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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1278/2025

ATA/616/2025 du 03.06.2025 ( MARPU ) , ADMIS

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS;APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS);PROCÉDURE D'ADJUDICATION;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : Cst; LPA.61.al1; AIMP.1.al1; AIMP.1.al3; AIMP.13.al1; RMP.33; RMP.12.al2; RMP.24; RMP.43; RMP.47.al1; RMP.47.al2; LPA.69
Résumé : Admission du recours contre l’adjudication d’un marché portant sur les prestations de gestion d’un espace temporaire de bains flottants durant la période estivale. Question de la réalisation par l’adjudicataire du critère d’aptitude laissée ouverte. Abus du pouvoir d’appréciation dans l’évaluation des offres. Violation du principe de concurrence. En interrompant le marché dans le seul but d’accorder une nouvelle chance à l’adjudicataire de déposer une soumission conforme à l’appel d’offres, l’autorité a favorisé celle-ci au détriment de sa concurrente.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1278/2025-MARPU ATA/616/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 juin 2025

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Frédéric Sutter, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE - CENTRALE MUNICIPALE D'ACHAT
ET D'IMPRESSION

représentée par Me Michel D'Alessandri, avocat

et

B______
représentée par Mes Robert HENSLER et Philippe VON BREDOW, avocats intimées

 



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : A______), ayant son siège à Genève, est une société active dans le domaine du sport, en particulier aquatique, notamment : la fourniture de prestations de services de coaching, de consulting, d’enseignement, d’accompagnement et d’entraînement de personnes par groupes ou individuellement ; la fourniture de prestations de garde de bains incluant notamment la surveillance et la sécurité des baigneurs, la supervision ainsi que l’entretien de bassins et de leur infrastructure ; l’exploitation de zones de loisirs notamment aquatiques, en milieu naturel ou non (plages, plans d'eau, bassins, etc.), publiques ou privées, intérieures ou extérieures, y compris les prestations de gestion, d’exploitation et de surveillance.

C______ en est son associé gérant avec signature individuelle.

b. B______ (ci-après : B______), ayant son siège à Genève, a pour buts la surveillance d'immeubles et de biens mobiliers de tout genre (maisons de particuliers et de commerce, installations et exploitations industrielles, entrepôts de marchandises, hangars, locaux, etc.) ; le service d’ordre et de contrôle, ainsi que d’autres fonctions lors de manifestations de tout genre ; des services que pourraient lui confier des autorités publiques.

B. a. Le 13 juin 2024, A______ a conclu un contrat avec la Ville de Genève (ci‑après : la ville) pour l’exploitation et l’entretien des Bains du Jet d’eau pendant la période estivale 2024, pour le compte de la ville. Ce contrat s’étend à toutes les prestations d’exploitation et d’entretien, telles que l’ouverture et la fermeture quotidienne des Bains et du Jet d’eau, l’accueil du public, la gestion des entrées et de la jauge, la gestion et la surveillance du public et l’entretien du périmètre lui incombant.

b. Ce contrat avait été précédé d’une procédure d’appel d’offres public publiée par la ville en 2024 pour un marché intitulé « Gardebains_A1 », portant sur des prestations d’accueil, de gestion des entrées, de surveillance du public et d’entretien d’un espace temporaire de bains flottants en zone d’eau naturelle, qui a été interrompue par décision du 8 mars 2024.

C. a. Le 24 décembre 2024, la ville, soit pour elle la centrale municipale d’achat et d’impression, a publié sur la plateforme www.simap.ch un appel d’offres pour un marché portant sur les prestations de gestion d’un espace temporaire de bains flottants durant la période estivale, nommé « Gardebains_A2 ». Les offres devaient être remises avant le 6 février 2025.

Dans les documents d’appel d’offres, il est mentionné à l’art. 26 al. 1 let. a du cahier de soumission que le soumissionnaire doit « exercer une activité en rapport avec celle dont relève le présent marché ». Afin de prouver le respect des critères d’aptitude, le soumissionnaire doit produire l’extrait du registre du commerce (art. 26.2).

Le cahier des charges de l’appel d’offres prévoyait notamment ce qui suit :

5.1.1 Période d’ouverture et horaires
Ouverture au public de 7h à 21h sans interruption du 1er lundi des vacances scolaires au 2ème dimanche de septembre selon le rythme suivant :
- En période scolaire : ouvert du mardi au dimanche ;
- En période de vacances scolaires : ouvert tous les jours.

Pour l’année 2025, les vacances scolaires s’échelonnent du lundi 30 juin au vendredi 15 août. Le prestataire s’engage à appliquer et à respecter cette période d’exploitation.

 

7.1.1 Présence du personnel

Pour se conformer à son engagement, le prestataire s’assure d’avoir suffisamment de personnel afin de couvrir toute la plage horaire d’ouverture des Bains du Jet d’eau et de suppléer d’éventuelles absences.

Il doit notamment assurer la présence en tout temps durant les heures d’ouverture de minimum 4 gardiens de bains afin d’assurer la sécurité dans le respect des normes en vigueur en tout temps.

Le nombre de gardiens de bain mentionné plus haut a une valeur indicative. Dans le cadre de la préparation de son offre, il revient au soumissionnaire d’évaluer, sur la base des recommandations et normes sécuritaires applicables, des caractéristiques de l’infrastructure et des modalités d’exploitation, le nombre de gardiens nécessaires pour assurer en tout temps la sécurité des usagers. Lors de l’exploitation, il sera de la responsabilité de l’adjudicataire d’affecter sur le site un nombre de gardiens de bain suffisant pour garantir la sécurité des usagers en tout temps, en fonction notamment de l’affluence et du type de public ».

Les critères d’attribution de l’offre étaient : (A) le prix (30%), (B) l’organisation pour assurer les prestations attendues (40%), (C) l’expertise du soumissionnaire (10%), (D) les moyens matériels et période de préparation (10%), (E) la performance environnementale (5%) et (F) l’équité sociale (5%).

b. Dans le délai au 6 février 2025, A______ et B______ ont déposé une offre.

c. Par décision du 10 mars 2025, la ville a interrompu la procédure d’appel d’offres A2, au motif qu’elle devait apporter des modifications importantes au cahier des charges, notamment les horaires d’ouverture et le personnel à mettre à disposition.

Cette décision n’a pas été contestée.

d. Le 11 mars 2025, la ville a relancé la procédure d’appel d’offres nommé « Gardebains_A3 ». Les offres devaient être remises avant le 24 mars 2025.

Les documents d’appel d’offre étaient en tous points identiques à l’appel d’offres « Gardebains_A2 », à l’exception des points 6.1.1, 6.1.2 et 8.1.2 du cahier des charges, qui étaient formulés comme suit :

6.1.1 Période d’ouverture
Le site des Bains du Jet d’eau est ouvert au public du 1er lundi des vacances scolaires au 2ème dimanche de septembre selon le rythme suivant :
- En période scolaire : ouvert du mardi au dimanche ;
- En période de vacances scolaires : ouvert tous les jours.

Pour l’année 2025, les vacances scolaires s’échelonnent du lundi 30 juin au vendredi 15 août. Le prestataire s’engage à appliquer et à respecter cette période d’exploitation.

6.1.2 Horaires
Les Bains du Jet d’eau sont ouverts au public sans interruption de 7h à 21h.
Pour le public, la caisse permettant l’accès au site est ouverte dès 7h jusqu’à 20h45.
A 21h00 le site doit être vide de tout public.
Le site est fermé à 21h30.
Le prestataire s’engage à appliquer et respecter ces horaires d’exploitation.

8.1.2 Présence du personnel

Pour se conformer à son engagement, le prestataire s’assure d’avoir suffisamment de personnel afin de couvrir toute la plage horaire d’ouverture des Bains du Jet d’eau et de suppléer d’éventuelles absences.

Il doit notamment assurer la présence en tout temps durant les heures d’ouverture de minimum 4 gardiens de bains afin d’assurer la sécurité dans le respect des normes en vigueur en tout temps. L’un des 4 gardiens de bain peut être affecté à la caisse.

Dans le cadre de la préparation de son offre, il revient au soumissionnaire d’évaluer, sur la base des recommandations et normes sécuritaires applicables, des caractéristiques de l’infrastructure et des modalités d’exploitation, le nombre de gardiens nécessaires pour assurer en tout temps la sécurité des usagers. Lors de l’exploitation, il sera de la responsabilité de l’adjudicataire d’affecter sur le site un nombre de gardiens de bain suffisant pour garantir la sécurité des usagers en tout temps, en fonction notamment de l’affluence et du type de public.

Les candidats devaient notamment définir un référent principal dédié au marché, qui serait en charge de la gestion de la prestation et interlocuteur privilégié de la commune (ch. 4.2.1 du cahier des charges).

e. Deux soumissionnaires, B______ et A______ ont déposé leur offre dans le délai imparti.

Le référent principal choisi par A______ était D______.

f. Par décision du 31 mars 2025, la ville a adjugé le marché à B______ pour le montant de CHF 861’773.04.

Le tableau suivant récapitule les offres et la notation des critères :

 

 

Notation des critères

 

Nom ou raison sociale

Montant TTC des offres (en CHF)

A

30%

B

40%

C

10%

D

10%

E

5%

F

5%

Note pondérée

B______

861'773.04

5.00

3.00

3.00

4.00

3.50

5.00

3.83

A______

983'277.60

3.99

3.00

4.50

3.50

3.00

3.00

3.50

g. Le 4 avril 2025, un entretien a eu lieu entre la ville et le gérant de A______.

D. a. Par acte remis à la poste le 10 avril 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision d’adjudication, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif, principalement à l'annulation de la décision d’adjudication, à l’exclusion de B______ et à l’attribution du marché.

Préalablement, elle a demandé à ce que la ville produise l’ensemble du dossier déposé par B______ dans le cadre des procédures d’appel d’offres A2 et A3, ainsi que l’ensemble des procès-verbaux tenus par la ville dans chacune de ces procédures.

Son droit d’être entendue avait été violé. Bien qu’accompagnée du tableau comparatif des offres, la décision entreprise était insuffisamment motivée et l’empêchait de comprendre les raisons des notes obtenues pour les critères d’adjudication autres que le prix, soit les critères B, C, D, E et F.

L’octroi du marché à B______ dans un cadre totalement arbitraire menaçait gravement ses intérêts, puisqu’elle ne serait pas au bénéfice du marché durant les quatre prochaines saisons. Si la ville avait de bonne foi respecté les règles de l’égalité de traitement, de la transparence ainsi que de la concurrence, elle aurait obtenu le marché. Un tel préjudice était irréparable.

B______ aurait dû être exclue d’emblée pour non-conformité aux critères d’aptitude visés à l’art. 26 du cahier de soumission. L’activité de B______, telle qu’elle ressortait de son but visé au registre du commerce, n’avait aucun rapport avec l’objet des marchés « Gardebains_A2 » et « Gardebains_A3 ». Elle portait sur la patrouille, la vigie de zone et de bâtiment et la prévention contre la délinquance, ce qui n’avait aucun rapport avec l’exploitation et la surveillance de bassins, incluant la mission spécifique de sauvetage. Or, les entreprises soumissionnaires qui ne remplissaient pas les critères d’aptitude ou de qualification devaient être exclues d’emblée.

La ville avait également violé le principe de la transparence et d’égalité de traitement entre soumissionnaires en interrompant la procédure d’appel d’offres A2 et en relançant la procédure d’appel d’offres A3, alors que seuls deux soumissionnaires avaient déposé un dossier.

La ville avait violé le principe de concurrence régissant les procédures d’appel d’offres.

Enfin, la ville avait fait un usage abusif de son pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’évaluation des offres soumises. Au vu du faible écart des points obtenus par les soumissionnaires, soit 0.33, l’admission de l’un ou l’autre des griefs suffisait pour modifier sa place dans le classement final. Lors d’une séance avec la ville le 4 avril 2025, à la suite de la décision d’adjudication, il lui avait été indiqué qu’elle n’avait eu « aucune chance » ; c’était « David contre Goliath ».

Elle a notamment produit une annonce publiée par B______ le 31 janvier 2025 pour des « agents de surveillance de baignade et de sécurité », sur laquelle figure une image des Bains du Jet d’eau.

b. Le même jour, la chambre de céans a prononcé une interdiction de conclure le contrat d’exécution de l’offre.

c. La ville a conclu au rejet de la demande d’octroi d’effet suspensif.

Les conditions d’octroi de l’effet suspensif n’étaient pas réalisées, le recours étant manifestement dépourvu de chances de succès. Les griefs de la recourante consistaient exclusivement à substituer son appréciation à celle de la ville.

Il était établi par pièces que B______ proposait un service de surveillance de la baignade, activité qui était directement en lien avec le marché public « Gardebains_A3 ». Le marché ne se limitait d’ailleurs pas à la surveillance de la baignade, mais consistait en une activité bien plus large de « prestation de gestion d’un espace temporaire de bains flottants ».

L’interruption du marché « Gardebains_A2 » avait fait l’objet d’une décision publiée, qui n’avait pas été contestée. La recourante ne pouvait donc plus faire valoir de grief en lien avec le déroulement et l’interruption de ce marché public. L’interruption était du reste parfaitement justifiée en raison des modifications intervenues.

Enfin, la décision entreprise était suffisamment motivée.

L’exécution du marché présentait une urgence évidente et il serait préjudiciable de devoir attendre l’issue de la procédure judiciaire. En cas d’octroi de l’effet suspensif, la gestion de l’espace temporaire des bains flottants ne pourrait être assurée et ce lieu ne pourrait être ouvert au public le 30 juin 2025 pour la saison estivale 2025. La population genevoise serait alors privée d’une prestation publique. Il y avait donc un intérêt public prépondérant à l’exécution de la décision d’adjudication.

d. Dans ses déterminations sur effet suspensif, B______ a conclu au refus d’octroi. Dépourvu de tout grief concret, le recours était voué à l’échec. Citant un article du journal « E______ », paru le 18 avril 2025, elle a relevé qu’elle développait une offre de surveillance de bains et de piscines depuis plusieurs années et employait environ 40 gardiens de bains répartis sur une vingtaine de piscines. Elle avait produit deux références dans sa réponse à l’appel d’offres. Les tâches qu’il était prévu de confier à l’adjudicataire relevaient de la sécurité au sens du Concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (CES – I 2 14) et de sa directive, à savoir la tenue de la caisse, le contrôle des documents d’identité, des tickets, de la surveillance du respect du règlement et du pouvoir d’expulser des contrevenants. La recourante n’était pas autorisée à exercer ces activités et n’avait pas prévu de les sous-traiter à une société autorisée, si bien qu’elle ne pouvait se voir octroyer le marché, qui dépassait largement la simple surveillance de la baignade. Cette considération suffisait à sceller le sort du recours. S’agissant des notes, la recourante se limitait à se prétendre supérieure à B______ sur tous les critères, sans aucunement rendre vraisemblable un quelconque abus ou excès du pouvoir d’appréciation de la ville.

L’octroi de l’effet suspensif aurait pour effet de rendre impossible l’ouverture des Bains du Jet d’eau pendant la saison 2025.

e. A______ a répliqué sur effet suspensif le 30 avril 2025 tant sur les déterminations de la ville que sur celles de B______. Il était erroné de retenir que certaines activités comprises dans l’appel d’offres seraient soumises au CES. L’article du journal « E______ », paru huit jours après le dépôt du recours, ne suffisait pas à démontrer que l’adjudicataire exerçait effectivement une activité de gardiens de bains. Les deux références produites par l’appelée en cause ne portaient que sur une activité de soutien à des maîtres-nageurs, soit une activité typique d’agent de sécurité, ce qui était d’ailleurs confirmé par le montant des marchés évoqués (soit CHF 50'000.- pour l’un et CHF 30'000.- pour l’autre).

Elle a notamment produit une nouvelle annonce publiée par B______ le 22 avril 2025 pour des « agents de surveillance de baignade et de sécurité ».

f. Par courrier du 9 mai 2025, B______ a relevé que la Brigade F______ (ci-après : F______) lui avait confirmé qu’une partie des tâches définies aussi bien dans le cahier des charges que dans le règlement d’usage étaient soumises au concordat, en particulier à son art. 4, ainsi qu’à la directive concordataire. Elles nécessitaient ainsi une autorisation. La recourante n’était pas accréditée en tant que société auprès de l’autorité compétente, elle ne pouvait avoir accès au marché. Enfin, elle a relevé qu’elle disposait de plus de 90 agents certifiés gardiens de bains et produit des références.

g. Par réponse du 14 mai 2025, la ville a conclu au rejet du recours. La décision d’interruption du marché était entrée en force et la recourante ne pouvait plus la contester. Elle était au demeurant parfaitement justifiée en raison des modifications importantes survenues. Les extraits de son site internet permettaient d’établir que B______ proposait bien un service de surveillance de la baignade. Le marché ne se limitait d’ailleurs pas à la surveillance des bains, mais consistait en une activité plus complète de « prestations de gestion d’un espace temporaire de bains flottants ». En se plaignant des notes obtenues, la recourante tentait de substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité adjudicatrice. L’évaluation des offres des soumissionnaires avait été effectuée dans le strict respect du pouvoir d’appréciation de la ville.

h. Par déterminations du même jour, B______ a repris son argumentation précédente et sollicité l’audition de G______, juriste à la F______, afin qu’il confirme que l’appel d’offres était soumis au CES. Elle disposait en outre d’un expert qui supervisait et validait les protocoles d’intervention en la personne de D______, dont l’audition pouvait être ordonnée. Son offre ne devait pas être communiquée à la recourante, sous peine de violer le secret des affaires.

i. Une audience de comparution personnelle des parties a eu lieu le 23 mai 2025.

ia. Le représentant de A______ a indiqué que la société était active sur le marché depuis 2023. Elle avait obtenu une petite dizaine de mandats dans les domaines de la surveillance aquatique, de la formation des garde-bains, du « recyclage » (formation continue) des gardiens de bains, du coaching et de l’événementiel. Il était exact qu’en 2024, 90% de son chiffre d’affaires était réalisé dans le domaine de la surveillance aquatique. Outre l’exploitation des Bains du Jet d’eau, elle avait assuré la surveillance aquatique de l’événement « Élément ». La collaboration avec la ville s’était « extrêmement bien passée » lors de l’exécution du contrat pour la surveillance des Bains du Jet d’eau. Il s’agissait d’un projet pilote et elle avait accompagné la ville dans la mise en place des nouvelles prestations. Elle avait été remerciée pour son travail. Les prestations prévues par le contrat correspondaient en tous points à celles de l’appel d’offres de la ville. S’agissant du nombre de garde-bains, l’appel d’offres prévoyait une fréquentation maximale instantanée (ci-après : FMI) de 150 le matin et de 300 l’après-midi. En 2024, la société avait prévu cinq gardiens de bains le matin et cinq l’après-midi, étant précisé que la FMI était de 300 dans les deux cas.

ib. Le représentant de la ville a confirmé que le marché correspondait, en termes de prestations requises, à l’objet du contrat conclu avec A______ en 2024. Les prestations comprenaient également la sécurité. L’appel d’offres A2 avait dû être interrompu en raison d’une « contradiction flagrante » dans le nombre minimum de gardes-bains qui devaient être sur le site. Il y avait un ajout tardif sur le document indiquant que le nombre avait une valeur indicative alors qu’il s’agissait d’un minimum. Cela avait été corrigé. Par ailleurs, les horaires d’ouverture n’étaient pas assez précis. L’une des offres contenait moins de quatre garde-bains, étant précisé que deux soumissionnaires avaient déposé une offre dans les délais. Elle s’était alors rendue compte que l’offre n’était pas suffisamment claire. L’interruption avait retardé le processus d’environ deux mois. Elle avait dû relancer un appel d’offres avec des délais réduits.

Selon son analyse, les prestations requises par l’appel d’offres n’avaient pas à être autorisées selon le CES. Il n’y avait aucune exigence à ce propos dans les documents d’appel d’offres. Il a indiqué qu’il n’avait pas personnellement participé à la séance du 4 avril 2025. On lui avait toutefois rapporté qu’un représentant de la ville avait expliqué à la recourante avoir appliqué la « méthode du guide romand », à savoir une méthode comparative. On pouvait obtenir la note de 3 lorsque les exigences minimales étaient respectées mais que l’offre ne présentait pas, voire peu, d’avantages par rapport aux concurrents.

S’agissant des notes, le représentant de la ville a précisé qu’elles étaient attribuées sur la base des offres et non en fonction de la connaissance des entreprises. Le comité relevait beaucoup d’éléments et il n’était pas possible de tout noter, étant précisé que les éléments principaux n’avaient pas tous la même importance. Le fait que A______ proposait la présence de cinq gardiens de bains avait été considéré comme un avantage, mais celui-ci n’était pas « suffisamment important ». B______ présentait une grande assurance dans la qualité du planning journalier. S’agissant du critère D, B______ avait tout le matériel nécessaire mais il manquait les explications. Il s’agissait d’un désavantage « très léger », étant précisé que A______ avait détaillé l’ensemble de son matériel. Le « doublon » mentionné pour A______ était également un « très léger désavantage » qui laissait penser que la soumissionnaire n’avait pas pris connaissance en détail des documents. La différence de notation entre les soumissionnaires avait trait au planning de mise en œuvre. Dans le cas de B______, ils étaient « dans l’excellence », le planning était extrêmement précis et bien construit, ce qui donnait une « grande confiance ». S’agissant du critère F, les mesures proposées par B______ allaient bien au-delà de ce qui était proposé par A______. Enfin, le représentant de la ville a rappelé que le début de l’installation de la structure était fixé au 3 juin 2025 et que l’ouverture au public avait été fixée le 30 juin 2025, date d’ores et déjà annoncée au public, étant précisé qu’une série de mesures devaient être mises en œuvre d’ici là.

ic. Le directeur de B______ a confirmé que le but social de celle-ci ne portait pas explicitement sur la surveillance aquatique. La société avait 90 agents formés en tant que gardiens de bains et pour l’exploitation des zones aquatiques. Elle avait eu de très nombreux mandats qui comportaient également de la surveillance aquatique. Les pages spécifiques à la baignade figuraient sur leur site internet depuis 2021. L’annonce publiée en 2025 concernait une photo du Jet d’eau, uniquement en rapport avec le fait que la société cherchait des gardiens de bains à Genève. Cela n’avait pas spécifiquement de lien avec l’appel d’offres. La société avait une forte demande de gardiens de bains de la part des communes. Elle a confirmé avoir déposé une offre dans les délais dans le cadre de l’appel d’offres A2. L’expert D______ était un consultant de la société, qui pouvait attester que l’entreprise disposait d’un personnel formé et qui devait faire un audit du concept et du protocole mis en place. Le directeur ignorait si B______ assurerait la sécurité à l’extérieur du site et à l’intérieur durant la nuit, comme l’année passée. Cela n’avait aucun lien avec le marché litigieux. Il ne pouvait pas dire quelle était la personne référente des Bains du Jet d’eau, désignée comme telle dans sa soumission.

Au terme de l’audience, A______ a maintenu sa demande en production du dossier de soumission de B______ pour les appels d’offres A2 et A3.

j. A______ a répliqué le 26 mai 2025 sur les déterminations de la ville et de B______. La ville persistait à la dévaloriser alors que c’était la seule qui avait pu déposer un dossier de soumission à l’appel d’offres A1 et à accepter de s’aventurer là où aucun autre prestataire n’avait voulu aller. Elle avait rendu possible l’ouverture en 2024, et cela dans un timing très serré. Elle avait accompli son mandat des Bains du Jet d’eau en 2024 à l’entière satisfaction de la ville, ce que cette dernière avait admis en audience. Il était notoire que dans la mesure où B______ avait été mandatée comme agent de sécurité des Bains du Jet d’eau sur le quai la journée et à l’intérieur du site la nuit, celle-ci voulait « à tout prix » le marché.

L’audience de comparution personnelle avait permis d’établir que seules B______ et elle-même avaient déposé des offres dans le cadre de l’appel d’offres A2. Elle avait également permis de comprendre que B______ n’avait pas proposé dans son offre A2 un nombre suffisant de gardiens de bains requis par la ville dans son cahier des charges et de soumission relatifs à la procédure A2. Or, cette exigence était limpide pour un professionnel du secteur, mais aussi et surtout au regard des normes de sécurité applicables en la matière. Si B______ avait été réellement spécialiste en la matière, elle n’aurait pas déposé une offre proposant un nombre de gardiens de bain inférieur à quatre. Il s’agissait d’une faute professionnelle grave, en plus d’être totalement irresponsable en termes de sécurité. B______ aurait dû être exclue car elle ne satisfaisait pas aux conditions du marché. La ville avait toutefois souhaité favoriser B______ en lui donnant une seconde chance. Il sautait aux yeux qu’elle lui avait attribué des notes arbitraires pour lui permettre d’avoir le marché, malgré le fait que son dossier était « totalement creux » et ne remplissait toujours pas les conditions du marchés « Gardebains_A3 ». Son activité réelle et effective était sans rapport avec celle de garde-bains, son matériel de premiers secours était abstrait et son référent principal en matière de gestion d’espace de bains était inexpérimenté. Le tout, couronné par le fait que B______ se targuait d’avoir recruté D______, qui n’était autre que le collaborateur de A______, figurant dans l’offre de celle-ci.

k. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, y compris sur mesures d’instruction, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP ‑ L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. f et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

2.             La recourante sollicite la production des dossiers de soumission déposés par B______ dans le cadre des procédures d’appel d’offres A2 et A3, ainsi que l’ensemble des procès-verbaux tenus par la ville dans le cadre de chacune de ces procédures. L’adjudicataire requiert quant à elle l’audition de deux témoins.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 167 consid. 4.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 144 II 427 consid. 3.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_452/2024 du 16 janvier 2025 consid. 2.1).

2.2 En l’occurrence, la recourante soutient que la production du dossier de soumission de l’appelée en cause dans le cadre de la procédure d’appel d’offres « Gardebains_A2 » est nécessaire pour comprendre les raisons pour lesquelles la procédure A2 a été interrompue par l’autorité intimée. L’intimée estime pour sa part que ce point n’est pas pertinent, la décision d’interruption n’ayant pas été contestée par la recourante.

Or, comme on le verra ci-après, les raisons à l’origine de l’interruption de la procédure et de la publication d’un nouvel appel d’offres s’avèrent pertinentes pour déterminer si l’intimée a respecté son obligation de garantir l’égalité de traitement entre les soumissionnaires et d’assurer la transparence des procédures de passation des marchés. Les déclarations de l’autorité en audience ont toutefois permis de comprendre les raisons pour lesquelles la procédure d’appel d’offres « Gardebains_A2 » avait été interrompue. La chambre de céans s’estime ainsi suffisamment renseignée sur cette problématique pour statuer sur le litige.

Quant à la production du dossier de soumission de l’appelée en cause dans le cadre de la procédure d’appel d’offres « Gardebains_A3 », des extraits ont été produits dans les écritures de la société intimée. La recourante a, au demeurant, eu l’occasion de lui poser toutes les questions utiles lors de l’audience de comparution personnelle. Enfin, le tableau d’évaluation de l’appel d’offres A3 a été versé à la procédure, ce qui suffit à l’examen de la cause au vu des développements qui suivent. La production complémentaire de documents par les parties ne sera dès lors pas ordonnée.

Il ne sera pas non plus fait suite à la demande d’audition de témoins formée par l’appelée en cause. Le concordat (CES) dont elle se prévaut pour retenir que la recourante n’était pas autorisée à exercer les activités prévues par l’appel d’offres a été versé au dossier et les arguments des parties relatives à son application au marché litigieux figurent dans leurs écritures. Il n’est au demeurant pas contesté que D______ dispose de compétences particulières en matière de surveillance de bassins et de sauvetage de personnes, si bien que son audition n’est pas nécessaire.

3.             Invoquant une violation de son droit d’être entendue, la recourante se prévaut d’une motivation insuffisante de la décision querellée.

3.1 Le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; ATF 141 V 557 consid 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 4.1 et les références). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 531 n. 1573). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; ATA/250/2023 du 14 mars 2023 consid. 3.1).

3.2 En matière de marchés publics, cette obligation se manifeste par le devoir qu’a l’autorité d’indiquer au soumissionnaire évincé les raisons du rejet de son offre. Ce principe est concrétisé par les art. 13 let. h AIMP et 45 al. 1 RMP, qui prévoient que les décisions d'adjudication doivent être sommairement motivées (ATA/51/2025 du 14 janvier 2025 consid. 3.2).

Selon la doctrine, les règles spéciales applicables en matière d'adjudication de marché prévoient que l'autorité peut, dans un premier temps, procéder à une notification individuelle, voire par publication, accompagnée d'une motivation sommaire ; sur requête du soumissionnaire évincé, l'autorité doit lui fournir des renseignements supplémentaires relatifs notamment aux raisons principales du rejet de son offre ainsi qu'aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue. L'ensemble des explications de l'autorité (fournies le cas échéant en deux étapes) doit être pris en considération pour s'assurer qu'elles sont conformes, ou non, aux exigences découlant du droit d'être entendu ; de surcroît, la pratique admet assez généreusement la réparation d'une motivation insuffisante dans la procédure de recours subséquente (ATA/51/2025 précité consid. 3.2 ; Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2e éd., 2023, p. 378 n. 799 s. et les références citées).

Dans la phase finale de l’évaluation des offres, le pouvoir adjudicateur attribue des notes aux offres qui n'ont pas été exclues, au regard de chacun des critères d'adjudication. Ces différentes notes doivent faire l'objet d'une brève motivation, susceptible d'être fournie au soumissionnaire souhaitant des explications plus détaillées au sujet de son éviction ou à l'autorité de recours. L'entité adjudicatrice opère ensuite la synthèse de ces évaluations en les intégrant dans un tableau comparatif, regroupant l'ensemble des offres et les notes retenues auxquelles sont appliqués les facteurs de pondération pour les différents critères (ATA/1192/2021 du 9 novembre 2021 consid. 2d et la référence citée).

3.3 La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/151/2023 du 14 février 2023 consid. 3b).

3.4 En l’espèce, la décision attaquée indique le nom de l'adjudicataire ainsi que le montant de l'adjudication (CHF 861'723.04 TTC) et précise que l’offre de l’adjudicataire a été jugée économiquement la plus avantageuse. Un tableau comparatif des offres y est annexé d’où ressortent le montant de l’offre des deux soumissionnaires, les notes attribuées aux différents critères, la pondération des critères, la note finale obtenue par les soumissionnaires et leur classement. Ce tableau ne contient toutefois aucune explication – même sommaire – au sujet des notes obtenues. Après avoir sollicité des explications de la part de l’autorité adjudicatrice, une séance a eu lieu le 4 avril 2025 en présence de l’associé gérant de la recourante et d’un représentant de la ville. La recourante indique toutefois n’avoir obtenu aucune explication durant cette séance, ce qui est contesté par l’intimée. Ce point peut toutefois demeurer indécis, la ville ayant produit, devant la chambre de céans, un tableau d’évaluation générale des offres. Ainsi, une éventuelle violation du droit d’être entendue de la recourante devrait être considérée comme ayant été réparée dans le cadre de la présente procédure, le recours ayant un effet dévolutif complet et permettant à la chambre d’examiner librement l’établissement des faits et l’application du droit (art. 61 al. 1 et 67 LPA ; ATA/51/2025 du 14 janvier 2025 consid. 3.3 ; ATA/1200/2024 du 15 octobre 2024 consid. 2.3). La recourante a ainsi eu l’occasion de faire valoir l’ensemble de ses griefs concernant l’évaluation de son offre. Savoir si les motifs apportés à l’appui des notes sont fondés est une question de fond qui sera abordée ci-après.

Le grief tiré de la violation du droit d’être entendu doit, partant, être rejeté.

4.             La recourante se plaint du fait que l’adjudicataire aurait dû être exclue de la procédure, faute pour elle de remplir les critères d’aptitude visés à l’art. 26 du cahier de soumission.

4.1 L'art. 57 RMP a une teneur similaire à l’art. 61 al. 1 LPA, selon lequel le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d'appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées).

4.2 On distingue les critères d'aptitude ou de qualification, qui servent à s'assurer que le soumissionnaire dispose des capacités suffisantes afin de réaliser le marché (art. 13 al. 1 let. d AIMP), des critères d'adjudication ou d'attribution qui se rapportent en principe directement à la prestation requise et indiquent au soumissionnaire comment l'offre économiquement la plus avantageuse sera évaluée et choisie (ATF 145 II 249 consid. 3.3 ; 141 II 353 consid. 7.1 ; 140 I 285 consid. 5 et les références citées).

Les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 RMP). L'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres (art. 24 RMP).

Aux termes de l’art. 33 RMP, l'autorité adjudicatrice définit des critères d'aptitude conformément à l'art. 24. Elle peut exiger des soumissionnaires des justificatifs attestant leur capacité sur les plans financier, économique, technique, organisationnel et du respect des composantes du développement durable, tels que : a) preuve que le candidat exerce une activité en rapport avec celle dont relève la soumission, par exemple sous forme d'un extrait du registre du commerce ou d'un registre professionnel ; b) déclaration indiquant l'effectif de la main-d'œuvre permanente et le nombre d'apprentis ; c) extrait du registre des poursuites et faillites ; d) pièces comptables ; e) certificat de qualité (al. 1).

4.3 Le pouvoir adjudicateur dispose d'une grande liberté d'appréciation dans le choix et l'évaluation des critères d'aptitude et d'adjudication, celui-là étant libre de spécifier ses besoins en tenant compte de la solution qu'il désire (ATF 137 II 313 consid. 3.4 = JdT 2012 I p. 28 ss). Une fois les critères d'aptitude et d'adjudication arrêtés dans l’appel d’offres ou les documents d'appel d'offres, le pouvoir adjudicateur doit en règle générale s'y tenir. En vertu des principes de la transparence et de l’égalité de traitement, il ne saurait les modifier ultérieurement. S'il ignore des critères dûment fixés, en modifie la portée ou la pondération ou encore s'il en ajoute de nouveaux, le pouvoir adjudicateur agit de manière contraire au droit des marchés publics (ATA/51/2025 précité consid. 5.5 et les arrêts cités).

4.4 En l’espèce, le ch. 26.1 let. a du cahier de soumission indique expressément que le soumissionnaire doit « exercer une activité en rapport avec celle dont relève le présent marché ». Afin de prouver le respect des critères d’aptitude, le soumissionnaire doit produire l’extrait du registre du commerce (ch. 26.2). Selon le ch. 36.1 let. b du cahier de soumission, l’autorité adjudicatrice évaluera uniquement les offres qui correspondent aux domaines d’activité et de compétences exigés.

Il n’est pas contesté que le but social de l’adjudicataire, tel qu’il ressort de l’extrait du registre du commerce (ci-après : RC), ne mentionne pas explicitement la surveillance aquatique. Les activités principales de la société comprennent la surveillance d’immeubles et biens mobiliers de tout genre – pour prévenir les dangers d’incendie et d’effraction ainsi que les troubles de la possession –, un service d’ordre et de contrôle, ainsi qu’un soutien à la police pour prévenir les délits. Ainsi, sur la base de son extrait du RC, dont la production est requise par l’appel d’offres en vue de prouver le respect des critères d’aptitude, les activités principales de l’adjudicataire ne semblent pas recouvrir l’exploitation et la surveillance de bassins, encore moins le sauvetage de baigneurs.

Certes, tant l’intimée que l’adjudicataire relèvent que le marché ne se limite pas à la seule surveillance de la baignade, mais consiste en une activité plus large et plus complète de « prestations de gestion d’un espace temporaire de bains flottants ». Il n’en reste pas moins que, selon le ch. 3.2 du cahier des charges, la surveillance et la sécurité de la baignade, de même que le fait d’éviter toute noyade, figurent parmi les attentes principales de l’intimée, en sus de l’ouverture et la fermeture du site, l’accueil de qualité, la caisse et les travaux de nettoyage et d’entretien. Cela est renforcé par l’intitulé même de l’appel d’offres, à savoir « Gardebains », ainsi que l’importance accordée par le pouvoir adjudicateur (passages mis en évidence dans le cahier des charges) à l’obligation de disposer, en tout temps, d’au minimum quatre gardiens de bains, au bénéfice de formations obligatoires.

Dans ses écritures, l’adjudicataire indique qu’elle dispose, parmi ses employés, d’un certain nombre de gardiens de bains. Elle ne produit toutefois aucune pièce probante à l’appui de cette allégation, étant précisé que ni l’article du journal « E______ », paru huit jours après le dépôt du recours, ni l’extrait du reportage de H______, qui se réfère exclusivement à une sécurité « hors bassin » en soutien aux gardiens de bains, ne permettent de l’étayer. Le nombre de gardiens de bains invoqué par la société apparaît, au demeurant, fort variable. Dans ses déterminations du 22 avril 2025, l’intéressée avait indiqué disposer de « 40 gardiens de bains répartis sur une vingtaine de piscines ». Le directeur de la société a toutefois indiqué en audience que la société comptait « 90 gardiens de bains », avant de mentionner que seule une « vingtaine de personnes étaient impliquées dans la surveillance des bains ». Il a certes ajouté que la société faisait face à une forte demande de gardiens de bains de la part des communes, mais n’a produit aucune pièce permettant de confirmer cet élément. Il ressort, enfin, des annonces publiées par l’adjudicataire en février et en avril 2025 que celle-ci était à la recherche d’agents de surveillance de baignade. Il est d’ailleurs singulier que l’appelée en cause ait choisi d’intégrer une image des Bains des Jet d’eau dans ses annonces, et cela, alors que la procédure d’appel d’offres était en cours. Tout porte ainsi à croire qu’elle ne disposait pas, voire pas assez, de personnel qualifié en matière de surveillance de bains pour répondre aux exigences de l’appel d’offres litigieux, ce qui tend à démontrer que l’adjudicataire n’exerçait pas une activité en rapport avec celle dont relevait le marché.

Il ressort certes des extraits du site internet de l’adjudicataire, datés du 14 avril 2025, que celle-ci propose un service de « surveillance de la baignade ». Les deux références figurant dans le dossier de soumission de l’intéressée mentionnent par ailleurs « une activité de surveillance de baignade en soutien au maître-nageur ». Il est toutefois douteux que de tels éléments suffisent à retenir une activité concrète en rapport avec la surveillance des bassins, les deux références se limitant à mentionner une activité de soutien à des maîtres-nageurs. S’ajoute à cela que, selon le tableau d’évaluation des critères d’adjudication, le référent principal dédié au marché choisi par l’appelée en cause pour se charger de la gestion de la prestation (ch. 4.2.1 du cahier des charges) n’avait aucune expérience spécifique dans la gestion d’un espace de bain. On relèvera également que le consultant dont se prévaut l’adjudicataire n’est autre que le référent principal choisi par la recourante dans son offre et le coordinateur de cette dernière lors de l’exploitation du site des Bains du Jet d’eau en 2024. L’ensemble de ces éléments sème ainsi un sérieux doute quant à la réalisation, par la société adjudicataire, du critère d’aptitude énoncé au ch. 26.1 let. a du cahier de soumission. La question peut toutefois demeurer indécise, le recours devant quoi qu’il en soit être admis pour les motifs qui suivent.

5.             La recourante fait valoir que l’intimée a abusé de son pouvoir d’appréciation dans l’évaluation des critères d’adjudication.

5.1 Les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 al. 2 RMP). L’autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et par ordre d’importance au moment de l’appel d’offres (art. 24 RMP).

Selon l’art. 43 RMP, l’évaluation des offres est faite selon les critères prédéfinis conformément à l’art. 24 RMP et énumérés dans l’avis d’appel d’offres et/ou les documents d’appel d’offres (al. 1). Le résultat de l’évaluation des offres fait l’objet d’un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l’offre économiquement la plus avantageuse, c’est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l’adéquation aux besoins, le service après-vente, l’esthétique, l’organisation, le respect de l’environnement (al. 3).

5.2 En matière d’évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées), y compris s’agissant de la méthode de notation (ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 4b et les références citées). La juge doit veiller à ne pas s’immiscer de façon indue dans la liberté de décision de l’autorité chargée de l’adjudication (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1). L’appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ladite autorité. Seul l’abus ou l’excès du pouvoir d’appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d’appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999, p. 136, consid. 3a ; ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 5).

5.3 En l’occurrence, la recourante conteste les notes attribuées aux critères B, C, D, E et F.

S’agissant du critère relatif à « l’organisation pour assurer les prestations attendues », pondéré à 40%, tant la recourante que l’adjudicataire ont obtenu la note de 3. Conformément au cahier de soumission (ch. 41.7), la note de 3 signifie que le soumissionnaire a fourni l’information et les documents demandés par rapport au critère, dont le contenu répond aux attentes minimales, mais ne présente pas ou peu d’avantages particuliers par rapport aux autres soumissionnaires.

Il ressort du tableau d’évaluation des critères que le critère B était divisé en cinq sous-critères, soit le planning journalier (B1), le processus d’intervention (B2), la formation (B3), le contrôle de la prestation (B4) et l’organigramme spécifique (B5). Dans le dossier de soumission, il était demandé aux soumissionnaires d’assurer la présence en tout temps durant les heures d’ouverture de minimum quatre gardiens de bains afin d’assurer la sécurité dans le respect des normes en vigueur. Il revenait aux soumissionnaires d’évaluer, sur la base des recommandations et normes sécuritaires applicables, des caractéristiques de l’infrastructure et des modalités de l’exploitation, le nombre de gardiens nécessaire pour assurer en tout temps la sécurité des usagers dans le respect du minimum de quatre gardiens (ch. 8.1.2 du cahier des charges).

Dans son dossier de soumission, la recourante a dûment expliqué les raisons pour lesquelles le nombre de gardiens de bains devait être augmenté durant l’après-midi, la FMI passant de 150 (le matin) à 300 (l’après-midi). Elle a donc proposé d’assurer une présence minimale de quatre gardiens de bains le matin et de cinq l’après-midi, soit un nombre supérieur au minimum requis par l’appel d’offres. L’adjudicataire s’est, quant à elle, limitée à assurer « une couverture efficace avec la présence de quatre gardiens de bains de 7h à 21h, lorsque la FMI augmente ». Or, compte tenu de l’importance du critère du nombre de gardiens de bains pour la sécurité des usagers, ces points étant mis en évidence dans le dossier de soumission, il est incompréhensible que la recourante ait obtenu la même note que sa concurrente, alors que celle-ci s’est limitée au minimum requis. On comprend d’ailleurs mal comment le fait pour l’adjudicataire de répondre au nombre minimum requis de gardiens de bains ait pu constituer un avantage, puisqu’un nombre inférieur aurait conduit à son exclusion. L’explication de l’autorité en audience, selon laquelle le critère d’évaluation portait sur le « planning journalier » et non le nombre de gardiens de bains ne convainc pas, tant il est vrai que, selon le formulaire d’offre à compléter par les soumissionnaires, le planning journalier devait respecter la présence minimum de quatre gardiens de bain (exigence mise en évidence par l’autorité). S’ajoute à cela que l’offre de la recourante proposait trois gardiens de bains formés « ProPool » et « Module Lac » en tout temps (et quatre l’après-midi), alors que l’adjudicataire n’en proposait que deux (matin et après-midi), sans que cette différence n’ait été prise en compte dans la notation. Il est d’ailleurs peu compréhensible que l’autorité intimée ait retenu, comme désavantage pour la recourante, que des membres de son personnel aient participé à « des formations internes sans certification », alors que les attestations de participation figuraient dans le dossier de soumission (annexes 3.3.2bis, 3.3.2ter et 3.3.2quater) et que, comme l’autorité intimée l’a dûment précisé, tous les gardiens de bain étaient mieux formés que le minimum requis. Enfin, la recourante a obtenu quatre commentaires positifs au sous-critère B4, contre trois pour l’adjudicataire, sans que cette différence n’ait eu un impact sur la note finale du critère B. Pour toutes ces raisons, il était arbitraire de retenir la même note pour les deux soumissions alors que l’offre de la recourante présentait des avantages évidents par rapport à celle de l’adjudicataire. La recourante aurait dû obtenir une note au minimum de 4 (bon et avantageux). Or, un seul point de différence suffit déjà, en tenant compte de la pondération accordée à ce critère qui est de 40%, pour faire passer la recourante devant l’adjudicataire.

À titre superfétatoire, on ajoutera, en ce qui concerne l’évaluation du critère C (« expertise du soumissionnaire ») que la note obtenue par l’adjudicataire, à savoir 3, apparaît pour le moins inique. Pareille note signifie, comme on l’a vu, que la soumissionnaire répond aux attentes minimales du pouvoir adjudicateur. Or, l’autorité intimée a retenu que le référent principal choisi par l’adjudicataire ne possédait aucune expérience spécifique dans la gestion d’un espace de bains. Quant aux deux références produites par l’adjudicataire, elles se limitent, comme on l’a vu, à mentionner une activité de soutien à des maîtres-nageurs, soit une activité typique d’agent de sécurité. De telles références ne suffisent à l’évidence pas pour démontrer une expérience dans le domaine de la surveillance de bains et du sauvetage de personnes. Il est donc difficilement compréhensible que l’autorité ait considéré que l’offre répondait à ses attentes minimales. Dans le même ordre d’idées, on peine à comprendre en quoi le fait de disposer de « matériel en doublon avec celui de ville » serait considéré comme un désavantage pour la recourante (seul point négatif relevé pour l’évaluation du critère D1 [« moyens matériel »]). Si l’autorité a relevé en audience que ce désavantage était « léger », cet élément a malgré tout dû peser sur la note de la recourante, puisqu’elle a obtenu une note inférieure à celle de sa concurrente, alors même que son matériel était plus important et sa liste de matériel précise et exhaustive. Si l’adjudicataire a certes proposé un planning de mise en œuvre plus détaillé, elle n’a fourni aucune précision quant à ses équipements de premiers secours, ce qui, comme l’indique la recourante, aurait dû constituer un sérieux désavantage pour un marché portant sur la surveillance des bains. Il apparaît enfin que le pouvoir adjudicateur a omis de tenir compte, dans l’évaluation du critère F (« équité sociale »), du projet « Handicap avec Handisport Natation/SSS » figurant dans le cahier de soumission de la recourante, puisqu’il n’a mentionné cet avantage (« actif dans le domaine de l’insertion et du handicap ») que pour l’offre de l’adjudicataire.

Il s’ensuit que l’autorité intimée a abusé de son pouvoir d’appréciation en attribuant le marché à l’appelée en cause. Le recours doit être admis pour ce motif déjà.

6.             La recourante invoque également une violation de l’égalité de traitement entre soumissionnaires et du principe de transparence.

6.1 L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés et à transposer les obligations découlant de l’accord GATT/OMC ainsi que de l’accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP). En particulier, le principe d’égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 1 et 2 RMP ; ATA/1090/2024 du 17 septembre 2024 consid. 3.1).

6.2 Selon l’art. 47 al. 1 RMP, la procédure peut être interrompue pour de justes motifs ou raisons importantes, notamment lorsque : l'autorité adjudicatrice a reçu un nombre insuffisant d'offres pour adjuger le marché dans une situation de concurrence efficace (let. a) ; les offres ont été concertées (let. b) ; un abandon ou une modification importante du projet est nécessaire (let. c) ; toutes les offres dépassent le montant du budget prévu ou octroyé pour le marché (let. d).

L'autorité adjudicatrice rend une décision d'interruption sommairement motivée, notifiée soit par publication sur la plateforme simap.ch, soit par courrier aux intéressés, avec mention des voies de recours (art. 47 al. 2 RMP). Le recours est adressé à la chambre administrative de la Cour de justice dans les 10 jours dès la notification de la décision (art. 56 al. 1 RMP cum art. 55 let. d RMP).

L'interruption, la répétition ou le renouvellement de la procédure n'est possible qu'à titre exceptionnel et suppose un motif important (ATF 141 II 353 consid. 6.1 ; 134 II 192 consid. 2.3). L'interruption du marché – ce qui suppose l'annulation de tous les actes déjà accomplis – apparaît donc comme une ultima ratio (ATF 141 II 353 consid. 6.1 ; Peter GALLI/André MOSER/Élisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 2013, n. 799). Cette approche restrictive s'explique par le fait que, lorsqu'il met en place une procédure de marché public, le pouvoir adjudicateur doit assurer à chaque soumissionnaire une chance réelle et juste d'être choisi en fonction des exigences posées. Or, cette chance est retirée lorsque le pouvoir adjudicateur interrompt la procédure sans avoir attribué le marché (ATF 141 II 353 consid. 6.1). Certes, les soumissionnaires pourront à nouveau déposer une offre si la procédure est répétée, mais cela engendre des coûts supplémentaires et, selon les circonstances, une diminution des chances d'obtenir le marché dans cette seconde procédure au cas où le nombre de soumissionnaires serait plus important ou si de nouvelles exigences les désavantageaient. S'ajoute à cela que la mise en œuvre d'une seconde procédure peut produire des effets contraires aux règles sur les marchés publics et à l'objectif de libre concurrence poursuivi, notamment parce que les précédents soumissionnaires auront pu (à tout le moins partiellement) prendre connaissance des premières offres formulées par leurs concurrents (ATF 141 II 353 consid. 6.1 ; 129 I 313 consid. 10). Il faut donc éviter que l’interruption de la procédure soit utilisée de manière abusive (Martin BEYELER, Überlegungen zum Abbruch von Vergabeverfahren, PJA, 2005/7, p. 784 ss, 789). 

Il existe un intérêt public à ce que la procédure de marché public puisse se dérouler avec toute la célérité requise, ce que confirment notamment l'instauration de délais de recours relativement brefs et l'absence d'effet suspensif automatique à différents recours, tandis que la réorganisation d'une procédure d'appel d'offres et d'adjudication ab ovo a pour conséquence de fortement retarder l'avancement d'un marché public et d'entraîner des coûts supplémentaires. Or, ces intérêts publics militent eux aussi en faveur d'un maniement très restrictif de la possibilité de réinitier ab ovo les procédures d'appel d'offres et d'adjudication (ATF 141 II 353 consid. 6.1).

6.3 Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal et incontournable des marchés publics. Il limite le large pouvoir d'appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur (RDAF 2001 I 403). Il permet d'assurer la mise en œuvre du principe de concurrence, lequel permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l'offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation ainsi que le contrôle de l'impartialité de la procédure d'adjudication, autre principe qui doit être respecté. Le principe de transparence exige que le pouvoir adjudicateur se conforme aux conditions qu'il a préalablement annoncées ; ainsi, une fois les critères d’aptitude et d’adjudication arrêtés dans l’appel d’offres ou les documents d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur doit en règle générale s’y tenir. Ce principe se rapproche dans cet aspect du principe de la bonne foi, qui prohibe les comportements contradictoires de l'autorité (art. 9 Cst.), et du principe de la non‑discrimination. En effet, si le pouvoir adjudicateur s'écarte des « règles du jeu » qu'il a fixées, en particulier s'il modifie les critères d’aptitude ou d’adjudication après le dépôt des offres (ATA/156/2025 du 11 février 2025 consid. 3.1 ; ATA/349/2023 du 4 avril 2023 consid. 3.2), il adopte un comportement qui se rapproche d'une manipulation, typiquement discriminatoire, du résultat du marché (ATF 141 II 353 consid. 8.2.3 et la référence citée ; ATA/167/2024 du 6 février 2024 consid. 4.2.2 et les références citées) et agit de manière contraire au droit des marchés publics (arrêt du Tribunal administratif fédéral B-6744/2023 du 20 août 2024 consid. 6.1.1 et les arrêts cités).

6.4 Devant la chambre de céans, la recourante reproche à l’autorité intimée d’avoir violé le principe de concurrence régissant les marchés publics en interrompant le marché, sans motif important, et en le relançant le lendemain, dans le seul but de permettre à l’adjudicataire de modifier son offre.

Elle doit être suivie sur ce point. Il ressort du dossier qu’un appel d’offres intitulé « Gardebains_A2 » avait été lancé en décembre 2024. Seuls deux soumissionnaires, soit l’adjudicataire et la recourante, ont déposé une offre. Selon les documents d’appel d’offres, le marché exigeait « la présence en tout temps durant les heures d’ouverture de minimum 4 gardiens de bains afin d’assurer la sécurité dans le respect des normes en vigueur » (ch. 7.1.1 du cahier des charges de l’appel d’offres « Gardebains_A2 »). Quoi qu’en dise l’autorité intimée, une telle exigence n’était pas sujette à interprétation. Certes, le cahier des charges précisait également que le nombre de gardiens de bain mentionné avait « une valeur indicative ». Or, une telle mention ne pouvait être comprise qu’en ce sens que le nombre de gardiens de bains pouvait être supérieur à quatre. Toute autre interprétation aurait été contraire non seulement à la mention expresse des termes « minimum 4 gardiens » figurant dans l’appel d’offres mais également aux normes de sécurité en vigueur, ce que l’autorité intimée a confirmé en audience, précisant que le nombre de quatre gardiens de bains était une sécurité « minimum » d’encadrement pour assurer la sécurité de la population. L’instruction menée par la chambre de céans a établi que l’offre de l’adjudicataire ne respectait pas cette exigence. Cela résulte des déclarations de l’autorité intimée en audience, selon lesquelles « l’une des offres contenait moins de quatre garde-bains ». Or, dans la mesure où il n’est pas contesté que l’offre de la recourante dans le cadre du marché « Gardebains_A2 » proposait quatre gardiens de bains le matin et cinq l’après-midi – à l’instar de son offre dans le cadre du marché « Gardebains_A3 » avantage-, force est de constater que c’est l’offre de l’adjudicataire qui ne respectait pas la condition minimale de quatre gardiens de bains. Dans de telles circonstances, l’autorité adjudicatrice n’avait pas d’autre choix, pour respecter ses obligations légales, que de constater que l’adjudicataire avait présenté une offre qui contrevenait au ch. 7.1.1 des critères d’adjudication. Elle ne pouvait, sauf à violer le principe de concurrence, interrompre le marché pour permettre à l’appelée en cause de modifier son offre.

Contrairement à ce que soutient l’autorité, les conditions de l’art. 47 al. 1 RMP n’étaient aucunement réalisées. Comme on l’a vu, l’exigence d’une présence minimum de quatre gardiens de bains était claire et conforme aux normes de sécurité en vigueur, ce que l’autorité intimée a admis en audience. Quant au « changement d’horaire » invoqué par l’autorité à l’appui de l’interruption, il ne saurait, et de loin, être considéré comme majeur. Dans les deux appels d’offres, l’ouverture des Bains était fixée de 7h à 21h, la seule nouveauté portant sur l’horaire de fermeture de la caisse, quinze minutes plus tôt. À l’évidence, une telle modification ne saurait justifier la mise en place d’une nouvelle procédure d’appel d’offres. Contrairement à ce que soutient l’autorité intimée, le fait que la recourante n’ait pas recouru contre la décision d’interruption ne libère pas l’autorité adjudicatrice de son obligation de respecter le principe de concurrence, qui interdit au pouvoir adjudicateur d’adopter un comportement qui se rapproche d’une manipulation, typiquement discriminatoire. On précisera que ce n’est pas la décision d’interruption en elle-même qui pose problème in casu, mais le comportement de l’autorité durant la procédure d’adjudication. Ce n’est d‘ailleurs que lors de l’audience de comparution personnelle des parties devant la chambre de céans que les raisons de l’interruption ont pu être identifiées, à savoir que l’offre de l’adjudicataire ne contenait pas le nombre minimum de gardiens de bains requis par l’appel d’offres. Une telle attitude de l’autorité, qui a retardé la procédure d’appel d’offres de près de deux mois, ne peut être comprise autrement que comme la volonté de favoriser l’appelée en cause au détriment de sa concurrente, étant précisé que, sans l’interruption, le marché aurait dû être adjugé à cette dernière, seule soumissionnaire ayant respecté le nombre minimum de quatre gardiens de bains. Cette suspicion est d’ailleurs renforcée par l’évaluation, par l’autorité adjudicatrice, des critères d’adjudication, comme on l’a vu ci-avant. En accordant une nouvelle chance à l’appelée en cause de déposer une soumission conforme à l’appel d’offres, l’autorité adjudicatrice a contrevenu au principe d’égalité de traitement garanti par les art. 1 al. 2 let. b AIMP et 16 RMP.

Le reproche tiré de la violation du principe de concurrence doit partant également être admis.

6.5 On précisera enfin que l’argument de l’adjudicataire, selon lequel la recourante ne peut se voir octroyer le marché, faute d’avoir été autorisée à exercer ses activités de sécurité conformément au CES, n’a aucun fondement. L’autorité intimée s’en écarte d’ailleurs à juste titre. Contrairement à ce que soutient l’appelée en cause, le concordat, en particulier son art. 4, ne vise pas les activités de surveillance des bains. Il traite uniquement de la surveillance ou la garde de biens mobiliers ou immobiliers (let. a), de la protection des personnes (let. b) et du transport de sécurité de biens ou de valeurs (let. c), soit des activités typiques d’agent de sécurité. L’appel d’offres ne contient du reste aucune exigence au sujet d’une autorisation accordée par le canton sur la base du concordat (art. 2 al. 1 let. b CES), si bien qu’on ne saurait reprocher un quelconque manquement de la recourante à cet égard.

6.6 Selon l’art. 69 LPA, la juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties (al. 1). Si elle admet le recours, elle réforme la décision attaquée ou l’annule. Si elle le juge nécessaire, elle peut renvoyer l’affaire à l’autorité qui a statué pour nouvelle décision (al. 3). En matière de marchés publics, si le contrat n’est pas encore conclu, l’autorité de recours peut, soit statuer au fond, soit renvoyer la cause au pouvoir adjudicateur dont elle annule la décision, au besoin avec des instructions impératives (art. 18 al. 1 AIMP).

Faisant usage de son pouvoir de réforme, la chambre administrative adjugera le marché à la recourante. En effet, toute autre décision, notamment un renvoi à l'intimée, se heurterait au principe d’économie de procédure ainsi qu’à celui de célérité, lesquels doivent être pris en compte en matière de marchés publics (ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 ; ATA/1089/2018 du 16 octobre 2018 consid. 10 et références citées ; ATA/947/2016 du 8 novembre 2016 consid. 6 ; ATA/51/2015 du 13 janvier 2015 consid. 18).

Le présent arrêt rend sans objet la demande d’octroi de l’effet suspensif.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de B______, qui succombe. Aucun émolument ne sera mis à la charge de la ville, qui en est dispensée (art. 87 al. 1 2e phr. LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à la recourante qui y a conclu, à la charge de la ville de Genève à hauteur de CHF 1'500.- et de B______ à hauteur de CHF 500.- (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 avril 2025 par A______ contre la décision de la ville de Genève du 31 mars 2025 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision d'adjudication de la ville de Genève du 31 mars 2025 ;

adjuge à A______ le marché public intitulé « Gardebains_A3 / prestations de gestion d’un espace temporaire de bains flottants » ;

met à la charge de B______ un émolument de CHF 1'500.- ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 2’000.-, soit CHF 1'500.- à la charge de la ville de Genève et CHF 500.- à la charge de B______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

communique le présent arrêt à Me Frédéric SUTTER, avocat de la recourante, Me Robert HENSLER et Me Philippe VON BREDOW, avocats de B______, à Me Michel D'Alessandri, avocat de ville de Genève - centrale municipale d'achat et d'impression, ainsi qu’à la commission fédérale de la concurrence.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MARMY

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :