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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3229/2024

ATA/389/2025 du 08.04.2025 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.05.2025, 1C_223/2025
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;PÉRIODE D'ESSAI;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;MOTIF
Normes : SPVL.15; SPVL.16; SPVL.74
Résumé : Recours d’une employée de la commune contre la résiliation de ses rapports de service à l’issue de la période probatoire. L’employée avait initialement été engagée comme responsable de la taxe professionnelle communale (TPC). À la suite de la suppression de cette taxe, l’employée a pris la fonction de comptable analyste. La commune a toutefois considéré, après cinq mois, qu’elle présentait trop de lacunes et ne faisait pas preuve d’assez d’initiative pour cette nouvelle fonction. Elle lui a proposé un autre poste, moins bien rémunéré, que l’employée a refusé. La décision de licenciement lui a été notifiée après la période probatoire, mais la commune lui avait signifié son intention de résilier les rapports de service préalablement. Puis l’employée s’était trouvée en incapacité de travail et donc au bénéfice d’un délai de protection de 90 jours excluant un licenciement avant la fin de ce délai. Elle restait donc soumise aux règles applicables à la période probatoire. Son licenciement était fondé sur des motifs objectifs résultant du dossier. Elle n’avait reçu aucune garantie de conserver son poste ni été discriminée par rapport à un autre employé. Le principe de proportionnalité avait en outre été respecté. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3229/2024-FPUBL ATA/389/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 avril 2025

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Florian BAIER, avocat

contre

COMMUNE DE LANCY intimée
représentée par Me Steve ALDER, avocat



EN FAIT

A. a. La commune de Lancy a engagé A______ en qualité de responsable de la B______ (B______) le 1er août 2022, à un taux d’activité de 70% et pour un salaire correspondant à la classe 17.

L’employée a donné entière satisfaction dans cette fonction, pour laquelle elle était déjà qualifiée au vu de son expérience dans ce domaine, ce qui a été relevé dans ses deux premières évaluations en 2022 et 2023.

b. En 2023, la B______ a été abolie avec effet au 1er janvier 2024.

La commune a en conséquence décidé de restructurer son service financier en trois pôles. Les postes de A______ ainsi que du responsable de la B______, C______, devaient être progressivement supprimés. Il a été prévu que la première prenne la fonction de comptable analyste et que le second devienne responsable du pôle comptabilité générale.

Le nouveau poste de comptable analyste, rémunéré en classe 17, regroupait l’activité précédemment exercée à 50% par D______, à laquelle s’ajoutaient certaines tâches assumées par l’ancien responsable de la comptabilité fournisseur.

c. En novembre 2023, un plan de formation a été établi, en concertation avec l’employée, concernant sa formation par D______ à onze tâches relatives aux domaines de la TVA, des assurances, des groupements intercommunaux, de l’« IIC », des stocks et de l’« AECL ». Il a été demandé à D______ de transmettre ses connaissances à A______ par « compagnonnage », soit au fur et à mesure qu’elle traitait les tâches précitées. Il était prévu que cette formation se termine à la fin du mois de mars 2024, afin que D______ puisse ensuite se consacrer entièrement à sa nouvelle fonction de contrôleuse de gestion.

Parallèlement, A______, tout comme C______, devait clore les dossiers de B______ encore ouverts.

d. Fin novembre 2023, l’employée a été formée aux décomptes TVA, de sorte qu’elle a pu rapidement travailler de manière autonome dans ce domaine.

e. Pour lui permettre de mener parallèlement son ancienne et sa nouvelle activité, son taux d’activité a été augmenté à 100% du 1er janvier au 31 mars 2024, avant d’être ramené à 90% dès le 1er avril puis à 70% dès le 1er juillet 2024.

f. Un premier point de situation concernant sa formation s’est tenu le 23 janvier 2024.

Sa troisième évaluation aurait dû avoir lieu en mars 2024 mais n’a pas été organisée.

Le 18 avril 2024, un second point de situation s’est tenu en présence d’E______, cheffe du service des finances et de l’informatique.

g. En mai 2024, l’employée a suivi avec C______ une formation sur la comptabilité relative aux immeubles locatifs donnée par F______, gestionnaire comptable.

Il était également prévu que le précité la forme à la gestion des factures en lien avec les investissements, mais il n’a pas eu le temps de le faire.

h. À fin mai 2024, selon le plan de formation, sur les onze activités y figurant, trois avaient été « transmises », quatre étaient « en cours de transmission » et quatre autres n’avaient pas encore été « transmises ».

B. a. Le 24 mai 2024, C______, en concertation avec E______, constatant des difficultés de A______ dans sa nouvelle fonction, lui a suggéré de postuler pour le poste de gestionnaire comptable, rémunéré en classe 12 et ouvert au vu du prochain départ à la retraite de F______.

b. Le 3 juin 2024, à sa demande, A______ a eu un entretien avec C______ et E______, en présence de G______, le responsable du service des ressources humaines. Il a été exposé à l’employée qu’elle ne semblait pas avoir les compétences requises pour le poste de comptable analyste, raison pour laquelle il lui avait été proposé de prendre celui de comptable.

L’employée s’est enquise de la possibilité de conserver sa classe de traitement et a été informée quelques jours plus tard que cela n’était pas possible.

c. Le 7 juin 2024, l’employée à répondu par courriel à E______ et C______ qu’elle préférerait conserver son poste de comptable analyste.

Elle s’est trouvée depuis en incapacité de travail et n’a plus été en mesure de retourner à son bureau.

d. Le 10 juin 2024, G_____ a écrit à l’employée être dans l’attente d’une réponse définitive, à défaut de laquelle il se dirigerait vers des profils externes.

e. Le 11 juin 2024, A______ a reproché à la commune de vouloir la licencier quelques semaines avant l’échéance de sa nomination comme fonctionnaire si elle n’acceptait pas le poste de comptable. Elle n’avait effectivement pris la fonction de comptable analyste que depuis le mois d’avril précédent car D______ avait précédemment été occupée par d’autres priorités.

f. Le 26 juin 2024, la commune a transmis à l’employée les raisons, qui lui avaient été soumises lors des divers points de situation et de l’entretien du 3 juin précédent, pour lesquelles elle ne donnait pas satisfaction. Elle manquait d’esprit d’initiative, notamment à travers la conceptualisation de fichiers Excel et la proposition de mise en place de procédures adaptées. Elle adoptait une posture attentiste dans l’apprentissage et le développement de compétences, en ne posant que peu de questions et en n’effectuant pas de recherches dans la documentation existante. Elle rencontrait des difficultés dans la gestion de la nouveauté, ayant par exemple affirmé que le tableau de suivi des assurances, pourtant parmi les plus simples du service, était très compliqué. Ses connaissances métier présentaient trop de lacunes et ses compétences en comptabilité et maîtrise d’Excel étaient très insuffisantes.

La commune n’avait pas constaté d’amélioration suffisante et l’employée refusait le poste de comptable. Aussi, le Conseil administratif envisageait la résiliation de ses rapports de service et l’invitait à faire valoir son point de vue par écrit, dans la mesure où elle n’était pas en état de participer à un entretien.

g. Le 5 juillet 2024, l’employée a contesté que les reproches susmentionnés, qui semblaient avoir été montés de toutes pièces, lui aient été adressés antérieurement. Aucun entretien n’avait eu lieu en mars 2024 et, le 3 juin, seule avait été abordée l’absence de formation Excel, laquelle n’avait cependant pas encore eu lieu.

h. Le 19 juillet 2024, la commune a confirmé que les lacunes de A______ avaient été discutées à plusieurs reprises depuis janvier et intégralement lors de la réunion du 3 juin 2024. Elle n’avait pas été évaluée en mars 2024 comme prévu car, ayant pris une nouvelle fonction au début de l’année, cela aurait été prématuré.

La commune n’avait pas tenté de forcer l’employée à changer de fonction mais lui avait proposé une solution satisfaisante, qu’elle avait refusée au vu de la baisse de traitement que cette alternative impliquait.

Le Conseil administratif résilierait dès lors les rapports de service à l’échéance du délai de protection pour cause de maladie de 90 jours.

i. Le 14 août 2024, A______ a dit considérer faire l’objet d’un chantage visant à l’obliger à accepter un poste bien moins rémunéré. Elle n’avait réellement commencé à travailler comme comptable analyste qu’au mois d’avril, ayant conservé son activité relative à la B______ à 100% jusqu’aux vacances de Pâques et l’ayant maintenue à 30% ensuite. Il n’était donc pas encore possible de tirer des conclusions au sujet de ses compétences à son nouveau poste.

j. Le 6 septembre 2024, le Conseil administratif a résilié les rapports de service de A______ avec effet au 31 octobre 2024 sur la base de l’art. 74 al. 3 du statut du personnel de l’administration municipale de la Ville de Lancy du 24 novembre 2022 (LC 28 151 ; ci-après : le statut). Il avait pris connaissance des arguments invoqués mais ceux-ci n’étaient pas propres à modifier la position de la commune.

C. a. Par acte déposé le 2 octobre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la résiliation de ses rapports de service, concluant à sa réintégration ou, en cas de refus, au versement des sommes de CHF 16'068.- au titre de traitement du 1er novembre au 31 décembre 2024 et de CHF 56'820.- au titre d’indemnité pour licenciement abusif.

La formation à son nouveau poste, commencée fin 2023, avait été interrompue au début de l’année suivante jusqu’aux vacances de Pâques, car D______ avait été affectée prioritairement à d’autres tâches. La formation n’avait repris que le 15 avril 2024 et, lors du point de situation du 18 avril suivant, il avait été convenu qu’elle se poursuivrait. Le 24 mai 2024, il lui avait pourtant été abruptement proposé de postuler pour un poste inférieur et moins bien payé. À la suite de son refus, la commune avait résilié ses rapports de service.

L’employée était alors en pleine formation, dont la plus grande partie n’avait pas encore été réalisée, de sorte qu’il était prématuré d’évaluer ses compétences. Elle n’avait jamais reçu d’avertissement et les reproches lui ayant été adressés avaient été totalement inventés afin de justifier son licenciement. Elle aurait accepté de reprendre le poste de comptable si la classe de sa rémunération avait été maintenue.

La période probatoire n’avait pas été prolongée, de sorte que dès le 1er août 2024, elle bénéficiait de tous les droits liés au statut de fonctionnaire. Le congé du 6 septembre 2024 était dès lors échu le 31 décembre suivant, date jusqu’à laquelle elle pouvait prétendre au versement de son salaire. L’indemnité maximale de six mois de traitement lui était due en sus au vu du caractère totalement abusif du licenciement.

b. La commune a conclu au rejet du recours.

Le poste de comptable analyste représentait une fonction clé au sein du pôle comptabilité. Son titulaire devait seconder le responsable de manière autonome et être un référent pour toute l’équipe. Il s’agissait d’un poste à responsabilité nécessitant, en sus de connaissances comptables et informatiques, une certaine autonomie et un sens de la « proactivité ».

Dès décembre 2023, la recourante avait été incluse dans les séances de comité de crédit organisées par le service financier et de l’informatique, formée à la revue des postes créditeurs, aux écritures de variation de stock, à l’utilisation du logiciel permettant d’effectuer les tâches relatives aux groupements intercommunaux, ainsi qu’à la TVA. Certains thèmes n’avaient cependant pas pu être abordés au motif que D______ n’avait pas eu à les traiter entre janvier et mai 2024.

La reconversion de l’employée s’était avérée difficile et source d’angoisses pour elle. Lors du point de situation du 18 avril 2024, elle avait expliqué rencontrer des difficultés et exprimé des craintes à cet égard. Après cinq mois de formation, il s’était avéré qu’elle présentait trop de lacunes et ne serait pas en mesure d’occuper le poste de comptable analyste, sans mauvaise volonté de sa part. Elle ne disposait pas des connaissances suffisantes en comptabilité, ses compétences informatiques, notamment de maîtrise d’Excel, étaient insuffisantes et les tâches usuelles lui semblaient trop compliquées. Elle avait en outre adopté une posture trop attentiste dans l’apprentissage et le développement de ses nouvelles compétences. Une amélioration à court et moyen terme n’étant pas prévisible, le poste de comptable, plus en adéquation avec ses compétences et aptitudes, lui avait été proposé.

À la suite du refus de l’employée, la commune l’avait informée de son intention de résilier les rapports de service près de deux mois avant l’échéance de la période probatoire. Sa décision n’avait pas pu être notifiée durant cette période à cause du délai de protection au bénéfice de la recourante, de sorte que cette dernière restait soumise aux règles régissant la période probatoire.

La décision querellée ne violait pas le principe de la bonne foi, ni celui de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire. Aucun poste rémunéré en classe 17 n’avait été promis à la recourante après l’abolition de la B______, la commune avait vainement cherché des solutions alternatives à la résiliation des rapports de service et celle-ci reposait sur les constats objectifs de l’intimée.

c. Dans sa réplique, la recourante a souligné que la période probatoire n’avait jamais été prolongée par une décision formelle et qu’au vu de la transmission par la commune de ses doléances écrites seulement à fin juin 2024, la résiliation des rapports de service n’aurait jamais pu intervenir avant le terme de cette période. Les règles en matière de fin des rapports de service des fonctionnaires lui étaient par conséquent applicables.

L’intimée lui avait signifié dans un seul et même courrier ses reproches, l’invitation à se corriger et le constat d’échec dans le but d’éviter qu’elle ne soit nommée fonctionnaire. Elle n’avait reçu aucun avertissement antérieur, la commune ne lui ayant fait aucun reproche le 3 juin 2024, et sa formation à sa nouvelle fonction était en cours. Il ne lui était concrètement reproché qu’un manque de formation sur les tableurs Excel, pourtant connu de la commune avant son changement d’affectation.

d. La chambre administrative a entendu deux témoins.

d.a. C______ a expliqué avoir donné la priorité à ses nouvelles attributions et s’être occupé des dossiers B______ quand il en avait le temps. La commune étudiait la possibilité de confier ces dossiers à un mandataire externe.

Il se souvenait que D______ avait donné à A______ en janvier 2024 une formation sur les écritures relatives aux variations de stock puis, durant le premier trimestre, la passation TVA. Lui-même répondait à ses questions lorsqu’il le pouvait. Elle souhaitait en particulier suivre une formation Excel.

L’objectif de réaliser le plan de formation à fin mars 2024 était ambitieux mais la commune n’avait jamais dit que ne pas atteindre cet objectif serait problématique.

La reconversion professionnelle de l’employée, tout comme le relèvement de son taux d’activité à 100%, avaient été difficiles et stressants. Au vu de la classe salariale élevée du poste, il était attendu d’elle un certain degré d’autonomie et de « proactivité », dans le sens qu’elle aurait dû se former elle-même en consultant la documentation à disposition, notamment le manuel MCH2, et en recueillant des informations auprès des autres collaborateurs. Elle manquait aussi de rapidité d’apprentissage et d’exécution des tâches. Le poste de comptable analyste s’était ainsi révélé trop exigeant pour elle, ce qui avait été constaté après un certain temps.

En mai 2024, C______ avait eu plusieurs entretiens avec l’employée. Afin de ne pas la mettre en difficulté, le poste de gestionnaire comptable lui avait été proposé. Pour compenser la perte financière liée au changement de classe salariale, il lui avait été offert d’augmenter son taux d’activité de 70% à 90%.

d.b. D______ a expliqué n’avoir pas formé A______ dans les domaines qui n’avaient pas été d’actualité jusqu’au départ de cette dernière. Chacune des tâches nécessitait une formation spécifique mais était facile à maîtriser. Elles se voyaient en moyenne une fois par semaine. D______ avait cependant été moins disponible au début de l’année 2024 en raison du bouclement des comptes. Elle avait réalisé elle-même les tâches pour lesquelles elle n’avait pas eu le temps de former la recourante et était restée disponible pour répondre à ses questions.

La formation de l’employée se passait bien. Elle avait les capacités d’acquérir les compétences nécessaires. Ses connaissances Excel semblaient toutefois faibles et elle lui avait suggéré de suivre un cours dans ce domaine.

D______, hiérarchiquement au même niveau que la recourante, a indiqué qu’il ne lui appartenait pas de s’exprimer sur les compétences de sa collègue. Elle n’avait pas connaissance de reproches dirigés contre cette dernière, dont la qualité du travail n’avait pas été abordée le 18 avril 2024.

e. Les parties n’ont pas souhaité faire d’observations complémentaires durant l’audience d’enquêtes ni requis à l’issue de celle-ci l’audition d’autres témoins, de sorte que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 102 du statut).

2.             La présente cause a pour objet la conformité au droit de la résiliation des rapports de service de la recourante, que cette dernière considère comme soumise aux règles applicables aux fonctionnaires.

2.1 Selon l’art. 15 du statut, l’employé ou l’employée sont d'abord engagés à titre probatoire pendant deux ans (al. 1). Exceptionnellement, sur proposition du ou de la cheffe de service et des ressources humaines, la période probatoire peut être prolongée d'une année au maximum par décision du Conseil administratif (al. 2).

Conformément à l’art. 16 du statut, au terme de la période probatoire, sur proposition du chef ou de la cheffe de service et des ressources humaines, le Conseil administratif décide de : a) procéder à la nomination du ou de la fonctionnaire, pour une durée indéterminée ; b) prolonger, pour une durée maximale d'une année, la période probatoire ; c) résilier les rapports de service.

2.2 Aux termes de l’art. 74 du statut, durant la période probatoire, chacune des parties peut librement résilier les rapports de service en respectant un délai de congé d’un mois pour la fin d'un mois (al. 1). En cas de licenciement, le Conseil administratif statue par voie de décision après que l'employé ou l’employée ont été entendus (al. 3). L’audition a en principe lieu par oral et l’employé ou l’employée a le droit de se faire assister par la personne de son choix. Elle peut être remplacée par une détermination écrite pour le cas où l'intéressé ou l’intéressée ne serait pas en mesure d'assister à une audition, notamment en cas d'absence pour cause de maladie ou d’accident (al. 4).

2.3 L’art. 77 al. 1 du statut prévoit qu’après la période probatoire, le Conseil administratif peut, pour des motifs fondés, licencier un ou une fonctionnaire moyennant un délai de congé de trois mois pour la fin d'un mois.

Aux termes de l’art. 103 du statut, si la chambre administrative retient qu'un licenciement est contraire au droit, elle peut proposer au Conseil administratif la réintégration du ou de la membre du personnel au sein de l'administration communale (al. 1). En cas de refus de la part du Conseil administratif de réintégrer le ou la membre du personnel, la chambre administrative fixe une indemnité sur la base du traitement brut de base, à l'exclusion de tout autre élément de rémunération (al. 2).

2.4 Selon l’art. 80 du statut, l’art. 336c de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le code civil suisse (CO, code des obligations - RS 220) relatif au licenciement en temps inopportun est applicable par analogie.

Cette disposition prévoit qu’après le temps d’essai, l’employeur ne peut pas résilier le contrat pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d’une maladie ou d’un accident non imputables à la faute du travailleur, et cela durant 30 jours au cours de la première année de service, durant 90 jours de la deuxième à la cinquième année de service et durant 180 jours à partir de la sixième année de service (art. 336c al. 1 let. b CO).

2.5 Dans le cadre du licenciement d’un employé de la Ville de Genève, l’ancien Tribunal administratif a considéré que le processus de licenciement avait débuté par le préavis négatif du chef de service et donc pendant la période d’essai, et ce, même si la décision de licenciement avait été notifiée après la fin de la période d’essai (ATA/982/2004 du 21 décembre 2004 consid. 6-7). Dans deux autres arrêts, l’ancien Tribunal administratif a également établi que le licenciement d’un employé de l’État de Genève signifié après l’échéance de la période probatoire était considéré comme ayant été donné durant ladite période si la personne intéressée avait été incapable de travailler et bénéficiait ainsi d’une période de protection, rendant la notification de son licenciement impossible pendant la période probatoire (ATA/829/2005 du 6 décembre 2005 consid. 3 ; ATA/252/2000 du 18 avril 2000 consid. 2). Plus récemment, la chambre administrative a repris cette jurisprudence à propos d’un employé de la commune, qui avait eu deux entretiens intermédiaires et auquel un courrier annonçant l’intention de l’employeur de résilier les rapports de service et prévoyant un entretien de service avait été envoyé avant l’échéance de la période probatoire. La résiliation des rapports de service avait été prononcée à l’issue du délai de protection de 90 jours, de sorte qu’elle était réputée être intervenue durant la période probatoire (ATA/1275/2022 du 20 décembre 2022 consid. 5).

2.6 Lorsque le droit applicable ne fait pas dépendre le licenciement de conditions matérielles, l’autorité dispose d’un très large pouvoir d’appréciation. Dans un tel cas, la cour cantonale n’est fondée à intervenir qu’en cas de violation des principes constitutionnels tels que l’égalité de traitement et l’interdiction de l’arbitraire. En particulier, le grief d’arbitraire ne doit être admis que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque les motifs allégués sont manifestement inexistants, lorsque des assurances particulières ont été données à l’employé ou en cas de discrimination. En revanche, l’autorité de recours n’a pas à rechercher si les motifs invoqués sont ou non imputables à une faute de l’employé ; il suffit en effet que la continuation du rapport de service se heurte à des difficultés objectives ou qu’elle n’apparaisse pas souhaitable pour une raison ou une autre (arrêts du Tribunal fédéral 8C_40/2022 du 15 juillet 2022 consid. 4.4 ; 8C_146/2018 du 7 décembre 2018 consid. 4.2 ; 8C_577/2014 du 8 octobre 2015 consid. 2.3).

Le but de la période probatoire est de permettre à l’employeur de jauger, au vu des prestations fournies par l’employé et du comportement adopté pendant celle-ci, les chances de succès de la collaboration future et pouvoir y mettre fin si nécessaire avant la nomination, s’il apparaît que l’engagement à long terme de l’agent public ne répondra pas aux besoins du service (ATA/472/2024 du 16 avril 2024 consid. 5.3).

Durant la période probatoire, même s’il doit exister un motif justifiant de mettre fin aux rapports de service pour ne pas tomber dans l’arbitraire, l’administration dispose d’un très large pouvoir d'appréciation quant à l’opportunité de la poursuite des rapports de service. Ce large pouvoir d'appréciation permet le recrutement d'agents répondant véritablement aux besoins du service. L’administration reste néanmoins tenue au respect des principes et droits constitutionnels, notamment le droit d’être entendu, l’interdiction de l'arbitraire, le respect de l’égalité de traitement et des principes de la proportionnalité et de la bonne foi (ATA/536/2024 du 30 avril 2024 consid. 6.6 ; ATA/1145/2023 du 17 octobre 2023 consid. 7.2).

2.7 En l’espèce, la période probatoire de la recourante, engagée le 1er août 2022, est arrivée à échéance le 1er août 2024. La résiliation de ses rapports de service le 6 septembre 2024 est donc intervenue postérieurement. L’intimée avait cependant fait part de son intention de prendre une telle décision ainsi que des motifs y relatifs le 26 juin 2024, soit antérieurement à la fin de la période probatoire. La recourante se trouvait en outre en incapacité de travail pour cause de maladie depuis le 7 juin précédent. Étant dans sa deuxième année de service, elle bénéficiait d’un délai de protection contre la résiliation des rapports de service de 90 jours, arrivant à échéance le 4 septembre 2024, excluant que la décision querellée puisse être prise avant cette date. Au vu de ces deux éléments, et en application de la jurisprudence susmentionnée, la résiliation des rapports de service est réputée avoir eu lieu durant la période probatoire, de sorte que, contrairement à l’avis de la recourante, les règles y attachées sont applicables.

L’intimée a ainsi à bon droit fondé la décision querellée sur l’art. 74 du statut. Conformément à cette disposition, le congé a été donné dans un délai d’un mois pour la fin d’un mois et l’employée a pu préalablement s’exprimer par écrit, lui étant impossible d’assister à une audition pour cause de maladie.

2.8 Aux termes de son envoi du 26 juin 2024, la commune a relevé chez la recourante, depuis qu’elle avait pris la fonction de comptable analyste au 1er janvier 2024, de l’attentisme dans l’apprentissage et le développement de compétences, un manque d’esprit d’initiative, des difficultés rencontrées même dans l’exécution des tâches réputées les plus simples et des lacunes dans ses connaissances métier, en particulier en comptabilité et dans la maîtrise du logiciel Excel.

Conformément à la position défendue par la recourante, à fin mai 2024, sa formation à l’activité précédemment assumée par D______ était inachevée. Sur les onze tâches figurant sur le plan de formation, seules les connaissances pour trois d’entre elles lui avaient été transmises de manière complète, sa formation était en cours pour quatre autres tâches et n’avait pas débuté pour les quatre restantes. Il ressort du dossier que cette situation était principalement imputable au manque de temps à disposition de D______ au début de l’année 2024 et au fait que, selon le système mis en place, elle attendait le moment où elle-même traitait la tâche concernée pour transmettre à la recourante les connaissances y relatives. L’objectif de la formation complète de la recourante à fin mars 2024 s’avère ainsi a posteriori irréalisable. Des connaissances dans d’autres domaines que ceux précédemment assumés par D______ devaient encore lui être transmises.

L’intimée ne reproche toutefois pas à la recourante de ne pas avoir achevé sa formation dans le délai précité ou à fin mai 2024. Comme confirmé par les témoins, les supérieurs de l’employée n’ont blâmé personne pour le retard pris dans la formation de la recourante et D______ a indiqué que la transmission des connaissances se passait bien.

Il ressort toutefois du témoignage d’C______ que la recourante a rencontré des difficultés dans sa reconversion professionnelle. Tant ses nouvelles tâches que le relèvement de son taux d’activité à 100% avaient été source de stress pour elle. Après environ cinq mois d’activité de la recourante dans sa nouvelle fonction, l’intimée avait constaté que les compétences et les aptitudes de cette dernière n’étaient pas à la hauteur des exigences du poste de comptable analyste. Attentiste, elle manquait d’autonomie et d’initiative, ainsi que de rapidité d’apprentissage et d’exécution des tâches. Il était attendu d’elle qu’en sus des formations qu’elle devait recevoir, elle se forme également elle-même en consultant la documentation à disposition, notamment le manuel MCH2, et en se procurant les informations nécessaires auprès de ses collègues de manière indépendante, ce qu’elle avait insuffisamment fait. D______ a relevé que ses compétences Excel étaient trop faibles et C______ qu’elle attendait de pouvoir suivre une formation dans ce domaine.

La décision de la commune repose ainsi sur des motifs objectifs établis par le dossier, dont il ressort que les reproches qui lui ont été faits, bien que non imputables à une faute de sa part, constituaient un obstacle à la continuation des rapports de service au titre de comptable analyste. La période probatoire dans laquelle se trouvait encore la recourante avait précisément pour vocation de permettre à la commune d’évaluer la capacité de cette dernière à remplir à long terme sa fonction et de suivre ainsi une politique d’engagement conforme aux besoins du service.

Les éléments du dossier tendent certes à démontrer que, conformément aux griefs de la recourante, elle a été informée de manière précise et directe des lacunes qui lui étaient reprochées au plus tôt le 3 juin 2024, voire seulement dans la lettre du 26 juin 2024. Cela n’est toutefois pas un obstacle à la résiliation des rapports de service pour les motifs susmentionnés. L’objectif de la période probatoire est en effet de laisser à l’employeur le temps d’évaluer les compétences de l’employée, et la résiliation des rapports de service durant cette période ne suppose pas une faute de cette dernière, sur laquelle son attention doit être préalablement attirée.

La commune n’avait par ailleurs donné à la recourante aucune assurance quant à la poursuite des rapports de service à la suite de l’abolition de la B______ ni ne l’a discriminée par rapport à un autre employé en décidant de la licencier à la suite de son refus de postuler pour le poste de gestionnaire comptable.

Il ne peut pas non plus être reproché à l’intimée d’avoir pris une décision disproportionnée. Bien qu’elle n’y fût légalement pas tenue, elle a proposé à la recourante un autre poste disponible, relevant malheureusement d’une classe de rémunération sensiblement inférieure. La période probatoire était échue et, au vu des lacunes constatées, concernant tant les compétences métier que les prestations de la recourante, la commune n’a pas abusé de son très large pouvoir d’appréciation en ne prolongeant pas la période probatoire. Ce d’autant plus que, eu égard à la restructuration du service financier, à l’affectation de D______ à de nouvelles tâches et au départ à la retraite de F______, une comptable analyste pleinement opérationnelle à court terme lui était nécessaire.

L’intimée n’a en conclusion pas abusé de son très large pouvoir d’appréciation en décidant de résilier les rapports de service de la recourante au terme de la période probatoire. Il ne sera en conséquence pas entré en matière sur les conclusions de cette dernière visant sa réintégration et subsidiairement une indemnisation.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA), l'intimée étant une commune largement supérieure à dix mille habitants, soit une taille suffisante pour disposer d'un service juridique et par conséquent apte à assurer la défense de ses intérêts sans recourir aux services d'un avocat (ATA/298/2022 du 22 mars 2022 consid. 7 ; ATA/260/2022 du 15 mars 2022 consid. 10).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 octobre 2024 par A_____ contre la décision de la commune de Lancy du 6 septembre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Florian BAIER, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Steve ALDER, avocat de l'intimée.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :