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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4133/2024

ATA/356/2025 du 01.04.2025 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;EMPLOYÉ PUBLIC;RÉSILIATION;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;INCAPACITÉ DE TRAVAIL;POUVOIR D'APPRÉCIATION;PROPORTIONNALITÉ;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;DROIT COMMUNAL
Normes : Cst; Cst; CO.336; RPC*.2; RPC.4; RPC.10.al3.letb; RPC.11.al2.lete; RPC.23.al1; RPC.50
Résumé : confirmation de la réalisation des rapports de service d'un employé communal. Incapacité de travail durable établie (accident puis maladie), celle-ci durant du reste depuis plus d'une année au moment de la réalisation. Examen de la proportionnalité de la mesure. Dans les circonstances du cas d'espèce, l'intérêt du recourant à conserver son travail, bien que très important, ne peut primer celui de la commune à une gestion parcimonieuse des deniers publics. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4133/2024-FPUBL ATA/356/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er avril 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Steve ALDER, avocat

contre

COMMUNE B______ intimée
représentée par Me Romain JORDAN, avocat



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1966, a été engagé à temps plein, pour une durée indéterminée, par la commune B______ (ci-après : la commune) en qualité de collaborateur du service de l'entretien des bâtiments le 1er août 2003. Dès le 1er octobre 2012, il a intégré le service des routes et cimetières en tant que cantonnier.

b. Son bilan en octobre 2020 était qualifié de très bon, la situation étant plus nuancée en septembre 2022.

c. A______ est en incapacité de travail totale depuis le 10 octobre 2023, d'abord pour un problème à l'épaule (lié à un événement du 6 octobre 2023) puis en raison d'un burn‑out.

d. Dès le 10 octobre 2023, il a fourni, tous les mois jusqu'au 4 septembre 2024, des certificats médicaux attestant de son incapacité de travail à 100%.

Les certificats couvrant la période jusqu'au 3 avril 2024 mentionnent l'accident comme motif d'incapacité de travail. Ceux établis entre cette dernière date et allant jusqu'au 14 mai 2024 l'ont été par un médecin psychiatre et ne précisent pas le motif de l'arrêt. Ceux établis après cette date indiquent la maladie comme motif d'incapacité et sont aussi établis par des psychiatres.

e. Depuis son arrêt de travail, A______ perçoit son salaire à 100%, l'assurance perte de gain de la commune lui versant des indemnités à hauteur de 80% du salaire assuré et le reste étant couvert par la commune.

B. a. Le 10 mai 2024, la SUVA a refusé d'allouer à A______ des prestations d'assurance-accidents liées à une prise en charge en tant que lésions corporelles assimilées à un accident, dans la mesure où il ne s'était produit aucun accident en lien avec l'événement du 6 octobre 2023.

b. Les 14 mai et 27 août 2024, la responsable des ressources humaines (ci‑après : RH) de la commune a rempli, pour le compte de l'employé, des formulaires de détection précoce et de réadaptation professionnelle/rente qu'elle a adressés à l'office de l'assurance-invalidité.

c. En juin 2024, le service des RH a mené une étude de reclassement interne, de laquelle il ressort qu'aucun poste n'était disponible dans les différents services et selon laquelle A______ n'avait pas les compétences pour intégrer un autre service.

d. Le 17 juin 2024, la responsable des RH, dans un courriel adressé à C______, employée de D______ (assurance-maladie de la commune), a indiqué qu'après avoir longuement discuté avec A______, son état ne lui permettait pas de reprendre le travail dans les mois à venir.

e. La commune a engagé temporairement un employé à 100% pour pallier son absence.

C. a. Le 3 septembre 2024, la commune a informé A______ de son intention de résilier ses rapports de service.

b. Le même jour, ce dernier a indiqué à la responsable RH ad interim qu'aucune reprise de son travail n'était possible.

c. Dans le délai prolongé par la commune, soit le 15 octobre 2024, l'employé a transmis ses déterminations à son employeur.

Il contestait que son incapacité d'accomplir les tâches pour lesquelles il avait été engagé soit durable et relevait que la commune n'en apportait pas la preuve.

d. Par décision du 7 novembre 2024 déclarée exécutoire nonobstant recours, la commune a résilié les rapports de travail de A______, avec effet au 28 février 2025. Elle l'a immédiatement libéré de son obligation de travailler.

A______ était en incapacité de travail complète depuis le 10 octobre 2023, soit une période d'incapacité de travail de 394 jours. Son incapacité de travail entière et ininterrompue depuis le 10 octobre 2023, sans perspective de reprise, rendait impossible l'accomplissement de sa fonction. La « solvabilité » de la commune ne pouvant être « mise en doute », l'intérêt à l'application immédiate de la décision l'emportait sur tout autre intérêt.

D. a. Par acte remis à la poste le 11 décembre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que la commune soit condamnée à lui verser une indemnité de CHF 46'870.20, avec intérêts à 5% l'an dès le 7 novembre 2024.

Il appartenait à la commune de démontrer le caractère durable de l'incapacité au‑delà du seul écoulement du temps, ce qu'elle aurait pu faire en l'envoyant chez un médecin-conseil. Or, elle n'avait entrepris aucune démarche.

La décision entreprise était disproportionnée. Dans un arrêt de 2020, la chambre administrative avait relevé l'absence de toute démarche d'une commune avant de prononcer la résiliation des rapports de service en raison de l'incapacité durable du membre du personnel à exercer ses fonctions. La chambre administrative avait « censuré » la résiliation des rapports de service au motif que la commune n'avait envisagé aucune solution alternative et n'avait pas repris contact avec le médecin‑conseil après que l'employée communale lui eût remis un certificat médical attestant d'une reprise possible de ses activités.

La commune n'avait envisagé aucune autre solution. Son comportement passif l'avait empêchée de vérifier si d'autres postes pouvaient lui convenir. À cela s'ajoutait qu'il était âgé de 58 ans et proche de la retraite et qu'il servait la commune depuis plus de 20 ans à son entière satisfaction. Enfin, la commune avait résilié ses rapports de service longtemps avant l'échéance du délai de 24 mois pendant lequel il avait droit à son plein traitement. Rien ne le justifiait puisque la commune était au bénéfice d'une assurance collective perte de gain qui prenait à sa charge son salaire pendant son traitement médical.

b. La commune a conclu au rejet du recours ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'assurance perte de gain versait des indemnités à hauteur de 80% du salaire assuré, avec un délai d'attente de 30 jours, alors que le recourant percevait son salaire à 100% depuis son arrêt de travail. Elle-même et l'ensemble des collaborateurs subissaient des augmentations de primes de l'assurance perte de gain à la suite de sinistres, dont une part était prise en charge par l'employeur et l'autre par les employés. Elle avait dû engager temporairement un employé, qu'elle rémunérait à 100%, pour remplacer A______.

c. Dans sa réplique, le recourant a persisté dans son argumentation.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 11 al. 6 du règlement du personnel communal de la Commune B______ du 19 novembre 2020 [ci-après : le règlement] - LC 17 151).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de la commune de mettre fin aux rapports de travail du recourant.

3.             Dans un premier grief, le recourant se plaint de la violation de l'art. 11 al. 2 let. e du règlement et conteste l'existence d'une incapacité de travail durable.

3.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

3.2 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Ce principe n’est toutefois pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; ATA/214/2025 du 4 mars 2025 consid. 5.1 et l'arrêt cité).

3.3 Les communes disposent d'une grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu'elles entretiennent avec leurs agents. Ainsi, l'autorité communale doit bénéficier de la plus grande liberté d'appréciation pour fixer l'organisation de son administration et créer, modifier ou supprimer des relations de service nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci (ATA/960/2024 du 20 août 2024 consid. 4.2). Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation des rapports de service est toutefois assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité (art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst - RS 101), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) et de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst. ; ATA/530/2024 du 30 avril 2024 consid. 5.3 et 5.4 et les arrêts cités). Il en découle que le juge doit contrôler que les dispositions prises se tiennent dans les limites du pouvoir d'appréciation de l'autorité communale et qu'elles apparaissent comme soutenables (ATA/354/2024 du 12 mars 2024 consid. 4.2 ; ATA/983/2018 du 25 septembre 2018 consid. 3d).

3.4 Selon l'art. 2 du règlement, le Conseil administratif engage le personnel communal sur la base d’un contrat de droit public. L’art. 4 du règlement prévoit que les relations de travail entre un membre du personnel communal et la commune sont régies par le contrat individuel de travail (let. a), le cahier des charges (let. b), le règlement (let. c), les directives internes (let. d) et, pour le surplus, par les art. 319 ss de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) applicables à titre de droit public supplétif (let. e).

3.5 Après le temps d’essai, le contrat de travail peut être résilié par l’une ou l’autre des parties pour la fin d’un mois avec trois mois de préavis dès la deuxième année de service (art. 10 al. 3 let. b du règlement).

3.6 Après la période probatoire, la résiliation par la commune doit reposer sur un motif fondé. Par motif fondé, il faut entendre, notamment, l’incapacité durable du collaborateur de remplir sa fonction (art. 11 al. 2 let. e du règlement). Cette disposition reprend en substance le même motif de licenciement que celui prévu à l'art. 22 let. c de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Ainsi, malgré son libellé, l'incapacité durable à remplir la fonction renvoie à la disparition durable d'un motif d'engagement. L'état de santé fait partie des conditions d'engagement (art. 5 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux [RPAC - B 5 05.01]). Si la situation perdure sans qu'un remède y soit apporté ou puisse y être apporté, le motif fondé est acquis (ATA/1043/2024 du 3 septembre 2024 consid. 4.3 ; MGC 2005-2006/XI A - 10437). L'incapacité de travail résultant d'une maladie ou d'un accident est un état généralement durable et évolutif (ATF 133 III 517 consid. 3.3).

Le motif fondé n'implique pas l'obligation pour l'employeur de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration. L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel (ATA/239/2025 du 11 mars 2025 consid. 2.5.1 et les arrêts cités ; MGC 2005-2006/XI A 10420).

3.7 La commune peut adresser à un médecin-conseil de son choix tout collaborateur qui, pour des raisons de santé, ne peut plus exercer pleinement la fonction pour laquelle il a été engagé quelle que soit la cause de cette incapacité et sa durée (art. 23 al. 1 du règlement). L'art. 23 du règlement étant rédigé sous forme potestative, une évaluation de l'état de santé du collaborateur par un médecin‑conseil n'est pas impérative (ATA/1043/2024 précité consid. 4.7.1).

3.8 Selon l’art. 336c CO applicable à titre de droit supplétif (art. 4 let. e du règlement), l’employeur ne peut pas résilier le contrat de travail pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant notamment d’une maladie non imputable à la faute du travailleur, et cela, durant 30 jours au cours de la première année de service, durant 90 jours de la deuxième à la cinquième année de service et durant 180 jours à partir de la sixième année de service (al. 1 let. b). Un congé donné pendant cette période est nul ; si le congé a été donné avant cette période et si le délai de congé n’a pas expiré avant cette période, ce délai est suspendu et ne continue à courir qu’après la fin de la période (al. 2).

3.9 En cas de maladie, la collaboratrice ou le collaborateur continue de toucher son traitement pour une durée maximale de six mois durant le temps d’essai et de 24 mois après le temps d’essai, le tout pendant une période de 730 jours consécutifs (art. 50 du règlement).

3.10 En l'espèce, la commune a résilié les rapports de service du recourant au motif que ce dernier était en incapacité de travail complète depuis le 10 octobre 2023, soit une période d'incapacité de travail de 394 jours. Sans perspective de reprise, cette incapacité rendait, selon elle, impossible l'accomplissement de sa fonction.

Il n'est pas contesté que le recourant s'est trouvé en incapacité de travail continue depuis le 10 octobre 2023. Il a d'ailleurs fourni, tous les mois, des certificats médicaux, lesquels ont d'abord fait état d'un accident comme cause de l'incapacité puis d'une maladie. Le recourant a expliqué être en « burn‑out ».

Les certificats médicaux transmis par le recourant n'indiquent pas qu'une reprise du travail serait envisagée. En outre, il ressort du courriel du 17 juin 2024 adressé par la responsable des RH à une employée de D______ que celle‑là et l'intéressé ont eu une discussion de laquelle il est ressorti que l'état de santé de ce dernier ne lui permettait pas, à ce moment-là, de reprendre le travail dans les mois à venir. Selon les explications de la commune, qui n'ont pas été contestées par le recourant dans sa réplique, ce dernier a confirmé à la responsable RH ad interim, le 3 septembre 2024, qu'aucune reprise de son travail n'était possible. Enfin, et a contrario, le recourant n'a pas indiqué à la commune qu'il était apte à reprendre le travail et ne le prétend toujours pas.

Compte tenu de ces éléments, la commune était fondée à considérer que l’incapacité durable de l'intéressé de remplir sa fonction était établie, sans qu'il soit nécessaire pour elle de demander une évaluation de son état de santé par un médecin‑conseil, une telle évaluation n'étant par ailleurs pas obligatoire pour retenir une incapacité durable de travailler. À cela s'ajoute que l'absence du recourant durait depuis plus d'une année, sans perspective d'amélioration apparente.

Par ailleurs, et contrairement à ce que prétend l'intéressé, la commune ne s'est ainsi pas uniquement fondée sur l'écoulement du temps pour constater son incapacité. On ne saurait non plus retenir qu'elle aurait manqué à son obligation d'établir les faits, ce d'autant moins que le principe de la maxime inquisitoire n'est pas absolu et que l'on pouvait raisonnablement exiger du recourant, au vu des circonstances, qu'il fournisse, le cas échéant, les éventuels éléments permettant d'envisager une reprise de son travail.

Par conséquent, le motif fondé de résiliation des rapports de service du recourant est établi.

Pour le surplus, outre que le délai de congé de trois mois a été respecté, le licenciement est intervenu 218 jours après le début de l'incapacité de travail pour cause de maladie (3 avril 2024), durée qui est supérieure aux 180 jours correspondant à la durée de protection légale (art. 336 al. 1 let. b CO), si bien qu'il ne s'agit pas d'une résiliation en temps inopportun.

Le grief sera donc écarté.

4.             Dans un second grief, le recourant se plaint d'une violation du principe de la proportionnalité et, implicitement, d'une inégalité de traitement.

4.1 Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1).

4.2 Une décision viole le principe d'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_555/2023 du 5 avril 2024 consid. 6.1).

4.3 En l'espèce, la commune a notamment motivé sa décision par le fait que sa « solvabilité » ne pouvait être « mise en doute ». Dans sa réponse, elle a expliqué que son assurance perte de gain versait des indemnités à hauteur de 80% du salaire assuré, avec un délai d'attente de 30 jours, alors que le recourant percevait son salaire à 100% depuis son arrêt de travail. Elle et l'ensemble des collaborateurs subissaient des augmentations de primes de l'assurance perte de gain à la suite de sinistres, dont une part était prise en charge par l'employeur et l'autre par les employés. Enfin, elle avait dû, pour remplacer le recourant, engager temporairement un employé, qu'elle rémunérait à 100%.

Il ressort de ces explications que la décision de la commune repose principalement sur une volonté de faire un usage parcimonieux des deniers publics.

Dès lors, la mesure est apte à atteindre le but visé, puisque la commune ne versera plus au recourant, qui ne fournit plus sa prestation de travail, la partie de son salaire non couverte par les prestations de l'assurance perte de gain.

Il n'existe pas de mesure moins incisive, compte tenu de l'incapacité durable de travailler du recourant, qui ne se limitait pas à son seul poste et qui excluait ainsi toute possibilité de reclassement, étant relevé que la commune avait également la faculté de résilier les rapports de travail quelques semaines plus tôt. Celle-ci a en toute hypothèse procédé, en juin 2024 (soit avant la survenance des indices de l'incapacité durable de travailler), à une tentative de reclassement interne auprès de différents services, attestée par pièce, de laquelle il ressort qu'aucun poste n'était disponible dans lesdits services et selon laquelle le recourant n'avait pas les compétences métier pour rejoindre un autre service. On ne saurait d'ailleurs reprocher à la commune d'être restée inactive, la responsable des RH ayant rempli, pour le compte du recourant, des formulaires de détection précoce et de réadaptation professionnelle/rente qu'elle a adressés à l'office de l'assurance‑invalidité. Enfin, l'intéressé ne peut rien tirer de l'ATA/651/2020 du 7 juillet 2020, sa situation n'étant pas comparable à celle de l'employée communale concernée par cet arrêt. En effet, contrairement au recourant, celle-ci avait fourni, avant son licenciement, des certificats médicaux indiquant qu'une reprise du travail à 80% puis à 100% était envisagée dès la semaine suivante.

Dans la pesée des intérêts, il y a lieu de tenir compte de l'intérêt du recourant à conserver son travail et à continuer d'être rémunéré, qui est très important. À cela s'ajoutent ses bons états de service, la longue durée de ses relations de travail avec la commune et son âge (58 ans), soit un âge proche de la retraite auquel il n'est notoirement pas facile de retrouver un emploi.

L'intérêt de la commune réside dans une utilisation parcimonieuse des deniers publics et dans le fait d'employer du personnel apte au service. En gardant sous contrat des employés durablement incapables d'exécuter leurs tâches, comme le recourant, la commune continue de les rémunérer pour la partie de leur salaire non couverte par l'assurance perte de gain, alors que ceux-ci ne sont plus en mesure de fournir leur prestation de travail. En outre, il ressort des explications de la commune, non contestées par le recourant, que les situations comme la sienne ont pour effet d'augmenter les primes de l'assurance perte de gain de la commune et des employés communaux. Enfin, la commune a dû remplacer le recourant en engageant un nouvel employé, ce qui a impliqué pour elle le versement d'un nouveau salaire en sus de celui qu'elle lui versait déjà pour la partie de la rémunération non couverte par l'assurance perte de gain.

Au vu de ce qui précède, l'intérêt du recourant, même s'il est très important, ne peut primer celui de la commune à une gestion parcimonieuse des deniers publics.

Pour le surplus, le recourant soutient que rien ne justifiait que la commune résilie ses rapports de service « longtemps » avant l'échéance du délai de 24 mois pendant lequel ce dernier avait droit à son plein traitement. Or, il s'agit là d'une question d'opportunité que la chambre de céans n'est pas habilitée à revoir, le droit au traitement en cas d’absence pour cause de maladie, de 24 mois en l'occurrence (art. 50 du règlement), n'excluant pas une résiliation des rapports de service après la période de protection de l'art. 366c al. 1 let. b CO et avant la fin du droit au traitement.

La mesure respecte donc le principe de la proportionnalité.

Au vu de ce qui précède, la commune n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation en prononçant la résiliation des rapports de travail du recourant.

Le recours sera par conséquent rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il sera alloué à la commune, qui y a conclu et compte moins de 10'000 habitants (ATA/1043/2024 du 3 septembre 2024 consid. 5 ; ATA/42/2024 du 16 janvier 2024), une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge du recourant (art. 87 al. 2 LPA).

La valeur litigieuse au sens des art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) est en outre supérieure à CHF 15'000.-.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 décembre 2024 par A______ contre la décision de la commune B______ du 7 novembre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

alloue à la commune B______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal-fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Steve ALDER, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Romain JORDAN, avocat de la commune B______.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :