 2023, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable contre les bordereaux de rappel d’impôts notifiés le 31 mai 2023 pour cause de tardiveté.

B. a. La contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’une notification des bordereaux soit effectuée avec un délai de 30 jours pour se déterminer sur ceux-ci.

Développant l’historique et le but de l’association et le fait qu’elle remplissait un but d’utilité publique, elle indiquait qu’au cours de l’entretien téléphonique du 2 juin 2023, la taxatrice avait répondu, s’agissant des années 2009 à 2017, que « tout était réglé et en ordre ». Après avoir reçu des rappels de paiement en juillet 2023, sa fiduciaire s’était étonnée de ne pas avoir reçu de bordereaux correspondants et avait envoyé un courriel, puis un courrier recommandé le 25 juillet 2023. Diverses démarches avaient été entreprises ultérieurement auprès de l’AFC-GE, qui avaient abouti, pour toute réponse, à la décision querellée du 30 octobre 2023.

Elle n'avait pas reçu les bordereaux en question, de sorte que l'AFC-GE devait procéder à une nouvelle notification. Pour le surplus, elle avait formé une réclamation dans les 30 jours après avoir eu connaissance des rappels de paiement.

b. Par jugement du 9 septembre 2024, le TAPI a rejeté le recours.

La notification des bordereaux litigieux avait eu lieu le 31 mai 2023 et la réclamation formée à leur encontre par un courrier du 25 juillet 2023 seulement était manifestement tardive. La contribuable n'alléguait pas l’existence d’un motif sérieux au sens de la loi, ni la survenance d’un cas de force majeure, qui l’aurait concrètement empêchée d’agir en temps utile.

C. a. Par acte du 16 octobre 2024, la contribuable a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant principalement à son annulation et, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans les procédures civiles pendantes devant le Tribunal civil de première instance.

Depuis le jugement querellé, un nouveau comité avait été nommé lors d'une assemblée générale du 8 avril 2024, dont la tenue et la validité avaient été contestées par une partie de l'ancien comité qui avait convoqué de son côté une assemblée qui s'était tenue le 21 mai 2024. Aussi, le comité qui pouvait représenter l'association n'avait pas encore été déterminé par une autorité judiciaire.

Sur le fond du recours, la recourante a repris les arguments développés devant le TAPI et précisé que l'AFC-GE ne fournissait pas la preuve de ce qu'elle aurait adressé deux courriers séparés le 30 mai 2023.

b. Dans sa réponse du 11 novembre 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet de la demande de suspension et du recours, aucun argument nouveau susceptible d'influer sur le sort du présent litige n'ayant été avancé. Elle a rappelé que les développements de l'avocate de la recourante consacrés aux circonstances de sa constitution et de son activité étaient dénués de toute pertinence, comme l'avait relevé le jugement querellé.

c. Par décision du 21 novembre 2024, la chambre de céans a rejeté la requête de suspension de la procédure formée par la recourante et réservé les frais jusqu'au prononcé de l'arrêt final de la chambre de céans.

d. Dans sa réplique du 10 février 2025, la recourante a rappelé que les enveloppes « s'étaient mélangées » et qu'il ne pouvait être établi que les taxations lui avaient bien été remises. Toutes les décisions relatives, soit aux années 2011 et suivantes, soit aux années 2018 et suivantes, avaient une date très proche et la date de notification n'était pas claire. L'intimée ne pouvait donc démontrer à satisfaction de droit quand et quelles décisions elle avait notifiées. Il existait un doute qui devait profiter à l'administrée. Enfin, il était important de rappeler le contexte et l'historique de l'association, qui était une association animée par un but idéal et qui avait le soutien de l'État de Genève afin de mener à bien son projet social.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieuse la décision d'irrecevabilité de la réclamation de la contribuable pour cause de tardiveté.

2.1    Le délai de réclamation fixé par la loi est de 30 jours (art. 39 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17), est une disposition impérative de droit public. Il n'est, en principe, pas susceptible d’être prolongé (art. 21 al. 1 LPFisc ; art. 16 al. 1 LPA), restitué ou suspendu, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/1184/2023 du 31 octobre 2023 consid. 2.1 et les références citées). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d'égalité de traitement et n'est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

2.2    Le délai commence à courir le lendemain de la notification. Selon les art. 41 al. 3 LPFisc, passé le délai de 30 jours, une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que, par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu’il l’a déposée dans les 30 jours après la fin de l’empêchement.

2.3    Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2). Celui‑ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

Lorsqu'il mandate une fiduciaire, le contribuable n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs. Il ne faut pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport au contribuable qui agit par lui-même par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3 et les arrêts cités), étant rappelé que, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral et de la chambre administrative de la Cour de justice, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres (arrêts du Tribunal fédéral 2C_577/2013 du 4 février 2014 consid. 6.1 ; 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/150/2021 du 9 février 2021 consid. 5b ; ATA/1127/2020 du 10 novembre 2020 consid. 4c).

2.4    En l’espèce, la recourante conteste avoir reçu les bordereaux que l'AFC-GE allègue avoir notifiés le 31 mai 2023.

Il ressort des pièces au dossier que l'AFC-GE a adressé à la fiduciaire de la recourante un courrier recommandé le 30 mai 2023, notifié le lendemain, l'informant que la procédure de rappel d’impôts portant sur les années 2009 à 2017 était terminée et lui remettant en conséquence des bordereaux de rappel d’impôts. Ces bordereaux, datés du même jour, mentionnent comme date de notification le 31 mai 2023, et il ressort du suivi de l’envoi recommandé par la poste que celui-ci a bien été distribué le 31 mai 2023. Rien ne permet de douter que les bordereaux litigieux n'étaient pas annexés.

À l'instar du TAPI, il sera au demeurant relevé que la photographie partielle de l’enveloppe produite sous pièce 18 par l’AFC-GE fait ressortir, dans la fenêtre réservée à l’expéditeur, qu’il s’agit de l’envoi du service du contrôle et non pas du service de la taxation contenant les bordereaux des périodes ultérieures. De plus, le courrier de la fiduciaire du 31 mai 2023 démontre clairement qu’elle avait reçu deux envois distincts, le premier du service des personnes morales, qui a fait l’objet de la réclamation du 30 mai 2023, et le deuxième du service du contrôle, reçu le 31 mai 2023.

Enfin, et conformément au principe de la bonne foi, cette mandataire aurait dû immédiatement contacter le service du contrôle si des annexes énumérées dans son courrier précité daté du 16 mai 2023 étaient manquantes. Ne l’ayant pas fait, il doit être retenu que la notification des bordereaux litigieux a bien eu lieu.

La réclamation formée contre ceux-ci par un courrier du 25 juillet 2023 seulement est dès lors tardive.

2.5    Aucun motif d’empêchement pour procéder dans le délai légal n’étant par ailleurs allégué, l’AFC-GE n’a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en déclarant la réclamation irrecevable pour tardiveté.

Enfin, à l'instar du TAPI, il sera relevé que les développements consacrés par la recourante à son contexte et à son but social sont dénués de pertinence.

Au vu de ce qui précède, le recours, infondé, sera rejeté.

3.             Vu l’issue du recours, la recourante supportera un émolument de CHF 700.- et ne pourra se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 octobre 2024 par l’association A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 septembre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 700.- à la charge de l’association A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexia HAUT, avocate de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

M. PERNET

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :